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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board), 2014 CSC 25, [2014] 1 R.C.S. 546

Date : 20140328

Dossier : 35052

 

Entre :

Douglas Martin

Appelant

et

Workers’ Compensation Board of Alberta, Appeals Commission for Alberta

Workers’ Compensation et procureur général du Canada

Intimés

- et -

Workers’ Compensation Board of British Columbia, Commission de la santé et

de la sécurité du travail et Workers’ Compensation Board of Nova Scotia

Intervenants

 

Traduction française officielle

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Karakatsanis et Wagner

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 63)

La juge Karakatsanis (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell et Wagner)

 

Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board), 2014 CSC 25, [2014] 1 R.C.S. 546

Douglas Martin                                                                                                Appelant

c.

Workers’ Compensation Board of Alberta,

Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation

et procureur général du Canada                                                                       Intimés

et

Workers’ Compensation Board of British Columbia,

Commission de la santé et de la sécurité du travail et

Workers’ Compensation Board of Nova Scotia                                      Intervenants

Répertorié : Martin c. Alberta (Workers’ Compensation Board)

2014 CSC 25

No du greffe : 35052.

2013 : 10 décembre; 2014 : 28 mars.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Abella, Rothstein, Cromwell, Karakatsanis et Wagner.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

                    Accidents du travail — Droit à une indemnité — Demande d’indemnisation pour stress chronique présentée par un travailleur — Critères d’admissibilité à l’indemnité en cas de stress chronique imposés par la politique provinciale — La politique provinciale s’applique-t-elle à la détermination de l’admissibilité à l’indemnité prévue à la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État ? — Y a-t-il un conflit entre la politique provinciale et la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État ? — Le rejet de la demande était-il raisonnable? — Loi sur l’indemnisation des agents de l’État, L.R.C. 1985, ch.  G‑5 , art. 2 , 4  — Workers’ Compensation Act, R.S.A. 2000, ch. W‑15, art. 1 — Workers’ Compensation Board of Directors’ Policy 03‑01, Part II, Application 6.

                    M, un employé de Parcs Canada, a été informé que des mesures disciplinaires seraient prises s’il ne répondait pas de manière satisfaisante à une demande présentée en vertu de la législation sur l’accès à l’information.  M a prétendu que la lettre avait provoqué chez lui des troubles psychologiques, après les années de stress causé par un autre problème en milieu de travail.  Il a présenté une demande d’indemnisation pour stress chronique.

                    Aux termes de l’art. 4  de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État , L.R.C. 1985, ch. G‑5  (LIAÉ ), les travailleurs fédéraux blessés au travail ont droit à une indemnité aux taux et conditions fixés par la législation de la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions, et l’indemnité est déterminée par l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière conformément à la législation provinciale. Dans la LIAÉ et dans la Workers’ Compensation Act, R.S.A. 2000, ch. W‑15 (WCA), le terme « accident » est défini et s’entend notamment d’un acte délibéré accompli par une autre personne que le demandeur et d’un événement fortuit ayant une cause physique ou naturelle.  La politique 03‑01, partie II, Application 6 de l’Alberta Workers’ Compensation Board of Directors (Politique), prise en vertu de la WCA, énumère quatre critères auxquels il doit être satisfait pour que le droit à l’indemnité soit reconnu dans le cas d’une demande pour stress chronique.  Aux termes des troisième et quatrième critères, les événements liés au travail doivent être excessifs ou inusités par rapport aux pressions et tensions normales auxquelles le travailleur moyen occupant un emploi semblable est assujetti et les événements doivent être confirmés de manière objective.

                    La demande de M a été rejetée par l’Alberta Workers’ Compensation Board, le Dispute Resolution and Decision Review Body et l’Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation (Commission) au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux troisième et quatrième critères énumérés à la Politique.  À l’issue d’un contrôle judiciaire, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta était d’avis que le par. 4(1)  de la LIAÉ  constitue un code complet régissant l’admissibilité des travailleurs fédéraux à l’indemnité et a conclu à l’inapplicabilité de la Politique provinciale.  Elle a renvoyé l’affaire à la Commission pour décision en application de la LIAÉ  seulement.  La Cour d’appel de l’Alberta, concluant que la Politique provinciale s’appliquait, a rétabli la décision de la Commission.

                    Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

                    En adoptant la LIAÉ , le législateur entendait que les autorités provinciales compétentes statuent sur les demandes d’indemnisation des agents de l’État fédéral — y compris le droit à l’indemnité et les taux d’indemnisation — selon la législation provinciale, sauf lorsque la LIAÉ  entre clairement en conflit avec la législation provinciale.  Dans les cas où le législateur entendait prévoir des conditions différentes, il l’a fait expressément.  Lorsqu’une disposition ou une politique provinciale entre directement en conflit avec la LIAÉ , cette dernière prime et rend inapplicable la disposition ou la politique provinciale aux travailleurs fédéraux.  Une telle interprétation repose sur le texte de l’art. 4, l’économie et l’historique législatif de la LIAÉ et les déclarations d’intention du législateur.

                    En l’espèce, l’interprétation de ce qui constitue un « accident » pour le traitement d’une demande d’indemnisation pour stress psychologique énoncée à la Politique albertaine n’entre pas en conflit avec la LIAÉ .  La définition ouverte et souple du terme « accident » qui figure à la LIAÉ  témoigne de l’intention du législateur de déléguer aux autorités provinciales l’administration du régime d’indemnisation et permet aux différentes provinces de prévoir des règles d’admissibilité différentes.  Pour déterminer si le stress chronique dont souffre un travailleur résultait d’un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail, il n’est pas incompatible avec la LIAÉ  ni déraisonnable de la part de l’Alberta d’exiger que les événements liés au travail soient excessifs ou inusités par rapport aux pressions et tensions normales auxquelles le travailleur moyen occupant un emploi semblable est assujetti et que les événements aient été confirmés de manière objective.  Ces exigences témoignent simplement de l’interprétation qu’a donnée l’Alberta du terme « accident » dans le contexte des demandes fondées sur le stress psychologique.

                    La décision de la Commission, qui a refusé d’accorder l’indemnité en l’espèce, était raisonnable.  Il lui était loisible de conclure que la cause prédominante de l’atteinte psychologique de M était sa réaction à la lettre de son employeur lui intimant de donner suite à une demande d’accès à l’information.  Cet ordre n’était pas excessif ni inusité par rapport aux pressions et tensions normales s’exerçant dans un emploi semblable.

Jurisprudence

                    Arrêts mentionnés : Rees c. Royal Canadian Mounted Police, 2005 NLCA 15, 246 Nfld. & P.E.I.R. 79, autorisation d’appel rejetée, [2005] 2 R.C.S. x; Stewart c. Commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail, 2008 NBCA 45, 331 R.N.-B. (2e) 278; Canada Post Corp. c. Smith (1998), 40 O.R. (3d) 97, autorisation de pourvoi refusée, [1998] 3 R.C.S. v; Thomson c. Workers’ Compensation Appeals Tribunal, 2003 NSCA 14, 212 N.S.R. (2d) 81; Canadian Broadcasting Corp. c. Luo, 2009 BCCA 318, 273 B.C.A.C. 203; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654; Cape Breton Development Corp. c. Morrison Estate, 2003 NSCA 103, 218 N.S.R. (2d) 53, autorisation d’appel refusée, [2004] 1 R.C.S. vii; McLellan c. Workers’ Compensation Appeals Tribunal, 2003 NSCA 106, 218 N.S.R. (2d) 176; Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, [2013] 3 R.C.S. 53; Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers’ Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190.

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés .

Loi ayant pour objet d’accorder une indemnité lorsque des employés de Sa Majesté sont tués ou blessés dans l’exécution de leurs devoirs, S.C. 1918, ch. 15, art. 1(1).

Loi d’interprétation , L.R.C. 1985, ch. I‑21, art. 14 .

Loi de 1947 sur l’indemnisation des employés de l’État, S.C. 1947, ch. 18, art. 2(1) « accident », 3(1).

Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, L.O. 1997, ch. 16, ann. A, art. 126, 161.

Loi modifiant la Loi d’indemnisation des employés de l’État, S.C. 1931, ch. 9, art. 2.

Loi modifiant la Loi sur l’indemnisation des employés de l’État, S.C. 1955, ch. 33, art. 2.

Loi sur l’indemnisation des agents de l’État , L.R.C. 1985, ch. G  5, art. 2  « accident », 4(1), (2), (3).

Loi sur l’indemnisation des travailleurs, L.Nu. 2007, ch. 15, art. 31(2).

Loi sur l’indemnisation des travailleurs, L.T.N.‑O. 2007, ch. 21, art. 91(3).

Loi sur la Commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail, L.N.‑B. 1994, ch. W‑14, art. 7f).

Loi sur les accidents du travail, C.P.L.M., ch. W200, art. 51.1(1)a).

Loi sur les accidents du travail, L.Y. 2008, ch. 12, art. 3 « politique », 18.

Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, RLRQ, ch. A‑3.001, art. 382, 454.

Règlements concernant l’indemnisation des employés de l’État, 1948 (Tuberculose pulmonaire), DORS/48‑573.

Workers Compensation Act, R.S.B.C. 1996, ch. 492, art. 99(2).

Workers Compensation Act, R.S.P.E.I. 1988, ch. W‑7.1, art. 30(1).

Workers’ Compensation Act, R.S.A. 2000, ch. W‑15, art. 1(1) « accident », 8(3)(c), (d), 13.2(6).

Workers’ Compensation Act, S.N.S. 1994‑95, ch. 10, art. 183.

Workers’ Compensation Act, 2013, S.S. 2013, ch. W‑17.11, art. 23(2).

Workplace Health, Safety and Compensation Act, R.S.N.L. 1990, ch. W‑11, art. 5(1)(a).

Doctrine et autres documents cités

Alberta.  Workers’ Compensation Board.  Policies and Information Manual, Claimant & Health Care Services Policies (online :  http://www.wcb.ab.ca/public/policy/manual/claimant.asp).

Canada.  Chambre des communes.  Débats de la Chambre des communes, vol. II, 2e sess., 22e lég., 28 février 1955, p. 1648.

Canada.  Chambre des communes.  Débats de la Chambre des communes, vol. II, 3e sess., 20e lég., 27 mars 1947, p. 1818.

Canada.  Chambre des communes.  Débats de la Chambre des communes, vol. II, 3e sess., 20e lég., 31 mars 1947, p. 1886, 1888, 1891.

Canada.  Chambre des communes.  Débats de la Chambre des communes, vol. II, 6e sess., 21e lég., 7 mai 1952, p. 2103.

Canada.  Chambre des communes.  Débats de la Chambre des communes, vol. 132, 1re sess., 13e lég., 16 avril 1918, p. 857.

Driedger, Elmer A.  Construction of Statutes, 2nd ed.  Toronto : Butterworths, 1983.

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (la juge en chef Fraser et les juges Watson et McDonald), 2012 ABCA 248, 65 Alta. L.R. (5th) 220, 536 A.R. 121, 559 W.A.C. 121, 353 D.L.R. (4th) 499, [2012] 11 W.W.R. 1, 1 C.C.E.L. (4th) 193, [2012] A.J. No. 879 (QL), 2012 CarswellAlta 1444, qui a accueilli l’appel interjeté d’une décision du juge Ouellette, 2010 CarswellAlta 2817, qui avait infirmé la décision de l’Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation, 2009 CanLII 66292, et ordonné une nouvelle audience.  Pourvoi rejeté.

                    Andrew Raven, Andrew Astritis et Amanda Montague‑Reinholdt, pour l’appelant.

                    Douglas R. Mah, c.r., et Ron Goltz, pour l’intimé Workers’ Compensation Board of Alberta.

                    Sandra Hermiston, pour l’intimée Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation.

                    John S. Tyhurst, pour l’intimé le procureur général du Canada.

                    Laurel M. Courtenay et Scott A. Nielsen, pour l’intervenant Workers’ Compensation Board of British Columbia.

                    Pierre-Michel Lajeunesse et Lucille Giard, pour l’intervenante la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

                    Roderick (Rory) H. Rogers, c.r., et Madeleine F. Hearns, pour l’intervenant Workers’ Compensation Board of Nova Scotia.

                    Version française du jugement de la Cour rendu par

                    La juge Karakatsanis —

I.              Introduction et survol

[1]                              L’appelant, un employé de Parcs Canada, a présenté une demande d’indemnisation pour accident du travail.  Aux termes de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État , L.R.C. 1985, ch. G‑5  (LIAÉ ), les travailleurs fédéraux blessés au travail ont droit à une indemnité « aux taux et conditions » fixés par la législation de la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions (par. 4(1) et (2)).  L’indemnité est déterminée par « l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière » conformément à la législation provinciale (par. 4(3)).  L’Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation (Commission) a rejeté la demande de l’appelant (2009 CanLII 66292)  au motif qu’elle ne satisfaisait pas à tous les critères énumérés à la Alberta Workers’ Compensation Board of Directors’ Policy 03‑01, partie II, Application 6 (Politique), prise en vertu de la Workers’ Compensation Act de l’Alberta, R.S.A. 2000, ch. W‑15 (WCA).  La Cour d’appel de l’Alberta a conclu que la Politique provinciale s’appliquait, et elle a rétabli la décision de la Commission, qui avait rejeté la demande de M. Martin.

[2]                              Le pourvoi pose principalement la question de savoir si la LIAÉ  exige que les organismes provinciaux déterminent le droit à l’indemnité en appliquant la législation et les politiques provinciales.  Les cours d’appel provinciales ont rendu des décisions divergentes sur ce point.  Certaines ont conclu que la LIAÉ  constitue un code complet régissant l’admissibilité des travailleurs fédéraux à l’indemnité[1].  D’autres, telle la Cour d’appel de l’Alberta en l’espèce, ont jugé que l’admissibilité à l’indemnité sous le régime de la LIAÉ  obéit aux règles provinciales[2].

[3]                              Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.  Suivant la LIAÉ, les autorités provinciales compétentes doivent appliquer la législation et les politiques en vigueur dans leur province, dans la mesure où celles‑ci n’entrent pas en conflit avec les dispositions de la loi fédérale.  J’estime que la décision de la Commission, qui a rejeté la demande, était raisonnable.

II.           Les faits

[4]                              L’appelant, M. Douglas Martin, a été engagé à titre de garde de parc par Parcs Canada en 1973.  En 2000, il a déposé contre son employeur une plainte en matière de santé et sécurité au travail, exigeant le port d’armes pour les gardes lorsqu’ils accomplissent des fonctions d’application de la loi.  Cette plainte a donné lieu à diverses procédures au sein de l’organisation, recours judiciaires et appels.  L’appelant a estimé que son rôle directeur dans ce différend lui avait fait perdre des occasions professionnelles, de formation et d’avancement.

[5]                              En juin 2006, Parcs Canada a reçu une demande présentée en vertu de la législation sur l’accès à l’information et a enjoint à l’appelant de communiquer des renseignements au sujet de données contenues dans son ordinateur de travail pour lui permettre de répondre à cette demande.  Jugeant la réponse insatisfaisante, Parcs Canada a informé l’appelant, dans une lettre qu’il a reçue le 18 décembre, que des mesures disciplinaires seraient prises s’il ne la complétait pas au plus tard le 13 décembre (soit cinq jours avant la réception de la lettre).

[6]                              L’appelant, qui avait déjà une réprimande à son dossier, craignait que la prochaine mesure disciplinaire ne prenne la forme d’un renvoi.  Prétendant que la lettre avait provoqué chez lui des troubles psychologiques, après les années de stress causé par le différend relatif à la santé et la sécurité au travail, il a pris un congé de maladie à compter du 23 décembre 2006, a consulté des professionnels de la santé en vue d’obtenir un traitement et, le mois suivant, a présenté une demande d’indemnisation pour stress chronique.

III.        Historique judiciaire

[7]                              La demande de l’appelant a été rejetée à trois paliers de la procédure d’indemnisation des accidents du travail — l’Alberta Workers’ Compensation Board (WCB), le Dispute Resolution and Decision Review Body et la Commission — au motif qu’elle ne satisfaisait pas aux critères énumérés à la Politique quant au stress chronique.  Plus particulièrement, la Commission a conclu que les troisième et quatrième critères de la Politique provinciale, à savoir [traduction] « les événements liés au travail sont excessifs ou inusités par rapport aux pressions et tensions normales auxquelles le travailleur moyen occupant un emploi semblable est assujetti » et « les événements ont été confirmés de manière objective », n’étaient pas remplis (Recueil de sources de l’appelant, p. 56).

[8]                              À l’issue d’un contrôle judiciaire, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, concluant à l’inapplicabilité de la Politique, a annulé la décision et renvoyé l’affaire à la Commission.  Selon la cour, l’appelant étant un agent de l’État fédéral, son admissibilité à l’indemnité était régie par la LIAÉ  seulement, laquelle visait à garantir l’application des mêmes règles à tous les agents de l’État fédéral au Canada.  Les troisième et quatrième critères d’admissibilité énoncés à la Politique présentaient d’autres obstacles illégitimes et incompatibles avec la LIAÉ .

[9]                              La Cour d’appel de l’Alberta (2012 ABCA 248, 65 Alta. L.R. (5th) 220 (la juge en chef Fraser et les juges Watson et McDonald)) a rétabli la décision de la Commission (par. 84).  Les juges majoritaires étaient d’avis que le législateur avait eu l’intention de s’en remettre aux critères provinciaux d’admissibilité et que ceux énoncés à la Politique n’entraient pas en conflit avec la LIAÉ  (par. 4-8, 30-33, 35-47 et 51).

IV.        Analyse

A.           Questions en litige

[10]                          Le pourvoi soulève trois questions.  Premièrement, la Commission est‑elle habilitée à déterminer l’admissibilité à une indemnité prévue par la LIAÉ  en fonction d’une politique provinciale?  Deuxièmement, si c’est le cas, la Politique en cause entre‑t‑elle en conflit avec la définition d’« accident » énoncée à la LIAÉ ? Enfin, la décision de la Commission, qui a rejeté la demande d’indemnisation, était‑elle raisonnable en l’espèce?

B.            Norme de contrôle

[11]                          La norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable.  L’article 4  de la LIAÉ  investit les provinces d’un large pouvoir décisionnel relativement aux demandes d’indemnisation des travailleurs fédéraux, ce qui a pour effet d’assimiler la LIAÉ  à une loi « constitutive » des tribunaux administratifs provinciaux.  Comme la question de droit en cause ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique et relève bel et bien de l’expertise des organes d’indemnisation des accidents du travail, la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable lorsque le tribunal administratif interprète sa propre loi « constitutive » n’est pas réfutée (Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, [2011] 3 R.C.S. 654, par. 30).  Comme je l’explique plus loin, le législateur entendait que les provinces se prononcent en général sur les demandes en fonction de la législation provinciale, ce qui ouvre la possibilité d’une application de la LIAÉ  différente dans chaque province.

[12]                          La décision de la Commission, un tribunal spécialisé, sur la demande d’indemnisation de M. Martin en l’espèce, qui fait intervenir une question mixte de fait et de droit, commande la déférence.

C.            Dispositions législatives applicables

[13]                          Les dispositions pertinentes de la LIAÉ et de la WCA sont ainsi libellées :

Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« accident » Sont assimilés à un accident tout fait résultant d’un acte délibéré accompli par une autre personne que l’agent de l’État ainsi que tout événement fortuit ayant une cause physique ou naturelle.

. . .

                              4. (1) [Ayants droit]  Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité :

                              a)   aux agents de l’État qui sont :

                                      (i)       soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail,

                                      (ii)      soit devenus invalides par suite d’une maladie professionnelle attribuable à la nature de leur travail;

                              b)   aux personnes à charge des agents décédés des suites de l’accident ou de la maladie.        

                              (2)    [Taux et conditions]  Les agents de l’État visés au paragraphe (1), quelle que soit la nature de leur travail ou la catégorie de leur emploi, et les personnes à leur charge ont droit à l’indemnité prévue par la législation — aux taux et conditions qu’elle fixe — de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions en matière d’indemnisation des travailleurs non employés par Sa Majesté — et de leurs personnes à charge, en cas de décès — et qui sont :

                              a)   soit blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l’occasion de leur travail;

                              b)   soit devenus invalides dans la province par suite de maladies professionnelles attribuables à la nature de leur travail.

                              (3) [Compétence]  L’indemnité est déterminée :

                              a)   soit par l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière, pour les travailleurs non employés par Sa Majesté et leurs personnes à charge, en cas de décès, dans la province où l’agent de l’État exerce habituellement ses fonctions;

                              b)   soit par l’autorité, judiciaire ou autre, que désigne le gouverneur en conseil.

Workers’ Compensation Act, R.S.A. 2000, ch. W‑15

                    [traduction]

                    1(1)    [Définitions] Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

(a)    « accident » Accident survenu du fait et au cours d’un emploi dans une industrie assujettie à la présente loi.  La présente définition s’entend également :

(i)     de l’acte délibéré accompli par une autre personne que le travailleur accidenté,

(ii)    de tout événement fortuit ayant une cause physique ou naturelle,

(iii)   d’une incapacité,

(iv)  d’un trouble invalidant ou potentiellement invalidant causé par une maladie professionnelle.

D.           La Politique provinciale régit-elle l’admissibilité à l’indemnité prévue à la LIAÉ ?

[14]                          Le pourvoi porte principalement sur la nature du rapport entre la LIAÉ et les lois provinciales sur les accidents du travail : il soulève la question de savoir si les lois provinciales en la matière, notamment la WCA de l’Alberta, régissent l’admissibilité à l’indemnité que prévoit la LIAÉ , et, si c’est le cas, dans quelles circonstances.

(1)         Arguments des parties

[15]                          Selon l’appelant, l’admissibilité à l’indemnité est entièrement régie par le par. 4(1)  de la LIAÉ .  Le législateur entendait assujettir tous les agents de l’État fédéral à la même norme d’admissibilité, mais laisser le soin à la province de déterminer le montant de l’indemnité.  Ainsi, le travailleur visé par la LIAÉ  qui est blessé dans un accident du travail a droit à une indemnité, indépendamment des critères d’admissibilité prévus par les lois ou politiques provinciales.  Si les lois provinciales régissaient l’admissibilité à l’indemnité, le par. 4(1) et la définition d’« accident » prévue à la LIAÉ  feraient double emploi.  La question est plutôt celle de savoir si le stress constitue un « accident » au sens de la LIAÉ .

[16]                          Le WCB, intimé en l’espèce, soutient pour sa part que le pouvoir de déterminer l’indemnité à laquelle ont droit les agents de l’État fédéral qui lui est conféré à l’art. 4  de la LIAÉ  comprend celui de formuler des politiques à ce sujet, notamment des politiques sur l’admissibilité.  La LIAÉ  établit un régime d’indemnisation efficace des agents de l’État fédéral s’harmonisant avec celui des travailleurs de la province, et les rapports entre la LIAÉ et la WCA constituent un bel exemple de fédéralisme coopératif.  Le paragraphe 4(2), portant que les agents de l’État fédéral ont droit à l’indemnité « aux taux et conditions » prévus pour les travailleurs de la province, vise autant le droit à l’indemnité que le montant de cette dernière.

[17]                          Le procureur général du Canada, intimé en l’espèce, soutient quant à lui que le législateur avait l’intention d’incorporer par renvoi la législation provinciale dans la LIAÉ  afin qu’elle s’applique à la détermination de l’admissibilité et du taux d’indemnisation.  Il entendait ainsi établir la parité entre les travailleurs au sein d’une même province et s’en remettre à la législation et à l’administration provinciales.  Lorsqu’il a voulu établir des distinctions entre des dispositions de la LIAÉ et les lois provinciales, le législateur l’a fait expressément.  Par conséquent, les questions relatives à l’indemnité sont déterminées en fonction de la législation provinciale, sauf dans les rares cas où elle entre en conflit avec la LIAÉ 

(2)         Analyse

[18]                          [traduction] « [I]l faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87).

[19]                          Pour les motifs exposés ci‑dessous, j’estime que la Commission devait appliquer la législation et les politiques provinciales pour se prononcer sur le droit d’un agent de l’État visé par la LIAÉ  à l’indemnité et sur le taux d’indemnisation. La LIAÉ  incorpore par renvoi les régimes provinciaux d’indemnisation des accidents du travail, dans la mesure où ils n’entrent pas en conflit avec ses dispositions.  Elle établit un système efficace qui favorise l’uniformité de sorte que les travailleurs au sein d’une même province — agents de l’État fédéral ou autres — sont généralement indemnisés selon les mêmes taux et conditions.  Dans les cas où le législateur entendait prévoir des conditions différentes, il l’a fait expressément.

a)      Le texte et l’économie des dispositions

[20]                          Le paragraphe 4(1)  de la LIAÉ  est une disposition générale énonçant qu’une indemnité est versée aux agents de l’État blessés dans un accident du travail ou à leurs personnes à charge en cas de décès : « Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité [. . .] aux agents de l’État qui sont [. . .] soit blessés dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail . . . »  À mon avis, il ne ressort pas de ce libellé que la disposition constitue un code complet régissant l’admissibilité à l’indemnité.  L’indemnité est subordonnée à l’application des autres dispositions (« [s]ous réserve des autres dispositions de la présente loi »).  Les mots « admissibilité » et « droit » ne figurent pas au par. 4(1).  Les notes marginales ne font pas partie de la disposition ni n’en déterminent le sens (Loi d’interprétation , L.R.C. 1985, ch. I-21, art. 14 ).

[21]                          L’agent doit avoir été blessé dans un « accident », mais la définition large et non limitative de ce terme, qui figure à l’art. 2  de la LIAÉ , ne donne que deux exemples de catégories d’événements constituant des accidents.  « Sont assimilés » à un accident le fait résultant d’un « acte délibéré » d’une autre personne et l’« événement fortuit ».  Ni la définition ni le par. 4(1) n’énoncent de norme ou de règle permettant de déterminer quelles catégories de « fait[s] » ou d’« événement[s] » peuvent constituer un « accident », quand ils surviennent « par le fait ou à l’occasion [du] travail » ou quand un agent de l’État est blessé « dans » un accident.

[22]                          Considéré dans son ensemble et à la lumière de son contexte, l’art. 4 étaye l’interprétation selon laquelle les critères d’admissibilité à l’indemnité ne sont pas précisés dans la LIAÉ et il ressortit aux autorités provinciales de les déterminer, conformément à la législation provinciale sur les accidents du travail.

[23]                          Premièrement, le par. 4(2) prévoit que les agents de l’État fédéral visés par la LIAÉ  « ont droit à l’indemnité prévue par la législation — aux taux et conditions qu’elle fixe — de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions ».  Ainsi, tous les travailleurs au sein d’une province jouissent de droits parallèles.  Puisque les provinces ont compétence pour légiférer en matière d’indemnisation des accidents du travail, le par. 4(2) prévoit la possibilité que les agents de l’État fédéral bénéficient de « taux » et « conditions » différents selon la législation applicable dans la province où ils exercent leurs fonctions.  Par conséquent, c’est à l’échelle de la province, non pas à l’échelle du pays et du groupe des agents de l’État fédéral, que l’uniformité est favorisée.

[24]                          Il ne serait guère logique que le régime provincial dicte les taux et les conditions applicables sans régir également les critères d’admissibilité, puisque ces aspects du régime sont inévitablement interreliés.  Les « conditions » à respecter pour obtenir le versement de l’indemnité déterminent si un agent de l’État y aura droit.  En conséquence, le « droit » à l’indemnité, prévu au par. 4(2), aux « conditions » fixées par la législation de la province où l’agent de l’État fédéral exerce ses fonctions, indique qu’il y a droit dans les mêmes circonstances que les autres travailleurs de la province.  Comme je le fais remarquer plus loin, il appert clairement de l’historique législatif que la mention des « conditions qu’elle [la législation de la province] fixe », avait pour objet de préciser que les conditions d’admissibilité applicables aux agents de l’État en vertu de la LIAÉ  sont les mêmes que celles que prévoit le régime provincial.

[25]                          En outre, le parallélisme du libellé des par. 4(1) et (2) démontre que l’admissibilité des agents de l’État fédéral obéit au régime provincial.  Aux termes du par. 4(1), les agents de l’État fédéral touchent une indemnité s’ils sont « blessés dans un accident survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail ».  Le paragraphe 4(2) énonce que les agents de l’État fédéral ont droit à l’indemnité prévue par la législation de la province en matière d’indemnisation des travailleurs sous responsabilité provinciale qui sont « blessés dans la province dans des accidents survenus par le fait ou à l’occasion de leur travail ».  Cette correspondance des énoncés laisse entendre que les agents de l’État fédéral sont indemnisés dans les mêmes circonstances que les autres travailleurs de la province où ces agents exercent leurs fonctions, lorsqu’ils sont blessés dans un accident « survenu par le fait ou à l’occasion de leur travail ».

[26]                          Le paragraphe 4(3) dispose que « [l]’indemnité est déterminée [. . .] par l’autorité — personne ou organisme — compétente en la matière, pour les travailleurs [qui relèvent de la compétence provinciale] dans la province ».  Cette disposition, comme le par. 4(2), prévoit la possibilité que les autorités compétentes procèdent différemment à la détermination de l’indemnité d’une province à l’autre.

[27]                          Ainsi, le texte de la LIAÉ  laisse entendre que le par. 4(1) n’établit pas de critère complet en matière d’admissibilité à l’indemnité; il énonce simplement que les travailleurs fédéraux blessés dans un accident du travail sont indemnisés sous réserve des autres dispositions de la LIAÉ .  La définition large et non limitative du terme « accident » formulée à l’art. 2 ne permet pas de circonscrire le droit à l’indemnité.  Il est beaucoup plus probable que le législateur ait voulu s’en remettre à la législation provinciale en ce qui a trait à la teneur de la définition du terme « accident » pour apporter un certain degré de certitude.  Ce rôle ressort clairement du pouvoir conféré aux par. 4(2) et (3).  Aux termes du par. 4(2), les travailleurs fédéraux ont droit à l’indemnité aux taux et conditions que fixe la législation provinciale et, au par. 4(3) , la LIAÉ  délègue clairement à l’autorité provinciale la responsabilité de déterminer l’indemnité visée au par. 4(1).  Les institutions et les lois provinciales fournissent donc la structure et les balises qui permettent de déterminer s’il y a lieu de verser une indemnité à un agent de l’État fédéral et, dans l’affirmative, d’en fixer le montant.

b)        Objet de la loi

[28]                          L’historique législatif de la LIAÉ et les déclarations d’intention du législateur démontrent sans équivoque qu’il souhaitait, par l’adoption de ce texte de loi, s’en rapporter aux lois et aux autorités provinciales pour le règlement des demandes d’indemnisation des agents de l’État fédéral, exception faite des cas où la LIAÉ  entre clairement en conflit avec la législation provinciale.

[29]                          La loi antérieure à la LIAÉ  avait été édictée en 1918; elle s’intitulait Loi ayant pour objet d’accorder une indemnité lorsque des employés de Sa Majesté sont tués ou blessés dans l’exécution de leurs devoirs, S.C. 1918, ch. 15.  Aux termes du par. 1(1) de cette loi, « et la responsabilité et le chiffre de pareille indemnité » devaient être déterminés en application de la loi provinciale par les autorités provinciales :

                        1. (1) Un employé dans le service de Sa Majesté qui est blessé, et les dépendants de tout pareil employé qui est tué, doivent avoir droit à la même indemnité que celle que l’employé, ou que le dépendant d’un employé décédé, d’une personne autre que Sa Majesté aurait eu droit de recevoir, dans les mêmes circonstances, en vertu de la loi de la province où s’est produit l’accident, et la responsabilité et le chiffre de pareille indemnité doivent être déterminés en la même manière, et par la même Commission ou autorité, ou les mêmes officiers qu’établis par la loi de la province pour déterminer l’indemnité dans les cas semblables, ou par telle autre Commission ou autorité, ou tels autres officiers, ou par telle cour que le Gouverneur en conseil peut de temps à autre prescrire. 

[30]                          D’ailleurs, le ministre responsable de cette loi a indiqué qu’elle visait à garantir que « [s]’il est blessé, un employé du chemin de fer du Gouvernement se trouvera exactement dans la même position, quant à l’indemnité, que celle où serait placé l’employé d’une compagnie de chemin de fer ordinaire » (l’hon. J. D. Reid, Débats de la Chambre des communes, vol. 132, 1re sess., 13e lég., 16 avril 1918, p. 857 (je souligne)). 

[31]                          En 1947, les mots « la responsabilité » ont été remplacés par les mots « le droit à » (S.C. 1947, ch. 18, par. 3(1)).  Les deux énoncés renvoient clairement au droit ou à l’admissibilité d’un travailleur à l’indemnité.  Le terme « accident » y était défini pour la première fois à cette époque, sans débat particulier en Chambre à ce sujet.

[32]                          En 1955, la proposition actuelle a été adoptée, aux termes de laquelle l’agent de l’État fédéral est en droit de recevoir une indemnité « au taux et aux conditions » que prévoit la législation de la province où l’employé est ordinairement occupé (S.C. 1955, ch. 33, art. 2).  Le ministre responsable a tenu les propos suivants lors des débats en première lecture concernant de telles modifications :

                        Les modifications envisagées portent que le droit à l’indemnité et le taux d’indemnisation seront déterminés selon les modalités prévues à la loi appliquée dans la province où l’employé travaille habituellement. [Je souligne.]  

(L’hon. M. F. Gregg, Débats de la Chambre des communes, vol. II, 2e sess., 22e lég., 28 février 1955, p. 1648)

[33]                          Les mots « aux conditions » semblent s’être substitués directement aux termes « la responsabilité » et « le droit à » que comportait auparavant le texte de loi.  Les débats en Chambre indiquent clairement que ces éléments étaient déterminés par les autorités provinciales en fonction de la législation provinciale.

[34]                          En prévoyant que la législation provinciale s’applique et que les autorités provinciales ont compétence pour déterminer l’indemnité applicable aux travailleurs du gouvernement fédéral, le législateur a expressément reconnu que « [l]es réclamations en cas d’accidents ou pour d’autres causes sont traitées différemment selon les provinces » (l’hon. L. Chevrier, Débats de la Chambre des communes, vol. II, 3e sess., 20e lég., 27 mars 1947, p. 1818) et que « [c]’est la commission provinciale des accidents du travail qui décide, sous le régime de la loi provinciale, du droit à l’indemnité et du montant à verser, dans chaque cas » (l’hon. M. F. Gregg, Débats de la Chambre des communes, vol. II, 6e sess., 21e lég., 7 mai 1952, p. 2103 (je souligne)).

[35]                          Bref, l’historique législatif de la LIAÉ et les déclarations d’intention du législateur démontrent que l’intention n’a pas varié depuis 1918 : l’admissibilité à l’indemnité et le taux d’indemnisation sont tous deux déterminés conformément à la législation provinciale. 

c)    Conflits entre la LIAÉ et la législation provinciale

[36]                          Il ressort de l’historique législatif que le législateur entendait également assortir d’exceptions précises l’application de la législation provinciale.

[37]                          Par exemple, des modifications apportées en 1947 à la LIAÉ  prévoyaient le versement de l’indemnité dans les cas de tuberculose pulmonaire contractée dans un hôpital ou un sanatorium dirigé par le gouvernement.  Cette affection était exclue à l’époque par les lois provinciales.  Au cours des débats à la Chambre des communes, le ministre qui présentait les modifications a fait état à plusieurs reprises de l’intention générale de « nous en remettre aux décisions des commissions provinciales quant à la définition d’un accident ou d’une maladie industrielle » afin d’éviter de constituer une autorité fédérale distincte chargée de statuer sur les demandes d’indemnisation (l’hon. L. Chevrier, Débats de la Chambre des communes, vol. II, 3e sess., 20e lég., 31 mars 1947, p. 1886).  Il a toutefois déclaré que la modification « applique le principe d’indemnisation de manière à inclure les personnes atteintes de tuberculose pulmonaire » et que le nouvel article « renferme une disposition qui ne se trouve dans aucune loi provinciale, sauf peut‑être une » (p. 1888 et 1891).

[38]                          La question des conflits potentiels entre la LIAÉ et les lois provinciales sur les accidents du travail a été examinée dans Cape Breton Development Corp. c. Morrison Estate, 2003 NSCA 103, 218 N.S.R. (2d) 53, autorisation d’appel refusée, [2004] 1 R.C.S. vii.

[39]                          Dans Morrison, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse devait déterminer si une présomption prévue par la loi provinciale sur les accidents du travail et accordant le [traduction] « bénéfice du doute » s’appliquait aux travailleurs visés par la LIAÉ .  Elle a statué que cette présomption en matière de causalité s’appliquait aussi aux travailleurs fédéraux.  Il n’y avait pas conflit entre les lois, selon elle, car rien dans le libellé de la LIAÉ  n’empêchait les travailleurs fédéraux de bénéficier de l’application d’une telle présomption (par. 45)[3].  Faisant sienne la description que fait le procureur général du Canada du paysage législatif, elle a conclu ainsi :

                    [traduction]

 

                    Le régime provincial en matière d’accidents du travail s’applique aux demandes d’indemnisation présentées en vertu de la LIAÉ  lorsque les conditions suivantes sont réunies :

                        a)      la disposition en cause peut raisonnablement se rattacher à un « taux » ou à une « condition » applicable à l’indemnisation en vertu de la législation de la province,

                        b)     la disposition n’entre pas par ailleurs en conflit avec la LIAÉ . [par. 68]

Je partage son avis.  Lorsqu’une disposition ou une politique provinciale entre directement en conflit avec la LIAÉ , cette dernière prime et rend inapplicable la disposition ou la politique provinciale aux travailleurs fédéraux[4].  En l’absence de conflit, le régime provincial en matière d’accidents du travail s’applique.  Quoi qu’il en soit, les autorités provinciales compétentes constituent les instances décisionnelles.

[40]                          Le pouvoir de statuer en matière d’admissibilité ayant été largement délégué à l’échelon provincial, les conflits entre la LIAÉ et la législation provinciale ne surgissent habituellement que lorsque le régime établi par la LIAÉ  prévoit expressément l’inclusion ou l’exclusion d’éléments particuliers, incompatibles avec la législation provinciale applicable, comme ce fut le cas, par exemple, pour la tuberculose pulmonaire.

E.            L’interprétation du terme « accident » : Y a-t-il un conflit entre la Politique et la LIAÉ?

[41]                          Ayant conclu à l’applicabilité de la législation provinciale dans la mesure où elle n’entre pas en conflit avec la LIAÉ , je passe à la deuxième question, à savoir si la Politique entre en conflit avec la définition du terme « accident » énoncée à l’art. 2  de la LIAÉ .  Plus précisément, il faut se demander si la décision de la Commission d’appliquer les critères énumérés à la Politique pour déterminer si le stress chronique résultait d’un accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail était raisonnable.  Ou encore, la Politique entrait-elle forcément en conflit avec la LIAÉ 

(1)         Arguments des parties

[42]                          L’appelant soutient que la définition large et extensive du terme « accident » prévue dans la LIAÉ  ne saurait être limitée par une loi ou une politique provinciale.  Assortir l’interprétation du terme « accident » d’une exigence relative à l’existence d’événements excessifs ou inusités liés au travail va à l’encontre de la définition large qui figure à la LIAÉ .  La Politique impose une exigence déraisonnable et inéquitable en matière de causalité plus stricte pour les personnes ayant des atteintes psychologiques que pour celles dont les atteintes sont physiques.

[43]                          Selon le WCB, intimé en l’espèce, la Politique ne modifie pas la définition du terme « accident » énoncée à la LIAÉ , pas plus qu’elle ne l’assortit de critères supplémentaires.  Elle balise plutôt l’appréciation permettant de déterminer si un accident au sens de la WCA et de la LIAÉ est survenu et, dans l’affirmative, s’il est survenu par le fait ou à l’occasion du travail. 

[44]                          Le procureur général du Canada, intimé en l’espèce, soutient que le législateur a laissé une grande latitude aux provinces pour déterminer dans quelles circonstances précises un travailleur blessé pourra être indemnisé et les facteurs entrant en ligne de compte.

(2)         Analyse

a)         Le rapport entre la LIAÉ et la WCA

[45]                          Même si, déjà en 1931 (S.C. 1931, ch. 9, art. 2), l’exigence suivant laquelle l’employé devait être blessé par un « accident provenant et dans le cours de son emploi » figurait dans la  LIAÉ , ce n’est qu’en 1947 que le terme « accident » y a été défini.

[46]                          La définition du terme « accident » formulée par le législateur albertain ressemble essentiellement à celle qui figure dans la LIAÉ .  Les deux lois s’appliquent aux accidents survenus par le fait ou à l’occasion du travail (voir le par. 4(1) de la LIAÉ et la définition d’« accident » au par. 1(1) de la WCA) et, dans les deux cas, il s’entend notamment d’un « acte délibéré » accompli par une autre personne que le demandeur et d’un « événement fortuit ayant une cause physique ou naturelle » (voir les définitions du mot « accident » à l’art. 2 de la LIAÉ et au par. 1(1) de la WCA). 

[47]                          La WCA de l’Alberta, comme toutes les autres lois provinciales sur l’indemnisation des accidents du travail, pourvoit au règlement uniforme des demandes d’indemnisation par l’application de politiques[5].  Elle énonce, à l’al. 13.2(6)(b), que la Commission d’appel [traduction] « est liée par les politiques du conseil d’administration se rapportant à la question faisant l’objet de l’appel ».  En fait, les politiques albertaines régissent l’interprétation et l’application de la WCA.

b)        La Politique en cause

[48]                          Le WCB a adopté des politiques particulières pour encadrer le processus décisionnel applicable aux demandes fondées sur certains troubles médicaux.  La Politique précise dans quelles circonstances une invalidité d’ordre psychiatrique ou psychologique donne ouverture à indemnisation.  Nul n’a soutenu que la Politique ne relève pas des pouvoirs conférés par la WCA.  Elle précise ce qui constitue un « accident » dans le contexte d’une demande d’indemnisation pour stress chronique en énumérant quatre critères auxquels il doit être satisfait pour que le droit à l’indemnité soit reconnu : 

                    [traduction]

                    11. Dans quelles circonstances le WCB accepte-t-il les demandes d’indemnisation pour stress chronique?

                    Comme il le fait à l’égard de toute demande, le WCB examine la cause pour déterminer si la demande est recevable.  Les demandes d’indemnisation fondées sur ce type d’atteinte ne sont admissibles que lorsqu’il est satisfait à l’ensemble des critères suivants :

            un diagnostic psychologique ou psychiatrique a été établi . . .

            les événements ou facteurs de stress liés au travail sont la cause prédominante de l’atteinte . . .

            les événements liés au travail sont excessifs ou inusités par rapport aux pressions et tensions normales auxquelles le travailleur moyen occupant un emploi semblable est assujetti,

            les événements ont été confirmés de manière objective.

                    Outre les fonctions pouvant raisonnablement se rattacher à la nature du travail en cause, les pressions et tensions normales s’entendent, par exemple, des relations et conflits interpersonnels, des préoccupations en matière de santé et sécurité, des questions syndicales et des mesures courantes de gestion des relations de travail prises par l’employeur, notamment la charge de travail et les délais, l’évaluation du travail, la gestion du rendement (discipline), les mutations, la modification des fonctions, les mises à pied, les rétrogradations, les licenciements et les réorganisations, susceptibles d’être imposées à tous les travailleurs à un moment donné.  [p. 5‑6]

[49]                          Selon moi, assortir l’interprétation du terme « accident » d’une exigence relative à l’existence d’événements excessifs ou inusités liés au travail ne va pas à l’encontre de la définition large de ce terme qui figure à l’art. 2  de la LIAÉ , suivant laquelle « [s]ont assimilés à un accident tout fait résultant d’un acte délibéré accompli par une autre personne que l’agent de l’État ainsi que tout événement fortuit ayant une cause physique ou naturelle ».  La définition d’« accident » énonce les éléments de base qui la composent; elle n’est ni exhaustive ni restrictive.  Il s’agit plutôt d’une définition ouverte et souple, qui témoigne de l’intention du législateur de déléguer aux autorités provinciales l’administration du régime d’indemnisation.  Comme le Workers’ Compensation Board de la Colombie‑Britannique l’a souligné dans son intervention, ni la définition d’« accident » énoncée à la LIAÉ  ni celle qui figure à la WCA n’indiquent quand un accident ou une atteinte est effectivement causé par le travail.  La législation de chaque province complète la Loi fédérale en fait de structure et de spécificité.

[50]                          En l’espèce, la province exigeait, pour accepter la demande d’indemnisation pour stress psychologique, des événements excessifs ou inusités et la confirmation objective de ces événements.  Ces exigences témoignent simplement de l’interprétation qu’a donnée l’Alberta du terme « accident » dans le contexte des demandes fondées sur le stress psychologique.  Ce qui constitue un « accident » dans le cadre d’un régime d’indemnisation sans égard à la faute ne saurait dépendre de la seule perception subjective du travailleur.  Il est souvent plus facile de reconnaître l’événement qui a entraîné une atteinte physique que celui qui a provoqué une atteinte psychologique.  Il n’était pas déraisonnable pour l’Alberta d’établir une politique définissant l’« accident » de travail causant une atteinte psychologique.

[51]                          Au Canada, les régimes d’indemnisation des travailleurs suivent le modèle proposé par sir W. R. Meredith, procédant du « compromis historique » en vertu duquel les travailleurs sont privés d’une cause d’action contre leur employeur en cas d’accident du travail, mais bénéficient d’un régime d’indemnisation sans égard à la faute (Marine Services International Ltd. c. Ryan (Succession), 2013 CSC 44, [2013] 3 R.C.S. 53, par. 29, citant Pasiechnyk c. Saskatchewan (Workers’ Compensation Board), [1997] 2 R.C.S. 890, par. 25).  Les employeurs sont obligés de cotiser au régime, mais ils échappent à une responsabilité potentiellement écrasante.  Ces régimes garantissent une indemnisation aux travailleurs blessés dans un accident du travail ou atteints de maladies professionnelles (Marine Services, par. 30).

[52]                          Comme la Cour d’appel de l’Ontario l’a indiqué dans Canada Post, il n’est pas [traduction] « incompatible avec les principes du fédéralisme » que les droits des travailleurs fédéraux diffèrent selon les provinces par le jeu du régime établi par la LIAÉ  (p. 105).  Ce régime représente le fédéralisme coopératif en action.  Il se peut que les provinces prévoient des règles d’admissibilité différentes, pourtant le législateur voulait pareille souplesse.  La définition non limitative du terme « accident » prévue dans la LIAÉ  ne restreint pas cette souplesse, elle la rend possible.

[53]                          Enfin, l’appelant invoque les valeurs de la Charte canadienne des droits et libertés  à l’appui de son argument qu’il faut interpréter le terme « accident » de manière à ne pas imposer un fardeau supérieur en matière de causalité aux demandeurs victimes d’une atteinte psychologique qu’à ceux qui ont une atteinte physique.  Cependant, on n’a pas contesté devant nous la constitutionnalité des dispositions en cause.  Si notre Cour tranchait le litige sur le fondement des valeurs de la Charte , elle se prononcerait en fait sur une contestation de la Politique fondée sur la Charte  sans disposer du dossier voulu.

[54]                          Pour les motifs qui précèdent, la Commission pouvait conclure à l’absence de conflit entre la définition d’« accident » énoncée à la LIAÉ et l’exigence prévue à la Politique voulant que le stress chronique découle d’événements [traduction] « excessifs ou inusités » s’ils « ont été confirmés de manière objective ». 

F.             Le rejet de la demande était-il raisonnable en l’espèce?

[55]                          Enfin, la troisième et dernière question soulevée par le présent pourvoi est celle de savoir s’il était raisonnable pour la Commission d’appliquer la Politique à la demande de l’appelant.  Nul ne conteste qu’il était satisfait aux deux premiers critères prévus dans la Politique.  Un diagnostic psychologique ou psychiatrique avait été porté, et les événements ou facteurs de stress liés au travail étaient la cause prédominante de l’atteinte.

[56]                          Le litige concerne les deux derniers critères de la Politique, p. 5 :

                           [traduction]

               les événements liés au travail sont excessifs ou inusités par rapport aux pressions et tensions normales auxquelles le travailleur moyen occupant un emploi semblable est assujetti,

               les événements ont été confirmés de manière objective.

[57]                          S’agissant du troisième critère, exigeant des événements excessifs ou inusités, l’appelant fait valoir que la Commission a fait erreur en concluant que la [traduction] « cause prédominante » de l’état de l’appelant était la lettre (m.a., par. 85, citant la décision de la Commission, par. 28).  Selon lui, en faisant fi de la série d’événements qui avait mené au point culminant, elle n’avait pas tenu compte de sa situation dans son ensemble.

[58]                          Pourtant, la Commission a expressément reconnu dans son analyse [traduction] « que les facteurs de stress découlant de la situation au travail incluaient, par exemple, des préoccupations en matière de santé et sécurité, des relations et conflits interpersonnels, des échéances à respecter, la gestion du rendement et l’ordre de l’employeur de donner suite à une demande de communication présentée en vertu de la Loi sur l’accès à l’information » (par. 29).  Elle a indiqué que ces facteurs faisaient partie des pressions et tensions normales énumérées à la Politique et qu’ils ne pouvaient donc être considérés comme excessifs ou inusités.

[59]                          Vu le dossier et les circonstances entourant la demande d’indemnisation, il était loisible à la Commission de conclure que la [traduction] « cause prédominante » de l’atteinte psychologique de M. Martin était sa réaction à la lettre de l’employeur lui intimant de donner suite à une demande d’accès à l’information, laquelle n’était pas inusitée par rapport aux pressions et tensions normales s’exerçant dans un emploi semblable (par. 28 et 30).

[60]                          Je ne partage pas l’avis de l’appelant qui estime déraisonnable la conclusion de la Commission selon laquelle [traduction] « les pressions et tensions normales » énumérées à la Politique excluaient complètement les questions concernant les relations de travail, les préoccupations en matière de santé et sécurité ou les relations et conflits interpersonnels aux fins d’indemnisation.  Correctement interprétés, les motifs de la Commission indiquent clairement que, selon elle, les événements n’étaient pas excessifs ou inusités, compte tenu des faits de l’espèce.

[61]                          La conclusion de la Commission concernant le troisième critère faisait partie des « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47).

[62]                          Le troisième critère n’étant pas rempli, la décision de la Commission de rejeter la demande d’indemnisation était raisonnable.  Il n’est pas nécessaire d’examiner son analyse quant au quatrième critère.

V.           Conclusion

[63]                          En adoptant la LIAÉ , le législateur entendait que les autorités provinciales compétentes statuent sur les demandes d’indemnisation des agents de l’État fédéral, — y compris le droit à l’indemnité et les taux d’indemnisation — selon la législation provinciale, sauf lorsqu’il y a conflit entre cette législation et la LIAÉ .  L’interprétation de ce qui constitue un « accident » pour le traitement d’une demande d’indemnisation pour stress psychologique qui figure à la Politique albertaine n’entre pas en conflit avec la LIAÉ .  Elle s’appliquait donc à la demande de l’appelant. La décision de la Commission, qui a refusé d’accorder l’indemnité, était raisonnable.  Le pourvoi est rejeté.

                    Pourvoi rejeté.

                    Procureurs de l’appelant : Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck, Ottawa.

                    Procureur de l’intimé Workers’ Compensation Board of Alberta : Workers’ Compensation Board of Alberta, Edmonton.

                    Procureur de l’intimée Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation : Appeals Commission for Alberta Workers’ Compensation, Edmonton.

                    Procureur de l’intimé le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Ottawa.

                    Procureur de l’intervenant Workers’ Compensation Board of British Columbia : Workers’ Compensation Board of British Columbia, Richmond.

                    Procureurs de l’intervenante la Commission de la santé et de la sécurité du travail : Vigneault Thibodeau Bergeron, Québec.

                    Procureurs de l’intervenant Workers’ Compensation Board of Nova Scotia : Stewart McKelvey, Halifax.

 



[1] Voir, par exemple, Rees c. Royal Canadian Mounted Police, 2005 NLCA 15, 246 Nfld. & P.E.I.R. 79, par. 31, autorisation d’appel rejetée, [2005] 2 R.C.S. x; Stewart c. Commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail, 2008 NBCA 45, 331 R.N.-B. (2e) 278, par. 10.

 

[2] Canada Post Corp. c. Smith (1998), 40 O.R. (3d) 97, p. 109 et 111, autorisation de pourvoi refusée, [1998] 3 R.C.S. v; Thomson c. Workers’ Compensation Appeals Tribunal, 2003 NSCA 14, 212 N.S.R. (2d) 81, par. 18; Canadian Broadcasting Corp. c. Luo, 2009 BCCA 318, 273 B.C.A.C. 203, par. 22 et 40.

[3] Dans l’affaire similaire McLellan c. Workers’ Compensation Appeals Tribunal, 2003 NSCA 106, 218 N.S.R. (2d) 176, une présomption en matière de causalité établie au profit des travailleurs miniers a été déclarée applicable également aux travailleurs fédéraux.  Les deux dispositions pouvaient [traduction] « raisonnablement se rattacher » à l’indemnisation visée par la loi provinciale et n’entraient pas par ailleurs en conflit avec la LIAÉ  (par. 30).

[4] Par exemple, les autorités provinciales compétentes n’auraient pu, dans le cas de la modification touchant la tuberculose pulmonaire, laquelle a été suivie d’un règlement pris pour la mettre en œuvre (Règlements concernant l’indemnisation des employés de l’État, 1948 (Tuberculose pulmonaire), DORS/48‑573), rejeter une demande d’indemnisation présentée par un agent de l’État fédéral et fondée sur cette maladie même si la loi provinciale l’excluait expressément du régime, parce qu’il y aurait alors eu conflit avec la LIAÉ .

[5] Workers Compensation Act de la C.‑B., R.S.B.C. 1996, ch. 492, par. 99(2); WCA de l’Alberta, al. 8(3)(c) et (d) et par. 13.2(6); Workers’ Compensation Act, 2013 de la Saskatchewan, S.S. 2013, ch. W‑17.11, par. 23(2); Loi sur les accidents du travail du Manitoba, C.P.L.M., ch. W200, al. 51.1(1)a); Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario, L.O. 1997, ch. 16, ann. A, art. 126 et 161; Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles du Québec, RLRQ, ch. A‑3.001, art. 382 et 454; Loi sur la Commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail du Nouveau‑Brunswick, L.N.‑B. 1994, ch. W‑14, al. 7f); Workers’ Compensation Act de la Nouvelle‑Écosse, S.N.S. 1994‑95, ch. 10, art. 183; Workers Compensation Act de l’Î.‑P.‑É., R.S.P.E.I. 1988, ch. W‑7.1, par. 30(1); Workplace Health, Safety and Compensation Act de Terre‑Neuve‑et‑Labrador, R.S.N.L. 1990, ch. W‑11, al. 5(1)(a); Loi sur l’indemnisation des travailleurs des Territoires du Nord‑Ouest, L.T.N.‑O. 2007, ch. 21, par. 91(3); Loi sur les accidents du travail du Yukon, L.Y. 2008, ch. 12, art. 3 « politique » et 18; Loi sur l’indemnisation des travailleurs du Nunavut, L.Nu. 2007, ch. 15, par. 31(2).

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