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Cour suprême du Canada

Droit constitutionnel—Ordonnance autorisant l’interception de communications privées concernant une infraction relative aux stupéfiants—Demande d’autorisation présentée par un mandataire du solliciteur général du Canada conformément à l’art. 178.12 du Code criminel—Droit du procureur général du Canada d’instituer des procédures—Code criminel, art. 2, 178.12.

Preuve—Autorisation d’intercepter des communications privées—Est-il permis de prouver l’autorisation en déposant une copie certifiée?—Le juge accordant l’autorisation agit à titre de juge et non de persona designata—Code criminel, art. 178.12—Loi sur la preuve au Canada, S.R.C. 1970, chap. E-10, art. 23.

L’appelant a été condamné sur une accusation de possession illégale de diacétylmorphine (héroïne) pour en faire le trafic. La Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta a rejeté l’appel de sa condamnation, d’où le pourvoi à cette Cour.

Au début du procès, le substitut a produit une copie certifiée d’une autorisation, signée par un juge de la Cour de district de l’Alberta, qui permet l’interception de communications privées. Cette autorisation a été accordée à la suite d’une demande par écrit, signée par un mandataire spécialement désigné par écrit par le solliciteur général du Canada conformément à l’art. 178.12 du Code criminel. Elle autorise des agents de la G.R.C. à intercepter des communications privées relatives, notamment, à l’infraction de possession d’un stupéfiant pour en faire le trafic contrairement au par. 4(2) de la Loi sur les stupéfiants.

On a admis au procès la preuve recueillie à la suite de cette autorisation. L’appelant soutient qu’elle est irrecevable étant donné (1) que la demande d’autorisation ne peut être présentée en vertu de l’art. 178.12 par un mandataire du solliciteur général du Canada parce qu’il ne s’agit pas d’une infraction pour laquelle des poursuites peuvent être engagées sur l’instance du gouvernement du Canada et conduites par le procureur général

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du Canada ou en son nom et (2) que lorsqu’un juge accorde une autorisation conformément à l’art. 178.12, il le fait à titre de persona designata et non de juge.

Arrêt: Le pourvoi doit être rejeté.

Le droit du procureur général du Canada d’instituer des procédures figure à la définition de «procureur général» à l’art. 2 du Code criminel. Vu l’infirmation par cette Cour ([1979] 1 R.C.S. 984) de l’arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta, Hauser c. La Reine ((1977), 37 C.C.C. (2d) 129), la prétention de l’appelant, que l’al. b) de la définition de «procureur général» à l’art. 2 du Code criminel est ultra vires du Parlement du Canada, échoue.

La seconde prétention de l’appelant, que lorsqu’un juge accorde une autorisation conformément à l’art. 178.12, il le fait à titre de persona designata et non de juge et, si c’est le cas, on ne pouvait pas prouver l’autorisation en en déposant une copie certifiée, en vertu de l’art. 23 de la Loi sur la preuve au Canada, comme on l’a fait en l’espèce, est irrecevable pour les motifs énoncés par le juge Dickson dans Herman et autres c. Sous-procureur général du Canada, [1979] 1 R.C.S. 729. Le juge qui a accordé l’autorisation l’a fait à titre de juge et non de persona designata.

POURVOI contre un arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta[1], qui a rejeté l’appel interjeté par l’appelant de sa condamnation sur une accusation de possession d’un stupéfiant pour en faire le trafic contrairement au par. 4(2) de la Loi sur les stupéfiants. Pourvoi rejeté.

B.A. Crane, c.r., pour l’appelant.

L.-P. Landry, c.r., et E.G. Ewaschuk, pour l’intimée.

J. David Watt, D.W. Mundell, c.r., et Mlle Lorraine E. Weinrib, pour le procureur général de l’Ontario.

Michel Pothier et Yves Berthiaume, pour le procureur général du Québec.

H. Hazen Strange, c.r., pour le procureur général du Nouveau-Brunswick.

R.W. Paisley, c.r., et W. Henkel, c.r., pour le procureur général de l’Alberta.

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Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE MARTLAND—L’appelant a été condamné sur une accusation de possession illégale de diacétylmorphine (héroïne) pour en faire le trafic. La Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta a rejeté l’appel de sa condamnation, d’où le présent pourvoi.

Au début du procès, le substitut a produit une copie certifiée d’une autorisation, signée par le juge Bracco, un juge de la Cour de district de l’Alberta, qui permet l’interception de communications privées. Cette autorisation a été accordée à la suite d’une demande par écrit, signée par J.H. Kennedy, un mandataire spécialement désigné par écrit par le solliciteur général du Canada conformément à l’art. 178.12 du Code criminel. Elle autorise des agents de la G.R.C. à intercepter des communications privées relatives, notamment, à l’infraction de possession d’un stupéfiant pour en faire le trafic contrairement au par. 4(2) de la Loi sur les stupéfiants.

On a admis au procès la preuve recueillie à la suite de cette autorisation. L’appelant soutient qu’elle est irrecevable.

Voici les parties pertinentes de l’art. 178.12:

178.12 Une demande d’autorisation doit être présentée ex parte et par écrit à un juge d’une cour supérieure de juridiction criminelle, ou à un juge défini à l’article 482, et être signée par le procureur général de la province où la demande est présentée ou par le solliciteur général du Canada ou par un mandataire spécialement désigné par écrit aux fins du présent article par

a) le solliciteur général du Canada lui-même, si l’infraction faisant l’objet de l’enquête est une infraction pour laquelle des poursuites peuvent, le cas échéant, être engagées sur l’instance du gouvernement du Canada et conduites par le procureur général du Canada ou en son nom, ou

b) le procureur général d’une province lui-même, pour toute autre infraction se situant dans cette province,

Le premier moyen d’appel énonce que la demande d’autorisation ne peut être présentée en vertu de l’art. 178.12 par un mandataire du solliciteur général du Canada parce qu’il ne s’agit pas d’une infraction pour laquelle des poursuites peu-

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vent être engagées sur l’instance du gouvernement du Canada et conduites par le procureur général du Canada ou en son nom.

Le droit du procureur général du Canada d’instituer des procédures figure à la définition de «procureur général» à l’art. 2 du Code criminel.

2. Dans la présente loi

«procureur général» désigne le procureur général ou solliciteur général d’une province où sont intentées des procédures visées par la présente loi et désigne, relativement

a) aux territoires du Nord-Ouest et au territoire du Yukon, et

b) aux procédures instituées sur l’instance du gouvernement du Canada et dirigées par ce gouvernement ou pour son compte, qui sont relatives à la violation ou à un complot en vue de la violation d’une loi du Parlement du Canada ou d’un règlement établi en vertu d’une telle loi, sauf la présente loi,

le procureur général du Canada et, sauf aux fins des paragraphes 505(4) et 507(3), comprend le substitut légitime desdits procureur général, solliciteur général et procureur général du Canada;

L’appelant conteste ce droit au motif que l’al. b) est ultra vires du Parlement du Canada. A cet égard, il s’appuie sur l’arrêt de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Alberta, Hauser c. La Reine[2].

A mon avis, vu l’infirmation de cet arrêt par cette Cour (arrêt encore inédit[3]), ce moyen d’appel échoue.

Le second moyen d’appel énonce que lorsqu’un juge accorde une autorisation conformément à l’art. 178.12, il le fait à titre de persona designata et non de juge. Si c’est le cas, on ne pouvait pas prouver l’autorisation en déposant une copie certifiée, en vertu de l’art. 23 de la Loi sur la preuve au Canada, comme on l’a fait en l’espèce.

A mon avis, cette prétention est irrecevable pour les motifs énoncés par mon collègue le juge Dick-

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son dans l’arrêt Herman c. Sous-procureur général du Canada[4]. Le juge qui a accordé l’autorisation l’a fait à titre de juge et non de persona designata.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureurs de l’appelant: Gunn & Vigen, Edmonton.

Procureur de l’intimée: Roger Tassé, Ottawa.

 



[1] (1978), 40 C.C.C. (2d) 442.

[2] (1977), 37 C.C.C. (2d) 129.

[3] Depuis publié, [1979] 1 R.C.S. 984.

[4] [1979] 1 R.C.S. 729.

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