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                                                  COUR SUPRÊME DU CANADA

 

 

Référence : R. c. Grover, [2007] 3 R.C.S. 510, 2007 CSC 51

 

Date :  20071122

Dossier :  31808

 

Entre :

Sa Majesté la Reine

Appelante

et

Jagdish Lal Grover

Intimé

 

Traduction française officielle

 

Coram : Les juges Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein

 

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 3)

 

La Cour

______________________________


R. c. Grover, [2007] 3 R.C.S. 510, 2007 CSC 51

 

Sa Majesté la Reine                                                                                                          Appelante

 

c.

 

Jagdish Lal Grover                                                                                                                  Intimé

 

Répertorié : R. c. Grover

 

Référence neutre : 2007 CSC 51.

 

No du greffe : 31808.

 

2007 : 6 novembre; 2007 : 22 novembre.

 

Présents : Les juges Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.

 

en appel de la cour d’appel de la saskatchewan

 


Droit criminel — Appels — Pouvoirs de la cour d’appel — Accusé déclaré coupable de tentative d’entrave à la justice pour avoir tenté de modifier et de falsifier des documents concernant l’essai et l’entretien des détecteurs de fumée après un incendie — Annulation par la Cour d’appel de la déclaration de culpabilité parce que la conduite de l’accusé après l’incendie pouvait s’expliquer de plus d’une façon — Cour d’appel ne pouvant acquitter l’accusé sur le fondement d’une simple hypothèse, que son témoignage a contredite — Déclaration de culpabilité de l’accusé rétablie — Code ciminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, art. 139(2) , 686(1) a)(i).

 

L’accusé a été déclaré coupable de tentative d’entrave à la justice par suite d’une accusation résultant d’un incendie survenu dans des locaux résidentiels dont il avait la gestion.  Le juge du procès a rejeté son témoignage et conclu que les documents concernant les détecteurs de fumée étaient faux et que l’accusé savait qu’ils étaient faux.  Toutefois, la Cour d’appel a, à la majorité, annulé la déclaration de culpabilité parce qu’à son avis il ne s’agissait pas d’un verdict qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre.  La conduite de l’accusé, selon elle, était également compatible avec la conclusion que celui‑ci, ne sachant peut‑être pas que l’inspection requise n’avait pas eu lieu, a simplement considéré comme crucial d’avoir les documents d’inspection parfaitement en ordre.

 

Arrêt : Le pourvoi est accueilli et la déclaration de culpabilité est rétablie.

 

Lorsque l’accusé a témoigné et a offert une explication à ses actions, que le juge du procès a rejetée, il n’était pas loisible à la Cour d’appel d’acquitter en se fondant sur une simple hypothèse, que le témoignage de l’accusé a carrément contredite.  [2-3]

 


Jurisprudence

 

Arrêt mentionné : R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168.

 

Lois et règlements cités

 

Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C‑46 , art. 139(2) , 686(1) a)(i).

 

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan (les juges Cameron, Jackson et Smith), [2007] 5 W.W.R. 241, 226 C.C.C. (3d) 84, [2006] S.J. No. 802 (QL), 2006 SKCA 146, qui a annulé la déclaration de culpabilité de l’accusé et prononcé un acquittement.  Pourvoi accueilli.

 

Anthony B. Gerein, pour l’appelante.

 

Morris P. Bodnar, c.r., pour l’intimé.

 

Version française du jugement rendu par

 


1                                   La Cour — Au procès, l’intimé a été déclaré coupable d’avoir, en violation du par. 139(2)  du Code criminel , L.R.C. 1985, ch. C-46 , tenté d’entraver la justice.  L’accusation résultait d’un incendie survenu le 3 mars 2005 dans des locaux résidentiels appartenant à une société à dénomination numérique, dont il avait la gestion.  Selon le ministère public, l’intimé a tenté de modifier et de falsifier des documents concernant l’essai et l’entretien des détecteurs de fumée dans les locaux.  En le déclarant coupable, le juge du procès a conclu :

 

[traduction]  Ces documents sont faux en ce sens qu’ils indiquent que les détecteurs de fumée dans la maison ont été vérifiés et testés le 25 janvier 2005.

 

D’après toutes les circonstances, je conclus que M. Grover savait qu’ils étaient faux.

 

                                                                            . . .

 

. . . Comme je l’ai dit, je n’accepte pas le témoignage de M. Grover.

 

                                                                            . . .

 

. . . Conscient du fait que lui‑même a manqué à plusieurs reprises à ses obligations pour ce qui est des détecteurs de fumée, conscient des terribles conséquences de cet incendie, conscient de son interrogatoire par l’inspecteur Farrell et le sergent de police Ecklund, M. Grover essayait de diriger ailleurs que sur les détecteurs de fumée dans la maison et sur lui‑même l’enquête sur l’incendie.  Il essayait d’éviter d’être accusé d’une violation ou d’une infraction, que ce soit par le service d’incendie ou le service de police.

 


2                                   La Cour d’appel de la Saskatchewan a annulé la déclaration de culpabilité de l’intimé en vertu du sous‑al. 686(1)a)(i) du Code criminel  parce que, selon les juges majoritaires, il ne s’agissait pas d’un verdict qu’un jury ayant reçu les directives appropriées et agissant d’une manière judiciaire aurait pu raisonnablement rendre : R. c. Yebes, [1987] 2 R.C.S. 168, p. 185.  Cette conclusion repose sur la thèse que les actions controversées de l’accusé après l’incendie pouvaient s’expliquer de plus d’une façon.  La visite qu’il avait faite à l’hôpital pour essayer de voir ses locataires victimes de l’incendie présente un intérêt particulier.  Selon le ministère public, le but de la visite était de persuader les locataires de signer un document d’inspection que l’intimé savait faux.  Le juge du procès a accepté le témoignage de la locataire selon laquelle l’intimé lui a demandé de signer un document indiquant que les détecteurs de fumée avaient été inspectés.  Toutefois, la Cour d’appel de la Saskatchewan a, à la majorité, déclaré que la conduite de l’intimé était également compatible avec la conclusion que celui-ci, ne sachant peut‑être pas que l’inspection requise n’avait en fait pas eu lieu, a simplement considéré comme [traduction] « crucial dans ce cas d’avoir les documents d’inspection parfaitement en ordre » ([2007] 5 W.W.R. 241, 2006 SKCA 146, par. 14).  Le juge Jackson, dissident, était de l’avis suivant :

 

[traduction]  Pour ce qui est de savoir si les actions de M. Grover pouvaient avoir toute autre explication rationnelle, il importe de noter que M. Grover a témoigné.  Il a dit qu’il s’était rendu à l’hôpital par compassion pour les victimes.  Il n’a pas dit qu’il était allé à l’hôpital pour demander aux locataires de signer un formulaire incomplet.  Lorsque l’accusé témoigne et offre une explication à ses actions, que le juge du procès rejette ensuite, il n’incombe pas à une cour d’appel de donner une autre explication rationnelle. [par. 26]

 

3                                   Nous sommes d’accord.  Il n’était pas loisible à la Cour d’appel d’acquitter l’intimé en se fondant sur une simple hypothèse, que son témoignage a carrément contredite.  Par conséquent, le pourvoi est accueilli.  La décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan est annulée et la déclaration de culpabilité est rétablie.

 

Pourvoi accueilli.

 

Procureur de l’appelante : Procureur général de la Saskatchewan, Regina.

 

Procureurs de l’intimé : Bodnar & Campbell, Saskatoon.

 

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