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Supreme Court of Canada

Compagnie de Transport Provincial v. Fortier, [1956] S.C.R. 258

Date: 1956-02-10

La Compagnie de Transport Provincial (Defendant) Appellant;

and

Clement Fortier (Plaintiff) Respondent.

Damages—Assault committed by bus driver on disembarked passenger—Whether driver in the performance of his work—Whether employer ratified action of driver—Whether employer liable—Article 1054 C.C.

The respondent and a companion boarded the appellant's bus at Montreal. Both were under the influence of alcoholic liquors. During the voyage, they spoke almost continuously in loud voices, making insulting remarks about the driver who did not speak to them during that time. At Ste-Thérèse, the destination of the bus, all the passengers disembarked, including the respondent and his companion who were the last to do so. They crossed in front of the bus and were half-way between the left side of the bus and the opppsite sidewalk when they were violently assaulted from behind by the driver.

The respondent sued the driver and the appellant for damages. The action was maintained jointly and severally against both defendants by the trial judge. This judgment was affirmed by a majority in the Court of Appeal. The driver did not appeal in the Court of Appeal nor in this Court.

Held: The appeal should be allowed and the action dismissed.

There was nothing in the alternative plea of the appellant which constituted an approbation or ratification of the action of its employee, the driver (Roy v. City of Thetford Mines [1954] S.C.R. 395 applied).

A delict caused "a l'occasion des fonctions" is a delict caused "pendant le temps des fonctions" and, consequently, is not the one contemplated by Art. 1054 C.C. where the responsibility of the master is engaged by a delict caused in "the performance of the work for which the servant is employed". The assault here was committed when the voyage had terminated and the contract with the passengers had come to an end. The appellant was at that time relieved of its duties towards the passengers. There was no relation between the work and the assault. The relations between the passengers and the driver were purely personal and foreign to the driver's functions. The latter was not, therefore, within Art. 1054 C.C.

APPEAL from the judgment of the Court of Queen's Bench, appeal side, province of Quebec 1, affirming, Barclay and McDougall JJ.A. dissenting, the judgment at trial in an action for assault.

[Page 259]

J. L. O'Brien, Q.C. and E. E. Saunders for the appellant.

J. Fortier, Q.C. and C. L. de Martigny, Q.C. for the respondent.

The judgment of the Court was delivered by:—

Taschereau J.:—L'appelante est une compagnie de transport, propriétaire d'autobus, faisant le service dans divers endroits de la province de Québec, et entre autres de la Cité de Montréal à Ste-Thérèse, dans le comté de Terre-bonne. Le 16 juillet 1947, l'intimé, accompagné d'un nommé Parent, était passager à bord de l'un de ces autobus en destination de Ste-Thérèse, et conduit par un nommé Coulombe. Rendu au point d'arrivée, alors qu'il était descendu du véhicule, l'intimé fut violemment assailli par le chauffeur et subit de sérieuses lésions corporelles.

Il institua des procédures judiciaires contre Coulombe et la compagnie appelante leur réclamant des dommages, et l'honorable Juge Brassard devant qui la cause fut entendue à St-Jérôme, a maintenu l'action contre les deux défendeurs, conjointement et solidairement, pour la somme de $3,667.05 avec intérêts et dépens. La Cour du Banc de la Reine 2 a confirmé ce jugement, MM. les Juges Barclay et McDougall étant dissidents. Ces derniers auraient maintenu l'appel et rejeté l'action. Seule la compagnie de transport a interjeté appel devant cette Cour.

C'est la prétention de l'intimé que l'appellante doit être tenue responsable des actes de son employé parce qu'en premier lieu, l'appelante, en prenant fait et cause dans son plaidoyer pour le conducteur, aurait engagé sa responsabilité, et en second lieu, parce que Coulombe, au moment où il a commis l'assaut qui lui est reproché, était dans l'exercice des fonctions auxquelles il était employé.

Je ne vois rien dans le plaidoyer qui puisse constituer une approbation ou une ratification de l'acte posé par Coulombe. Le plaidoyer écrit se résume à dire que Coulombe dans les circonstances n'a pas commis de délit ou de quasi-délit, et alternativement, l'appelante allègue que si une faute à été commise, elle ne peut en supporter les conséquences, car Coulombe, au moment où il aurait commis l'assaut, n'était pas dans l'exercice de ses fonctions. Un

[Page 260]

cas semblable a été récemment soumis à cette Cour dans une cause de Roy v. La Cité de Thetford Mines 3, et il a été décidé qu'un plaidoyer alternatif comme celui dont nous sommes en présence, ne constitue nullement une ratification des actes d'un employé. Les principes exposés 'dans la cause ci-dessus doivent donc sur ce point nous guider dans la détermination de la présente.

Le second point invoqué soulevé des difficultés plus sérieuses. Coulombe, quand il a assailli l'intimé, était-il dans l'exécution des fonctions auxquelles il était employé? Il faut tout d'abord bien se garder de confondre les expressions "à l'occasion des fonctions" et "dans l'exécution des fonctions". Dans le premier cas, il n'y a aucun rapport entre la faute et la fonction du service, aucun lien qui rattache cette. faute à l'exécution du mandat confié au préposé. (Eaton v. Moore 4). Le délit causé "à l'occasion des fonctions" est un délit causé "pendant le temps des fonctions", (Moreau v. Labelle 5) et, en conséquence, n'est pas celui envisagé par l'article 1054 qui exige, pour qu'il y ait responsabilité du patron, un délit causé "dans l'exécution des fonctions". Mazeaud (Vol. 1, 4e éd. pages 840 et 841) illustre ce principe de quelques exemples concrets:—

Au contraire, il n'y a aucun lien entre la fonction du conducteur d'une camionnette, chargé de transporter des journaux, et le fait, par ce conducteur, après avoir arrêté sa voiture au bord de la route, de tuer un faisan aperçu dans un champ voisin: même dans la théorie extensive, le commettant ne peut être tenu des conséquences civiles du délit de chasse ainsi commis.

Pas plus que le patron d'un café né doit répondre de l'incendie allumé par l'un des ses garçons en jetant un pétard, alors qu'il revenait de faire une course.

Le commettant n'a pas non plus à répondre des conséquences d'une rixe survenue entre le chauffeur et un cycliste, même si la discussion a pour origine la manière dont le chauffeur a doublé le cycliste.

Pour une raison identique, on ne saurait rendre le commettant responsable du délit d'outrage public à la pudeur commis par un chauffeur dans la voiture de son patron, bien que la personne avec .laquelle le délit a été commis ait été recontrée sur la route.

Il n'y a pas de lien non plus entre les fonctions d'une infirmière en chef et le détournement de sommes qui lui avaient été confiées volontairement par des infirmières; le commettant de l'infirmière en chef n'est donc pas responsable en vertu de l'article 1384, par. 3.

[Page 261]

On refusera également d'engager, en vertu de l'article 1384, par. 3, la responsabilité du fermier dont le domestique se rend coupable d'un incendie volontaire; celle d'un patron dont l'employé, chargé de surveiller l'exécution de travaux, se fait donner une leçon de conduite par l'entrepreneur chargé d'effectuer ces travaux.

Dans le même volume, à la page 835, Mazeaud dit également ce qui suit:—

Si l'on consulte les travaux préparatoires du Code civil, l'hésitation n'est pas permise. Dès que le dommage a été causé non plus "dans l'exercice des fonctions", mais seulement "à l'occasion des fonctions", le commettant ne doit pas être déclaré responsable.

En France, tous les auteurs ne partagent pas ces vues de Mazeaud et plusieurs soutiennent que la responsabilité de l'employeur est engagée, du moment que le délit ou le quasi-délit de l'employé est commis "à l'occasion du travail". Mais je crois que la véritable doctrine est celle de Mazeaud et qu'elle est plus conforme au texte de l'article 1054 et de l'enseignement de la. jurisprudence dans la province de Québec, réaffirmé par cette Cour dans la cause de Eaton v. Moore (supra). D'ailleurs, dans cette cause, la Cour ne faisait que rappeler ce qu'elle avait déjà dit à maintes reprises. Ainsi, dans Curley v. Latreille 6, voici ce que disait M. le Juge Mignault:—

Étant donné que l'interprétation stricte s'impose en cette matière, je ne puis me convaincre que le texte de notre article nous autorise à accueillir toutes les solutions que je viens d'indiquer. Ainsi, dans la province de Québec, le maître et le commettant sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et ouvriers dans l'exécution des jonctions auxquelles ces derniers sont employés, ou, pour citer la version anglaise de l'article 1054 C.C., in the performance of the work for which they are employed: Ceci me paraît clairement exclure la responsabilité du maître pour un fait accompli par le domestique ou ouvrier à l'occasion seulement de ses jonctions, si on ne peut dire que ce fait s'est produit dans l'exécution de ses fonctions. Il peut souvent être difficile de déterminer si le fait dommageable est accompli dans l'exécution des fonctions ou seulement à leur occasion, mais s'il appert réellement que ce fait n'a pas été accompli dans l'exécution des fonctions du domestique ou ouvrier, nous nous trouvons en dehors de notre texte. L'abus des fonctions, si le fait incriminé s'est produit dans l'exécution de ces fonctions, entre au contraire dans ce texte et entraîne la responsabilité du maître.

Dans The Governor and Company of Gentlemen Adventurers of England v. Vaillancourt 7, Sir Lyman Duff s'exprimait dans l'es termes suivants:—

Le fait dommageable must be something done in the execution of theservant's functions as servant or in the performance of his work as servant.If the thing done belongs to the kind of work which the servant is employedto perform or the class of things falling within l'exécution des jonctions,

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then by the plain words of the text responsibility rests upon the employer.Whether that is so or not in a particular case must, I think, always be in substance a question of fact, and although in cases lying near the border line decisions on analogous states of fact, may be valuable as illustrations, it is not, I think, the rule itself being clear, a proper use of authority to refer to such decisions for the purpose of narrowing or enlarging the limits of the rule.

Et plus loin, à la même page, il ajoutait:—

In France the doctrine has been widely accepted and has more than once been affirmed by the highest tribunal that the employer is responsible for acts done by his employee à l'occasion of his service. It cannot be insisted upon too strongly that an act done by an employee à l'occasion of his service may or may not be one for which the employer is responsible under Article 1054 C.C., depending in every case upon the answer to the question: "Was the act done, in the execution of the employee's service or in the performance of the work for which he was employed?"

Dans Moreau v. Labelle (supra) à la page 210, M. le Juge Rinfret disait:—

Ils font sentir d'une manière très nette l'erreur qui assimilerait au délit commis dans l'exécution des jonctions du préposé le délit commis pendant le temps de ces fonctions.

Dans la cause qui nous est soumise, c'est précisément la distinction qui doit être faite. Sans doute, Coulombe était l'employé de la compagnie intimée, et c'est à lui qu'incombait la charge de conduire les passagers à destination. Tant qu'il était dans l'exercice de ses fonctions, la compagnie appelante. était nécessairement responsable des délits ou qûasi-délits dont il pouvait être l'auteur. Même s'il abusait de ses fonctions, il existait quand même un lien de droit entrera victime de son délit et l'employeur dont il était au service. (Curley v. Latreille, supra, page 175).

Ici, la preuve révèle qu'à Montréal, au point de départ, après une assez longue hésitation, le conducteur Coulombe, parce que l'intimé et son compagnon Parent semblaient en état d'ivresse, consentit finalement, après un refus, à les accepter à bord de l'autobus. Au cours du trajet, ces derniers, assis près du chauffeur, ne cessèrent de l'invectiver, de parler à haute voix, et certainement de créer une atmosphère de querelle. Coulombe supporta le tout avec patience, mais rendu à Ste-Thérèse, au point de destination, quand l'intimé et son compagnon furent descendus le l'autobus, pour prendre un autre moyen de transport pour se rendre à St-Jérôme, Coulombe les suivit et les assaillit violemment.

[Page 263]

Cet assaut pour lequel Coulombe, avec raison, a été personnellement tenu responsable par les tribunaux civils, a cependant été commis alors que le voyage était terminé, P et que le contrat vis-à-vis les passagers avait pris fin. La compagnie était libérée de ses devoirs, et les obligations de cette dernière envers ceux-là étaient remplies. Les querelles des employés avec les passagers devenaient des affaires personnelles, qui ne regardaient pas l'employeur. Sans doute, Coulombe a commis cet acte répréhensible "durant les heures de travail", mais à un moment où il n'y avait aucune relation entre son travail, et l'acte qu'il a posé. Rien ne peut nous justifier de dire qu'il existe un lien entre ses fonctions et l'assaut qu'il a commis. Entre lui et la victime, une fois rendus à destination, seules des relations personnelles entre deux individus, étrangères aux fonctions de l'employé, étaient en cause. Le chauffeur n'était plus dans l'exercice de ses fonctions au sens de l'article 1054 (Code Civil). Il a agi en dehors du cadre qui limite ses activités vis-à-vis les clients de son employeur, et ce dernier ne peut donc être tenu responsable des dommages subis par l'intimé.

Je m'accorde avec Messieurs les Judges Barclay et McDougall de la Cour du Banc de la Reine, et je maintiendrais l'appel, et rejetterais l'action, avec dépens de toutes les cours.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for the appellant: St-Germain & Renaud.

Solicitor for the respondent: J. Fortier.



1 Q.R. [1954] Q.B. 755.

2 Q.R. [1954] Q.B. 755

3 [1954] S.C.R. 395.

4 [1951] S.C.R. 470.

5 [1933] S.C.R. 201 at 210.

6 (1919) 60 Can. S.C.R. 131. at 175.

7 [1923] S.C.R. 414 at 416.

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