Supreme Court Judgments

Decision Information

Decision Content

Supreme Court of Canada

Pinsonnaul v Hebert, (1886) 13 SCR 450

Date: 1886-09-08

Possessory action——Equivocal possession——Right of way,

In a possessory action en reintegrande brought by P. against H., the latter denied P.'s possession and pleaded, inter alia, that he was proprietor and had exercised a right of way over the land in dispute for a number of years. The land in dispute consisted of a roadway situated between the adjoining properties of the plaintiff and defendant.

At the trial P. proved that he had had possession for a year, by closing up the road way with a fence and putting his cattle there, and that at times he allowed the defendant H. and others to use the roadway to get to the river and that when defendant H. took down the fence he immediately restored it and that defendant H. then asked him to let him use it. That it was after the defendant H. had again taken forcible possession of the land that he instituted against him the present action. H. proved he had used the roadway as a passage for a number of years, and put in his title. The courts below held that both parties had proved only an equivocal possession and dismissed the plaintiff's action, ordering that their rights should be tried by an action au petitoire. On appeal to the Supreme Court of Canada:

Held, reversing the judgment of the court below, Fournier J. dissenting, that as P. had proved a possession animo domini for a year and a day, he should be re-instated and maintained in peaceable possession of the land, and H. forbidden to trouble him by exercising a right of way over the land in question, reserving to the latter his recourse to revendicate au petitoire any right he might have.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench for Lower Canada (appeal side), confirming a

[Page 451]

judgment of the Superior Court for Lower Canada of 19th December, 1881, dismissing appellant's action against respondents.

This was a possessory action en réintégrande, brought by the owner of a lot of land on the bank of the river lichelieu, complaining of the invasion of his possession of another piece of land forming part of an old road leading from the front road to the river, and being the continuation of a road called the u Grande Ligne."

The plaintiff, (appellant,) alleged in his declaration:

That for more than a year and a day before the month of October, 1879, and for more than ten years before, and up to the beginning of said October, the plaintiff had continuously occupied as owner, animo domini, the lot of land in dispute. That he had been troubled by the defendants in the possession of said lot of land; that the latter had taken violent possession of the same and have committed a trespass thereon and concluded :

That by the judgment to be rendered, he be declared the possessor of the said immovable property; that defendants be forbidden to trouble him in the pos session of said immovable, and that plaintiff be, under the authority of the court reinstated and maintained in peaceable possession of said immovable property; that defendants be condemned jointly and severally to pay plaintiff the sum of $400 with interest and costs.

The following is a sketch of the locality and the spot at which the defendants are alleged to have committed the trespass is marked "Passage."

[Page 452]

Barrière.

B. Maison du Demandeur.

C. Cours d'eau et ligfne de division de la Baron-nie de LongueuIl et Léry.

D. Passage.

[Page 453]

The defendants by their pleas admitted having passed in the passage indicated on the above mentioned sketch ; they denied that the plaintiff ever possessed the said passage, animo domini; they alleged having themselves had the enjoyment and possession of said passage, animo domini, for upwards of the last thirty years and going further, the defendants alleged their titles and that of plaintiff in order to show that the defendants are owners of said passage.

On demurrer being filed by plaintiff to these last allegations of defendants' pleas they were rejected as mixing the petitory with the possessory action.

At the enquête the defendants were allowed to file the titles of the parties in view of showing, the nature of their possession. The evidence given at the trial is reviewed in the judgments hereinafter given. The Superior Court found that the parties had concurrent or simultaneous possession of the passage in question, and they were accordingly referred to the petitory action (renvoyées au pétitoire) for the determination of their respective claims thereon.

Pagnuelo O Q. C, for appellant.

Beique  for respondents.

The authorities relied on by counsel as applicable to the facts in evidence are reviewed in the judgments hereinafter given.

FOURNIER J.-Quoique l'appelant ait qualifié sa demande d'action en réintégranee, ce n'est en rêalite qu'une action en complainte pour trouble dans la possession d'un petit lot de terrain faisant autrefois partie d'un chemin qui a été aboli par la municipalité de la paroisse uo il est situé. Il allégueen avoir eu non seulement la possession annale, mais même une possession qui remonte à au delà, de dix ans, et que les intimés l'ont trouble dans cette possession et même deposed

[Page 454]

par violence au commencement d'octobre 1879.

L'un des défendeurs David Héberr pére de l'autre défendeur, a plaidé par defense an fonds en fait niant spécialement que l'appelant ait en la possession animo domini du terrain en question. Par son exception ii pretend que c'est au contraire lui-même qui a en cette possession qu'il plaide de la manière suivante :

Que, sur et à même le dit lot No. 132 désigné en Ia declaration du demandeur, dame Aurélie Gauvin, épouse du défendeur David Hébert et la mere du dit défendeur Henri Hébert, conjointement avec les héritiers de feu Joseph Gauvin, oncle du dit défendeurr possede a titre de propriétaire une largeur do vingt-quatre pieds do terre du côté sud du dit lot longeant et touchant a Ia ligue do division de la baronnie de Longueill sur toute la profondeur du dit lot, depuis le chemin do Ia grande ligne jusqu'à la riviere Richelieu.

Aprés avoir allégué que l'appelant ayant fermé l'entrée de ce terrain dont ii avait la possession, ii invoque ses titres a cette propriété qui consistent en divers actes authentiques dont l'un contient en faveur de sa femme,et d'un des fréres de cette derniére une reserve spéciale du terrain en question pour leur servir de passage pour communiquer a la riviere Richelieu. Ilajoute qu'il avait droit de passage sur ce terrain reserve a son épouse et a Joseph Gauvin et qu'il avait droit d'écarter et faire disparaître tout obstacle l'em pŒchant d'exercer ce droit qu'aux épques dont se plaint l'appelant dans sa declaration, ii n'a fait qu'user de son droit de passer sur le terrain on passage susdit dont ii a en la jouisance et l'usage sans trouble, ouvertement et publiquement an vu et scu de tous, depuis •au-delà trente ans, lequel passage a servi an public pendant la même période de temps, et ce a la connaissance personnelle de l'appelant qui connasssait lors de l'intitution de son action que le terrain en question appareenait a lèpouse 1 Intimé (D. Hébert).

Henry Hébert  le fils de l'autre intimé, a plaidé les

[Page 455]

droits de son père ajoutant que c'était avec la permission de celui-ci qu'il avait passé sur le terrain en question.

L’appelant a répondu en droit a. la partie de ce plai doyer fondée sur les titres de proprieté invodués par les défendeuss, et Ia Cour Supérieure 'as, avec raison, rejeté cette partie du plaidoyer.  Mais tout le reste du plaidoyer subsiste et se resume  a dire:  1° que l'intimé David Hébert posséde a titre de propriétaire le  terrain  en  litige. 2°  que  depuis  au delà  de trente ans, il a exercé sur son terrain le droit de passage 3° que ce n'est que par souffranee qu'il a laissé l'appelant, ainsi que le public se servir du terrain en question;.

Apres une discussion approfondie de la preuve faite par les parties, la Cour Supérieure, présideé par l'Hon. Juge Chagnon, en est venu a. la conclusion que ni l'une ni lautre des parties n'avait fait une preuve suffisante pour se faire maintenir en possession a l'exclusion dŒ l'autre, et a en consequénce renvoyé l'action de l'appelant avec injonction aux parties de se pourvoir au pétitoire pour faire decider la question de proprieté d'aprés leurs titres respectifs.

Ce jugement porté en appel a la Cour du Banc de Ia Reine y a été confirmé a l'unanimité des six iuges composant la cour ([1]). C'est de ce jugement de cette confirmation don’t appelant se plaint.

Il ne s'agit en cette cause que d'une question d'ap préciation des témoignages pour determiner si l'uneou lautre des parties a eu une possession suffisante du terrain en question pour s'en faire maintenir en possession a l'exclusion de l'autre. Aprés une lecture attentive de la preuve, j'en suis venu a la méme conclusion que l'Hon. Juge Chagnon sur l'appreciation des faits.

Il résulte clairement de la preuve qu'il a été fait de part et d'autre des actes indiquant chez les deux parties

[Page 456]

l'idée de faire acte de possession.  Ce terrain qui est celui d'un ancien chemin aboli par la, municipalité était encore cloturé lorsque le demandeur a demandé a la municipalité la permission de sen emparer. Cette .permission lui fut refusée.  II y fit tout de même des actes de possession, comme des reparations aux clétures, v mit des animaux et posa des barriéres, etc.  Mais avant le mois d'octobre 1879, époque du trouble dont ii se plaint, l'appelant n'a jamais eu l'idée den éloigner rintimé Hébert, ni les autres personnes qui faisaient usage de ce terrain comme d'un passage.  Lorsqu'il fit des reparations aux clotures ii y mit des barriéres qui continueraient d'en laisser le libre  accés  l'intimé Hébert et à  nombre d'autres qui y  passaient sans objection de sa part.  Ii n'a jamais non plus, avant cette époque  fait  aucune sommation a Fintimé de se désister, et c'est sans doute pour la raison qu'il a donnée au témoin  Brun,  qu'il n'y avait que  la famille Gauvin  dont liintimà fait partie, qui  avait droit de passer sur ce terrain. 11 est evident par cette declaration qu'il n'ignorait pas les droits que Hébert  possédait  par  sa  femme,  Aurélie  Gauvin, admettant par la mŒme que ce n'était pas par pure toléranee de sa part qu'il laissait passer Hébert.  Hébert en faisant ces actes de possession voulait sans doute exercer son droit.  Ces actes de possesion de la part d'Hébert depuis prés de cinquante ans, comme ii le dit, étaient in trouble qui empêchatt l'appelant de préten-dre qu'il a en une possession paisible, non interrompue et non équivoque du même passage.  Le résumé de la preuve fait par 'lHon. Juge Chagnon se termine par la conclusion suivante :—

Ii appert par la preuve que les deux parties avaient possession concurrente, e'est-a-dire quo si le Demandeur faisait des actes de possession animo domini par le fait qu'il faisait pacager dans ce passage ses animaux, et qu'ill y faisait-des travaux de clôture dans but le défendeur David Hébert a toujours continuè lui aussi de

[Page 457]

posséder cette vole de passage, comme chemin en y passant et re-passant, et que s'il n'y a pas fait de travaux spéciaux, c'ètait parce que la destination de cc terrain pour lui, était de lui servir de vole de pasaage ou de chemin, et qu'il l'a toujours utilise en conformitè a cette destination

L'hon. juge se demande Si dans le cas d'une possession concurrents comme celle qui est prouvée en cette cause, ii n'aurait pas droit de consulter les titres pour determiner le veritable caractère de la possession. Ii avait incontestablement ce droit qu'on lui reprochhe d'avoir exercè dans ce cas, parce que les titres avaient ètè rejetés du dossier. Je n'ai du constater ce fait mais il est vrai que la partie du plaidoyer fondé sur ces titres a été rejeéee et avec raison; toutefois, je ne vois pas que les tirres aient été sortis du dossier et s'ils l'eussent été c'éiit Cté a tort. Car le défendeur dans des actions de ce genre, quoiqu'il ne puisse plaider ses titres comme moyen de defense, a cependant le droit de les produire pour établr le caractére de sa possession. Les titres étant demeurés de record i'non. juge a eu raison de les consulter. Voir Bioche vo. Action possessoire ([2]) et les nombreux arrets qui y sont cites.  Au n 361 il dit :

20 Par cela seul que le juge, pour éclairer la possession, apprécie les titres respectivement produits, en déclarant quels droits résul tent de ces tirres pour chaque partie, si d'ailleurs le dispositif se restraint a une simple maintenue en possession. Ce n'est pas un titre qu'applique le juge, c'est une indicaiion qu'il consulte : ce n'est pas le pétitoire qu'il juge, c'est le possessoire qu'il éclaire.

L'hon. juge a constate par l'examen des titres que Aurélie Gauvin épouse de liintimé Hébert, pouvait avoir des droits reels et véritables dans ce passage par un titre qui l'avait reserve en propriété an bénéfice des héritiers Gauvin. Mais 1'h.on. juge n'a rien décidé sur la validité des tirres, il s'en est servi seulement pour en conclure que les actes de possession que faisait David Hébert dans ce cliemin, tous les ans, depuis au dela de trente ans, étaient faits animo domini. ii en conclut

[Page 458]

aussi que la possession de l'appelant :

Ayant été dans les 'circonstances,sous l'effet d'un trouble constant apporté par la possession concurrenté de David Hébert, l'appelant ne petit rien obtenir sur son action possessoire, mais que les parties doivent vider leur différend an pétitoire.

Cette adjudication est suivie du renvoi de laction avec dépens.

No pouvant attribuer la possession exclusive ni a l'un ni a l'autre des parties à cause du caractàre parti-culier de leur possession respective, n'y avait-il pas un moyen terme a adopter ? Qnoi qu'il soit vrai qu'en principe la possession est exclusive, l'autorité qu'il cite de Troplong admet " que cette vérité doit être temférée par une modification," et Troplong ajoute ([3]) :

Puisdu'il y a des possessions inégales, rien n'empêche qu'on no les admette á concourir eta s'áchelonrier les unss sur les antrés......

La regie quo deux possessions s'excluent n'est applicable que lorsou'il s'agit do possessions de même genre. émanées do causes opposées et rivales, travaillant chacuce pour un interet prive.

Et au numéro 252 il dit ([4]):

Lorsque deux personnes concourent sur le meme lieu pour le posséder, et se livrent a des actes possessoires ègalement caracteristi-ques, il n'y a possession daaucun coté, car los deux possessions s'excluent. - C'est par d'autres indices qu'on peut arriver a la con-naissanee do Ia propriete.

Les actes de possession dont il s'asrit ici n'est pas le mème caractère de part et d'autre, l'appelant a réparé les clotures et a mis ses animaux sur le terrain dont l'intime se servait, de son cOté, comme d'un passage; ces actes ne sont pas iriconciiiables et pouvaient etre exercés concurremment comme de fait ils l'ont été pendant in grand nombre d'annees. II eit été plus conforme peut-ètre au caractère reconnu de ces actes de possession, de maintenrr les parties dans leur possession, respective j ce que l;hon. Juge aurait Pu faire en se fondant sur l'autorite suivanee ([5]) :

Quid si les deux parties prètendent réciproquement avoir Ia possession annale et quo le dèfendeur se porte reconvention nellement

[Page 459]

demandeur ? Le juge peut ordonner le séquestre et renvoyer lea parties a procéder au pétitoiro; l,art. 1961 qui autorise le séquestro ne fait aucune distinction entre lee tribunaux ordinaires et d'exception (nombre d'arrêts cites), ou lee maintenir dans la possession respective du terrain contentieux. Case, 28 Avril 1813, S. 13, 392; 14 Nov. 1832 D. 33 5. Il y a lieu de réserver lee dépess do l'instance au possessoire.  Case, 31 Juillet 1838.

Au lieu de s'appuyer sur cette autorité, lhon. juge a sans doute préfére, après avoir fait l'examen des titres, comme il en avait le droit, faire application de l'autorité suivante ([6]) :

Juée aussi que lorsque lee deux parties font également preuee d'acte do possession, le juge do paix peut accorder la maintenue à celle qui justifie mieux son droit d'après Papplication des titres sous le rapport de la possession. Cass, 19 Juillet 1830, D. 33,274; 13 Nov. 1839; 9 Dec. 1840, D. 40, 26; 41, 30 Henrion, ch. 51. Ii serait plus prudent de maintenir los parties dans leur possession respective do l'immeuble.

L'hon. iuge pouvait donc a sa discretion adopter l'une ou l'autre des conclusions suggérées, sans se mettre en contradiction avec lee faits do la cause ni avec la loi qui leur est applicable. Par son renvoi de Iaction il a en réalité maintenu les droits de posssession de l'intimé, et ii n'a fait en cela que faire application du principe énoncC ci-dessus " que le juge de paix peut accorder la maintenue a celle des parties qui justifie mieux son droit d'après l'application de titre sous le rapport de la possession."

En conséquence je crois avec la cour du Bane de la Reine qui a confirmé a lunanimité l'opinion do l'hon. juge, qu'il n'y a aucun motif suffisant pour reformer son jugement.

On fait a la possession de liintimé une objection qui serait grave ci elle était fonéee en fait. On le compare a celui qui voudrait se faire maintenir dans la posses sion d'une servitude de passage, en invoquant ses actes de possession, et on lui objecte avec raison l'art. 549 C.C.

Bioche Vo. Action possessoire, p. 225. n  325

[Page 460].

Nulle servitude ne peut être étabiie sans titre; la possession même immémoriale ne suffit pas a cet effet.

Mais telle n'est pas la position d'Hébert, ii ne pretend pas réclamer un droit de passage sur le fond de l'appelant, ii réclame le fonds même en prouvant l'avoir possédé a titre de propriétaire. Il ne s'agit aucunement de servitude dans le débat présent—le droit de passage exercé par Hébert n'a été qu'une maniére de jouir de sa propriéte, il s'agit uniquement de la posses sion a titre do propriétaire du terrain en litige.

Il est vrai que David Hébert ne s'est servi du terrain en question qué comme d'un passage—cette partie de sa propriete ayant été destinée a cet usage comme on le voit par son titre,eil en a joui comme d'un passage mais non a titre de servitude sur Ia propriété de l'appelant; mais comme d'un passage établi sur un terrain dont ii est propriétaire et en possession depuss un grand nombre d'années. C'est dénaturer les faits que de représenter Hébert comme prétendant exercer une ser vitude sur la propriété de l'appelant. Bien qu'on ne puisse dans cette éause decider de la validité des titres, on doit cependant les consulter pour qualifier la posses sion et ii en résulte clairement que la position d'Hébert est celle que je viens d'exposer. C'est aussi de cette maniére que l'a comprise lhon. juge Chagnon, ainsi que tous les jugres de la cour du Banc de la Reine.

Tout en repoussant I'idée que David Hébert invoque sa possession pour réclamer une servitude sans titre, je veux bien admettre pour un instant, par forme d'argument, qu'il réclame la possession plus que annale d'une servitude, mais il faut ajouter, ce qui saute aux yeux, qu'il fait cette reclamation en se fondant sur un titre authentique. Alors ii devait être considéré dans la position d'une personne en possession d'une servitude fondée sur un titre authentique ct qui, étant troublé, invoque sa possession annale pour se faire maintenir

[Page 461]

dans la possession de son droit de servitude Une personne dans ce cas a droit au bénéfice de toutes les actions et defenses que la loi accorde pour la protection de la possession. En consequence Hébert aurait droit dans un tel cas de plaider sa possession annale en produisant son titre. L'autorité suivante est positive à cet égard, Duranton ([7]):

Mais lorsque a l'appui de la possession annale actuelle, alléguée en matière de servitude non susceptible de s'acquérir par prescrip tion, celui qui peut l'invoquer en sa faveur, et qui est trouble, prdduit aussi un titre non précaire. la Cour de Cassation decide que sa complainte est recevable, et que le juge de paix est competent pour discuter le mérite et l'appiication du titre, bien qu'il fut con testé ([8]); qu'appliquer le titre en pareil cas, ce n'est point annuler le pétitoire et le possessoire ([9]).

Ainsi, en supposant mŒme que David Hébert n'aurait invoqué que la servitude de passage, en se bâsant sur sa possession plus que annate et la production dc son titre,—il aurait eu incontestablement d'après ces auto rites le droit de plaider comme ii l'a fait—et sa possession qualifièe par son titre aurait suffi pour le faire maintenir dans sa possession et rejeter laction de son adversaire.

Mais je le répete encore une fois ce n'est pas sa position dans cette cause, ii se dit possesseur dc tout le terrain en litige à titre de propriétaire et qualifie sa possession par la production dun titre authentique. MÆis comme il a laissé faire a l'appelant certains actes de possession, je crois que le juge en première instance n'a pas en tort de declarer, que la

[Page 462]

possession qnoique concurrente, resttrait par l'effet dti renvoi de action, a l'intimé qui avait qualifié la sienne par des titres authentiques, ét son jugement ordonnant, selon l'autorité de Pothier qu'il cite, que les parties se . pourvoiront au pétitoire, devait être confirmé, mais ii en sera autrement, car je suis seul à soutenir le bien jugé. Si je suis dans l'erreur, je me trouve en nombreuse compagnie, celle du juge de premiere instance d'abord, et ensuite celle des six juges de la cour du Banc de la Reine, tandis que lopinion contraire est soutenue pas quatre de mes honorables collégues. Si je mentionne cette particularité, ce nest pas que je crois que les opinions doivent se compter, au lieu d'être appréciées suivant leur valeur, mais seulement parce que dans cette cour déjà, et aussi dans un tribunal supérieur au nôtre, on a cru trouver dans le nombre un argument pour fortifier une opinion controversée. Suivant moi, l'appel devrait être renvoyé.

The judgment of the majority of the Court was delivered by

TASCHEREAU J.—Action possessore, avec allegations et conclusions requises pour la complainte et conclusions additionnelles en réintégrande. Le défendeur nie la possession du demandeur; plaide que sa femme posséde le terrain en question a titre de propriétaire; que lé demandeur en ayant fermé lentrée, lui, le défendeur, écarrt la barriŁre; qu'il avait droit de passage sur le dit terrain; qu'il n'a fait qu'user de son droit de passer sum le dii terrain ou passage dont ii a en la jouissance et l'usage depuis plus de trente ans; que depuis plus de trente ans, ii a en l'usage et Ia jousssance du dit passage, et qu'iI a joui de tel droit tous lee ans, surtout durant le cours de chaque été autant de fois qu'il avait occasion d'aller a la riviere Richelieu. Tel est le plai doyer du défendeur a peu prés verbatim apres le jugement                       

[Page 463]

sur une réponee en droit qui en a ecarté une partie tel qu'originairement produit. Il n'y apparait, certainement pas bien clairement que c'est la possession du terrain que le défendeur prétend avoir eue. Il paraît plutôt se baser sur la possession d'un droit de passage. Mais enfin, ii lui a été libre de prouver possession du terrain même sur sa dénégation de cette possession par le demandeur. C'est ce qu'il a tenté de faire sans succès, cependant, dans mon opinion.

Il me semble ressortir clairement de la preuve au dossier que tant qu'au sol, au terrain Iui-même, c'est le demandeur qui depuis longtemps en est seul en possession animo domini, et que tout cc que le défendeur a possédé et réclame sur ce terrain jusqu'aux voies de fait en question, c'est un droit de passage. Or cette possession, si elle nest pas appuyée dun titre, est considérée en loi avoir été précaire et un simple acte de tolérance. Cross v. Judah ([10]); Bioche ([11]); Boncenne-Bourbeau ([12]); Pardessus ([13]); Merlin, Rep. Servitude ([14]); Demolombe ([15]).

Le demandeur paraît avoir permis au public de passer la pendant longtemps, et les propres témoins du défendeur Dandurand et Ste. Marie, prouvent que lui défendeur passait la comme les autres quand il en avait besoin. Eût-il eu l'aminus domini cc ne serait pas suffisant. Il cut fallu que ses actes dc possession fussent tenement caractérisés que le demandeur ne put se méprendre sur ses intentions. Bioche ([16]). S'il veut prétendre que ces actes de passage étaient des actes de possession du sol, alors la possession qu'il aurait prouvé ne serait dans tous les cas qu'une possession équivoque.

Boncenne-Bourbeau ([17]) :

[Page 464]

La possession équivoqee présenee avec celle qui s'exerce par tolerance une certaine affinité, lorsqu'il est incertain d'aprés le caractère des actes s'ils sont exercés a titre de proprieté, de co-propriété et do bon voisinage, comme si, par exemple, une partie prétendant avoir possédé a titre de propriété ou do co-propriété, mvoquait des faits de possession qui pourraient être interprétés comme l'exercice d'une servitude discontinue qui ne s'appuirait pas sur un titre Comp. Demolombe. Vol. 2 Servitude, No. 673.

Appleton ([18]) :

Supposons qu'il est démontré que le possesseur a agi animo domini, cela suffira-t-il ? Non. Ii faudra encore que ses actes aient été assez caractérisés pour quo le pubiic n'ait pu concevoir aucun doute sur l'existence do cot animus domini; point do possession utile silo public n'a pu savoir avec certitude quo c'était le droit do propriété qu'on prétendait exercer, et non pas une simple servitude.

D'ailieurs, en ne réclamant pendant de longues années qu'un droit de passage le défendeur n'admettaitil pas par la même la possession du demandeur, son dominium du fonds ? Est-ce que celui qui n'exerce qu'une servitude peat en même temps avoir l'animus domini sur la propriété elle-mŒme? Savigny, ([19]). II a produit a l'enquête un titre à la propriété exclusive du terrain pour qualifier sa possession. Mais ii n'a tout au plus prouvé, je l'ai dit, qu'une possession d'un droit de passage. Laurent ([20]). N'y a-t-il pas contradiction entre son titre et sa possession, entre son titre et ses prétentions ? Réclamet--on un droit de passage sur son propre terrain ? Il a prouvé un titre a sa pro-priété, et la possession d'une autre. Le titre supportet-il la possession ?

Sur un arrêt rapporté dans Dalloz ([21]): " Get arsenal du droit francais ou toutes les erreurs peuvent trouver des arrêts et tous les paradoxes des autorités." L'arrêt cité donnerait a entendre que la Cour de Cassation a la décidé que le propriétaire dun fonds sur lequel existe un cliemin privé prohibé dans la possession de ce

[Page 465]

chemin pent poursuivre au possessoire comme trouble dans un simple droit de passage. Mais, en référant au texte du jugement, l'on volt que la cour n'a déterminé qu'une question de compétence.

Re Radepont D. 29,1, 380. Lorsqu'un défenderr allègue la possession d'un droit do passage, sans titre pour l'appuyer, ii doit succomber au possessoire.

Leconte ([22]) :

Ainsi lorsque la servitude n'est pas du nombre de celles qui peuvent sacquérir par prescription, parcéqu'elle est non apparente, (ou discontinue, apparente ou non, n'importe,) ii n'y a point de jouissance qui puisse seule fonder l'action possessoire, au profit de celui qui allèffue cette jouissance; son action serait non recevable : et dans tous les cas ou il serait attaqué par l'autre partie, comme troublant la jouissance de celle-cl, il devrait succomber au possessoire, sauf a so pourvorr au pétitoire s'il croyait avoir acquis le droit de servitude. En effet la possession annale n'aboutirait a rien, lors memo qu'elle serait avouée, puisqu'elle ne dispenserait pas de produire un titre constitutif de la servitude Cass 23 février 1814.

Bioche.([23]):

Si le défenderr prétend avoir eu le droit d'agir comme il l'a fait, c'est une question a examiner au pétitoire. Nous supposons que la contestation du droit invoqué par le défendeur ne puisse résulter que do l'appréciation des prétentions ou allegations contraires des parties, de l'examen des titres invoqués; le juge de paix ne pouvant faire cette appreciation sans cumuler le possessoire et le pétitoire. Mass provisoîrement la maintenue en possession du demandeur doit étre prononcée.

Voir aussi Dupont dans la même sens ([24]) :

Le simple exercise de passage sur le fonds d'un particulier ne peut faire acquérir ni possession du aol ni prescription du aol. S. V. 1844, 2, 168, re Coppier. Idem, 404, re Communes de Ia Péze.

Le défendeur a amené un nommé Brun pour prouver que le demandeur aurait, en une certaine occasion, admis que lui le défendeur avait la un droit de passage. Mais ce tŒmoignage est illegal et doit être rejeté. Art. 549-550. On ne peut prouver un droit de servitude par témoins. Et, sur la présente issue d'ailleurs, Ia possession seule

[Page 466]

est en . au c. Oirle demandeur n'a jamais admis que le delendeur fût en possession de ce terrain on méme en possession d'un droit de passage. Je ne vois nulle part due le demandeur ait jamais admis qu'il n'était pas, lui, en possession du terrain, on qu'il eu était en possession non animo domini.

Le defendeur a souteun que la possession du deman dear n'avait pas été paisible et non interrompue. Le seul fait sun lequel ii appuit cette prétention est qu'en mai on juin 1879, moins d'un an avant l'instituiion de l'action lui même le défendeur, en l'absence du deman deur qui lui avait defendu de passer sur ce terrain, y Serait entré pendant pen de temps, deux ou trois heures peut-etre, et y aurait fait quelques petits travaux pour faciliter le passage. be même jour, le demandeur, de retour chez lui, défit ces travaux, ferma l'entrée du oassage ayec des madriers, et renouvela au public la defense d'y passer. Le défendeur parut se soumettre, demanda an demandeur Ia permission d'aller chercher ses matériaux, et cessa de passer, laissant le demandeur en possession du terrain tel qu'il l'était depuis long temps litulo domini. Peut-il argumenter de ces faits que Ia possession du demandeur n'a pas Cté paisible et non inlerrompue ? La proposition me paraît insoutenable N'a-t-il pas lui-même alors reconnu la possession du demandeur ? Ne devait pas alors. s'il avait la possession comme ii le pretend aujourd'hui, instituer contre le demandeur une action possessoire ? e Au lieu de ce faire, il se retire, reconnaît le demandeur. comme roi et maître, et puis, en septembre ou octobre suivaut, revient ayec force et armes encore en Pabsence du demandeur, abat les bar rières et clotures, et prend possession au nom du droit du plus fort. Et poursuivi par le demandeur au possessoire, ii vent invoquer la voie de fait du mois de mai, pour défendre celle du mois d'octobre!

[Page 467]

Bioche:

Si j'ai dèjà la possession annale au moment oú un autre veut rentrer en possession un, seul acte de sa part ne suffirait pas pour causer l'interruption: cet acte serait un simple trouble que je ferais réprimer par la complainte. Pour qu'une possession annale soit interrompue, il faut que I'autre dure elle-même une année ([25]).

Mais quelques reclamations isolées et réduitesau silence quelques voics de fait repoussées par des voies de fait contraires sont insuffsantes pour faire perdre a Ia possession le caractére de paisible quelle avait auparavant ([26]).

Et si celui qui était en possession s'en est ressaisi ou a réclame aussitôt qu'il a eu connaissance de l'occupation, et avant que cette occupation ait duré un an, ii n'y a pas eu interruption de sa possession. Marcade ([27]); Vazeille ([28]); Carou ([29]); Boncenne ([30]); Merlin ([31]).

La possession du demandeur a été paisible, publique, continue et non interrompue. Elle a aussi été non équivoque. Ce n'est que comme propriétaire et s'affir mant comme tel au vu et scu de tout le monde qu'il était la. Et n'est-on pas toujours censé posséder pour soi et à titre de proprietaire ? Qu'il eût un titre on non qu'il fût de bonne foi ou non, est parfaitement indifférent. Carou ([32]) • Aulanier, ([33]); Grarnier, ([34]); Boncenne Bourbeau, ([35]); Laurent, ([36]); Bioche, ([37]); Pothier, ([38]); Pothier, ([39]).

La prescription acquisitive de la possession par un an s'opére sous les mêmes conditions que la prescription acquisitive de la propriété par trente ans. Ici, d'ailleurs, ii appert que le terrain en litige était autrefois un chemin public depuis longtemps aboli, et que le demandeur dês cette abolition, tant par

[Page 468]

lui-même que par ses auteurs, étant propriétaire du terrain do ehaque cote, s'en est emparé comme formant partie de sa propriéte, et en a depuis toujours été en possession.

 Je conclus done que le défendeur n'a pas prouvé sa possession du terrain; que tant qu'au droit do passage sa possession de ce droit est, en loi, censée avoir été précajre et par tolerance; qu'il ne pent être recu a invoquer centre l'action du demandeur, l'exercice de ce droit comme preuve de la possession du terrain luimême, parce que cette possession, sous les circonstances do la cause, a été équivoque.

La Cour Supérieuee a débouté le demandeur do sa demande, parce que dit-elle, le demandeur et le défendour ont prouvé une possession égale et simultanée. En confirment ce jugement la Cour du Banc de la Reine s'est servie d'expressions plus correctes il me semble, en disant que ni l'un ni l'autre n'avait prouvé de possession qualifiée

Je concours avec ce dernier jugement tant qu'au defendeur, mais taut qu'au demandeur je suis d'avis qu'il a prouvé une possession suffisante.  J'allouerais l'appel.

GWYNEE J.—I entirely concur in the judgment of Ely brother Taschereau. The plaintiff proved an actual continuous possession extending over many years; the defendant gave no evidence of any possession other than such as consisted in the acts of disturbance of the plantiff's possession of which he complained, and the question of title asserted by the defendant not being cognizable on the record the plaintiff. was, in my opinion, clearly entitled to a judgment in his favor.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for appellant: Beique, McGoun & Emard.

Solicitors for respondent: Pagnuelo, Taillon & Lauctot.



[1] NoTE.—Il y a 5 juges nom- omis, mais il est le seul dont mes, le riom du Juge Ramsay est  nous avons lee notes.

[2] Nos 359, 360, 361.

[3] P. 420.

[4] Prescripiion 1 vol. p. 434,

[5] Bioche Vo Action possessoire p. 224, n 324.

[6] Bioche Vo. Action possessoire, p. 225. n  325

[7] Vol5 5 p. 630,

[8] Voyez l'arrêt du 17 mai 1820.Sirey, 1820, 1, 324.  La cour a dit qu'en tel cas, le juge de paix est tenu d'examiner le titre, et d'ac cueillir ou rejeter l'action posses soire, selon que le titre contesté fait ou ne fait pas cesser la pré somption de précaire.  Mais par un autre arret, dumŒme jour, ellé a décidé que si, dans le cas dont ii s'agit, le juge de paix peut ren voyer les parties a se pourvoir au pétitoire, il n'y eat cependant pas oblige. Nous préférons cette der niére decision Sirey, ib. 4.

[9] Voy. l'arrêt de la même cour, du 6 juillet 1812. Sirey 1813-1 81.

[10] 15 L. C. J. 264.

[11] Action possessoire No. 488.

[12] Vol. 7, Nos. 3563372.

[13] 2 Vol., Servitude No. 325.

[14] No.325.

[15] Vol.2 Servitude Nos.943945.

[16] Nos.160 a 171.

[17] Vol. 2.N. 322.

[18] Possession, No. 250.

[19] Possession, p. 97.

[20] Vol. 8, Nos. 215 et seq.

[21] De la poss., n° 220.

[22] Actions possessoires, No. 341.

[23] Actions poss., No. 898,

[24] Actions poss. No. 288.

[25] No. 105.

[26] No 111; Appleton De la poss., No. 233.

[27] Prescr. 123.

[28] Prescr. No. 67.

[29] Nos. 675, 700.

[30] VOl. 7 No. 328.

[31] Rep. Vo. voies de fait, par 1, art.

[32] No, 462.

[33] No. 19.

[34] P. 116.

[35] Vol. 7 No. 312.

[36] Vol. 32 No. 294

[37] Nos. 207, 1027.

[38] Possession, No. 95.

[39] Coutume d'Orléans des possessoires, No. 50.

 You are being directed to the most recent version of the statute which may not be the version considered at the time of the judgment.