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Supreme Court of Canada

Coghlin v. La Fonderie De Joliette; Girouard J, (1903) 34 SCR 153

Date: 1903-11-30

Breach of Contract—Damages—Evidence—Discretionary order by judge at trial—Interference by Court of Appeal.

The trial court condemned the defendant to pay $122.50 damages for breach of contract for the sale of goods but in view of unnecessary expenses caused in consequence of exaggerated demands by the plaintiffs, which were rejected, they were ordered to bear half the costs. On an appeal by the defendant, the Court of King's Bench varied the trial court judgment by adding $100 exemplary damages to the condemnation and giving full costs against the defendant.

Held, reversing the judgment appealed from, that in the absence of any evidence of bad faith or wilful default on the part of the defendant, there was no justification for the addition of exemplary damages nor for interference with the judgment of the trial court.

APPEAL from the judgment of the Court of King's Bench, appeal side, modifying the judgment of the Superior Court, District of Montreal, by increasing the amount of the verdict against the defendant and ordering him to pay all the costs of the action, part of which costs had been imposed upon the plaintiffs by the trial court judgment.

The questions at issue on this appeal are stated in the judgment now reported.

Bèique K.C. and Lafleur K.C. for the appellant.

Renaud K.C. for the respondeuts.

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The judgment of the court was delivered by :

GIROUARD J.—Il s'agit de savoir si l'intimée a droit à une somme additionnelle de $100 pour dommages-intérêts résultant de l'inexécution d'une vente de marchandises.

Voici les faits en pen de mots. Durant l'hiver de 1899 l'intimée donne deux commandes à l'appelant l'une pour des dents de herse livrables dans un délai déterminé, et l'autre pour des pièces de fer et d'acier devant servir à la fabrication de faucheuses, râteaux machines agricoles, livrables sans qu'aucun d4lai ne fût fixé. Il y a eu dit l'intimée, retard dans la livraison et la qualité des dents de herse, et défaut de livraison en temps opportun des pieces de fer et d'acier. De là deux actions; la première intentée par l'appelant contre l'intimée, à ce qu'il parait, en recouvrement du prix de vente, savoir $948.21, et l'autre celle que nous sommes appelés à décider.

Je dis à ce qu'il paraît; nous n'avons en effet que les dires des parties et l'affirmation des juges; nous n'avons pas la déclaration, ni les plaidoyers, pas même les jugements qui furent rendus dans cette cause.

Une longue enquête s'en suivit, couvrant trois cents pages d'impression. L'action de Cogolin fut déboutée par les deux cours. Ce jugement était sans appel ultérieur, le montant demandé ne permettant pas d'aller plus loin.

De son côté, et sans attendre la fin de ce procès, l'intimée réclama $3,033.00 à titre de dommages-intérêts résultant du retard de la livraison et de la mauvaise qualité des dents de herse et du défaut de livraison des pièces de fer et d'acier en temps opportun. La preuve faite dans la première cause fut mise an dossier de consentement, et une preuve nouvelle, couvrant quatre-vingts pages imprimées, fut ajoutée. La

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Cour supérieure (Fortin J.) a accordé $122500 à raison de la mauvaise qualité et de la livraison tardive des dents de herse et renvoya l'action quant au surplus, Enfin, comme le savant juge était d'opinion qu'au moins la moitié des frais d'enquête avait été occasionnée par la tentative infructueuse de la demanderesse de prouver les items de dommages qui lui étaient refusés elle fut condamn4e à supporter la moitié des frais d'enquête. L'intimée seule en appella à la cour d'appel qui lui accorda $100 de plus du chef des dommages rejetés et partant tous les frais d'enquête.

Voici le texte du jugement:

Considérant que l'appréciation du contrat fait entre les parties relativement a ces pièces de for et d'acier a été faite à la cour supérieure dans une cause intentée par l'intimé contre l'appelante pour le prix des dites pièces de fer et d'acier et que la cour a décidé que l'intime était en faute pour n'avoir pas livré les dites marchandises en temps opportun, et en conséquence a refusé le prix;

Considérant que ce jugement do la cour supérieure a été confirmé par la cour d'appel;

Considérant que la preuve faite dans la dite cause en recouvrement du prix a été de nouveau soumise dans la présente cause avec une prevue additionnelle; Considérant qu'il n'y a pas lieu dans l'appréciation que cette cour fait de la preuve do rendre une décision différente do celle qui a été donnée dans la première cause sur la question do responsabilité;

Considérant Que l'intimé était responsable do la nonivraison des dites pièces de for et d'acier en temps opportun, ii est en conséquence passible des dommages résultant de l'inexécution do son obligation;

Considérant que l'appelante a établi des dommages quo la cour évalue à cent piastres, etc.

La cour ne nous dit pas comment elle est arrivée à établir ce montant de dommages. Nous avons cependant l'opinion de M. le juge Hall, la seule au dossier, qui est plus explicite '.

While therefore it is evident that plaintiff did sustain a damage by defendants' delay in supplying the iron and steel for the mowing machines and rakes, yet the evidence in regard to it is too vague and irrelevant to serve as the basis of a judgment some of it pointing to

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alleged features of damage which are too remote and hypothetical to establish a legal liability, and the rest being indefinite as to quantity, identity and actual expenditure.

Under these circumstances, the learned trial judge came to the conclusion to dismiss altogether this branch of the claim, evidently feeling that the adjudication in the previous case did not control the present one, and apparently not sharing the views expressed in the previous judgments as to the defendants being in default. As above stated I think we must consider that there is a kind of chose jugée between the parties on this point and that being the case and the evidence not warranting a specific condemnation for damages in connection with the iron and steel plates, I would be of opinion to recognise the latter claim in principle,—by allowing a sum of say $100 as exemplary damage for these items; to maintain the appeal with costs and reform the judgment by increasing it to $222.50 with full costs in the Superior Court.

L'appelant appelle de ce jugement à cette cour, où ii se plaint uniquement de l'addition des $100 et des frais d'enquête, n'ayant pas appelé du jugement de la cour de première instance. Je ne puis comprendre comment la cour supérieure ou la cour d'appel, pouvait invoquer un jugement ayant presque l'autorité de la chose jugée, dit-on, lorsqu'il n'est pas au dossier. Si les tribunaux inférieurs ont Pu en constater le jugé, nous n'avons aucun moyen de le faire et nous devons rendre jugement sur les pièces et documents qui sont devant nous. Même si ce jugement était devant nos yeux, doit-on en conclure plus qu'il ne semble comporter, savoir que le prix de vente ne pouvait être demandé.

Le juge a quo est d'avis qu'aucun délai n'avait été fixé dans le contrat intervenu pour la livraison des pièces de fer et d'acier et que l'appelant avait fait toute la diligence possible pour les livrer. La cour d'appel admet qu'un délai fixe n'avait pas été stipulé; elle ajoute qu'alors la livraison devait se faire en temps opportun, ce qui je suppose veut dire en temps utile ou raisonnable Cette raison était "probablement suffisante pour refuser le prix de vente, point que nous

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n'avons pas à examiner. L'intimée avait besoin de ces articles à temps pour profiter de la saison d'affaires de 1899 s'ils sont arrivés trop tard pour en tirer profit, Il est peut être raisonnable qu'elle ne soit pas tenue de les prendre et d'en payer le prix. Mais autre chose est l'action réclamant des dommages-intérêts. L'appelant peut-il être considéré en faute s'il a fait toutes les diligences possibles pour les obtenir, car l'intimée savait qu'il devait les faire fabriquer ailleurs? Le juge a quo n'a pas de doute sur ce point et la cour d'appel n'en dit rien; elle se contente de se retrancher dans son premier jugement qui ne decide rien au sujet de la responsabilité pour dommages-intérêts. S'il y a eu diligence—ce qui me parait - prouvé—il me semble qu'il ne peuty avoir faute donnant ouverture a des dommages-intérêts. Mais supposons même que l'appelant n'ait pas fait diligence et qu'il fût en faute, quels dommages doit-il payer? Il n'est pas de mauvaise foi i il n'est pas même soupçonné de mauvais vouloir envers l'intimée qui, dans sa déclaration, l’invoque que la non-exécution de son contrat en temps opportun par sa faute ou négligence; rien dans sa conduite ne frise le délit ou le quasi-délit où le tribunal a une grande latitude pour apprécier et estimer les dommages. Tous les juges semblent d'accord sur ce point. Alors, il n'est pas passible à tout événement de dommages exemplaires qui paraissent cependant avoir été accordés par la cour d'appel. Les seuls dommages-intérêts que l'intimée peut r4clamrr doivent être existants, certains et spéciaux, et non douteux éventuels ou vagues, ceux qu'on a prévus ou que l'on a Pu prévoir et qui sont une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ainsi qu'il est porte aux articles 1065, 1073, 1074 et 1075 du code civil. Comme tous les commentateurs l'enseignent le demandeur doit établir qu'il a souffert des dommages

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réels en constatant le gain, dont ii a été privé et la perte qu'il a subie. La détermination du montant exact peut être difficile ou même impossible pour lui la cour peut alors le faire d'après les règles de l'équité et accorder des dommages nominaux, ce qui n'est pas la même chose que des dommages exemplaires. Mais ii faut alors que l'existence des dommages soit incontestable. C'est le principe qui fut consacré par cette cour, confirmant les deux cours provinciales dans The Corporation of the County of Ottawa v. Montreal, Ottawa & Western Railway Co. ([1]), particulièrement aux pages 205, 207 et 211. Cette jurisprudence fut d'ailleurs suivie par plusieurs autres arrêts de tous les tribunaux de la province de Québec, entr'autres,Lepage v. Girard ([2]) confirmé en revision et en appel ([3]).

L'intimée a-t-elle prouvé qu'elle a réellement souffert des dommages? La cour d'appel reconnaît que cette preuve existe sans en avoir constaté le montant. La cour l'a fixé pour elle, ce qu'elle pouvait faire si des dommages spéciaux sont prouvés. Quelle était la nature de ces dommages? C'est ce que la cour ne dit pas. Diaprés quelle base, a-t-elle Pu en fixer le montant? C'est ce qui n'apparaît pas non plus. M. le juge Hall nous en donne sans doute le secret, lorsqu'il déclare que des dommages spéciaux n'ont pas été prouvés, mais qu'il y a lieu d'accorder des dommages exemplaires. Dans sa pensée c'est probablement un dommage nominal qu'il avait en vue. Mais comment cette conclusion était-elle possible dans les circonstances. telles qu'il les apprécie? S'il eut déclaré qu'il existait des dommages spéciaux ou appréciables, et que de ce chef la cour accordait un montant nominal

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soit $100, je crois que peut-être ii aurait été difficile de d4cider autrement. Jetais le savant juge nous dit qu'il n'existe aucun dommage appréciable en loi. même si nous n'avions devant nous que le texte du jugement de la cour qui, en apparence du moins, ne viole aucun principe le résultat serait le même.

En effet après avoir lu attentivement le dossier nous sommes arrives à la conclusion qu'il n'y a pas de preuve qui puisse nous justifier d'accorder des dommages nominaux. Nous sommes donc d'avis de réétabli le "jugement de la cour supérieure in toto. C'est un dénouement bien ruineux pour l'intimée, car enfin l'appelant 4tait en retard et même en faute au sujet d'une des commandes. C'est son malheur d'avoir si gravement exagéré les conséquences de cette faute ou de ce retard. Ce r4su-tat aurait été évité si elle s'était contentée de demander des dommages raisonnables. Elle poursuivit pour $3,033.50, et aujourd'hui elle se déclare satisfaite avec $222.50, n'ayant pas appelé du jugement qui lui accorde seulement cette somme. Ayant imprudemment ouvert les portes de toutes les jurisdictions du pays, elle n'a qu'à s'imputer à elle-méme si elle a des frais considérables à supporter.

L'appel est accordé et le jugement de la cour supérieure réétabli avec dépens devant cette cour et la cour du banc du roi.

Appeal allowed with costs,

Solicitors for the appellant; Béique, Turgeon, Robertson & Béique

Solicitors for the respondents; Renaud & Guibault.



[1] 26 L.C. Jur. 148; M. L. R. 1 Q. B. 46; 14 Can. S. C. R. 193

[2] 4 R. L. 554.

[3] See Mulcair v. Jubinville 23. L. C. Jur. 165.

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