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Cour suprême du Canada

Droit criminel—Accusé inculpé d’avoir comploté en vue de faire le trafic de MDA, d’avoir fait le trafic de MDA et d’avoir eu en sa possession du MDA pour en faire le trafic—Appel du ministère public des acquittements prononcés sur les premier et troisième chefs et appel de l’accusé de sa déclaration de culpabilité sur le deuxième chef—Appel portant sur l’accusation de complot rejeté—Déclaration de culpabilité de l’accusé annulée et acquittement prononcé parce que la preuve établit que l’accusé a fait le trafic de sel de MDA et non de MDA proprement dit—Demande de modification du troisième chef afin d’inculper l’appelant de possession de sel de MDA pour en faire le trafic—Modification autorisée et nouveau procès ordonné sur le troisième chef ainsi modifié—La Cour d’appel a-t-elle erré en modifiant le troisième chef?—Code criminel, S.R.C. 1970, c. C-34, art. 529, 610, 613(8).

L’appelant et une autre personne ont été jugés sur un acte d’accusation contenant trois chefs d’accusations, à savoir, (1) d’avoir comploté en vue de faire le trafic d’une drogue d’usage restreint, la méthylènedioxyamphétamine (MDA); (2) d’avoir fait le trafic de MDA et (3) d’avoir eu en leur possession du MDA pour en faire le trafic. Ils ont tous deux été acquittés de l’accusation de complot; seul l’appelant a été déclaré coupable d’avoir fait le trafic, sur le deuxième chef, mais il a été acquitté, sur le troisième chef, de l’accusation de possession aux fins de faire le trafic; pour l’acquitter le juge du procès a appliqué le principe de chose jugée et le principe énoncé dans Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729. Les procédures intentées contre son coaccusé sur le troisième chef ont été suspendues.

Le ministère public a interjeté appel des acquittements prononcés sur les chefs 1 et 3, et l’accusé de sa déclaration de culpabilité sur le 2e chef. L’appel contre l’accusation de complot a été rejeté. L’appelant a interjeté appel de sa déclaration de culpabilité d’avoir fait le trafic de MDA; la Cour d’appel a annulé la déclaration de culpabilité et inscrit un acquittement au motif que la preuve établissait que l’accusé avait fait le trafic de sel

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de MDA et non de MDA proprement dit. La Cour a jugé que, puisque le ministère public accusait l’appelant d’avoir fait le trafic d’une drogue précise, la MDA, cette drogue était un élément essentiel de l’infraction. La Cour a rejeté la prétention voulant que les dispositions pertinentes de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, c. F-27, qui inclut la «MDA ou tout sel de cette substance» parmi les drogues d’usage restreint, englobent tout sel de MDA dans une accusation qui ne mentionne que la MDA. Parlant au nom de la majorité de la Cour, le juge McIntyre a dit que la modification de l’acte d’accusation, même après l’audition de l’appel, aurait été appropriée. Cependant, puisqu’aucune demande n’avait été faite, la Cour a conclu qu’il fallait inscrire un acquittement.

Lorsque l’appel interjeté par le ministère public contre l’acquittement de l’appelant sur le troisième chef d’avoir fait le trafic a été entendu, la composition de la Cour était différente. En appel, le ministère public a demandé l’autorisation de modifier le troisième chef afin d’inculper l’appelant de possession de sel de MDA aux fins d’en faire le trafic. La Cour a autorisé la modification, accueilli l’appel du ministère public, annulé l’acquittement et ordonné un nouveau procès sur le troisième chef ainsi modifié. L’appelant a interjeté appel de cette décision devant la présente Cour.

Arrêt (le juge en chef Laskin et les juges Spence et Dickson étant dissidents): Le pourvoi doit être rejeté.

Les juges Martland, Judson, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré: Le seul point en litige dans le présent pourvoi est de savoir si la Cour d’appel a outrepassé ses pouvoirs en autorisant la modification du troisième chef de l’acte d’accusation pour le rendre conforme à la preuve en ajoutant un détail qui ne figurait pas dans le texte initial sur lequel l’appelant avait été acquitté. En raison de la participation active de l’appelant à la fabrication de chlorhydrate de MDA, on ne peut dire que l’appelant a pu être induit en erreur parce que ce sel n’était pas mentionné dans les détails de l’acte d’accusation. Il savait de toute façon qu’il était accusé de possession d’une drogue d’usage restreint aux fins d’en faire le trafic.

En ordonnant un nouveau procès, le juge MacLean a inséré dans son ordonnance la modification de la dénonciation parce qu’il était d’avis que les fins de la justice l’exigeaient. La Cour d’appel a rendu cette ordonnance en se fondant sur les dispositions des par. 613(4)b) et (8) du Code criminel. L’appelant prétend qu’à défaut d’autoriser la modification, il aurait été impossible d’ordonner un nouveau procès et que la modification ne constitue donc pas une ordonnance que la Cour pouvait

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rendre «en outre», dans l’exercice des pouvoirs conférés par le sous-al. (4)b)(i), mais plutôt un préalable au nouveau procès. Cette prétention a été rejetée. Lorsque le Parlement a autorisé la Cour d’appel, dans l’exercice de ses pouvoirs, à ordonner un nouveau procès et «en outre [à] rendre toute ordonnance que la justice exige», il voulait l’autoriser à rendre, dans ces circonstances, toute ordonnance additionnelle que les fins de la justice peuvent exiger, que le nouveau procès dépende ou non de la délivrance de cette ordonnance additionnelle.

Puisque, selon la preuve, les fins de la justice exigeaient la modification accordée, il n’est pas nécessaire d’exprimer d’opinion sur l’allégation que le pouvoir de la Cour d’appel d’autoriser une telle modification vient des dispositions du par. 610(3) du Code qui autorise la cour à exercer tout pouvoir «qui peut être exercé par la cour lors d’appels en matière civile …».

Les seuls termes impératifs de l’art. 529 du Code, traitant de la «Modification d’un acte ou d’un chef d’accusation défectueux», se trouvent au par. (1) qui prévoit «une objection à un acte ou chef d’accusation, pour un vice apparent à sa face même» et qui exige que cette objection soit présentée avant la plaidoirie et, par la suite, seulement sur permission de la cour ou d’un juge. En l’espèce, il n’y a pas de vice apparent à la face même de l’acte d’accusation; en conséquence, ce paragraphe ne s’applique pas. Rien dans cet article ne peut être interprété comme restreignant le pouvoir de la Cour d’appel de rendre, en vertu du par. 613(8), une ordonnance qui a pour effet d’autoriser la modification d’un acte d’accusation pour le rendre conforme à la preuve, lorsque les fins de la justice l’exigent.

Le juge en chef Laskin et les juges Spence et Dickson, dissidents: Le jugement de la Cour d’appel soulève trois questions: (i) la Cour d’appel a-t-elle le pouvoir de modifier un acte d’accusation?; (ii) si elle l’a, peut-elle s’en prévaloir pour ordonner un nouveau procès? et (iii) la Cour d’appel a-t-elle le pouvoir de remplacer l’accusation formulée dans l’acte d’accusation et sur laquelle portait l’appel par une autre accusation? Rien dans la jurisprudence ni dans la législation applicable n’autorise une cour d’appel à faire ce que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a fait en l’espèce, c’est-à-dire remplacer l’accusation initiale par une accusation portant sur une infraction différente, ce que le juge du procès ne pouvait faire si large que soit le pouvoir qui lui est conféré par l’art. 529 du Code criminel.

L’opinion que le par. 610(3) confère à une cour d’appel le pouvoir de modifier un acte d’accusation ne peut être admise. Ce paragraphe doit être situé dans le contexte des autres paragraphes de l’art. 610 qui traitent

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de questions relatives à la preuve. Les premiers mots du par. 610(3) en font ressortir la portée limitée: «une cour d’appel peut exercer … tout pouvoir non mentionné au paragraphe (1) qui peut être exercé … lors d’appels en matière civile». Le paragraphe ne peut donc être interprété comme une disposition autonome et isolée. On peut encore moins invoquer le par. 610(3) pour autoriser une cour d’appel à substituer une accusation différente à celle qui lui a été soumise.

La disposition du par. 613(8) prévoyant que la Cour d’appel peut rendre «en outre toute ordonnance que la justice exige» présuppose qu’elle a exercé son pouvoir d’ordonner un nouveau procès en vertu du par. 613(4). Elle ne permet pas à une cour d’appel de rendre une ordonnance sur laquelle fonder une ordonnance de nouveau procès; et surtout lorsque cette ordonnance ne se rapporte pas à l’accusation sur laquelle l’accusé a été acquitté ni à une erreur de droit relative à cette accusation. Cela est particulièrement évident si l’on se reporte, comme il se doit, à l’al. 605(1)a) sur lequel le ministère public doit se fonder pour interjeter appel d’un acquittement. A supposer, cependant, que le par. 613(8) confère à une cour d’appel un pouvoir plus étendu que la lecture des art. 613(4) et 605(1)a) ne semble révéler, il reste à déterminer si l’expression «en outre rendre toute ordonnance que la justice exige» autorise une cour d’appel à ordonner un nouveau procès portant sur une infraction différente de celle sur laquelle porte l’appel.

Il s’agit donc d’une usurpation des fonctions du procureur général et du ministère public. C’est à eux de décider, face à une accusation qui n’a pas été prouvée, de porter une autre accusation qui, selon la Cour, aurait dû être portée contre l’accusé. Ce n’est pas à la Cour d’adopter, dans un cas comme celui-ci, un point de vue ad hominem et de faire violence aux fonctions distinctes du tribunal et du ministère public, de crainte qu’une personne coupable d’une infraction différente échappe au châtiment.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique qui a autorisé la modification d’un acte d’accusation, accueilli l’appel du ministère public de l’acquittement de l’appelant et ordonné un nouveau procès selon l’acte d’accusation modifié, sur l’accusation d’avoir illégalement été en possession d’une drogue d’usage restreint aux fins d’en faire le trafic. Pourvoi rejeté, le Juge en chef et les juges Spence et Dickson étant dissidents.

P.C.P. Thompson et J.A.D. Bohun, pour l’appelant.

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S.M. Froomkin, c.r., et R. Leclaire, pour l’intimée.

Le jugement du juge en chef Laskin et du juge Spence a été rendu par

LE JUGE EN CHEF (dissident)—Ce pourvoi soulève une importante question touchant l’administration du droit criminel. Brièvement, il s’agit de savoir si une cour, en particulier une cour d’appel, a le pouvoir de formuler une accusation contre un inculpé et d’ordonner qu’il soit jugé à cet égard alors que ce n’est pas l’accusation que le ministère public a portée ou a voulu porter et qu’il ne s’agit pas d’une infraction incluse. Il me semble que la réponse à cette question doit être carrément négative, mais la Cour d’appel de la Colombie-Britannique y a répondu affirmativement en se fondant,, à mon avis, sur une conception erronée du problème auquel elle était confrontée comme un exposé des faits l’indique clairement.

L’appelant et une autre personne ont été jugés sur un acte d’accusation contenant les trois chefs suivants: (1) avoir comploté en vue de faire le trafic d’une drogue d’usage restreint, la méthylènedioxyamphétamine, plus commodément appelée MDA; (2) avoir fait le trafic de MDA et (3) avoir eu en leur possession de la MDA aux fins d’en faire le trafic. Ils ont tous deux été acquittés de l’accusation de complot; seul l’appelant a été déclaré coupable d’avoir fait le trafic, sur le deuxième chef, mais il a subséquemment été acquitté de l’accusation de possession aux fins de faire le trafic sur le troisième chef; pour l’acquitter, le juge du procès s’est fondé sur l’application de la défense de chose jugée et du principe énoncé dans l’arrêt Kienapple c. La Reine[1]. Les procédures intentées contre son coaccusé sur le troisième chef ont été suspendues.

Le ministère public a interjeté appel des acquittements prononcés sur les chefs 1 et 3, et l’accusé de sa déclaration de culpabilité sur le 2e chef. Le 26 novembre 1975, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté l’appel portant sur l’accusation de complot, ce qui n’influe pas sur la présente espèce. L’appel interjeté par l’appelant contre sa condamnation pour avoir fait le trafic de

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MDA a été entendu du 4 au 6 février 1976 par les juges Maclean, Seaton et McIntyre. Le 26 mars 1976, ce dernier a prononcé le jugement principal de la Cour[2]; il a annulé la déclaration de culpabilité et inscrit un acquittement parce que la preuve établissait que l’accusé avait fait le trafic de sel de MDA et non de MDA proprement dit. La Cour a jugé que, puisque le ministère public accusait l’appelant d’avoir fait le trafic d’une drogue précise, la MDA, cette drogue était un élément essentiel de l’infraction. La Cour a rejeté la prétention voulant que les dispositions pertinentes de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, c. F‑27, qui inclut la «MDA ou tout sel de cette substance» parmi les drogues d’usage restreint, englobent tout sel de MDA dans une accusation qui ne mentionne que la MDA. A son avis, le juge du procès avait erré en faisant indifféremment mention de MDA et de sel de MDA.

Le juge McIntyre a conclu ses motifs de jugement en ces termes:

[TRADUCTION] Il s’agit d’un cas où, à mon avis, la modification de l’acte d’accusation, même après l’audition de l’appel, aurait été appropriée. Si le ministère public en avait fait la demande, je la lui aurais accordée. Cependant, puisque aucune demande n’a été faite, je m’estime obligé, pour les motifs mentionnés précédemment, de conclure qu’il faut accueillir le présent appel et inscrire un acquittement.

Le juge Seaton, qui a rédigé de brefs motifs concordants, a fait remarquer que, même si un expert a témoigné que la MDA et le sel de MDA sont la même drogue, opinion qu’a adoptée le juge du procès, il s’agit d’une question de droit touchant l’interprétation des dispositions pertinentes de la Loi des aliments et drogues et particulièrement de l’annexe H. Aux termes de cette loi, il ne s’agit pas de la même drogue et, puisque le ministère public n’a pas cherché à obtenir la modification de l’acte d’accusation, il fallait inscrire un acquittement sur ce chef.

Le présent pourvoi résulte de la décision de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique lorsqu’elle a entendu l’appel interjeté par le ministère public contre l’acquittement de l’appelant sur le troisième chef, savoir, possession aux fins de trafic.

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J’aborderai la question sans me prononcer sur la validité de la décision de la Cour d’appel selon laquelle la Loi sur les stupéfiants a créé deux infractions distinctes, l’une afférente à la MDA et l’autre au sel de MDA. Aux fins du présent pourvoi, cette distinction doit subsister. L’appel interjeté par le ministère public contre l’acquittement de l’appelant sur l’accusation de possession aux fins de trafic a été entendu le 12 mai 1976, six semaines après que la Cour d’appel provinciale eut accueilli l’appel interjeté par l’appelant à l’égard du second chef d’accusation. La composition de la Cour était différente: elle était constituée des juges Maclean, McFarlane et Branca. En appel, le ministère public a demandé l’autorisation de «modifier» le troisième chef afin d’inculper l’appelant de possession de sel de MDA aux fins d’en faire le trafic. Dans ses brefs motifs de jugement, auxquels ont souscrit les autres membres de la Cour, le juge Maclean a autorisé la «modification», accueilli l’appel du ministère public, annulé l’acquittement et ordonné un nouveau procès sur le troisième chef ainsi modifié. Il dit simplement ceci:

[TRADUCTION] Les fins de la justice exigent que la modification soit autorisée en l’espèce et, à mon avis, l’accusé ne subira de ce fait aucun tort important.

Ainsi, il est clair que les juges qui ont composé les différents bancs de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique et ont entendu les appels sur les deuxième et troisième chefs, étaient certains d’avoir le pouvoir d’autoriser la «modification» d’un acte d’accusation de façon que l’accusé soit inculpé d’une infraction différente de celle pour laquelle il avait subi son procès. Mon collègue le juge Ritchie, dont j’ai eu l’avantage de lire les motifs, ne partage pas ce point de vue: il ne parle pas d’une «modification» permettant de porter une accusation différente, mais d’une modification afin de «rendre [l’acte] conforme à la preuve en ajoutant un détail qui ne figurait pas dans le texte initial de ce [troisième] chef d’accusation». J’ai déjà fait remarquer qu’aux fins du présent pourvoi, il faut tenir pour acquis que la spécification d’une drogue dans l’accusation constitue un élément essentiel de l’infraction. Ainsi, la substitution d’une drogue à une autre, dans le texte de l’accusation, équivaut à une accusation pour une infraction

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différente, même si l’autre élément essentiel, savoir, la possession aux fins de trafic, est le même. L’avocat du ministère public a d’ailleurs admis qu’en l’espèce, il est manifeste que l’acte d’accusation initial et l’acte modifié par la Cour d’appel visent des infractions différentes.

La Cour d’appel a-t-elle le pouvoir d’ordonner qu’un accusé subisse un nouveau procès sur une accusation différente de celle formulée à l’origine et différente de celle pour laquelle il a déjà été jugé? Une modification permettant de corriger un chef ou un acte d’accusation imparfait qui n’est pas nul en lui-même est une chose; c’est autre chose de remplacer l’accusation initiale par une accusation portant sur une infraction différente. Fournir une allégation essentielle qui a été omise dans une accusation explicite par ailleurs est une chose; modifier une accusation pour alléguer une infraction différente en est une autre.

II

En l’espèce, le jugement de la Cour d’appel soulève trois questions. Premièrement, la Cour d’appel a-t-elle le pouvoir de modifier un acte d’accusation? Deuxièmement, si elle l’a, peut‑elle s’en prévaloir pour ordonner un nouveau procès? Et enfin la Cour d’appel a-t-elle le pouvoir de remplacer l’accusation formulée dans l’acte d’accusation et sur laquelle portait l’appel par une autre accusation? Pour répondre à ces questions, il convient d’examiner d’abord les pouvoirs du juge du procès quant à la modification d’un acte d’accusation.

Ces pouvoirs sont maintenant prévus à l’art. 529 du Code criminel. Il n’est pas nécessaire de faire l’historique de cet article; il suffit de signaler qu’il remonte non seulement au premier Code criminel de 1892 (voir l’art. 723) mais à la Loi sur la procédure dans les causes criminelles, 1869 (Can.), c. 29, art. 70. Bien qu’il ne fût pas certain au début que le pouvoir de modifier dépassait celui de corriger une erreur de forme, des clarifications législatives et des décisions judiciaires postérieures ont établi l’existence d’un pouvoir élargi, notamment celui de fournir une allégation essentielle à l’infraction imputée aussi bien que celui de modifier les affirmations contenues dans l’accusation

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pour rendre ces détails conformes à la preuve: voir les arrêts R. c. Lacelle[3]; R. v. Kerr[4]; Yanovitch v. The Queen[5]. Si large que soit le pouvoir conféré au juge du procès, il ne l’autorise pas à substituer à l’infraction imputée une infraction différente. Le juge Meredith, juge en chef de l’Ontario, a affirmé ce principe il y a plus de cinquante ans dans l’arrêt Kerr, précité, à la p. 231, où il dit, au sujet de la disposition prévoyant la modification d’un acte d’accusation, qu’elle [TRADUCTION] «ne permet certainement pas une modification qui substitue une infraction différente à l’infraction initialement imputée ou qui ajoute d’autres infractions». Plus récemment, la Cour d’appel du Québec a énoncé la même opinion dans Dupont c. La Reine[6], à la p. 390; celle-là a été confirmée à nouveau par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt R. v. Elliott[7], à là p. 237. Un arrêt plus ancien, R. c. Cohen[8], est au même effet.

Je n’oublie pas l’art. 496 du Code criminel qui se rapporte à la présentation d’un acte d’accusation par le ministère public et à l’inclusion de chefs portant sur des infractions révélées par les témoignages recueillis à l’enquête préliminaire, même s’il ne s’agit pas d’une infraction à l’égard de laquelle l’accusé a été renvoyé pour subir son procès. Bien que cette disposition ne touche pas les pouvoirs du juge du procès, elle montre qu’il revient à la poursuite de décider, dans des circonstances précises, si l’on doit ajouter une infraction à celle de la dénonciation ou la remplacer par une autre. Le plus loin que soient allés les tribunaux, en matière de substitution d’infractions, est de permettre au ministère public de demander pareille modification de la dénonciation pour laquelle l’accusé a choisi d’être jugé par un magistrat, mais, dans ce cas, on doit permettre à l’accusé d’effectuer un nouveau choix: voir l’arrêt R. v. Hollman[9]. Je ne me prononce pas sur la validité de

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ce point de vue. Il s’agit essentiellement du retrait d’une dénonciation présentée par le ministère public et du dépôt d’une autre, ce qu’il est habilité à faire à l’égard des actes d’accusation.

Examinons maintenant les pouvoirs de la cour d’appel en matière de modification ou de substitution; je ne trouve aucune disposition du Code criminel qui accorde plus de pouvoirs à cet égard à la cour d’appel qu’au juge du procès; en fait, aucune disposition n’accorde expressément à la cour d’appel des pouvoirs afférents aux actes d’accusation. Quelle que soit sa composition, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique n’a invoqué ni même mentionné de dispositions du Code criminel pour étayer le pouvoir qu’elle revendique en l’espèce. Toutefois, au cours des débats devant cette Cour, les art. 610, 613(8) et 529 ont été cités.

J’examinerai d’abord l’art. 610 que voici:

610. (1) Aux fins d’un appel prévu par la présente Partie, la cour d’appel peut, lorsqu’elle l’estime dans l’intérêt de la justice,

a) ordonner la production de tout écrit, toute pièce ou autre chose se rattachant aux procédures;

b) ordonner qu’un témoin qui aurait été un témoin contraignable lors du procès, qu’il ait été appelé ou non au procès,

(i) comparaisse et soit interrogé devant la cour d’appel, ou

(ii) soit interrogé de la manière prévue par les règles de cour devant un juge de la cour d’appel, ou devant tout fonctionnaire de la cour d’appel ou un juge de paix ou autre personne nommée à cette fin par la cour d’appel;

c) admettre, comme preuve, un interrogatoire recueilli aux termes du sous-alinéa b)(ii);

d) recevoir la déposition, si elle a été offerte, de tout témoin, y compris l’appelant, qui est compétent pour témoigner mais non contraignable;

e) ordonner que toute question surgissant à l’occasion de l’appel et qui

(i) comporte un examen prolongé d’écrits ou comptes, ou des recherches scientifiques ou locales, et

(ii) ne peut, de l’avis de la cour d’appel, être examinée commodément devant la cour l’appel,

soit déférée pour enquête et rapport, de la manière prévue par les règles de cour, à un commissaire spécial nommé par la cour d’appel; et

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f) donner suite au rapport d’un commissaire nommé en vertu de l’alinéa e) dans la mesure où la cour d’appel estime opportun de le faire.

(2) Dans des procédures en vertu du présent article, les parties ou leurs avocats ont droit d’interroger ou de contre-interroger les témoins et, dans une enquête visée par l’alinéa (1)e), ont droit d’être présents à l’enquête, d’apporter des témoignages et d’être entendus.

(3) Une cour d’appel peut exercer, relativement aux procédures devant la cour, tout pouvoir non mentionné au paragraphe (1) qui peut être exercé par la cour lors d’appels en matière civile, et elle peut décerner tout acte judiciaire nécessaire pour l’exécution des ordonnances ou sentences de la cour, mais aucuns frais ne doivent être accordés à l’appelant ou à l’intimé sur l’audition et décision d’un appel, ou à l’occasion de procédures préliminaires ou accessoires à cet appel.

(4) Tout acte judiciaire décernée par la cour d’appel aux termes du présent article peut être exécuté à tout endroit au Canada.

Je reproduis intégralement cet article pour replacer dans leur contexte les seuls termes pertinents en l’espèce, soit le début du par. (3): «Une cour d’appel peut exercer, relativement aux procédures devant la cour, tout pouvoir non mentionné au paragraphe (1) qui peut être exercé par la cour lors d’appels en matière civile …». L’article 610 qui, lors de son adoption, était le par. 1021(1) du Code criminel, adopté par 1923 (Can.), c. 41, art. 9, provenait de l’art. 9 de l’English Criminal Appeal Act, 1907 (R.-U.), c. 23. Les cours anglaises semblent n’avoir eu recours à cet article que pour autoriser l’admission de nouveaux éléments de preuve en appel: voir l’arrêt R. v. Robinson[10]. Une disposition semblable était invoquée dans l’arrêt R. v. Burns[11] en Nouvelles-Galles du Sud pour étayer le pouvoir d’une cour d’appel de modifier un acte d’accusation. Dans cette affaire, l’accusé était inculpé, selon l’acte d’accusation, d’avoir obtenu un document de voyage en donnant de faux renseignements à N, avec l’intention de frauder, mais la preuve établissait qu’il n’avait pas donné de faux renseignements à N, mais à une autre personne; on a jugé que la disposition susmentionnée n’était pas assez large pour permettre à une cour d’appel de faire la modification. Bien que dissident parce que

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la déclaration de culpabilité de l’accusé ne causait aucun tort important et ne constituait pas un déni de justice, le juge en chef Cullen était néanmoins du même avis que ses collègues qui ont affirmé que l’équivalent de notre par. 610(3) n’autorise pas une cour d’appel à modifier un acte d’accusation sur lequel le juge du procès s’est prononcé; il a déclaré en outre (à la p. 356): [TRADUCTION] «si la législature avait eu l’intention d’accorder un pouvoir aussi large, on pourrait s’attendre à ce qu’il soit formulé en termes clairs».

Le paragraphe 610(3) a été examiné dans plusieurs affaires en Colombie-Britannique. L’arrêt R. v. Danyleyko[12] peut être écarté parce que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, siégeant à titre de Cour d’appel des territoires du Yukon, a invoqué le par. 610(3) et la Court of Appeal Act provinciale pour appuyer son droit de renvoyer un exposé de cause à un magistrat pour modification; il n’a donc pas trait au point en litige en l’espèce. Dans l’affaire R. v. McNutt[13], on a soulevé la question de la preuve de la compétence territoriale d’un magistrat aux termes d’un acte d’accusation inculpant l’accusé de s’être livré à des voies de fait au lieu H alors que l’incident s’était produit au lieu W, deux endroits dans les limites de sa compétence territoriale. Aucune modification n’avait été faite ni demandée au magistrat. La majorité de la Cour a ordonné un nouveau procès vu le déroulement des procédures devant les tribunaux inférieurs (le juge dissident a conclu que la compétence territoriale n’avait pas été prouvée); toutefois, en obiter, le juge Davey a également déclaré que le texte de ce qui est maintenant le par. 610(3) était assez large pour permettre à la Cour d’appel de faire une modification afin d’éviter un déni de justice. Toutefois cette déclaration est issue du doute soulevé par un arrêt antérieur de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, R. v. More and Melville[14] (le juge Davey était membre de la Cour). On y a décidé qu’une allégation quant au lieu précis d’une infraction constitue une allégation essentielle, de sorte que si la preuve montre que l’infraction a été commise à un autre endroit et qu’aucune modifica-

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tion n’a été faite au procès, la Cour d’appel ne peut procéder d’elle-même à la modification, mais doit annuler la déclaration de culpabilité. Cependant, on a jugé que la Cour peut ordonner un nouveau procès dans intérêt de la justice et qu’il revient au juge du procès de décider si une modification est nécessaire et, dans l’affirmative, si elle doit être faite. Dans l’arrêt McNutt, le juge Wilson s’est contenté d’appliquer l’arrêt More and Melville à cet égard, tout en partageant l’opinion du juge Davey que la tenue d’un nouveau procès était justifiée en l’espèce vu le déroulement des procédures.

L’arrêt More and Melville s’appuie, entre autres, sur l’arrêt R. v. Austin[15], où la Cour d’appel de l’Ontario a jugé qu’à l’égard d’une accusation de vol, la preuve que la personne volée est bien celle qui est nommée est essentielle. En conséquence, si aucune modification n’est faite au procès pour rendre l’acte d’accusation conforme à la preuve, la Cour d’appel ne peut remédier à ce vice parce qu’elle n’en a pas le pouvoir et elle doit donc prononcer un acquittement. Aucun motif supplémentaire n’a été invoqué dans l’arrêt Austin, à la différence de l’arrêt More and Melville, pour justifier un nouveau procès; une allégation essentielle n’avait pas été prouvée au procès et la Cour d’appel n’a pas jugé bon d’entrer en lice pour faire ce que le ministère public pouvait faire et n’avait pas fait lui-même, savoir, demander une modification du chef d’accusation au procès.

Ceci m’amène à un arrêt plus récent de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, R. v. Wixalbrown and Schmidt[16], qui a réduit la portée de l’arrêt R. v. More and Melville. La majorité du banc de cinq juges a conclu que (pour reprendre les mots du juge Davey, à la p. 39) [TRADUCTION] «la présente Cour peut exercer, dans certaines circonstances, les pouvoirs de modification conférés par le Code au juge du procès», mais qu’elle doit les exercer avec circonspection. Le juge Davey n’a pas indiqué quelles dispositions du Code criminel donnent ce pouvoir à une cour d’appel. Ses propos révèlent clairement qu’il prétendait exercer

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les pouvoirs conférés au tribunal de première instance en vertu de ce qui est maintenent l’art. 529. En même temps, il a fondé sa conclusion sur l’adoption des motifs du juge Wilson qui avait invoqué ce qui est maintenant le par. 610(3) et souligné que l’arrêt More and Melville ne fait aucune mention de cette disposition, pour conclure que l’art. 529 ne s’applique pas à une cour d’appel. Je dois dire dès maintenant qu’on ne peut appuyer l’arrêt Wixalbrown and Schmidt sur l’art. 529 qui ne traite expressément que de questions relatives au procès. Il s’insère dans la Partie XVII du Code criminel—Procédure par acte d’accusation—alors que les pouvoirs de la Cour d’appel sont définis à la Partie XVIII—Appels—Actes criminels—sans aucune incorporation par renvoi.

Cette définition des pouvoirs de modification d’une cour d’appel, donnée par le juge Davey, qui parlait au nom des juges Bird et Tysoe (le juge Sheppard était dissident sur ce point), constitue un motif subsidiaire de la décision, compte tenu des faits de l’espèce. Les deux prévenus étaient accusés de s’être introduits par effraction en un certain lieu, à un moment précis, et d’avoir commis un acte criminel, savoir, un vol. L’accusation était portée en vertu de ce qui est maintenant l’al. 306(1)b) (alors l’al. 292(1)b)) qui définit l’infraction en utilisant le mot «y». L’acte d’accusation ne contenait pas ce mot et aucune objection n’avait été soulevée sur ce point au procès qui s’est déroulé sur la base d’un vol commis dans les lieux mentionnés. Le mot «y» figurait dans la dénonciation en vertu de laquelle s’est tenue l’enquête préliminaire qui a entraîné le renvoi des accusés au procès. En appel de la déclaration de culpabilité, l’avocat des accusés a, pour la première fois, soulevé deux objections; la première, l’absence ou l’insuffisance de détails sur le vol imputé, aux termes de l’art. 492 (maintenant l’art. 510), et, la deuxième, l’omission du mot «y» qui, selon lui, constituait une omission d’une allégation essentielle; il a prétendu qu’en conséquence, les accusés avaient été déclarés coupables d’une infraction inexistante en droit.

Le juge Davey a statué sur la première objection en admettant que l’acte d’accusation aurait été fatalement vicié si l’accusé avait été uniquement

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inculpé de vol (selon l’arrêt Brodie c. Le Roi[17], à la p. 199), mais puisque le vol imputé faisait partie d’une infraction complexe et qu’il y avait suffisamment de détails pour permettre à l’accusé de répondre à l’accusation, cette objection était irrecevable. Quant à la deuxième objection (l’omission du mot «y» dans l’acte d’accusation), le juge Davey y a répondu de deux façons. Il a d’abord jugé que, compte tenu du contexte (pour tenter de faire une distinction avec la décision de cette Cour rendue dans l’affaire McNeil c. Le Roi[18], avec, selon moi, plus ou moins de bonheur), il ne s’agissait pas de l’omission d’une allégation essentielle, mais plutôt de la formulation imparfaite de cette allégation qui n’avait entraîné aucun tort important ni déni de justice. Puis, admettant pour les besoins de la cause qu’il y avait eu omission d’une allégation essentielle, il a déclaré en second lieu qu’en principe (je cite, à la p. 39),

[TRADUCTION] … nul ne doit être déclaré coupable ni être emprisonné sur une accusation qui omet une allégation essentielle nécessaire à l’existence d’une infraction en droit. Ceci constitue en soi un tort important. Je ne vois aucune différence de principe entre une condamnation prononcée sur une accusation où il manque une allégation nécessaire à l’existence d’un crime et une condamnation prononcée pour une infraction inexistante en droit. Reconnaître la validité de la première ouvrirait la porte à de graves abus sans fin.

Il a cependant ajouté que [TRADUCTION] «nous pourrions répondre à cette objection par une modification, si nous en avions le pouvoir». Il a conclu, comme je l’ai déjà dit, qu’une cour d’appel «peut exercer, dans certaines circonstances, les pouvoirs de modification conférés par le Code aux juges du procès». Il n’a pas indiqué la source de ce pouvoir, que seule une loi peut conférer. Tout ce que je peux déduire du fait que le juge Davey s’est appuyé sur les motifs du juge Wilson, c’est que d’après le juge Davey, ce pouvoir est tiré de ce qui est maintenant le par. 610(3) du Code criminel. Cependant, le par. 610(3) parle des pouvoirs d’une cour d’appel en matière civile et il n’autorise aucunement une cour d’appel à exercer les pouvoirs conférés au juge du procès par le Code criminel.

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Pour régler la question de l’omission d’une allégation essentielle, qui n’a soulevé aucune objection au procès, le juge Sheppard a invoqué le principe établi dans l’arrêt R. v. Leclair[19]: lorsqu’un accusé ne demande pas, avant sa plaidoirie, l’annulation de l’acte d’accusation et ne soulève pas d’objection au cours du procès, la Cour d’appel peut s’opposer à ce qu’il soulève la question devant elle, à moins qu’elle soit d’avis que l’accusé a été lésé ou induit en erreur. Dans l’affaire Leclair, une allégation essentielle avait été omise, mais l’article du Code pertinent à l’infraction imputée était mentionné. A mon avis, ceci doit avoir une incidence sur l’énoncé de principe qui, autrement, semblerait contredire l’opinion du juge Davey, citée précédemment, selon laquelle l’omission d’une allégation essentielle constitue en soi un tort important. Il n’est pas nécessaire, cependant, d’insister sur ce point. Je passe donc maintenant à ce qu’a dit le juge Sheppard sur la question de savoir si la Cour d’appel a le pouvoir de modifier un acte d’accusation (à la p. 44):

[TRADUCTION] La Cour d’appel n’a pas le pouvoir de modifier l’acte d’accusation et la déclaration de culpabilité en ajoutant le mot «y» comme le demande le ministère public. Puisque, sous réserve de certaines conditions, le Parlement a expressément conféré au tribunal de première instance le pouvoir de modifier les actes d’accusation (art. 510) [maintenant l’art. 529], on peut difficilement interpréter les autres articles du Code comme conférant implicitement à une autre cour, telle la Cour d’appel, le pouvoir de modifier un acte d’accusation ou une déclaration de culpabilité, que ce soit sous réserve des conditions imposées au tribunal de première instance ou sans aucune restriction. D’ailleurs, la première question que doit se poser la Cour d’appel est celle de savoir s’il y a eu tort important ou déni de justice (sous-al. 592(1)b)(iii)) [maintenant le sous-al. 613(1)b)(iii)]; si ce n’est pas le cas, l’appel doit être rejeté et le litige prend fin. Par contre, dans l’affirmative, l’appel doit être accueilli et la déclaration de culpabilité annulée et la Cour doit prononcer un acquittement ou ordonner un nouveau procès (par. 592(2)) [maintenant le par. 613(2)]. Une modification ne sera nécessaire qu’en cas de nouveau procès et le tribunal de première instance est habilité à procéder à cette modification ce qui permet à l’accusé de plaider en fonction de celle-ci. La Cour d’appel n’a donc pas le pouvoir de modifier l’acte d’accusation ni la déclaration de culpabilité, comme le demande le ministère public.

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J’ai examiné à fond l’arrêt Wixalbrown and Schmidt parce qu’il a été suivi dans d’autres décisions sur le pouvoir de modification. Certaines remarques s’imposent. Tout d’abord cet arrêt ne traite pas de la substitution d’une nouvelle accusation à l’accusation initialement portée, aspect crucial en l’espèce. Ensuite, le juge Wilson n’a pas dit ce que le juge Davey lui fait dire. Le juge Wilson souligne qu’une cour d’appel ne peut se fonder sur l’actuel art. 529 pour modifier un acte d’accusation puisque cet article ne s’applique qu’au juge du procès, mais qu’elle peut se fonder sur l’actuel par. 610(3) qui lui donne un pouvoir de modification semblable à celui que possède une cour d’appel en matière civile.

Je ne puis admettre que le par. 610(3) confère à une cour d’appel le pouvoir de modifier un acte d’accusation. On doit situer ce paragraphe dans le contexte des autres paragraphes de l’art. 610 qui traitent de questions relatives à la preuve. Les premiers mots du par. 610(3) en font ressortir la portée limitée: «Une cour d’appel peut exercer… tout pouvoir non mentionné au paragraphe (1) qui peut être exercé … lors d’appels en matière civile». On ne peut donc interpréter le paragraphe comme une disposition autonome et isolée. Le juge Wilson a tenté d’appuyer son point de vue sur l’arrêt Kissick c. Le Roi[20], prononcé par cette Cour, mais cet arrêt portait sur l’admissibilité d’une preuve et avait donc trait à l’objet même de l’art. 610. On peut encore moins invoquer le par. 610(3) pour autoriser une cour d’appel à substituer une accusation différente à celle qui lui a été soumise.

L’arrêt Wixalbrown and Schmidt a été invoqué par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’affaire R. v. Breland and George[21], où des allégations essentielles ne figuraient pas dans l’accusation sans qu’aucune objection n’ait été soulevée au procès. Le jugement de la majorité reposait sur d’autres motifs. Le premier est le principe établi dans l’arrêt R. v. Leclair, précité, selon lequel, si l’accusé n’a soulevé aucune objection au procès, il ne peut le faire en appel à moins qu’il

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n’ait été lésé ou induit en erreur; le deuxième est le principe apparemment tiré des motifs du juge Davey dans l’arrêt Wixalbrown and Schmidt selon lequel, même si l’accusé a été lésé ou induit en erreur, la Cour d’appel peut modifier et confirmer la déclaration de culpabilité en vertu de l’art. 529 du Code criminel s’il n’y a eu aucun tort important ni déni de justice. Je doute que cet arrêt aille aussi loin (et le jugement dissident du juge Whittaker renforce mon doute) puisqu’en l’instance, le juge Davey s’est mépris sur les propos du juge Wilson. Quoi qu’il en soit, je n’ai pas à approfondir ce point parce que l’affaire Breland and George ne porte pas sur la substitution d’une accusation différente mais simplement sur la correction d’un acte d’accusation imparfait.

Il existe un autre courant jurisprudentiel représenté par les arrêts Morin et Morin c. La Reine[22] et R. v. Pearson[23], qui adopte une attitude stricte face au ministère public lorsque ce dernier n’a pas prouvé un détail essentiel d’une accusation et qu’il n’a pas demandé de modification au juge du procès. Dans l’affaire Morin, il s’agissait d’une accusation de possession illégale de marchandises à une date déterminée alors que la preuve établissait qu’il y avait eu possession à une date ultérieure. Le ministère public n’a pas demandé la modification de l’acte d’accusation, mais le tribunal a prononcé un verdict de culpabilité. La Cour d’appel du Québec a jugé que l’infraction imputée n’avait pas été prouvée et qu’elle n’avait pas le pouvoir de faire les corrections nécessaires, citant l’arrêt R. v. Volaine[24]. Ce genre d’affaires est différent des cas d’omission d’allégations essentielles ou de détails; l’accusation est en tout point valable mais, comme dans l’affaire Volaine, on allègue la perpétration d’une infraction à une date déterminée alors que la preuve ne montre pas qu’un des actes prohibés a été commis ce jour-là. Comme aucune correction n’avait été faite au cours du procès, on a jugé dans l’affaire Volaine que la Cour d’appel n’avait pas le pouvoir de corriger l’erreur; la déclaration de culpabilité n’était donc pas valide et il fallait ordonner l’acquittement.

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Dans l’arrêt Pearson (précité), il y avait une divergence quant au lieu de l’infraction entre l’accusation et la preuve produite, mais aucune demande de modification n’avait été présentée. En appel, la majorité de la Cour d’appel du Québec a jugé que la déclaration de culpabilité devait être annulée et un acquittement prononcé parce que la Cour d’appel n’avait pas le pouvoir de modifier l’accusation afin de la rendre conforme à la preuve. Le juge Owen a appuyé sa dissidence sur un examen approfondi de la jurisprudence. Il a préféré suivre, quant à la divergence sur le lieu de l’infraction, le courant jurisprudentiel issu d’arrêts anglais selon lequel une divergence sur la date n’est pas fatale à la condamnation, car ni le lieu ni la date ne constitue une allégation essentielle. La condamnation devait donc être maintenue puisque l’accusé n’avait pas été lésé ni induit en erreur. Il a déclaré en outre (à la p. 26):

[TRADUCTION] Etant donné cette conclusion, j’estime inutile de décider si la présente Cour a, en l’espèce, le pouvoir de modifier l’acte d’accusation afin de le rendre conforme à la preuve.

L’arrêt R. v. Christiansen[25], de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, soulève un autre point. Cette Cour-là a unanimement jugé que la preuve ne permettait pas d’étayer une accusation de trafic de stupéfiants en en faisant la distribution et qu’une tentative de commettre l’infraction n’était pas établie. Cependant elle était partagée quant aux conséquences de cette décision. Comme la preuve pouvait étayer une accusation de trafic de stupéfiants en les donnant, la question était de savoir si le juge de première instance aurait dû modifier d’office l’acte d’accusation et si, ne l’ayant pas fait, il avait commis une erreur pouvant donner lieu à cassation. Le juge en chef Hughes du Nouveau-Brunswick a statué que, vu la jurisprudence, le juge du procès n’était pas tenu de modifier l’acte d’accusation pour le rendre conforme à la preuve, car le ministère public ne l’avait pas demandé, et qu’il fallait donc rejeter l’appel de ce dernier contre l’acquittement. Le juge Ryan s’est contenté de rejeter l’appel parce que l’infraction n’avait pas été prouvée. Seul le juge Limerick, qui

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était dissident, a considéré que le par. 610(3) accorde à la Cour d’appel le pouvoir de modifier l’acte d’accusation mais, apparemment, uniquement parce que l’omission du juge du procès constituait une erreur de droit. Selon lui, il fallait ordonner un nouveau procès sur l’acte d’accusation modifié, invoquant à cet égard le par. 613(8) du Code criminel.

Je ne puis souscrire à l’avis du juge Limerick selon lequel il incombe au juge du procès de modifier un acte d’accusation afin de le rendre conforme à la preuve lorsque le ministère public ne l’a pas demandé et je rejette donc le principe sur lequel il se fonde pour soutenir que le par. 610(3) donne ce pouvoir à la Cour d’appel. En fait, si c’est à juste titre qu’il attribue ce devoir au juge du procès, il n’est pas nécessaire de recourir au par. 610(3) puisqu’il s’agit seulement de corriger une erreur de droit commise par un tribunal d’instance inférieure. Je conclus que l’arrêt Christiansen n’est d’aucune utilité en l’espèce.

C’est un fait qu’il est devenu plus difficile de faire la différence entre une accusation invalide et une accusation simplement imparfaite depuis que le juge du procès a le pouvoir de modifier l’acte d’accusation en y ajoutant une allégation essentielle omise. L’arrêt R. v. Hunt, Nadeau and Paquette[26], en est un exemple: la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a jugé dans ce cas que l’accusation ne révélait aucune infraction et qu’elle ne pouvait donc pas être modifiée. Dans l’arrêt R. c. Major[27], qui a été soumis à cette Cour (voir 27 C.C.C. (2d) 239), le juge en chef MacKeigan de la Nouvelle-Écosse a examiné les deux arrêts R. v. Leclair et R. v. Wixalbrown and Schmidt et, parlant au nom de la majorité, a déclaré (à la p. 65) que [TRADUCTION] «l’omission de ce que l’on considérait comme une allégation essentielle ne suffit plus pour empêcher la modification d’une accusation, même en cour d’appel, tant que l’accusé est raisonnablement informé et n’est pas lésé, surtout lorsque l’infraction est correctement identi-

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fiée par le numéro de l’article». Ce pouvoir doit tirer son origine de Fart. 529 parce que le juge en chef MacKeigan a déclaré souscrire à l’opinion du juge Davey dans l’arrêt Wixalbrown and Schmidt.

Pour le juge en chef MacKeigan, le point en litige dans l’arrêt Major était de savoir si l’accusation était entachée de nullité absolue et donc non-modifiable, ou si elle pouvait être modifiée malgré son imperfection. Il a conclu qu’elle pouvait l’être par l’addition d’une allégation essentielle qui avait été omise, mais qu’il était nécessaire de vérifier d’abord si le point touché par l’allégation manquante avait en fait été prouvé pour déterminer si l’accusation devait être modifiée et l’accusé déclaré coupable. C’est au sujet de l’existence de pareille preuve que le juge Cooper était dissident et, contrairement à la majorité de la Cour, il aurait autorisé la modification et confirmé la déclaration de culpabilité que la majorité a annulée. Dans la mesure où la décision de la Cour de la Nouvelle-Écosse dans l’affaire Major vient déclarer qu’une cour d’appel peut exercer les pouvoirs d’un tribunal de première instance en vertu de l’art. 529, qui permet de modifier un acte d’accusation en y insérant une allégation essentielle, elle est, à mon avis, erronée en droit, ce qui ressort clairement à la simple lecture de l’art. 529. Cette Cour a rendu, en appel, de brefs motifs oraux par lesquels elle se rallie à l’opinion du juge Cooper et rétablit ainsi la déclaration de culpabilité: voir (1976), 27 C.C.C. (2d) 239.

Cette Cour a étudié l’arrêt Major dans une récente décision, R. c. Côté[28], où le ministère public a interjeté appel d’un acquittement prononcé sur une dénonciation portant une accusation aux termes du par. 235(2) du Code criminel; la dénonciation mentionne l’article, mais les mots «sans excuse raisonnable» n’y figurent pas. L’accusé n’a soulevé aucune objection relativement à cette omission, ni en première instance, ni au cours du procès de novo. Il n’a pas allégué non plus, dans son avis d’appel, que l’accusation ne révélait aucune infraction. Cependant, la Cour d’appel de la Saskatchewan a accordé l’autorisation de modifier l’avis d’appel pour soulever cette objection et a annulé la déclaration sommaire de culpabilité. Le

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pourvoi interjeté devant cette Cour portait sur l’application des par. 732(1) et (3) et 755(4) (en vigueur à l’époque) du Code criminel. La question de savoir si l’art. 732, qui traite des pouvoirs et statut d’une cour des poursuites sommaires, est pertinent à l’égard d’une question soulevée en cour d’appel est, au mieux, discutable. Je doute également sérieusement de l’application du par. 755(4) à une cour d’appel puisqu’il fait état d’une «cour d’appel», définie à l’art. 747, en tant que tribunal où se tiennent les procès de novo, tandis que l’art. 771 vise les appels subséquents à une cour d’appel. Cependant, ni les par. 732(1) et (3), ni le par. 755(4) n’étaient nécessaires pour trancher le pourvoi du ministère public (qui a été accueilli par cette Cour), puisque le juge de Grandpré, qui parlait au nom de la majorité, et le juge Spence, qui a soumis des motifs concordants, ont convenu que le texte de la dénonciation était suffisant et ne nécessitait aucune modification.

Cependant, vu les moyens avancés par les avocats sur la question qui avait fait l’objet de l’autorisation d’appel, le juge de Grandpré a examiné l’arrêt Major. Il a fait remarquer, avec l’accord du juge Spence sur ce point, que le pourvoi portait uniquement sur la question de savoir si la preuve était suffisante pour établir un élément de l’infraction imputée et que la Cour partageait l’opinion dissidente du juge Cooper de la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse, qu’une telle preuve existait. Les remarques et les conclusions additionnelles du juge de Grandpré au sujet des par. 732(1) et (3) et 755(4) (j’ai déjà signalé que je doute qu’ils soient applicables à une cour d’appel), selon lesquelles «c’était une erreur de la part de la Cour d’appel de la Saskatchewan de ne pas examiner l’application des dispositions pertinentes des art. 732 et 755 … en l’espèce et de juger que la dénonciation ne révélait pas une infraction tombant sous le coup de la loi» (à la p. 358 du 33 C.C.C. (2d)) ne sont pas pertinentes en l’espèce.

Cette conclusion est précédée de la remarque suivante: «cette décision récente [l’arrêt Major] règle le problème. Il faut donc répondre par l’affirmative à la question de droit posée dans l’ordonnance autorisant le pourvoi [dans l’arrêt Côté]».

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Quelle que soit l’interprétation de l’arrêt Major, il ne vise en aucune façon le pouvoir d’une cour d’appel de remplacer une accusation par une autre portant sur une infraction différente. Il faut présumer que lorsque le juge en chef MacKeigan mentionne le pouvoir de modifier de la Cour d’appel, il ne peut faire allusion qu’à l’art. 529, bien qu’il n’ait indiqué aucune disposition du Code criminel.

Puisqu’il est établi—et l’arrêt R. v. Vallée[29], en est une illustration récente—qu’une accusation ou un acte d’accusation qui ne révèle pas d’infraction est entaché de nullité et ne peut être modifié par le juge du procès, malgré les vastes pouvoirs que lui confère l’art. 529, et qu’une cour d’appel ne peut rétablir un acte entaché de nullité, il serait surprenant qu’une cour d’appel puisse, en appel, substituer une accusation différente alors que le juge du procès lui‑même ne peut le faire. Ce pouvoir ne lui est pas expressément accordé; en fait, une cour d’appel n’a pas expressément le pouvoir de faire des modifications, comme c’est le cas en Nouvelle-Zélande aux termes du par. 392(1) de la Crimes Act, 1908 (N.-Z.), n° 32. Il semble que si la Cour d’appel décide d’ordonner un nouveau procès plutôt que d’appliquer la doctrine de Leclair pour interdire à l’inculpé de s’opposer à l’acte d’accusation, elle devrait ordonner un nouveau procès et laisser le juge du procès décider de l’opportunité d’une modification.

III

Je passe maintenant au par. 613(8) du Code criminel et, pour le situer dans son contexte, je vais également citer le par. 613(4), en vigueur au moment de l’institution des présentes procédures devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique (il a été modifié depuis par la Loi de 1975 modifiant le droit pénal, 1974-75-76 (Can.), c. 93, art. 75, entré en vigueur le 26 juillet 1976, mais sans modification de fond). Les deux paragraphes en cause se lisent ainsi:

613. (4) Quand un appel est interjeté d’un acquittement, la cour d’appel peut

a) rejeter l’appel; ou

b) admettre l’appel, écarter le verdict et

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(i) consigner un verdict de culpabilité à l’égard de l’infraction dont, à son avis, l’accusé aurait dû être déclaré coupable, n’eût été l’erreur en droit, et prononcer une sentence justifiée en droit, ou

(ii) ordonner un nouveau procès.

(8) Lorsqu’une cour d’appel exerce des pouvoirs conférés par le paragraphe (2), (4), (6) ou (7), elle peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige.

J’ajoute à cela que le pouvoir de cette Cour d’entendre l’appel de l’accusé contre l’annulation de son acquittement est conféré par l’al. 618(2)a) qui accorde le droit d’interjeter appel, dans un tel cas, sur une question de droit, soit en l’espèce la question de l’interprétation et de l’application des par. 613(4) et (8).

Grammaticalement et selon le sens ordinaire de cette disposition, lorsque le ministère public interjette appel d’un acquittement, la cour d’appel trouve au par. 613(4) l’énumération des pouvoirs dont elle est alors investie et c’est seulement lorsque (aux termes du par. 613(8)) «une cour d’appel exerce des pouvoirs conférés par le paragraphe … (4) … [qu’] elle peut en outre [de ce faire (c’est moi qui ajoute les mots en italiques)] rendre toute ordonnance que la justice exige». La disposition du par. 613(8) prévoyant qu’elle peut rendre «en outre toute ordonnance que la justice exige» présuppose qu’elle a exercé son pouvoir d’ordonner un nouveau procès en vertu du par. 613(4). A mon avis, elle ne permet pas à une cour d’appel de rendre une ordonnance sur laquelle fonder une directive de nouveau procès, surtout lorsque cette ordonnance ne se rapporte pas à l’accusation sur laquelle l’accusé a été acquitté ni à une erreur de droit relative à cette accusation. Cela est particulièrement évident si l’on se reporte, comme il se doit, à l’al. 605(1)a) sur lequel le ministère public doit se fonder pour interjeter appel d’un acquittement. Les appels sont régis par la loi, et par la loi seulement, et les restrictions imposées par le Parlement aux appels interjetés par le ministère public sont claires. Une cour d’appel, dont les pouvoirs se limitent aux questions de droit soulevées par l’acte d’accusation en vertu duquel un accusé a été jugé et acquitté, ne peut utiliser son pouvoir d’ordonner un nouveau procès que si elle peut en fonder l’exercice sur l’accusation soumise et examinée au

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procès. L’accusé ne doit avoir à répondre qu’à cette accusation (abstraction faite des infractions incluses) et la justice à son égard, que le Code criminel tente d’exprimer conformément aux notions fondamentales que concrétise la présomption d’innocence, exige qu’il ne soit pas obligé de sortir des limites de ce que le ministère public a choisi de lui imputer.

Ce qui est maintenant le par. 613(8) a été étudié par le juge Fauteux, alors juge puîné, dans l’arrêt Welch c. Le Roi[30], où il s’est prononcé, au nom de la majorité de la Cour, sur un litige résultant d’une déclaration de culpabilité sur une accusation d’homicide involontaire coupable, prononcée lors d’un second procès alors que l’accusé avait d’abord été inculpé de meurtre et déclaré coupable d’homicide involontaire coupable. Le premier verdict avait été annulé en raison de directives erronées et la Cour d’appel de l’Ontario n’avait pas ordonné de nouveau procès, ni prononcé d’acquittement, ni refusé de le faire, se contentant de dire que l’accusé n’était pas acquitté même si la déclaration de culpabilité était annulée. Il y eut un second procès. En fin de compte, la majorité de cette Cour a accueilli le pourvoi de l’accusé, annulé la déclaration de culpabilité prononcée au deuxième procès et ordonné sa libération. Dans l’affaire Welch, cette Cour avait à examiner un jugement incomplet prononcé par la Cour d’appel de l’Ontario à l’égard du premier procès, et donc les pouvoirs statutaires des cours d’appel en matière d’appels au criminel. La décision inhabituelle de la Cour d’appel de ne pas prononcer de condamnation ou d’acquittement, ni d’ordonner un nouveau procès, s’explique parce qu’aux termes du Code criminel, le ministère public se trouve supposément dans l’impossibilité de porter une deuxième accusation d’homicide involontaire coupable une fois l’accusé acquitté sur une accusation de meurtre: voir R. v. Pascal[31].

Dans ses motifs, le juge Fauteux, faisant manifestement référence à ce qui est maintenant le par. 613(8), dit (à la p. 426):

[TRADUCTION] … Avec égards, je ne vois pas ce qui empêchait la Cour d’appel d’exercer sa compétence si, comme on le laisse entendre, la majorité des juges

[Page 418]

voulait ordonner un nouveau procès portant uniquement sur la partie de l’acte d’accusation qui n’avait pas été tranchée, soit l’accusation moindre d’homicide involontaire coupable. Il lui suffisait d’ordonner un nouveau procès sur l’infraction d’homicide involontaire coupable exclusivement et de modifier, à cette fin, le premier acte d’accusation de meurtre. Ils avaient le droit de le faire. De toute façon, au nouveau procès, l’accusé ne peut qu’être déclaré innocent ou coupable d’homicide involontaire coupable. Le texte de la Loi est assez large pour permettre de rendre une «autre ordonnance» de ce genre si, aux fins de la justice, il n’existe pas d’autre solution. A ma connaissance, une telle ordonnance n’aurait violé aucun principe de droit. Je dois en conséquence conclure que l’exercice du pouvoir, conféré à la Cour d’appel par le par. 1014(3), de prononcer un acquittement ou d’ordonner un nouveau procès et de rendre, dans chaque cas, toute autre ordonnance que la justice exige, n’est pas facultatif mais impératif.

Cette application particulière du par. 613(8) n’est pas pertinente en l’espèce, mais ce texte indique clairement le champ d’application de la disposition, c’est-à-dire la substitution de déclarations de culpabilité pour les infractions incluses ou les ordonnances de nouveaux procès concernant ces infractions.

Mention est également faite de ce qui est maintenant le par. 613(8) dans les motifs en dissidence du juge Taschereau, alors juge puîné, motifs auxquels a souscrit le juge en chef Rinfret. La dissidence portait sur un autre point mais le savant juge dit, au sujet du par. 613(8), (à la p. 416):

[TRADUCTION] J’ai eu l’avantage de lire les motifs de jugement de mon collègue le juge Fauteux, et je suis d’accord qu’une seule alternative est ouverte à la Cour d’appel lorsqu’elle accueille un appel contre une déclaration de culpabilité, comme c’est le cas en l’espèce. Elle peut annuler la déclaration de culpabilité et prononcer un verdict d’acquittement ou ordonner un nouveau procès et c’est uniquement lorsqu’elle a adopté une de ces options qu’elle peut rendre toute autre ordonnance que la justice exige. Il est cependant impératif et non seulement facultatif de prononcer un acquittement ou d’ordonner un nouveau procès.

Je suis certain que la Cour d’appel, après avoir annulé la déclaration de culpabilité, avait le pouvoir, aux termes du par. 1014(3) du Code criminel, d’ordonner un nouveau procès portant uniquement sur l’accusation d’homicide involontaire coupable. Cette ordonnance tombe clairement dans celles autorisées par la dernière partie du par. 1014(3) du Code criminel.

[Page 419]

Je souscris entièrement à cette opinion et j’aimerais insister sur cette remarque du juge Taschereau que «c’est uniquement lorsqu’elle a adopté une de ces deux options [acquittement ou nouveau procès] que [la Cour d’appel] peut rendre toute autre ordonnance que la justice exige». (Les italiques sont du juge Taschereau.)

On semble avoir appliqué l’arrêt Welch dans l’arrêt R. v. Kelso[32], où un accusé inculpé de viol a été déclaré coupable de tentative de viol. En ordonnant un nouveau procès à cause d’une directive erronée, la Cour a estimé avoir le pouvoir d’ordonner qu’il porte sur l’accusation de tentative de viol. Cette décision n’est pas surprenante et, en fait, on peut douter de la nécessité de s’appuyer, dans les circonstances de cette affaire-là, sur le par. 613(8): voir également l’arrêt R. v. Robertson[33]. Cependant, ce recours au par. 613(8) dans le cas d’une infraction incluse (à ce sujet voir l’arrêt R. v. Popoff[34]) nous éloigne de la question soumise en l’espèce à cette Cour.

A supposer, cependant, que le par. 613(8) confère à une cour d’appel un pouvoir plus étendu que la lecture du par. 613(4) et de l’al. 605(1)a) ne semble, à mon avis, révéler, il reste à déterminer si l’expression «en outre rendre toute ordonnance que la justice exige» autorise une cour d’appel à ordonner un nouveau procès portant sur une infraction différente de celle sur laquelle porte l’appel. Il me semblerait illogique qu’une cour d’appel puisse faire, en vertu des mots pertinents du par. 613(8), ce que le juge du procès ne peut faire en vertu des larges pouvoirs de modification qui lui sont conférés par l’art. 529. Cela mis à part, un examen de l’évolution historique des mots en cause, de la formulation originale à l’actuelle, ne mène pas à la conclusion de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique en l’espèce.

J’entreprends l’étude de cet historique par une loi antérieure à la Confédération, l’Acte pour amender ultérieurement la loi criminelle, (1851) (Can.), c. 13, qui prévoyait que les questions de droit soulevées dans un procès criminel peuvent être réservées à la décision d’une cour supérieure.

[Page 420]

La ou les questions de droit devaient être soumises par exposé de cause et

… les juges de l’une ou l’autre des dites cours supérieures auront plein pouvoir et autorité d’entendre et juger définitivement les dites questions, et renverser, confirmer ou modifier tout jugement qui aura été rendu sur l’acte d’accusation ou inquisition lors du procès dans lequel telles question ou questions se seront élevées, ou d’annuler le dit jugement, et ordonner une entrée sur le registre portant que le prévenu n’aurait pas dû être convaincu par le jugement des dits juges, ou de suspendre le jugement, ou d’ordonner que le jugement sera prononcé dans quelqu’autre session de la cour d’oyer et terminer, ou de délivrance générale, ou autres sessions de la paix, si jugement n’a pas déjà été prononcé, ou de donner tel autre ordre à cet égard, suivant la justice;…

Cette loi n’était en vigueur que dans le Haut-Canada.

Les statuts du Bas-Canada contiennent une disposition similaire pour l’exposé de cause sur une question de droit réservée: voir S.B.-C. 1860, c. 77, art. 58. La Cour du Banc de la Reine était autorisée à infirmer, réformer ou confirmer tout jugement prononcé sur l’acte d’accusation, à annuler ou suspendre ce jugement ou «émettre tel autre ordre que la justice pourra requérir». L’article 3 des Consolidated Statutes of Upper Canada 1859, c. 112 est rédigé en termes semblables, de même que l’art. 101 des Revised Statutes of Nova Scotia, 1864 (3e série), c. 171, et l’art. 23 des Revised Statutes of New-Brunswick, 1854, c. 159. Ces dispositions reproduisent en fait une loi anglaise, 1848 (R.-U.), c. 78 et ont le même titre. Lors de la première révision des lois du Canada après la Confédération, les dispositions générales précédentes ont été remplacées par l’art. 261 de l’Acte de procédure criminelle, S.R.C. 1886, c. 174 qui se lit ainsi:

261. Les juges de la cour des cas de la Couronne réservés ouïront et décideront définitivement la question, et infirmeront, confirmeront ou réformeront tout jugement prononcé au procès où cette question aura surgi, ou casseront ce jugement, ou ordonneront d’inscrire au dossier que, à leur avis, la personne déclarée coupable n’aurait pas dû l’être, ou suspendront le jugement, ou, si le jugement n’a pas été prononcé, ordonneront que jugement soit rendu sur la question à une session ultérieure du tribunal devant lequel l’accusé aura été déclaré

[Page 421]

coupable, ou rendront telle autre ordonnance que prescrira la justice.

Le nouveau Code criminel de 1892 a conservé cette disposition sur les questions de droit réservées soulevées pendant un procès, mais prévoyait qu’elles seraient examinées par les cours d’appel sur exposé de cause: voir l’art. 743. Le Code a amélioré les lois antérieures qui régissaient les appels en matière criminelle en édictant une disposition complexe, l’art. 746 qui se lit ainsi:

746.

a) Confirmer la décision dont est appel; ou

b) Si elle est d’avis que la décision est erronée, et que le procès est en conséquence entaché d’un vice de procédure, ordonner un nouveau procès; ou

c) Si elle considère que la sentence est erronée ou que l’arrêt du jugement est erroné, prononcer la sentence qui aurait dû être prononcée, ou écarter toute sentence prononcée par la cour inférieure, et renvoyer la cause à la cour inférieure avec instruction de prononcer la sentence voulue; ou

d) Si elle est d’avis, dans une cause où l’accusé a été déclaré coupable, que la décision est erronée et que l’accusé aurait dû être acquitté, ordonner que l’accusé soit libéré, lequel ordre aura tous les effets d’un acquittement; ou

e) Ordonner un nouveau procès; ou

f) Rendre telle autre ordonnance que la justice exigera; pourvu que nulle condamnation ne soit mise de côté, ni aucun nouveau procès ordonné, bien qu’il paraisse que certains témoignages ont été illégitimement admis ou rejetés, ou qu’il a été fait quelque chose de non conforme à la loi pendant le procès, ou que quelque instruction erronée a été donnée, à moins que, de l’avis de la cour d’Appel, il en soit résulté quelque tort réel ou un déni de justice; mais si la cour d’Appel est d’avis que quelque récusation de la part de la défense a été improprement écartée, elle accordera un nouveau procès.

2. S’il appert à la cour d’Appel que ce tort ou déni de justice n’avait trait qu’à quelque chef d’accusation seulement, la cour pourra donner des instructions distinctes à l’égard de chaque chef et pourra prononcer sentence sur tout chef non affecté par ce tort ou ce déni de justice et restant intact, ou renvoyer l’affaire à la cour inférieure avec instruction de rendre telle sentence que la justice exigera.

[Page 422]

L’article 746 du premier Code est devenu, après révisions successives, l’actuel art. 613 et son par. (8) peut être considéré comme une version modifiée de l’al. 746f).

La jurisprudence portant sur les lois antérieures et postérieures à la Confédération, précitées, jusqu’à ce qu’elles soient incorporées au nouveau Code criminel, établit que, même si la validité d’un acte d’accusation est une question qui peut être réservée en sursoyant à l’exécution du jugement (voir l’arrêt R. v. Gibson[35], portant toutefois qu’on ne peut mettre en question la validité d’un acte d’accusation dans une requête en annulation), on ne peut modifier l’acte d’accusation lors de l’étude de la question réservée: voir l’arrêt R. v. Garland[36]. La Cour a affirmé dans l’arrêt Garland, à la p. 227, que [TRADUCTION] «nous n’avons pas le pouvoir de modifier l’acte d’accusation. Nous pouvons seulement toucher au jugement; et si nous modifions le jugement en l’espèce, le dossier sera incorrect». A fortiori, elle n’avait pas le pouvoir d’ordonner la substitution d’une accusation différente.

J’ai cité précédemment l’arrêt R. v. More and Melville[37] de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique et, au risque de me répéter, j’aimerais faire état encore une fois de cette décision. La Cour a prudemment abordé la question de son pouvoir d’ordonner un nouveau procès sur un acte d’accusation modifié mettant en cause une allégation essentielle, en l’occurrence, le lieu de l’infraction de possession illégale d’un bien volé. Après avoir étudié quelques arrêts, dont l’arrêt Welch, la majorité de la Cour a statué qu’elle n’avait pas le pouvoir de modifier l’acte d’accusation à cet égard mais que, compte tenu des circonstances spéciales, elle pouvait ordonner un nouveau procès, tout en laissant au juge du procès le soin de décider s’il était nécessaire de modifier l’accusation. Le juge en chef Desbrisay, dissident, a convenu que la Cour d’appel n’a pas le pouvoir de modifier l’accusation et qu’elle aurait dû prononcer un acquitte-

[Page 423]

ment. La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, en séance plénière, a appliqué l’arrêt More and Melville dans l’arrêt R. v. Rooney[38], pour dénier le pouvoir d’une cour d’appel de modifier un acte d’accusation. En fin de compte, dans cette affaire-là, l’accusé a été déclaré coupable d’avoir obtenu de l’argent par un faux semblant, alors que la preuve établissait seulement que l’accusé avait obtenu un chèque par fausses représentations. La Cour a ordonné, à la majorité, un nouveau procès parce que, selon les termes du juge McDonald, qui parlait en son nom (à la p. 196) [TRADUCTION] «il appert que la preuve est suffisante pour établir certains faits, que le magistrat modifie ou non l’accusation». Le juge en chef Ilsley a exprimé dans sa dissidence (à laquelle a souscrit le juge Currie) un point de vue contraire. Selon lui, il ne s’agissait pas d’un cas où, à cause de quelques erreurs dans la conduite du procès, la déclaration de culpabilité ne pouvait être maintenue, bien que la preuve présentée au cours d’un procès régulier suffît pour condamner l’accusé, mais plutôt d’un cas où le ministère public n’avait pas réussi à prouver que l’accusé était coupable de l’infraction imputée, et [TRADUCTION] «si cette Cour ordonne un nouveau procès, l’accusé sera à nouveau inquiété … afin de donner au ministère public une autre occasion d’obtenir une déclaration de culpabilité sur l’accusation modifiée» (à la p. 192).

Je mentionnerai une autre décision, celle de la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick dans l’affaire Budovitch v. The Queen[39]. L’accusé y a été déclaré coupable pour ne pas avoir remboursé ses créanciers ou pour n’avoir pas rendu compte de ses opérations, dans un but frauduleux; l’accusation alléguait que l’infraction avait été commise à Fredericton. La preuve montrait que si elle l’avait été, c’était à St-Jean. On a ordonné, en appel, la tenue d’un nouveau procès sur une accusation alléguant que l’infraction avait été commise à St-Jean; la majorité de la Cour a invoqué ce qui est maintenant le par. 613(8) pour ordonner que la modification soit faite au nouveau procès. Le juge Hughes, tel était alors son titre, aurait ordonné un nouveau procès, conformément à l’arrêt Rooney (selon

[Page 424]

lequel une cour d’appel n’a pas le pouvoir de modifier l’acte d’accusation); il aurait laissé au juge du procès le soin de faire les modifications appropriées aux termes de ce qui est maintenant l’art. 529, tout en soulignant que la preuve établissait sans contredit qu’un vol avait été commis au Nouveau-Brunswick.

Bien que l’arrêt Budovitch aille plus loin que les arrêts More and Melville et Rooney en ordonnant un nouveau procès sur une accusation modifiée, c’est néanmoins simplement un cas où le juge du procès avait le pouvoir de faire la modification en cause puisqu’il s’agissait d’un détail essentiel de l’accusation et non d’une accusation différente; en outre, on avait fait la preuve de ce détail, savoir, le lieu où l’infraction avait été perpétrée.

Rien dans la jurisprudence ni dans la législation applicable n’autorise une cour d’appel à faire ce que la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a fait en l’espèce, c’est-à-dire faire quelque chose que le juge du procès ne peut faire. Il s’agit donc d’une usurpation des fonctions du procureur général et du ministère public. C’est à eux de décider, face à une accusation qui n’a pas été prouvée, de porter une autre accusation qui, selon la Cour, aurait dû être portée contre l’accusé. Ce n’est pas à la Cour d’adopter, dans un cas comme celui-ci, un point de vue ad hominem et de faire violence aux fonctions distinctes du tribunal et du ministère public, de crainte qu’une personne coupable d’une infraction différente échappe au châtiment.

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique et de rétablir le verdict d’acquittement.

Le jugement des juges Martland, Judson, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré a été rendu par

LE JUGE RITCHIE—L’appelant et un nommé Arthur James Williams ont tous deux été inculpés, le 22 octobre 1974, des infractions suivantes:

[TRADUCTION] 1. En différents endroits du comté de Nanaimo, et ailleurs dans la province de la Colombie-Britannique, le 23 août 1972 ou vers cette date et le 21 décembre 1973 ou vers cette date, ils ont illégalement comploté avec Stuart Hunter Elliott, Lois Phoebe Elli-

[Page 425]

ott, Jerry Dean Elliott, Myron Zarry, Shirley Ferguson et Ingrid Elliott, l’un avec l’autre ou avec certains d’entre eux, et des personnes inconnues, de commettre l’acte criminel de faire le trafic d’une drogue d’usage restreint, savoir, la 3, 4-méthylènedioxyamphétamine (MDA), en contravention de la loi et de l’ordre public.

2. En différents endroits du comté de Nanaimo, et ailleurs dans la province de la Colombie-Britannique, le 23 août 1972 ou vers cette date et le 21 décembre 1973 ou vers cette date, ils ont illégalement fait le trafic d’une drogue d’usage restreint, savoir, la 3, 4-méthylènedioxyamphétamine (MDA), en contravention de la loi et de l’ordre public.

3. Dans le comté de Nanaimo, province de la Colombie-Britannique, le 17 décembre 1973 ou vers cette date, ils ont illégalement eu en leur possession une drogue d’usage restreint, savoir, la 3, 4-méthylènedioxyamphétamine (MDA) pour en faire le trafic, en contravention de la loi et de l’ordre public.

Le juge Cashman de la Cour de comté a acquitté les deux accusés sur le premier chef d’accusation; seul l’appelant a été déclaré coupable sur le second chef, mais il a été acquitté sur le troisième. Le savant juge de première instance a prononcé ce dernier acquittement aux motifs qu’il avait déjà déclaré l’appelant coupable d’avoir «fait le trafic» sur le second chef et que les infractions imputées dans ces deux chefs étaient si intimement liées qu’il ne pouvait les distinguer; il invoqua donc l’arrêt de cette Cour, Kienapple c. La Reine[40], et conclut qu’il y avait chose jugée.

L’appelant a interjeté appel de la déclaration de culpabilité sur le second chef. La Cour d’appel a prononcé un acquittement au motif que, même s’il était établi que l’appelant avait eu en sa possession des quantités importantes d’un sel appelé chlorhydrate de MDA pour vente et distribution, on n’avait pas démontré qu’il était en possession de MDA pour en faire le trafic ou autre chose.

[Page 426]

Tous les chefs de l’acte d’accusation ont été formulés en vertu des dispositions de la Loi des aliments et drogues, S.R.C. 1970, c. F-27, dont l’art. 40 prévoit que l’expression «drogue d’usage restreint» comprend la «méthylènedioxyamphétamine (MDA) ou tout sel de cette substance». Convaincue que le trafic du sel de MDA constitue une infraction distincte qui n’était pas incluse dans l’acte d’accusation, la Cour d’appel a accueilli l’appel.

En interjetant appel du verdict d’acquittement prononcé sur le troisième chef, le ministère public a demandé l’autorisation de modifier l’accusation en ajoutant les mots [TRADUCTION] «un sel de» avant «3, 4-MDA» de façon à rendre l’allégation conforme aux faits révélés par la preuve et constatés par la Cour d’appel lors de l’appel de la déclaration de culpabilité sur le deuxième chef. La Cour a accordé l’autorisation et «a accueilli l’appel, annulé l’acquittement et ordonné un nouveau procès sur l’acte d’accusation modifié». Cette décision a été rendue au nom de la Cour par le juge MacLean qui présidait l’audition de l’appel de la déclaration de culpabilité sur le deuxième chef. Comme je l’ai dit, il est clair que la Cour d’appel a statué sur ce chef en tenant pour acquis que la possession de MDA et la possession d’un sel de MDA constituent deux accusations distinctes, bien que le juge McIntyre, parlant au nom de la majorité, ait clairement indiqué qu’il considérait la mention de la «MDA» dans l’accusation comme un «détail» et qu’il aurait accordé une demande de modification après l’audition de l’appel si elle lui avait été faite.

Cependant, il appert qu’en étudiant le troisième chef, la Cour d’appel, dont la composition était différente, a reconnu que, selon l’accusation, les inculpés avaient [TRADUCTION] «illégalement eu en leur possession une drogue d’usage restreint … pour en faire le trafic» et que le défaut d’alléguer la possession d’«un sel de MDA» équivalait à ne pas alléguer un «détail» de l’infraction qui pouvait être ajouté par modification afin de rendre l’accusation conforme à la preuve acceptée par la Cour à l’égard du deuxième chef d’accusation.

A mon avis, cette modification ne signifie pas que l’accusé est inculpé d’une nouvelle infraction

[Page 427]

puisqu’elle précise seulement un détail de l’infraction qui lui était déjà imputée. Si cette modification revenait à porter une accusation différente de l’accusation initiale, d’autres considérations entreraient en jeu, mais, à mon avis, il s’agit en l’espèce de la précision d’un élément de l’accusation principale, rendue nécessaire par la preuve déjà acceptée par la Cour et, dans une large mesure, admise par l’appelant.

La décision du juge MacLean sur la demande de modification est brève et je la cite intégralement:

[TRADUCTION] Le ministère public a demandé l’autorisation de modifier l’acte d’accusation bien après la fin du procès; il a présenté sa demande à cette cour plutôt qu’au tribunal d’instance inférieure.

Les fins de la justice exigent que la modification soit autorisée en l’espèce et, à mon avis, l’accusé ne subira de ce fait aucun tort important.

Je suis en conséquence d’avis d’autoriser la modification du troisième chef de l’acte d’accusation, d’accueillir l’appel du ministère public, d’annuler l’acquittement et d’ordonner un nouveau procès sur le troisième chef ainsi modifié.

L’appelant interjette appel de cette décision et de l’ordonnance délivrée aux termes de celle‑ci, il allègue:

(i) que, puisque le juge de première instance a jugé que le troisième chef ne peut être distingué du deuxième, la Cour d’appel, en acquittant l’appelant sur le deuxième chef, a nécessairement statué sur l’appel du ministère public sur le troisième chef; elle n’est donc pas compétente pour entendre l’appel du ministère public sur ce chef; (l’arrêt Kienapple c. La Reine a été cité à l’appui de ce moyen.)

(ii) que le ministère public ne peut disjoindre en appel des procédures relatives à plusieurs chefs d’un acte d’accusation qui ont été jugés ensemble;

(iii) que la Cour d’appel n’a pas le pouvoir d’autoriser la modification d’un acte d’accusation pour le rendre conforme à la preuve car, aux termes des art. 529, 610 et 613 du Code criminel, seul le tribunal de première instance a ce pouvoir.

[Page 428]

Selon moi, la Cour d’appel n’a pas statué sur le troisième chef en acquittant l’appelant sur le deuxième; au contraire, elle a statué sur le motif invoqué par le juge de première instance pour acquitter l’accusé sur ce chef. Il convient de noter que le fondement de ces chefs d’accusations est dans un cas que les accusés ont «illégalement fait le trafic d’une drogue d’usage restreint …» et, dans l’autre, qu’ils ont «illégalement eu en leur possession une drogue d’usage restreint pour en faire le trafic». La décision de la Cour d’appel sur le deuxième chef repose principalement sur le fait que, même si l’appelant est coupable d’avoir eu en sa possession une drogue d’usage restreint (un sel de MDA) pour en faire le trafic, le sel n’est pas spécifiquement mentionné dans l’acte d’accusation. Il revenait au ministère public de demander l’autorisation de modifier le troisième chef de l’acte d’accusation afin de le rendre conforme à la preuve. Loin d’avoir tranché l’appel interjeté par le ministère public sur le troisième chef en acquittant l’appelant sur le deuxième, la Cour d’appel ne l’avait pas entendu et le ministère public pouvait le poursuivre.

Ayant conclu que l’appelant était en possession d’une drogue d’usage restreint (un sel de MDA) pour en faire le trafic, le juge MacLean a indiqué qu’il aurait été prêt à autoriser la modification du deuxième chef de l’acte d’accusation et ce, même après l’audition de l’appel. Le fait que le ministère public n’ait pas demandé l’autorisation de modifier ce chef ne l’empêchait aucunement de demander la modification du troisième chef pour le rendre conforme à la preuve décrite dans les motifs de jugement du juge McIntyre. A mon avis, l’arrêt Kienapple ne s’applique pas en l’espèce puisqu’il porte essentiellement sur le principe qu’un accusé ne peut être condamné deux fois pour la même infraction.

Le deuxième moyen invoqué par l’appelant selon lequel les chefs d’un acte d’accusation ne peuvent être disjoints en Cour d’appel ne semble pas tenir compte du déroulement du procès en l’espèce. Le savant juge du procès a statué sur les premier et deuxième chefs le 31 janvier 1975, alors seulement a-t-il examiné uniquement le troisième chef imputé à Elliott (dans le cas de Williams, il y a eu

[Page 429]

suspension des procédures). Le juge de première instance a donc effectivement disjoint le troisième chef des deux premiers afin de l’étudier séparément; il a statué sur ce chef le 24 février 1975.

Ce faisant, le savant juge de première instance agissait en conformité de l’art. 43 de la Loi des aliments et drogues et j’estime souhaitable d’étudier les dispositions suivantes de cette loi:

42. (1) Nul ne doit faire le trafic d’une drogue d’usage restreint ou d’une substance quelconque qu’il représente ou offre comme étant une drogue d’usage restreint.

(2) Nul ne doit avoir en sa possession une drogue d’usage restreint aux fins d’en faire le trafic.

43. (1) Dans toute poursuite pour une violation du paragraphe 42(2), si l’accusé ne plaide pas coupable, le procès doit s’instruire comme si la question en litige était celle de savoir si l’accusé était en possession d’une drogue d’usage restreint en contravention des dispositions du paragraphe 41(1).

(2) Si, aux termes du paragraphe (1), la cour conclut que l’accusé n’était pas en possession d’une drogue d’usage restreint en contravention des dispositions du paragraphe 41(1), l’accusé doit être acquitté, mais, si la cour conclut que l’accusé était en possession d’une drogue d’usage restreint en contravention des dispositions du paragraphe 41(1), l’accusé doit avoir la faculté d’établir qu’il n’était pas en possession de la drogue d’usage restreint aux fins d’en faire le trafic et, par la suite, le poursuivant doit avoir la faculté de présenter une preuve contraire.

Afin de se conformer à ces dispositions, le juge Cashman déclare dans son jugement sur le troisième chef:

[TRADUCTION] Conformément à l’art. 43 de la Loi des aliments et drogues, … je conclus que l’accusé Elliott était en possession de MDA le 17 décembre 1973.

Les avocats ont convenu que je devais conclure à l’égard des chefs 1 et 2 pour chaque accusé avant de donner à l’accusé Elliott la faculté d’établir qu’il n’était pas en possession de MDA aux fins d’en faire le trafic.

Plus loin dans ses motifs, le savant juge de première instance tient le raisonnement suivant:

[Page 430]

[TRADUCTION] Si l’accusé était inculpé de possession aux fins de faire le trafic de MDA et que seule cette accusation était retenue contre lui, je conclurais sans difficulté, vu les circonstances de la découverte de la MDA, que l’on peut raisonnablement déduire de la preuve que l’accusé avait cette quantité de MDA aux fins de la mettre à la disposition d’autres personnes.

Il poursuit en ces termes:

[TRADUCTION] La question n’est pas de savoir si en l’espèce l’accusé peut être déclaré coupable de possession de MDA aux fins d’en faire le trafic mais plutôt de savoir s’il devrait, en droit, être déclaré coupable de cette infraction, puisque, sur la foi de la même preuve, il a déjà été déclaré coupable d’avoir fait le trafic de MDA.

Puis, il conclut:

[TRADUCTION] A mon avis, les deux infractions qui lui sont imputées dans les chefs 2 et 3 sont si intimement liées que je ne peux les distinguer.

A mon avis, si en l’espèce, je déclare l’accusé coupable des deux infractions, il sera en fait condamné deux fois pour la même infraction.

Dans l’arrêt Kienapple c. La Reine (précité) p. 7 des C.R.N.S., le juge Laskin a dit:

A mon avis, l’expression «chose jugée» est celle qui exprime le mieux la théorie qui empêche des condamnations multiples pour le même délit, même si la chose ou affaire sert de fondement à deux infractions distinctes.

En conséquence, je ne puis condamner l’accusé Elliott sur le troisième chef même si, au cours du procès, j’ai conclu, conformément à l’art. 43, que l’accusé avait été en possession de MDA. Pour les motifs énoncés précédemment, ma conclusion ne repose pas sur des questions de fait mais plutôt sur des questions de droit.

Comme je l’ai déjà souligné, la Cour d’appel a conclu que l’appelant était en possession d’une drogue d’usage restreint (un sel de MDA) au sens du par. 41(1) de la Loi des aliments et drogues et la modification autorisée par le juge MacLean a pour effet de donner à l’appelant «la faculté d’établir qu’il n’était pas en possession de la drogue d’usage restreint aux fins d’en faire le trafic», conformément au par. 43(2) de la Loi des aliments et drogues.

[Page 431]

A mon avis, le seul point en litige dans le présent pourvoi est de savoir si la Cour d’appel a outrepassé ses pouvoirs en autorisant la modification du troisième chef de l’acte d’accusation pour le rendre conforme à la preuve en ajoutant un détail qui ne figurait pas dans le texte initial sur lequel l’acquittement de l’appelant était fondé. En raison de la participation active de l’appelant à la fabrication de chlorhydrate de MDA, je ne pense pas qu’on puisse dire qu’il a pu être induit en erreur parce que ce sel n’était pas mentionné dans les détails de l’acte d’accusation. Il savait de toute façon qu’il était accusé de possession d’une drogue d’usage restreint aux fins d’en faire le trafic.

En ordonnant un nouveau procès, le juge MacLean a inséré dans son ordonnance la modification de la dénonciation parce qu’il était d’avis que les fins de la justice l’exigeaient.

Il me semble évident que la Cour d’appel a rendu cette ordonnance en se fondant sur les dispositions des par. 613(4)b) et (8) qui prévoient:

613. (4) Quand un appel est interjeté d’un acquittement, la cour d’appel peut…

b) admettre l’appel, écarter le verdict et

(i) ordonner un nouveau procès, …

(8) Lorsqu’une cour d’appel exerce des pouvoirs conférés par le paragraphe … (4), … elle peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige.

On a prétendu au nom de l’appelant qu’à défaut d’autoriser la modification, il aurait été impossible d’ordonner un nouveau procès et que la modification ne constitue donc pas une ordonnance que la Cour pouvait rendre «en outre», dans l’exercice des pouvoirs conférés par le sous-al. (4)b)(i), mais plutôt un préalable au nouveau procès.

A mon avis, lorsque le Parlement a autorisé la Cour d’appel, dans l’exercice de ses pouvoirs, à ordonner un nouveau procès et «en outre [à] rendre toute ordonnance que la justice exige», il voulait l’autoriser à rendre, dans ces circonstances, toute ordonnance additionnelle que les fins de la justice peuvent exiger, que le nouveau procès dépende ou non de la délivrance de cette ordonnance addition-

[Page 432]

nelle. Je ne pense pas qu’on doive interpréter restrictivement les larges pouvoirs conférés aux cours d’appel par le par. 613(8); ils sont plutôt destinés à assurer que les fins de la justice soient respectées. Compte tenu de cette considération essentielle, on doit leur donner une interprétation large.

Habituellement, lorsqu’on ordonne un nouveau procès, il est préférable de ne pas faire de commentaires sur la preuve, mais je pense qu’en l’espèce, les concessions de l’appelant en appel indiquent de façon pertinente les éléments dont la Cour a dû tenir compte pour conclure que les fins de la justice exigeaient un nouveau procès sur le troisième chef.

Dans ses motifs de jugement, auxquels tous les membres de la Cour ont souscrit, le juge McIntyre a déclaré, à propos de l’appel sur le deuxième chef:

[TRADUCTION] L’appelant a admis que la police avait trouvé sur les lieux du chlorhydrate de MDA, un sel de MDA, et qu’il l’avait fabriqué. En fait, même sans cet aveu, la preuve établit clairement que le chlorhydrate de MDA avait été fabriqué en quantité importante et qu’il était destiné à la vente et à la distribution.

Comme le juge MacLean avait connaissance de ces éléments de preuve, il est donc peu surprenant qu’il ait jugé que les fins de la justice exigeaient la modification qu’il a autorisée et que l’accusé ne subirait de ce fait aucun tort important. Je suis parfaitement d’accord avec lui et je suis d’avis de confirmer l’ordonnance à cet effet.

Pendant les débats devant cette Cour, on a cité d’autres arrêts par lesquels des cours d’appel provinciales ont autorisé des modifications d’actes d’accusation sans qu’aucune plainte n’ait été formulée au procès. Toutefois, les circonstances de chacun de ces arrêts diffèrent considérablement de la situation de fait présente et je préfère fonder ma conclusion sur le motif général que les fins de la justice exigent la modification accordée. II ne m’est donc pas nécessaire d’exprimer d’opinion sur l’allégation que le pouvoir de la Cour d’appel d’autoriser une telle modification vient des dispositions du par. 610(3) du Code criminel qui l’autorise à exercer tout pouvoir «qui peut être exercé par la cour lors d’appels en matière civile …». A

[Page 433]

mon avis, il faudra répondre à cette question dans un cas où elle sera essentielle pour trancher le litige.

Au cours des débats, on a invoqué les dispositions de l’art. 529 du Code criminel, dont la légende est «Modification d’un acte ou d’un chef d’accusation défectueux», mais, à mon avis, les seuls termes impératifs de cet article se trouvent au par. 1 qui prévoit

une objection à un acte ou chef d’accusation, pour un vice apparent à sa face même …

et qui exige que cette objection soit présentée avant la plaidoirie du prévenu et, par la suite, seulement sur permission de la cour ou d’un juge. En l’espèce, il n’y a pas de vice apparent à la face même de l’acte d’accusation; en conséquence, ce paragraphe ne s’applique pas. A mon avis, rien dans cet article ne peut être interprété comme restreignant le pouvoir de la Cour d’appel de rendre, en vertu du par. 613(8), une ordonnance qui a pour effet d’autoriser la modification d’un acte d’accusation pour le rendre conforme à la preuve, lorsque les fins de la justice l’exigent.

Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

LE JUGE DICKSON, (dissident)—Je souscris à la conclusion du Juge en chef et aux motifs qu’il a rédigés, avec une réserve cependant. J’aimerais que restent sans réponse définitive la question de savoir si les par. 529(1) ou 732(1) du Code criminel empêchent de soulever en Cour d’appel une première objection relative à un vice apparent à la face même d’un acte d’accusation ou d’une dénonciation, et celle de l’effet de l’arrêt R. v. Leclair[41].

Pourvoi rejeté, le juge en chef LASKIN et les juges SPENCE et DICKSON étant dissidents.

Procureur de l’appelant: J.A.D. Bohun, Ladysmith.

Procureur de l’intimée: C.O.D. Branson, Victoria.

 



[1] [1975] 1 R.C.S. 729.

[2] [1976] 4 W.W.R. 285.

[3] (1905), 10 C.C.C. 229.

[4] (1922), 53 O.L.R. 228.

[5] (1958), 28 C.R. 220.

[6] (1958), 123 C.C.C. 386.

[7] [1970] 3 C.C.C. 233.

[8] (1912), 19 C.C.C. 428.

[9] (1962), 132 C.C.C. 257.

[10] [1917] 2 K.B. 108.

[11] (1920), 20 S.R. (N.S.W.) 351.

[12] (1962), 38 C.R. 175.

[13] [1963] 3 C.C.C. 150.

[14] (1959), 124 C.C.C. 140.

[15] (1955), 113 C.C.C. 95.

[16] [1964] 1 C.C.C. 29.

[17] [1936] R.C.S. 188.

[18] [1931] R.C.S. 505.

[19] (1956), 115 C.C.C. 297.

[20] [1952] 1 R.C.S. 343.

[21] [1964] 3 C.C.C. 370.

[22] (1966), 48 C.R. 303.

[23] (1972), 6 C.C.C. (2d) 17.

[24] [1951] O.W.N. 582.

[25] (1973), 23 C.R.N.S. 229.

[26] (1974), 16 C.C.C. (2d) 382.

[27] (1975), 25 C.C.C. (2d) 62.

[28] (1977), 33 C.C.C. (2d) 353.

[29] [1969] 3 C.C.C. 293.

[30] [1950] R.C.S. 412.

[31] (1949), 95 C.C.C. 288.

[32] [1953] O.R. 413.

[33] (1954), 107 C.C.C. 400.

[34] (1960), 129 C.C.C. 250.

[35] (1889), 16 O.R. 704.

[36] (1869), 11 Cox C.C. 224.

[37] (1959), 124 C.C.C. 140.

[38] (1962), 132 C.C.C. 190.

[39] (1969), 8 C.R.N.S. 280.

[40] [1975] 1 R.C.S. 729.

[41] (1956), 115 C.C.C. 297.

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