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Supreme Court of Canada

McLean v. Pettigrew, [1945] S.C.R. 62

Date: 1944-12-20

Negligence—Automobile—Person invited by driver who was also owner—Accident—Injury to passenger—Damages—Invitation made and accepted in Quebec—Accident occurring in Ontario—Negligence of driver proven—Conflict of laws—Whether Quebec or Ontario law applicable—Driver liable, if negligence actionable under Quebec law and punishable under Ontario law—Agreement by benevolent driver to carry passenger as a favour—Not a contract of transport nor a "contrat de bienfaisance"—Arts. 1053 and 1054 C.C.—Criminal Code, s. 285—Highway Traffic Act (Ont.) R.S.O., 1937, c. 288, as amended in 1939 by 3 Geo. VI, c. 20, s. 6.

The respondent, having accepted in Montreal' an invitation from the wife of the appellant to accompany them on a trip to Ottawa, was seriously injured as the result of an accident occurring in Ontario. The automobile was owned and driven by the appellant. The respondent's action for damages was maintained by the trial judge for an amount of $5,536.18, which judgment was affirmed by the appellate court.

Held that the appeal to this Court should be dismissed. Upon the evidence, the negligence of the appellant has been established; and the respondent was entitled to maintain her action, as such negligence, actionable under the law of Quebec, was punishable under the law of Ontario.

Per The Chief Justice and Hudson, Taschereau and Estey JJ.—The respondent has fulfilled the two conditions required in order to establish the liability of the appellant: first, the negligent act of the appellant was a quasi-offence for which the respondent would have recovered damages in Quebec if the act had been committed in that province, and, secondly, the respondent has established that such act was "wrongful" i.e. "non justifiable", and therefore punishable under the law of Ontario, as it has been established that the appellant has driven his car "without due care and attention," in violation of a statuory law of that province (Highway Traffic Act, s. 27).

Per The Chief Justice and Taschereau and Estey JJ.—An agreement between the benevolent driver of an automobile and a passenger whom he has invited to travel with him, as a favour, is neither a contract of transport, which necessarily implies an onerous remuneration, nor a contract of prestation of gratuitous services, generally called "contrat de bienfaisance". Therefore, no "responsabilité

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contractuelle" can be incurred by a benevolent driver; and any claim by an invited guest must derive from an offence or a quasi-offence.

Canadian National Steamships Co. Ltd. v. Watson ([1939] S.C.R. 11) ref.

APPEAL from the judgment of the Court of King's Bench, appeal side, province of Quebec, affirming the judgment of the Superior Court, MacKinnon J. and maintaining the respondent's action.

The respondent was a passenger in an automobile owned and driven by the appellant, having accepted an invitation from the wife of the appellant to accompany them on a trip to Ottawa. About four miles from the town of Rockland, in the province of Ontario, the car suddenly left the road and went into the ditch. As a result of the accident, the respondent was injured, sued the appellant for damages and was awarded by the Superior Court a sum of $5,536.18; and the appellate court affirmed the judgment.

Aimé Geoffrion K.C. and John Bumbray K.C. for the appellant.

James P. Diplock and James E. Mullally for the respondent.

The judgment of The Chief Justice and of Taschereau J. was delivered by

Taschereau J.:—Dans le cours du mois de juillet 1940, l'intimée, alors qu'elle était passagère dans l'automobile du demandeur, fut victime d'un accident pour lequel elle réclame de l'appelant, propriétaire et conducteur bénévole de la voiture, la somme de $9,536.18. Elle avait accepté, à Montréal, l'invitation de se rendre à Ottawa en compagnie de l'appelant et son épouse, et au cours du voyage, sur la route près de Rockland, dans la province d'Ontario, l'automobile dérapa, et l'intimée fut sérieusement blessée.

La Cour Supérieure lui a accordé $5,536.18, et la cour d'appel de la province de Québec a unanimement confirmé ce jugement.

La demanderesse invoque la responsabilité contractuelle de l'appelant, avec qui un contrat de transport gratuit, appelé contrat de bienfaisance, serait intervenu, et qui

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l'obligerait aux "soins d'un bon père de famille". Elle fait également reposer son droit à des dommages sur la responsabilité quasi-délictuelle de l'appelant, qui serait engagée par la faute la plus légère (levissima culpa).

Malgré que les parties soient toutes deux domiciliées dans la province de Québec, et que l'accident se soit produit dans la province d'Ontario, l'intimée invoque la loi de la province de Québec comme étant celle qui doit déterminer ce litige. Elle soumet que, relativement à l'obligation contractuelle, c'est la loi du lieu où le contrat est intervenu qui doit trouver son application; et en ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle, sa prétention est à l'effet que la loi de la province de Québec s'applique, car le quasi-délit reproché à l'appelant donnerait ouverture à une action en dommages dans la province de Québec, s'il était commis dans cette province, et est à la fois "wrongful" ou "non-justifiable" dans la province d'Ontario. Et à l'appui de cette dernière soumision, l'intimée a cité quelques autorités qui la justifieraient et que j'examinerai tout à l'heure.

Voyons en premier lieu s'il y a contrat entre le conducteur bénévole de l'automobile et son passager. Il est certain que l'acte de courtoisie que pose une personne qui en invite une autre à monter dans sa voiture, ne peut être considéré comme un contrat de transport. Ce dernier est en effet essentiellement un contrat à titre onéreux. Les textes sont précis à ce sujet, et les principes généraux du droit doivent nécessairement nous conduire à la même conclusion. Comme le dit Josserand (Recueil Hebdomadaire, Jurisprudence générale, Dalloz 1926, chronique, page 22):—

Le contrat de transport est une des opérations qui donnent naissance, de part et d'autre, au plus grand nombre d'obligations possibles, et dont le plexus obligatoire est le plus riche; cette caractéristique répugne à la notion du titre gratuit qui se retrouve au contraire dans les opérations à contexture simple (donation, dépôt).

La gratuité qui caractérise le transport bénévole est clairement incompatible avec le contrat de transport dont la rémunération est l'un des' éléments essentiels. Et aussi la jurisprudence française est-elle définitivement fixée, et elle a conclu depuis longtemps qu'il n'y a pas de contrat de

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transport entre le conducteur bénévole d'une voiture automobile et son passager qu'il transporte par complaisance. (Toulouse, 22 juin 1914, D.P. 1917, 2. 83; Nimes, 19 mai 1924, Rec. Somm. 1925, 740; Montpellier, 8 octobre 1924, D.P. 1925, 2. 41; Poitiers, 17 février 1925, D.P. 1925, 2. 41; Lyon, 23 mai 1925, Mon. Judic, 28 août; 10 juin 1925, Mon. Judic, 7 août).

Dans la province de Québec, la règle n'est pas différente, et il ne se trouve pas d'arrêt de la Cour Supérieure ou de la cour d'appel, je crois, qui contredise la jurisprudence française. Mais on prétend qu'entre le chauffeur bénévole et celui qu'il transporte, il y a contrat de prestation de services gratuits, qu'on appelle contrat de bienfaisance. Et l'intimée a cité quatre jugements qui justifieraient cette prétention.

Dans Langevin v. Beauchamp,[1] la question ne fut pas résolue, la cour d'appel s'étant contentée de déclarer qu'il y avait responsabilité de la part du conducteur de l'automobile, sans déterminer si cette responsabilité naissait d'une obligation contractuelle ou d'une faute quasi-délictuelle.

Quant à la décision dans la cause de Garfingle v. Eliasoph,[2] elle semble plutôt à l'effet que la responsabilité du conducteur bénévole est purement quasi-délictuelle. Ainsi, M. le juge Létourneau s'exprime ainsi:

Sous les articles 1053 et 1054 de notre Code civil, il ne peut être ainsi distingué entre la faute grossière et la faute légère, si celle-ci tout aussi bien que celle-là a pu donner lieu à un accident; la faute légère sera dans ce cas, tout autant que la faute lourde, génératrice de responsabilité.

Et, pour sa part, M. le juge Bond dit:

In my opinion, the question of responsibility of the appellant must be determined by the provisions of article 1053 C. C. which provides that every person capable of discerning right from wrong is responsible for the damage caused by his fault to another, whether by positive act, imprudence, neglect or want of skill.

Mais la cour d'appel s'est définitivement prononcée en 1932 et a conclu à la double responsabilité, contractuelle et quasi-délictuelle, du conducteur bénévole.

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Parlant au nom d'une cour unanime, dans Parent et British Colonial v. Garneau[3] M. le juge Dorion dit ce qui suit:

Cette responsabilité résulte, ou bien d'un quasi-délit (Art. 1053 C.C.), et alors elle est encourue pour la faute la plus légère (levissima culpa). ou bien d'un contrat, et alors elle n'existe que si le contrevenant n'a pas accompli ses obligations avec les soins d'un bon père de famille (levis culpa) Art. 1064 C.C. Cette question est traitée au long dans l'ouvrage de M. Rutsaert: Le fondement de la responsabilité civile extra-contractuelle, (page 248).

Il me paraît hors de toute qu'il y a contrat entre le chauffeur bénévole et celui qu'il transporte, il y a duorum consensus in idem placitum. Quelle différence y a-t-il entre le contrat de louage de services et le contrat de prestation de services gratuits? La même que celle qui existe entre la vente et la donation. L'un est contrat à titre onéreux et l'autre, un contrat à titre gratuit. Dans les deux cas les obligations du débiteur sont celles d'un bon père de famille et ses responsabilités, celles qui résultent de la faute légère.

En 1941, dans une cause de Assad v. Latendresse,[4], M. le juge E. M. W. McDougall a adopté également la théorie de la faute contractuelle, sans exclure la responsabilité quasi-délictuelle, et dit ce qui suit:

Considering, moreover, that if the case be regarded from the point of view of a breach of the agreement to carry the plaintiff safely, (faute contractuelle), it is a matter of indifference that the accident may have occurred outside the limits of the jurisdiction within which the agreement was entered into (Quebec), and there is nothing in the law which declares such remedy to be repugnant to the remedy in delict.

Dans les causes que je viens de citer, les faits ne se présentaient pas comme se présentent ceux qui font l'objet du présent litige. En effet, l'intérêt qu'il y avait de distinguer entre la responsabilité contractuelle ou quasi-délictuelle ne reposait que sur la question de savoir si le conducteur bénévole était responsable de sa faute lourde, de sa faute légère, ou de sa faute très légère. La jurisprudence a répondu que dans l'un ou l'autre cas, la faute lourde n'était pas nécessaire pour engendrer la responsabilité, et que la preuve d'une faute très légère ou légère était suffisante, pour qu'il y ait responsabilité, quasi-délictuelle dans le premier cas, et contractuelle dans le second. La différence entre les fautes légère et très légère semble bien difficile à établir, et j'avoue qu'il m'est impossible, à moins de rester dans les sphères de la théorie, de tracer une ligne de démarcation facilement applicable aux cas concrets qui se

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présentent tous les jours. Aussi, est-il moins nécessaire de rechercher s'il y a responsabilité quasi-délictuelle ou contractuelle du conducteur bénévole, quand les parties sont domiciliées dans la province de Québec, où l'accident se produit, et où s'instruit le procès. Que la responsabilité soit quasi-délictuelle ou contractuelle, peu importe! Elle est engendrée, dans les deux cas, par des fautes dont la différence de degré est à peine déterminable. Le demandeur n'a qu'à poser le dilemme, et il doit obtenir des dommages.

Mais dans le présent cas, il n'en est pas ainsi, car si la responsabilité est contractuelle, c'est la loi de la province de Québec (lex fori) qui s'applique, et l'intimée doit réussir. Mais si, au contraire, c'est en vertu des principes de la responsabilité quasi-délictuelle que cette cause doit être jugée, alors la situation peut être différente.

En Cour Supérieure, l'honorable juge MacKinnon, se basant sur les précédents cités plus haut, a accepté la théorie de la double responsabilité et a maintenu l'action. En cour d'appel, messieurs les juges Prévost, McDougall et Marchand ont exprimé l'opinion qu'il y avait responsabilité contractuelle et délictuelle, tandis que M. le juge en chef Létourneau refuse de considérer l'aspect contractuel, à cause de la rédaction de la déclaration qui limiterait la demanderesse à un recours quasi-délictuel. Enfin, M. le juge St-Germain conclut que la responsabilité de l'appelant est engagée soit contractuellement, soit par le quasi-délit qu'il a commis.

C'est la première fois que ce tribunal est appelé à résoudre la question de savoir s'il existe des rapports contractuels entre le conducteur bénévole et son invité qui prend place dans sa voiture automobile. Comme nous l'avons vu précédemment, il ne se forme pas entre les deux parties de contrat de transport, car la notion de gratuité répugne à l'existence d'une semblable convention. Y a-t-il cependant un contrat de bienfaisance qui oblige le conducteur complaisant?

Le contrat de bienfaisance n'est pas défini dans notre code. Le code Napoléon le définit ainsi:

Le contrat de bienfaisance est celui dans lequel l'une des parties procure à l'autre un avantage purement gratuit.

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Malgré l'absence de définition, un semblable contrat existe tout de même chez nous, car il y a de nombreux contrats, reconnus dans notre droit comme en France d'ailleurs, où l'un des contractants procure à l'autre un avantage sans aucune contre-partie. Ainsi, la donation est le plus important que l'on puisse classifier dans cette catégorie à laquelle viennent se joindre aussi le dépôt, le mandat, ouïe prêt à usage, dont cependant certains cessent d'être des contrats de bienfaisance quand ils sont salariés.

Mais tous ces contrats dits de bienfaisance, où un avantage purement gratuit est procuré, sont productifs d'obligations. Ainsi, la donation suppose une libéralité de la part du donateur et l'acceptation du donataire. Et lorsque le concours des volontés est intervenu, le contrat est parfait et devient irrévocable, sauf les cas prévus par la loi, ou une condition résolutoire valable (Art. 755 C.C.). Le donateur aura donc l'obligation de délivrer, et cette obligation donne ouverture à une action personnelle contre le donateur en défaut, en faveur du donataire.

Mais y a-t-il de semblables obligations qui naissent du transport bénévole?

Savatier (Traité de la responsabilité civile, tome 1er, 1939, p. 163) répond dans l'affirmative à cette question, et il s'appuie sur quelques arrêts des tribunaux français.

Ainsi, le tribunal civil d'Avignon a décidé en 1924 (Dalloz, Recueil Hebdomadaire, 1924, p. 711) qu'il s'établit un contrat de bienfaisance entre le propriétaire d'une automobile et celui qu'il consent à promener à titre gratuit, et ce principe a été confirmé par le tribunal civil de Nimes (Recueil des Assurances, 1925, p. 443). Ce dernier tribunal cependant a réformé l'arrêt rendu par le tribunal civil d'Avignon, parce que ce dernier en était venu à la conclusion que le propriétaire de la voiture ne devait répondre que de sa faute lourde, et le tribunal de Nimes au contraire a conclu que la faute légère était suffisante pour engager la responsabilité du conducteur bénévole.

La Cour d'Appel de Lyon a jugé dans le même sens (Recueil des Assurances, 1926, p. 54) et trois arrêts de la Cour d'Appel de Dijon (Gazette du Palais, 1928, vol. 2, p. 885; Gazette du Palais, 1929, vol. 2, p. 60; et Gazette du

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Palais, 1929, vol. 2, p. 592) appuient la même thèse et concluent à l'existence d'un contrat purement de bienfaisance productif d'obligations.

Savatier qui, comme nous l'avons vu, partage cette opinion, regrette (cité supra page 164) que, d'une façon générale, la jurisprudence en France n'ait pas accepté sa manière de penser et qu'elle ait refusé de voir un contrat dans le transport gratuit.

En effet, l'étude de la jurisprudence révèle que, si elle a manifesté quelques hésitations, elle est maintenant ralliée au système opposé, et elle a définitivement précisé que le transport bénévole exclut toute idée de contrat de transport ou de bienfaisance. Ce n'est pas sur le terrain contractuel que doit se placer le passager blessé au cours d'un transport gratuit, mais il doit faire reposer son action sur un délit ou un quasi-délit du conducteur bénévole. Ce principe a été reconnu par la plupart des tribunaux en France, et il est admis par la grande majorité des auteurs.

C'est ainsi qu'en 1914, le tribunal de Toulouse (Dalloz, Jurisprudence générale, 1917, Recueil périodique, p. 83) décide qu'aucun contrat de transport ne se forme entre le propriétaire d'une automobile et une personne qu'il transporte gratuitement et par pure complaisance dans sa voiture.

La Cour d'Appel de Grenoble (Gazette du Palais, 1924, vol. 2, p. 189) décide que le transport bénévole d'un tiers par un propriétaire d'automobile exclut l'idée de tout contrat; un tel transport n'engendre à la charge du propriétaire d'autre obligation que celle de répondre du préjudice provenant d'une faute, d'une négligence ou d'une imprudence.

Le Tribunal Civil de la Seine (Recueil des Sommaires, 1925, p. 42, 739) statue que:—

La personne transportée à titre gratuit dans une automobile ne peut, en cas d'accident, invoquer un contrat de transport; elle doit, pour réussir dans sa demande en indemnité, prouver la faute du défendeur.

Et, à la même page du même Recueil se trouve une décision du tribunal de Nimes, 19 mai 1924, où un arrêt semblable a été rendu. (Vide dans le même sens Dalloz, Jurisprudence générale, 1925, Recueil périodique, p. 41 et p. 44; Dalloz, Jurisprudence générale, 1926, Recueil périodique,

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 p. 121, où sont citées des décisions des cours de Grenoble, de Caen, de Paris, de Lyon, de Douai et de Nimes).

En 1927, la Cour d'Appel d'Aix (Dalloz, Jurisprudence générale, 1927, Recueil Hebdomadaire) a jugé également que le propriétaire d'une automobile ne peut être considéré comme lié à celui qu'il transporte bénévolement dans sa voiture par un contrat de transport.

En 1927, la Cour de Cassation, (Chambre des requêtes) (Dalloz, Jurisprudence générale, 1927, Recueil périodique) a formellement décidé que le transporteur bénévole est responsable envers la personne transportée des accidents causés par sa faute, mais que cette responsabilité est délictuelle et non contractuelle. Et la Cour de Cassation, l'année suivante, insiste encore sur la nécessité de la faute délictuelle. En 1928, cette jurisprudence est réaffirmée de nouveau par la Cour de Cassation (Sirey, lois et arrêts, 1928, p. 353); (Gazette du Palais, 1928, vol. 1, p. 616).

Le Juris-Classeur Civil, 2ième appendice, articles 1382-1386, fascicule 9, 1936, paragraphe 559) contient ce qui suit:

Si le transport a lieu à titre purement bénévole et gratuit, par complaisance, comme c'est le cas lorsqu'un automobiliste, invite, par exemple, des amis à faire une promenade, la jurisprudence est bien fixée aujourd'hui en ce sens qu'on ne peut appliquer, en cas d'accident, ni les règles du contrat ni celles de l'article 1384.

La Cour de Cassation, en 1929, a rendu un autre arrêt dans le même sens (Sirey, lois et arrêts, 1929, p. 249) et conclut que la base de la responsabilité dans le cas de passage bénévole se trouve dans les termes de l'article 1382 du code civil.

Le 30 décembre 1931, la Cour de Cassation (Sirey, arrêts, 1932, p. 62) applique encore l'article 1382 du code civil, de même que la Cour d'Appel d'Angers (Gazette du Palais, 1936, vol. 1, p. 323), où toute idée de responsabilité contractuelle est exclue.

Enfin, pour ne citer que ce dernier arrêt, la Cour d'Appel de Bordeaux en 1936 (Recueil Hebdomadaire, Dalloz Jurisprudence générale, 1936) signale de nouveau la nécessité de la faute délictuelle, pour que soit engagée la responsabilité du conducteur bénévole.

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A cette longue série d'arrêts, ajoutons quelques opinions d'auteurs contemporains, et l'on verra que seule la faute quasi-délictuelle est génératrice de la responsabilité du conducteur.

Colin et Capitant (Droit Civil Français, vol. 2, p. 212) s'expriment ainsi:

Lorsque le transport est fait à titre gracieux, la situation est différente car il n'y a pas alors contrat de transport.

Planiol et Ripert (Traité pratique de droit civil français, vol. 6. p. 848):—

La question a été posée à propos des accidents survenus aux personnes transportées en automobile à titre gracieux. Les demandeurs en responsabilité ont d'abord invoqué la responsabilité contractuelle du transporteur; mais les arrêts ayant généralement refusé d'admettre qu'il y ait contrat dans cette hypothèse, ils ont fait appel à l'article 1384.

Esmein: S. 1926, 1, 249, dit ce qui suit:—

Ce n'est pas qu'un service gratuit ne puisse faire l'objet d'un engagement juridique: Le code civil l'admet pour le mandat et le dépôt: et il en peut être ainsi pour l'engagement d'opérer un transport: En parlant d'un prix dans la définition du transport, l'article 1710 a simplement envisagé le cas usuel. Mais le plus souvent celui qui offre un transport gratuit n'a pas l'intention de s'obliger juridiquement et par suite la responsabilité ne peut être rattachée à une obligation contractuelle.

Josserand (Dalloz, Jurisprudence générale, 1926, Recueil Hebdomadaire, Chronique, p. 22);—

On comprend dès lors que nos jurisdictions, faisant table rase de toute conception contractuelle, se refusent, en général, à faire dériver la responsabilité de l'automobiliste envers son obligé, aussi bien d'un contrat innommé, à contenu plus ou moins défini, que d'un contrat de transport.

Il faut donc renoncer, et nos juridictions renoncent pour la plus grande majorité, à construire la responsabilité de l'automobiliste complaisant sur le plan contractuel: C'est dans le domaine extra-contractuel qu'il faut en situer l'origine et en rechercher les éléments.

René Roger (Dalloz, Jurisprudence générale, 1935, Recueil périodique, à la page 39) dit ceci:

Peu importe le qualificatif, car il est certain que l'intention de se lier par contrat n'existe pas: ni le voiturier, ni le voyageur n'ont d'action l'un contre l'autre, le premier pour obliger le voyageur à monter, te second pour forcer le voiturier à le prendre.

Et enfin, Mazeaud, (Traité de la responsabilité civile, délictuelle et contractuelle, 3ième éd. p. 142, 113) dit ce qui suit:

Voici maintenant une personne qui demande à l'un de ses amis de l'amener dans sa voiture automobile ou qui accepte la place qui lui est offerte. Un accident se produit. Y a-t-il responsabilité contractuelle du

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transporteur? La question se pose journellement devant les tribunaux. La jurisprudence, d'abord divisée, est aujourd'hui fixée: elle affirme qu'on ne peut pas admettre ici une responsabilité contractuelle, car il n'y a pas de contrat, même innommé. En principe, il faut approuver cette solution. Il est certain que dans cette hypothèse, le transporteur qui rend un service d'amitié ou de complaisance n'entend assumer aucune obligation, pas plus que le transporté songe à lui demander un engagement quelconque.

Cette théorie acceptée par la jurisprudence et les auteurs se justifie parfaitement. Pour que le transport gratuit fût un contrat de bienfaisance, il faudrait de toute nécessité, non pas seulement que le transporteur avantageât gratuitement la personne transportée, mais il faudrait également qu'une fois le contrat conclu, il liât les parties, et fût productif d'obligations. Il est clair que ni le transporteur ni le transporté n'ont d'action pour faire exécuter l'engagement auquel ils ont consenti. Car cet engagement est révocable à volonté, contrairement au contrat de complaisance où la révocation, sauf par exception, donnerait ouverture à une action en dommages. On a peine à concevoir la position d'un demandeur réclamant des dommages parce qu'un ami complaisant, qui l'avait prié de se promener dans sa voiture, a décidé subitement de canceller son invitation. La frivolité d'une semblable réclamation dispense de songer à sa possibilité, et d'en discuter la valeur.

Si donc, il n'existe pas d'action pour sanctionner la révocation d'une invitation de cette nature, c'est qu'il n'y a pas de contrat intervenu, et que toute réclamation de l'invité doit procéder d'un quasi-délit.

Certains auteurs ont prétendu découvrir une obligation à la charge du transporteur en disant que celui-ci ne saurait déposer son ami en cours de route, loin du point de départ et du lieu de destination, sans engager sa responsabilité. Il est clair qu'il n'engagerait pas sa responsabilité plus que l'ami complaisant qui inviterait une autre personne à loger chez-lui, et qui le mettrait à la porte avant l'expiration du temps fixé pour son départ.

Mazeaud (tome 1er, 3ième éd., p. 144) répond ainsi à cette objection:

Certes dans le cas envisagé, la responsabilité du conducteur serait engagée; mais ce ne serait nullement comme on le présuppose sa responsabilité contractuelle: l'ami abandonné sur la route baserait sa demande sur la faute délictuelle du transporteur. La preuve en est que

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si, au cours du transport, la voiture ne peut poursuivre sa route à la suite d'une avarie, quand même cette avarie serait due à un mauvais entretien de la machine, on sent bien que le conducteur n'engagera aucune responsabilité: parce qu'il n'a pas assumé l'obligation d'effectuer le transport.

Ni le conducteur ni le passager n'entendent se lier contractuellement. Aucun des deux ne songe à acquérir des droits ou à assumer des obligations. Le transport purement bénévole est donc un simple acte de courtoisie, où n'entrent pas les éléments du contrat avec les droits et obligations qui y correspondent. Il y a bien, comme dit Josserand, de l'obligeance, mais il n'y a pas d'obligations.

Ce que je viens de dire couvre le cas où un transporteur n'a aucun intérêt au transport qu'il consent à faire, c'est-à-dire le cas où il agit à titre purement bénévole. Mais évidemment, la situation pourrait être différente dans le cas où le transport n'est que l'accessoire d'une autre opération. Il se peut, en effet, que le transport soit lié à une convention ou à des rapports extra-contractuels plus généraux, et alors dans ce cas, pour voir s'il y a eu contrat, il faudra, comme le dit Mazeaud (vol. 1, p. 140):—

analyser l'opération d'ensemble envisagée, et voir si cette opération est ou non une convention… sans poser de règle absolue, tout dépendant des circonstances de fait; il semble que le plus souvent dans de pareilles situations, celui qui rend service entend ne s'obliger à rien, et la preuve c'est qu'on ne retiendrait pas sa responsabilité contractuelle s'il refusait d'accomplir sa promesse; la responsabilité résultant d'un accident au cours du transport sera donc généralement délictuelle.

Mais dans le cas qui nous occupe, rien de tel ne se présente, car le transporteur n'avait aucun intérêt au transport qu'il a consenti à effectuer, et ce même transport a été dégagé de toute autre opération. Il ne s'agit pas d'un accessoire, mais du but même qu'on s'est proposé.

Il semble donc que la théorie en France doive s'appliquer ici car le contrat de bienfaisance en France est exactement ce qu'il est chez nous. Cependant, si sous les deux droits il n'y a pas de responsabilité contractuelle, il y a tout de même une responsabilité qui s'attache au conducteur de l'automobile.

En France, on s'est demandé si cette responsabilité découle de l'article 1382 du Code Napoléon, à savoir, s'il faut qu'il y ait preuve de faute, ou si la responsabilité provient de l'article 1384 C.N., (notre article 1054 C.C.) qui rendrait le propriétaire de l'automobile responsable par le fait même

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de la chose. Des opinions différentes ont été émises à ce sujet, et M. Josserand (Dalloz, Répertoire général, 1926, Recueil Hebdomadaire, (Chronique) p. 24) dit ceci:

La vérité est que la responsabilité du fait des choses inanimées, telle qu'elle est inscrite dans le premier alinéa de l'article 1384, se déduit, comme d'ailleurs toutes les responsabilités du même ordre, qu'elles dérivent du fait des personnes ou de celui des animaux ou encore de celui des bâtiments, de l'idée de pouvoir et de maîtrise: la où est le pouvoir, là où se trouve la direction, là doit également résider la responsabilité.

D'autres auteurs ne partagent pas cette idée, et les tribunaux en France se sont divisés sur cette question. Mais, chez nous, dans un cas comme celui qui nous occupe, l'article 1054 C.C. ne trouve pas son application. Lorsqu'un conducteur bénévole d'une voiture automobile conduit un passager qui est blessé, ce n'est pas la chose elle-même qui cause le dommage, mais c'est la personne conduisant la voiture qui est l'auteur du dommage, et il s'ensuit qu'à cause de cette "intervention humaine", il faut prouver faute en vertu de l'article 1053 C.C.

Ce principe a été affirmé par cette Cour dans la cause de Lacombe v. Power,[5], et M. le juge en chef Anglin s'exprime ainsi à la page 411:—

Before the plaintiff can invoke a presumption of fault against the defendants under article 1054 C.C., she is obliged to establish (a) thai the damage was in fact caused by the thing in question within the meaning of that article, and (b) that that thing was at the time under the care of the defendant. The automobile on which the deceased was working was safe and harmless while in the position in which he had placed it on the third floor of the defendant's garage. It became dangerous only because it either started of itself or was put in motion. If the proper inference from the evidence was that the automobile started of itself, without the intervention of human agency, and owing to something inherent in the machine, the ensuing damage might be ascribable to it as a "thing" and be within the purview of article 1054 C.C. But if its movement was due to an act of the deceased, conscious or unconscious, the damage was caused, not by the thing itself, but by that act, whether it should be regarded as purely un voluntary and accidental or as amounting to negligence or fault. On the latter hypotheses, the provision of article 1054 C.C. invoked by the appellant, does not apply.

Le même principe a été ré-affirmé la même année dans Pérusse v. Stafford[6]:—

In the second place, it is contended that fault is presumed against the defendant under article 1054 of the Civil Code, because the injury was caused by a thing under her care. Our view is that that provision has no application to a case where, as here, the real cause of the

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accident is the intervention of some human agency—the question whether such human agency—that of the driver in this case, is at fault being a question of fact. Damage is not caused by a thing which is in the control of the defendant within the meaning of article 1054 C.C., where it is really due to some fault in the operation or handling of the thing by the person in control of it.

Quel que soit le principe appliqué en France, il est certain qu'ici la responsabilité de l'automobiliste bénévole n'existe que si le passager peut prouver une faute, imputable au conducteur, et pour laquelle ce dernier peut être recherché dans la province de Québec, où l'action est instituée.

Je suis donc d'opinion que cette faute doit être délictuelle ou quasi-délictuelle, et que la plus légère entraîne la responsabilité du conducteur, tout en faisant cependant les réserves nécessaires, concernant certains risques qui peuvent être normalement envisagés par le passager, et dont parle M. le juge Rivard dans la cause de Langevin v. Beauchamp[7]. Mais ici cette question ne se présente pas.

Je n'ai pas de doute que, si l'accident pour lequel des dommages sont réclamés dans la présente cause s'était produit dans la province de Québec, l'appelant serait quasi-délictuellement responsable. On peut en effet lui reprocher de s'être engagé par un temps pluvieux dans une côte à une vitesse trop grande, eu égard à la condition dangereuse de la route, condition qui était indiquée sur un panneau visible de tous, et d'avoir continué sa route à trente milles à l'heure dans une courbe en appliquant maladroitement ses freins. Il a certainement commis une faute, et une plus grande prudence eut sans doute prévenu ce malheureux accident.

Mais les parties sont domiciliées à Montréal, où l'action a été instituée, et c'est dans la province d'Ontario que l'accident est arrivé. Dans ces conditions, la responsabilité contractuelle étant éliminée, pour réussir, la demanderesse doit établir en premier lieu, que le quasi-délit commis en Ontario aurait donné ouverture à une action en dommages dans Québec, s'il eût été commis dans cette dernière province. En second lieu, il lui faut aussi démontrer que

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l'acte reproché au conducteur, pour employer l'expression des auteurs, est "wrongful, i. e. non-justifiable" selon la loi du lieu où a été commis le quasi-délit.

C'est la règle posée par Dicey (Conflict of Laws, 5th Ed. p. 770) et adoptée par les tribunaux. Dicey dit:

An act done in a foreign country is a tort, and actionable as such in England, if it is both

(1) wrongful i.e. non-justifiable, according to the law of the foreign country where it was done; and

(2) wrongful i.e. actionable as a tort, according to English law, or, in other words, is an act which, if done in England, would be a tort.

L'auteur ajoute que le mot "wrongful" a un sens différent dans les deux clauses ci-dessus. Dans la première, il signifie un acte qui n'est pas innocent ou excusable, ou en d'autres mots,—

which is either actionable or punishable according to the law of the country where it was done.

Dans l'autre clause, il signifie un acte qui, s'il était fait en Angleterre, donnerait ouverture à une action suivant la loi anglaise. (Vide Machado v. Fontes[8]: Canadian Pacific Railway Co. v. Parent[9]; Walpole v. Canadian Northern Railway Co.[10]; O'Connor v. Wray[11]; Canadian National Steamships Co. v. Watson[12]; Lieff v. Palmer[13]; Howells v. Wilson[14]. Comme on peut le voir, le droit de la demanderesse à des dommages dépend de l'effet combiné du lex loci delicti commissi et du lex fori.

De ces causes, celle qu'il importe surtout de retenir, est la cause de Canadian National Steamships v. Watson12, Sir Lyman Duff, alors juge en chef du Canada, a défini la véritable signification du mot "wrongful". Il dit ce qui suit:

It is now settled that, in an action brought in the province of Quebec for damages in respect of personal injuries due to a tortious act committed outside that province, the plaintiff's right to recover rests upon the

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fulfilment of two conditions. These conditions are stated in the following passage in the judgment of Lord MacNaughton in Carr v. Francis Times & Co.[15]:—

"In the first place, the wrong must foe of such a character that it would have been actionable if committed in England; and secondly, the act must not have been justifiable by the law of the place where it was committed."

"Justifiable" here refers to legal justification; and an act or neglect which is neither actionable nor punishable cannot be said to be otherwise than "justifiable" within the meaning of the rule (Walpole v. Canadian Northern Railway Co.[16].

That this rule prevails in Quebec results from O'Connor v. Wray[17].

Si l'acte que l'on reproche à McLean ne donne pas ouverture à une action civile en Ontario, et s'il n'est pas "punishable" dans cette province, même s'il est "wrongful" dans Québec, alors l'intimée ne peut pas réussir.

J'ai dit déjà que si le quasi-délit avait été commis dans la province de Québec, l'intimée aurait pu réclamer en vertu de l'article 1053 C.C. Mais il est certain qu'il n'a pas été démontré qu'il existe un recours civil dans Ontario contre le conducteur bénévole, au profit du passager qui subit des lésions corporelles comme résultat d'un accident. Au contraire, la loi ontarienne dénie semblable action, et la précision du texte ne prête à aucune ambiguité.

La section 47 du Highway Traffic Act se lit ainsi:

The owner or driver of a motor vehicle, other than a vehicle operated in the business of carrying passengers for compensation, shall not be liable for any loss or damage resulting from bodily injury to, or the death of any person being carried in, or upon, or entering, or getting on to, or alighting from such motor vehicle.

Il n'existe donc pas de recours civil dans Ontario, mais l'acte est-il "punishable", et peut-on dire que l'appelant a violé quelque disposition du Code Criminel ou de l'Ontario Highway Traffic Act?

La conduite de l'appelant ne présente certainement pas les caractéristiques d'une offense criminelle, et je ne puis me convaincre que sa maladresse ou son inhabilité révèlent les éléments nécessaires qui me permettent de qualifier de crime l'acte qu'il a posé. American Automobile Insurance

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Co. v. Dickson[18]. Mais, il en est autrement je crois du reproche qu'on lui fait qu'il a violé un statut provincial, ce qui fait que son acte était punissable dans l'Ontario, et par conséquent non justifiable. L'article 27 du Highway Traffic Act se lit ainsi:

Every person who drives a motor vehicle on a highway without due care and attention or without reasonable consideration for other persons using the highway shall be guilty of an offence and shall be liable in the case of the first offence to a penalty of not less than $5 and not exceeding $50, and in the case of a second or subsequent offence, within one year of the commission of the first offence, to a penalty of not less than $10 and not exceeding $100, or to imprisonment for a term not exceeding one month.

Il est vrai que le magistrat de Rockland a acquitté l'appelant d'une accusation portée en vertu de cet article, mais cette décision n'a évidemment pas l'autorité de la "chose jugée" et ne peut lier les tribunaux civils. (La Foncière Compagnie d'Assurance de France v. Ferras[19].) Pour ma part, je suis d'opinion, comme le juge au procès et la cour d'appel, que l'appelant n'a pas conduit sa voiture avec le "due care and attention" que requiert la section 27. Car, il me semble certain que s'il avait fait preuve du soin voulu et de l'attention nécessaire, cet accident aurait été évité.

C'est évidemment un manque de soin et d'attention que de conduire comme l'a fait l'appelant dans les conditions que j'ai mentionnées précédemment, et je ne vois pas comment je pourrais sur ce point différer d'opinion avec le juge de première instance et la cour d'appel, dont les jugements me paraissent bien fondés.

Il ne faudrait pas confondre l'article 27 du Highway Traffic Act avec les dispositions du paragraphe 6 de l'article 285 du Code Criminel. Jusqu'en 1939, le Highway Traffic Act contenait un article rédigé à peu près dans les termes que l'on trouve maintenant au paragraphe 6 de l'article 285 du Code Criminel, et par conséquent, ce que l'on est convenu d'appeler le "reckless driving" n'était pas une offense créée par l'autorité fédérale, mais bien par l'autorité provinciale.

En 1938, cependant, le Code Criminel a incorporé dans l'article 285 des dispositions relatives au "reckless driving" de sorte que cette offense est devenue une offense criminelle. Elle consiste, comme on le sait, à conduire sur une

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route publique un véhicule à moteur d'une "façon insensée ou d'une manière dangereuse pour le public", eu égard à toutes les circonstances, y compris la nature, l'état et l'utilisation du chemin.

En 1939, la législature d'Ontario a en conséquence rappelé sa propre loi, devenue inopérante par suite de la législation fédérale, et lui a substitué l'offense prévue à l'article 27 du Highway Traffic Act, que l'on appelle communément le "careless driving".

Il ne fait pas de doute que le degré de négligence dont il faut faire preuve pour se rendre coupable en vertu des dispositions du Code Criminel, 285, paragraphe 6, est de beaucoup supérieur au degré de négligence qu'il est nécessaire de prouver, pour que l'acte soit punissable sous la loi provinciale où seul, le manque de soin voulu et d'attention constitue l'offense. Une disposition semblable à celle que l'on trouve dans la loi d'Ontario existe en Angleterre (section 12, Road Traffic Act, 1930) et a fait l'objet de commentaires de la part de Lord Atkin, dans la cause de Andrews v. Director of Public Prosecutions[20]. Il dit ce qui suit:

Section 12 of the Road Traffic Act 1930, imposes a penalty for driving without due care and attention. This would apparently cover all degrees of negligence.

Je suis d'opinion, qu'il a été démontré que le demandeur n'a pas fait preuve de ce soin et de cette attention que requiert l'article 27 du Highway Traffic Act, et qu'en conséquence l'acte qu'il a posé et qui a eu pour résultat de causer à l'intimée des lésions corporelles graves, est punissable en vertu de la loi d'Ontario, l'endroit où le quasi-délit est arrivé. Au sens des autorités citées plus haut, il est "wrongful" i. e. "non-justifiable".

Il s'ensuit que l'intimée a établi deux des conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l'appelant. L'acte qu'elle lui reproche est un quasi-délit pour lequel elle obtiendrait des dommages dans la province de Québec, s'il était commis dans cette province. Elle a aussi démontré qu'il est "wrongful" dans Ontario, parce qu'il constitue une violation d'un statut provincial. L'appelant ne peut pas être exonoré, et l'appel doit être rejeté avec dépens.

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Hudson J.—I have had an opportunity of reading the judgment prepared by my brother Taschereau and agree with him that this appeal should be dismissed with costs for the reasons stated by him, but express no opinion as to the possibility of a contractual liability of the defendant.

Kellock J.—In my opinion, on the basis of the law as stated by the then Chief Justice of Canada in Canadian National Steamships Limited v. Watson[21], the respondent was entitled to maintain her action. The negligence of which she complains is actionable under the law of Quebec and I think that it was also punishable under the law of Ontario.

Respondent alleged that her damages were caused, among other things, by the negligence of the defendant in

conducting his automobile in a manner contrary to the provisions of the laws governing the operation of motor vehicles and the dictates of careful and prudent driving.

The respondent was a gratuitous passenger in the appellant's automobile on a trip from Montreal to Ottawa in the month of July, 1940 and was injured when the appellant's automobile left the road in the province of Ontario near Rockland. The accident occurred as the automobile proceeded down a hill and around a curve. It was raining at the time. The road was smooth asphalt, and was not very well banked. As the appellant approached the hill, there was a large sign confronting him containing the warning "Drive slowly on wet pavement". A member of the Ontario provincial police who attended at the scene of the accident testified that the appellant told him that he had not seen this sign. Some distance closer to the brow of the hill, there was another sign indicating the existence of the sharp curve. The finding of negligence in the judgment of the Superior Court is in the following terms:

The Court considers that when defendant started down a 'hill at 40 miles per hour on a slippery, greasy road with a sharp turn at the foot of the hill which required the application of the brakes to slacken its speed, that he was inviting trouble and that he was driving his automobile without due care and attention.

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It was held in the Superior Court and by the Court of King's Bench on appeal that the appellant had brought himself within the provisions of section 27 of the Highway Traffic Act, R.S.O. 1937, chapter 288 as amended in 1939 by 3 Geo. VI, chapter 20, section 6. This enactment is taken from section 12, subsection (1) of the Imperial Road Traffic Act 1930, chapter 43 which created a new and less serious offence than the offence described in section 11 of the Act, corresponding to subsection (6) of section 285 of the Criminal Code. In referring to the offence created by section 11, Lord Atkin in Andrews v. Director of Public Prosecutions[22], said:

Section 12 of the Road Traffic Act, 1930, imposes a penalty for driving without due care and attention. This would apparently cover all degrees of negligence. Section 11 imposes a penalty for driving recklessly or at a speed or in a manner which is dangerous to the public. There can be no doubt that this section covers driving with such a high degree of negligence as that, if death were caused, the offender would have committed manslaughter.

In McCrone v. Riding[23] Lord Hewart L.C.J. in dealing with the offence created by section 12 said:

I think that it is not without significance that the statute uses both the word "care" and the word "attention". In other words, the driver, whoever he may be, experienced or inexperienced, must see what he is about. He must pay attention to the thing he is doing and perceiving that which he is doing or entering upon, he must do his best and he must show proper care in the doing of that thing upon which he is intent.

I see no reason to differ from the courts below in their view that section 27 of the Act applied.

Evidence was given on behalf of the appellant at the trial that he had been acquitted on a charge of careless driving under the section, tried in Rockland 2nd of August, 1940. This acquittal, however, does not stand in the way of a finding in this action that the appellant had committed an offence under the section: La Foncière Compagnie D'Assurance de France v. Perras[24].

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It is therefore not necessary for me to consider the other ground upon which the respondent seeks to support the judgment.

I would dismiss the appeal with costs.

Estey J.—I am of opinion, for the reasons given by Mr. Justice Taschereau, that this appeal should be dismissed with costs.

Appeal dismissed with costs.

Solicitors for the appelant: Bumbray & Carroll.

Solicitors for the respondent: Diplock & Mullally.



[1] [1928] Q.R. 44 K.B. 569

[2] [1931] Q.R. 51 K.B. 34

[3] [1932] Q.R. 54 K.B. 335, at 341

[4] [1941] Q.R. 79 S.C. 286, at 287

[5] [1928] S.C.R. 409

[6] [1928] S.C.R. 416, at 418

[7] [1928] Q.R. 44 K.B. 569

[8] L.R. [1897] 2 Q.B. 231

[9] [1917] A.C. 195, at 205

[10] [1923] A.C. 113, at 119

[11] [1930] S.C.R. 231

[12] [1939] S.C.R. 11, at 13

[13] [1937] Q.R. 63 K.B. 278

[14] [1936] Q.R. 69 K.B. 32

12 [1939] S.C.R. 11, at 13

[15] [1902] A.C. 176, at 182.

[16] [1923] A.C. 113.

[17] [1930] S.C.R. 231.

[18] [1943] S.C.R. 143, at 150

[19] [1943] S.C.R. 165

[20] [1937] A.C. 576, at 584

[21] [1939] S.C.R. 11, at 13.

[22] [1937] A.C. 576, at 584.

[23] [1938] 1 All. E.R. 157, at 158.

[24] [1943] S.C.R. 165.

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