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Supreme Court of Canada

Lord v. Guimond, [1957] S.C.R. 79

Date: 1956-12-21

Wilfrid Lord (Plaintiff), Appellant;

and

Simon Guimond (Defendant) Respondent.

Contracts—Potestative condition—Remuneration for occupation of property depending on the agreement of the parties—No agreement reached—Property occupied—Courts cannot fix rental but must award indemnity.

A purely potestative condition in a contract to the effect that after a certain period the monetary consideration will be fixed by agreement between the parties, will be without effect if at such time an agreement is not reached. When a property has thereafter continued to be adversely occupied following the making of such a contract, the Courts cannot supply such agreement and determine the consideration; but, since obviously the parties did not intend that one should give and the other receive free occupation, an indemnity, based on the prejudice suffered, should be awarded.

In 1922, the plaintiff sold his pharmaceutical stock to the defendant. The contract provided, inter alia, that the defendant would have the right to occupy part of a building owned by the plaintiff “pour toute période de temps durant laquelle il exploitera le commerce de la Pharmacie … aux conditions de soixante dollars par mois. Ce prix pourra être modifié après cinq ans”. After 7 years the rental was raised to §90. The following year, the plaintiff tried unsuccessfully to have it raised to $125. Finally, in May 1949, the plaintiff notified the defendant that the “lease” would expire in September of that year unless the defendant agreed to a rental of $225 per month. No agree-

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ment was reached, and the defendant did not leave the premises. In August 1950, the plaintiff sued for, inter alia, an order of eviction and damages of $225 a month.

Held: The defendant’s right to occupy the premises expired in September 1949, as no agreement was reached respecting the consideration to be paid after that date; the plaintiff was entitled to recover S200 per month as a fair indemnity for the occupation since that date.

Per Taschereau J.: The convention between the parties constituted a lease rather than the ancient and seldom used contract of use and habitation which, like antichresis, is rarely found to-day. All the elements of a lease were present in this case : the plaintiff granted to the defendant the enjoyment of part of his building, during a certain time, for a rent or price of $60 a month, which the latter obligated himself to pay and which could be modified, after 5 years, but only by mutual agreement.

Contracts—Interpretation—Civil Code, arts. 1013 et seq.

By virtue of art. 1019 of the Civil Code, a contract, in case of doubt, will be interpreted in favour of the party who contracted the obligation, but only if a doubt still remains after the Courts have tried to determine the common intention of the parties under arts 1013 et seq.

APPEAL from the judgment of the Court of Queen’s Bench, Appeal Side, Province of Quebec 1, affirming the judgment at trial and dismissing the action. Appeal allowed.

R. E. Parsons, for the plaintiff, appellant.

G. Sylvestre, Q.C., and J. Bertrand, Q.C., for the defendant, respondent.

Taschereau J.:—Le ler septembre 1922, le demandeur-appelant qui est médecin, a vendu à l’intimé tout son stock de marchandises pharmaceutiques qui se trouvait-dans un immeuble situé sur la rue Principale à Granby, pour la somme de $6,000, payable comptant. Dans la convention intervenue entre les parties, il a aussi été stipulé que l’intimé aura droit d’occuper une certaine partie de l’immeuble dont l’appelant était propriétaire, tant pour continuer le commerce de pharmacie que comme logis pour lui-même et sa famille.

Le document signé par les parties est ainsi rédigé:

Granby, le ler septembre 1922

Je reconnais par les présentes avoir vendu à Simon Guimond mon stock de Pharmacie et fixtures, le tout situé dans l’immeuble N° 121 rue Principale à Granby. Je reconnais avoir reçu paiement du plein montant du prix de vente, soit six mille piastres du susdit acquéreur.

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Il est entendu que je fournirai à l’acquéreur les avantages d’une licence de Pharmacie et que si toutefois l’Association des Pharmaciens de la Province lui causait du trouble au point de gêner l’exploitation du susdit stock de Pharmacie, je le rachèterai au prix d’un inventaire fait d’après les factures et les fixtures devront être cédées sans charges, comme je les vends par les présentes.

L’acquéreur aura droit à l’usage de la Pharmacie (soit le N° 121 et en cas de changement soit le N° 123 rue Principale) et au logis N° 119 rue Principale pour toute période de temps durant laquelle il exploitera le commerce de la Pharmacie à lui vendue aux conditions de soixante dollars par mois. Ce prix pourra être modifié après cinq ans. Je m’engage à aider l’acquéreur par des renseignements qui pourront lui être nécessaires pour l’exploitation de son commerce de Pharmacie.

L’acquéreur aura droit à l’usage de la cave et des installations faites pour recevoir les produits pharmaceutiques. Toutefois ce droit ne sera pas exclusif, mais raisonnable et basé sur bonne entente avec le propriétaire ou locataire de l’immeuble en partie loué à l’acquéreur. J’aurai le droit de communiquer à la grand’rue par la pharmacie, de mon bureau et vice versa, ainsi que mes clients.

WILFRID LORD, M.D.
SIMON GUIMOND

(Les italiques sont de moi.)

Des difficultés se sont élevées entre les parties, et au cours du mois d’août 1950, l’appelant a institué contre l’intimé une action dans laquelle il demande l’annulation de la convention du ler septembre 1922, à compter du ler septembre 1949, une déclaration à l’effet que depuis cette dernière date, le défendeur-intimé occupe illégalement les lieux, une ordonnance d’éviction, et enfin une somme de $2,925 pour loyer dû et dommages. Par demande incidente formulée en janvier 1951, l’appelant réclame additionnellement $1,125, soit le loyer à raison de $225 par mois depuis septembre 1950 jusqu’à janvier 1951 inclusivement.

L’intimé a contesté l’action principale ainsi que la demande incidente, et a consigné avec son plaidoyer $1,080 et $540, montants qu’il croyait devoir tant sur la demande principale que sur la demande incidente. La Cour Supérieure a rejeté les prétentions de l’appelant, a déclaré bonnes et valables les offres faites par l’intimé, et la Cour du Banc de la Reine 2 a unanimement confirmé ce jugement.

La convention ne manque pas d’ambiguïté, et les parties ne s’entendent guère quant à son interprétation. Il est en

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preuve qu’au mois de septembre 1922, l’intimé a pris possession des lieux, et jusqu’au mois de septembre 1929, il a payé à l’appelant la somme de $60 par mois, montant stipulé à la convention. A cette dernière date, d’un commun accord, le prix d’occupation fut porté à $90 par mois. Subséquemment, soit le 21 mars 1930, l’appelant par lettre  ecommandée, a informé l’intimé qu’à partir du ler mai 1930, le prix d’occupation serait de $125 par mois. Sur le refus de l’intimé de payer cette somme, le demandeur-appelant a pris une première action contre le défendeur-intimé pour lui réclamer la somme de $500, mais M. le juge Walsh de la Cour Supérieure a jugé que le délai mentionné à l’avis était insuffisant et a en conséquence rejeté l’action. Le 13 mai 1949, l’appelant a de nouveau fait parvenir à l’intimé un avis lui signifiant que le “bail” de septembre 1922, affectant la pharmacie et le logement, se terminerait le ler septembre 1949. Il lui a aussi fait savoir que s’il continuait à occuper les lieux après cette date, le “loyer” serait de $225 par mois. L’intimé a répondu qu’il considérait le bail toujours en vigueur, et qu’il désirait s’en tenir exclusivement aux conditions qui y sont contenues. C’est alors qu’au mois d’août 1950, l’appelant a institué les présentes procédures.

C’est la prétention de l’appelant qu’il s’agit d’une convention qui a créé entre les parties des relations de locateur et de locataire, et que les dispositions du Code Civil relatives à ce contrat doivent s’appliquer. L’appelant soutient aussi que les mots “ce prix pourra être modifié après cinq ans” permettent non pas seulement une unique modification du prix, comme la chose a été faite en 1929, mais justifient aussi des modifications que des conditions changeantes et aléatoires peuvent exiger.

La conclusion de l’appelant est que le bail a pris fin à l’expiration des cinq premières années, soit en 1927, qu’il n’y a eu subséquemment qu’une occupation par tolérance, et qu’il était en conséquence justifié, ayant donné les avis nécessaires, devant avoir effet le ler septembre 1949, de réclamer comme il le fait, depuis cette date, la somme de $225 par mois, soit la valeur de l’occupation des lieux.

L’intimé soutient qu’il s’agit non pas d’un contrat de louage, mais bien d’un contrat d’usage et d’habitation, où

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les règles du louage ne trouvent pas leur application; que les mots “ce prix pourra être modifié après cinq ans” ne peuvent justifier qu’une seule modification, ce qui d’ailleurs a été fait quand, en 1929, de consentement mutuel, le prix de $90 a été déterminé. Ce prix serait donc final tant que le défendeur exploitera le commerce de pharmacie, et sa prétention est donc que le contrat n’a pas pris fin et qu’il subsiste toujours moyennant le paiement de cette mensualité.

Je suis clairement d’opinion que dans l’occurrence, il s’agit bien d’un bail, et que les éléments constitutifs de l’usage et de l’habitation ne se rencontrent nullement dans la convention intervenue. L’usage en effet est une sorte d’usufruit restreint, un démembrement de la propriété. C’est un droit réel temporaire et viager, qui se termine comme se termine l’usufruit. Il donne à l’usager la faculté de se servir de la chose d’autrui et aussi celle d’en percevoir les fruits, mais jusqu’à concurrence seulement de ses besoins et de ceux de sa famille. Ce droit d’usage prend le nom de droit d’habitation lorsqu’il est appliqué à la jouissance totale ou partielle d’une maison d’habitation. Le droit d’habitation se restreint à ce qui est nécessaire pour l’habitation de celui à qui ce droit est accordé et de sa famille. Comme le droit d’usage, il ne peut être ni cédé ni loué: Code Civil, arts. 487, 496 et 497.

Comme l’antichrèse, l’usage et l’habitation sont des vestiges d’un droit antique et suranné dont l’application se rencontre rarement de nos jours.

Quand le commerce de pharmacie a été vendu par l’appelant à l’intimé pour la somme de $6,000, et que par convention accessoire, l’intimé, moyennant paiement, a obtenu un droit d’occupation de certaines parties de l’immeuble, il s’agissait bien d’un bail. Le louage des choses en effet est un contrat par lequel l’une des patries appelée locateur, accorde à l’autre, appelée locataire, la jouissance d’une chose pendant un certain temps, moyennant un loyer ou prix que celle-ci s’oblige de lui payer.

Tous ces éléments se rencontrent dans le présent cas. L’appelant en effet a accordé à l’intimé la jouissance de partie de son immeuble, pour un certain temps, en considération du paiement de $60 par mois, que l’intimé avait

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l’obligation de payer. Le prix stipulé est de $60 par mois pour les cinq premières années seulement. Après cette période, le prix peut être modifié, mais seulement comme résultat d’une entente, d’un consentement mutuel. Aucune des parties ne peut arbitrairement et unilatéralement augmenter ou diminuer le prix de location. Il n’appartient pas en effet au locateur, et ce serait futile de le soutenir, d’en augmenter le prix, ni au locataire d’exiger une diminution. Il faut une entente, et à défaut d’entente, le locataire n’est plus tenu de rester dans les lieux, et le locateur est donc libéré de ses obligations, et de nouvelles relations prennent alors naissance entre les parties.

Le prix de location a été augmenté en 1929 à $90 par mois, et ceci comme résultat d’une commune volonté. Mais à mon sens, cette première augmentation n’épuise nullement le droit des parties de demander des révisions additionnelles de ce loyer, qui cependant, devra être déterminé par entente, et à défaut de quoi le prix cesse d’être déterminé.

Comme conséquence de l’accord intervenu en 1929, alors que le loyer a été porté à $90 par mois, il me semble indiscutable que les deux parties ont maintenu leurs relations légales de locateur et de locataire jusqu’en 1949, alors que le 13 mai 1949, l’appelant a fait signifier un nouvel avis à l’intimé. Il s’autorisait évidemment de la clause de la convention, relative à la révision du montant du loyer, et adressa alors à l’intimé là lettre suivante:

Granby le 13 mai 1949.

Monsieur SIMON GUIMOND,

Granby, Que.

Monsieur,

Votre bail pour le local de la pharmacie et du logis privé, lesquels portaient respectivement, autrefois, les numéros 123 et 119, et qui portent, maintenant, les numéros 145 et 141 de la rue Principale à Granby, se terminera le ler septembre 1949.

Je vous donne, par les présentes, avis que si vous entendez occuper lesdits lieux, votre bail sera au mois et le loyer mensuel en sera $225, chauffage et taxe d’eau compris, payable tous les mois, d’avance, le premier de chaque mois.

Veuillez me dire par la malle, d’ici cinq jours, si vous acceptez ces conditions, et à défaut par vous de ce faire, vous aurez à quitter lesdits lieux, le ou vers le premier septembre 1949, votre bail devant être, alors, considéré comme terminé à toutes fins que de droit.

Votre tout dévoué,

DR. WILFRID LORD

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A cause du refus de l’intimé de se rendre à cette demande, l’appelant lui adressa, le 2 septembre, la, lettre suivante:

Granby, 2 septembre 1949.

Monsieur Simon Guimond,

Granby, P.Q.

Monsieur,

Pour faire suite à l’avis qui vous a été donné le 13 mai 1949, concernant le logement et le magasin que vous occupez en vertu d’un bail qui vous a été consenti le ler septembre 1922, et afin d’éviter tout malentendu, je désire vous aviser de nouveau, par les présentes, que je m’oppose au renouvellement de ce bail par tacite reconduction.

Je veux qu’il soit, bien compris entre nous que si vous entendez continuer d’occuper les lieux loués ce sera pour le loyer mentionné dans la lettre que je vous adressais le 13 mai 1949, et cela à partir du ler septembre 1949.

Je vous donne donc le présent avis conformément aux dispositions des articles 1609 et 1610 du code civil.

Votre dévoué,

WILFRID LORD, M.D.

A partir de la date que porte cette lettre, je crois que les relations de locateur et de locataire entre l’appelant et l’intimé ont pris fin. Comme conséquence des dispositions des arts. 1609 et 1610 du Code Civil, l’intimé ne peut invoquer la tacite reconduction, et quoiqu’il ait continué à occuper les lieux, le bail ne s’est pas renouvelé. L’occupation s’est faite contre le gré du locateur et nullement par tolérance. Il s’ensuit donc, parce qu’il n’y a pas eu d’entente quant au loyer après l’avis donné le 13 mai 1949, que le demandeur avait droit de mettre fin au bail comme il l’a fait, de faire constater par le tribunal cette résiliation, et de demander l’expulsion de l’intimé des lieux loués. A mon sens, c’est à tort que ces recours lui ont été refusés.

Voici ce que dit Planiol  et Ripert, Droit Civil, 2e éd. 1952, Vol. 10, p. 602:

470. Caractère déterminable du prix.—Le prix du bail doit être non seulement sérieux, mais certain, c’est-à-dire déterminé ou tout au moins déterminable. Par suite, si les parties, après s’être mises d’accord sur le principe de la conclusion d’un bail, oublient d’en fixer le prix ou n’arrivent pas à se mettre d’accord à son sujet, le prétendu bail sera frappé d’une nullité absolue, faute de prix. C’est ainsi que sera nul le contrat prévoyant que les parties se mettront amiablement d’accord sur le prix, si cet accord n’intervient pas. Si le preneur s’était en fait mis en possession du bien, il ne devra au bailleur aucun loyer, mais une indemnité d’occupation représentative du préjudice subi.

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Il reste la question du montant que peut réclamer l’appelant. Il a sans doute droit à une compensation raisonnable pour l’occupation des lieux par l’intimé depuis le ler septembre 1949, jusqu’au mois de janvier 1951 inclusivement, soit une période de 17 mois. Comme résultat de la terminaison du bail, cette compensation ne sera pas basée sur le prix fixé par consentement en 1929, mais doit être représentée par la valeur locative des lieux occupés. La preuve, et particulièrement le témoignage de monsieur Meunier, évaluateur en chef de la Cité de Granby, me convainc que les fins de la justice seront bien servies en fixant cette valeur locative à $200 par mois, ce qui fait un total de $3,400. De cette somme, cependant, il faudra déduire le montant consigné avec le plaidoyer à la demande principale, ainsi qu’à la demande incidente, soit $1,620, laissant une balance de $1,780.

L’appel doit donc être maintenu. Le bail intervenu entre les parties est résilié, à toutes fins que de droit; ordre est donné à l’intimé de quitter les lieux loués dans un délai de trente jours de la date du présent jugement. Les offres et consignations au montant de $1,620 que l’appelant est autorisé à retirer, sont déclarées insuffisantes, et l’intimé devra payer la balance de $1,780, plus les intérêts au taux de 5 pour cent, depuis la date du jugement de la Cour Supérieure. Tous les droits de l’appelant pour les montants échus depuis le mois de janvier 1951 sont réservés.

L’intimé paiera également les frais de toutes les Cours.

The judgment of Locke, Fauteux and Nolan JJ. was delivered by

Fauteux J.:—Le ler septembre 1922, l’appelant, qui est médecin, reconnaissait avoir vendu les marchandises et fixtures d’une pharmacie par lui exploitée au rez-de-chaussée d’un immeuble lui appartenant, à l’intimé, son beaufrère, à qui il concédait, à titre onéreux, le droit d’occuper, tant qu’il y poursuivrait cette exploitation, le local de cette pharmacie et un logement y attenant; le tout aux termes et conditions apparaissant à un écrit rédigé par lui, signé par les deux parties et se lisant comme suit:

Granby, le ler septembre/22

Je reconnais par les présentes avoir vendu à Simon Guimond mon stock de Pharmacie et fixtures, le tout situé dans l’immeuble N° 121 rue

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Principale à Granb. Je reconnais avoir reçu paiement du plein montant du prix de vente, soit six mille piastres du susdit acquéreur.

Il est entendu que je fournirai à l’acquéreur les avantages d’une licence de Pharmacie et que si toutefois l’Association des Pharmaciens de la Province lui causait du trouble au point de gêner l’exploitation du susdit stock de Pharmacie, je le rachèterai au prix d’un inventaire fait d’après les factures et les fixtures devront être cédées sans charges, comme je les vends par les présentes.

L’acquéreur aura droit à l’usage de la Pharmacie (soit le N° 121 et en cas de changement soit le N° 123 rue Principale) et au logis N° 119 rue Principale pour toute période de temps durant laquelle il exploitera le commerce de la Pharmacie à lui vendue aux conditions de soixante dollars par mois. Ce prix pourra être modifié après cinq ans. Je m’engage à aider l’acquéreur par des renseignements qui pourront lui être nécessaires pour l’exploitation de son commerce de Pharmacie.

L’acquéreur aura droit à l’usage de la cave et des installations faites pour recevoir les produits pharmaceutiques. Toutefois ce droit ne sera pas exclusif, mais raisonnable et basé sur bonne entente avec le propriétaire ou locataire de l’immeuble en partie loué à l’acquéreur. J’aurai le droit de communiquer à la grand’rue par la pharmacie, de mon bureau et vice versa, ainsi que mes clients.

(signé) WILFRID LORD, M.D.
SIMON GUIMOND

Depuis le ler septembre 1922, date de cette convention, à ce jour, l’intimé a exploité cette pharmacie et occupé ce logement. Il a payé à l’appelant $60 par mois jusqu’au ler décembre 1929, alors que, d’un commun accord, la considération mensuelle fut portée à $90. Les quelques tentatives faites par l’appelant depuis lors, pour obtenir de l’intimé un autre accord sur le prix, ont été sans succès. Eventuellement, et par une lettre en date du 13 mai 1949, l’appelant avise l’intimé que “le bail” ayant pour objet la pharmacie et le logement prendra fin le ler septembre suivant. Il précise les conditions et le prix auxquels l’intimé pourra, s’il le désire, continuer l’occupation des lieux et l’avise qu’à son défaut d’accepter ces conditions fixant le prix mensuel à $225, il devra, le ler septembre 1949, évacuer les lieux. Dans une réponse dont le laconisme manifeste la profonde division entre les parties, l’intimé informe l’appelant qu’il ne consent pas “à l’annulation du bail” et qu’il s’en “rapporte à ces termes et conditions”. Advenant le 2 septembre 1949, l’appelant avise l’intimé que s’il continue d’occuper les lieux, ce sera, à compter du ler septembre 1949, au prix mentionné dans sa lettre du 13 mai 1949. A ceci l’intimé n’a jamais consenti.

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Le 25 août 1950, l’appelant prend une action en expulsion et en dommages contre l’intimé, joignant subséquemment une demande incidente à sa demande principale. Le tout est rejeté par la Cour Supérieure dont le jugement est maintenu par la Cour d’Appel 3. D’où le pourvoi devant cette Cour.

C’est la prétention de l’intimé que l’accord du ler décembre 1929, portant le prix initial à $90, est et demeure depuis cette date la loi des parties; en stipulant, dit-on, Ce prix pourra être modifié après cinq ans, les parties n’ont envisagé qu’une seule modification et celle faite le ler décembre 1929 est définitive. De son côté, l’appelant soumet qu’en raison de leurs relations, du caractère et des termes de leur convention, les parties n’ont voulu déterminer le prix d’occupation que pour une période de cinq années, entendant que, par la suite, ce prix initial prévaudrait jusqu’au moment où l’une des parties en rechercherait la modification alors qu’à l’amiable les parties devaient s’entendre sur la question, i.e. le prix et le terme pour lequel il prévaudrait.

La disposition de ce litige dépend donc (i) de l’interprétation de la convention et (ii) des conséquences juridiques en résultant.

L’interprétation.—Comme en a jugé la Cour d’Appel, il ne paraît pas nécessaire de décider, à l’instar du juge de première instance, si le droit d’occupation concédé à l’intimé est, de sa nature, un droit d’habitation ou un droit résultant d’une location. A la vérité, et dans les deux cas, ce droit d’occupation résulte d’une convention dans laquelle les parties se sont obligées réciproquement l’une envers l’autre, la première à fournir les lieux, la seconde à en payer le prix; c’est cette dernière obligation qui fait l’objet du litige et qui. requiert, en conséquence, d’être précisée en interprétant la convention « sur le point litigieux.

La commune intention des parties lorsque douteuse doit, suivant les directives données aux juges, être recherchée et déterminée par une interprétation plutôt que par le sens littéral des termes du contrat, dont toutes les clauses doivent s’interpréter les unes par les autres en donnant à chacune le sens qui résulte de l’acte entier; et ce n’est que

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si le doute survit à cet examen qu’il y a lieu de le résoudre en faveur du débiteur de l’obligation dont le créancier recherche l’exécution: Code Civil, arts. 1013 et seq.

En stipulant Ce prix pourra être modifié après cinq ans, les parties ont prévu, vu la longévité possible de leurs relations, l’éventualité qu’au cours d’icelles, l’une d’elles pourrait se croire lésée par le maintien d’un prix immuable ; aussi bien, et animées par cet esprit de bonne entente manifesté dans d’autres dispositions de la convention, elles n’ont voulu se lier que pour cinq ans, entendant que si, par la suite, cette éventualité se présentait, elle devait être résolue par accord à l’amiable. Voilà, je crois, ce qui résulte de l’acte entier. L’intimé ne nie pas que l’accord du ler décembre 1929, portant la mensualité à $90, eut lieu en exécution de la convention, mais pour prétendre que cet accord épuise la stipulation, il s’appuie en substance sur les deux raisons motivant le jugement de la Cour d’Appel, soit:—(i) Sur le fait que la stipulation commence par les mots “Ce prix” et non “Le prix.” et qu’elle n’est pas suivie des mots “de temps à autre” ou autres au même effet; et (ii) sur l’impossibilité de concilier “l’obligation de l’appelant de fournir une sorte d’usage perpétuel des lieux” avec “le pouvoir exclusif et discrétionnaire d’exiger d’année en année une augmentation du prix”.

En tout respect, je ne puis partager ces vues. Le premier motif s’inspire en partie d’une interprétation strictement littérale et par ailleurs non concluante. Si la stipulation n’est pas qualifiée par les mots “de temps à autre”, elle ne l’est pas davantage par les mots “une seule fois”. A la vérité, elle n’est qualifiée que par le texte de la convention dans laquelle elle se trouve et rien n’y indique qu’elle doive recevoir la limitation qu’on lui donne en méconnaissant, je crois, l’esprit conciliant qui préside à toute la convention et sur lequel on a cru sage de miser pour son maintien. Quant au second motif, il se fonde sur un caractère de permanence qu’on prête à l’obligation de l’appelant de fournir l’usage des lieux à l’intimé. Dès après cinq ans, rien ne devenait plus précaire que la durée de cette obligation. Pour s’en convaincre, on n’a qu’à considérer ce qui serait arrivé de la convention si les négociations conduisant à l’accord de 1929 eussent pris fin

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sans qu’une entente intervienne. Faute d’entente sur la considération de l’obligation, l’obligation elle-même eut disparu. Voilà pourtant ce dont les parties avaient convenu. Elles ont conditionné la survivance de leurs relations contractuelles à celle de leur esprit de conciliation. L’intimé, d’ailleurs, bien qu’invité à ce faire, n’a pu suggérer aucune raison supportant la proposition que les parties aient voulu écarter ce principe à la base de leur convention dès l’avènement d’une première modification du prix pour que, dès lors, ce dernier devienne définitif, que ce soit pour 10, 20 ou 30 ans à venir.

Conséquences de la convention ainsi interprétée.—La mensualité de $90 a prévalu, par entente, jusqu’au ler septembre 1949; depuis lors, aucun accord n’est intervenu sur un prix. C’est à cette date qu’a pris fin la convention. C’est là, je crois, la conséquence de ce contrat en lequel les parties ont assujetti le maintien, après 5 ans, de leurs obligations réciproques à une condition purement potestative, soit celle de donner ou refuser un acquiescement à un prix modifié: Code Civil, art. 1081. Et c’est à bon droit que l’appelant a demandé l’expulsion de l’intimé et recherché contre lui, par son action, la condamnation au paiement d’une indemnité pour cette occupation adverse des lieux depuis le ler septembre 1949.

Planiol et Ripert, Droit civil, 2e éd. 1952, vol. 10, p. 602, n°470:

C’est ainsi que sera nul le contrat prévoyant que les parties se mettront amiablement d’accord sur le prix, si cet accord n’intervient pas. Si le preneur s’était en fait mis en possession du bien, il ne devra au bailleur aucun loyer, mais une indemnité d’occupation représentative du préjudice subi.

Guillouard, Traité du contrat de louage, 3e éd. 1891, tome 1, p. 80, n° 66:

Si aucun prix n’avait été déterminé, bien qu’il n’y ait pas convention valable de louage, celui qui aurait joui de l’immeuble pendant un certain temps, en vertu de cette convention imparfaite, devrait payer au propriétaire une indemnité qui serait fixée par les tribunaux. Il est certain que les parties n’ont pas entendu l’une concéder, et l’autre recevoir une jouissance gratuite, et s’il est impossible de suppléer à leur volonté en fixant le prix pour l’avenir, il est possible et légitime de fixer le taux de l’indemnité due pour le passé au propriétaire, dépouillé de la jouissance de son immeuble.

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L’appelant mesure son préjudice sur la valeur locative des lieux qu’il estime à $225 par mois, chauffage et taxe d’eau y compris. Une revue de la preuve et, en particulier, du témoignage de l’évaluateur Meunier, justifie de réduire ce chiffre à $200. La période totale d’occupation adverse pour laquelle il a réclamé en son action est de 17 mois. Sur cette base, l’indemnité de l’appelant s’établit à $3,400. Il touchera $1,620, somme des montants consignés en Cour par l’intimé qui devra lui payer, en outre, la différence, soit $1,780. Le dossier ne permet pas d’accorder à l’appelant l’indemnité additionnelle de $225 réclamée pour perte anticipée de revenus durant le mois suivant l’évacuation des lieux.

Je maintiendrais l’appel et, réservant les droits de l’appelant, déclarerais que: (i) la convention du ler septembre 1929 a pris fin le ler septembre 1949 et, par la suite, l’intimé a occupé illégalement les lieux y mentionnés; (ii) l’indemnité est fixée à $3,400 et l’offre de la somme de $1,620, que l’appelant aura droit de retirer, est insuffisante; j’ordonnerais à l’intimé de quitter les lieux dans les 30 jours du jugement et le condamnerais en outre à payer à l’appelant la somme de $1,780, avec intérêts depuis le 19 décembre 1951, date du jugement de première instance. Le tout avec dépens de toutes les Cours.

Abbott J. :—I am in agreement with the reasons of my brothers Taschereau and Fauteux and would dispose of the appeal as proposed by my brother Fauteux.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for the plaintiff, appellant: Hugessen, Macklaier, Chisholm, Smith & Davis, Montreal.

Solicitor for the defendant, respondent: G. Sylvestre, St. Hyacinthe.



1 [1954] Que. Q.B. 589.

2 [1954] Que. Q.B. 589.

3 [1954] Que. Q.B. 589.

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