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Supreme Court of Canada

McMonagle v. Société de Réhabilitation Inc., [1960] S.C.R. 119

Date: 1959-12-21

Roy McMonagle (Plaintiff) Appellant;

and

La Societé de Réhabilitation Incorporée and Ernest Fredette (Defendants) Respondents.

Motor vehicles—Collision on straight highway—Conflict between evidence of parties and evidence of objective witnesses—Burden of proof to establish sudden emergency causing accident.

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A car driven by the plaintiff and one driven by the defendant F collided on a straight stretch of road. After the collision, the plaintiff's car was resting on the right shoulder of the road, and the car driven by F was on the wrong side, directly across the path of the plaintiff's. The driver F claimed that the accident happened as the result of a sudden emergency created by the plaintiff who was attempting to overtake a truck. The trial judge maintained the action, but this judgment was reversed by the Court of Appeal relying on a statement made by the plaintiff that he might have been trying to overtake a truck.

Held: The appeal should be allowed and the action maintained.

In view of the contradictory evidence given by the parties, the Court should look at the more objective witnesses to obtain a picture of what happened. The driver of the truck in question and a police constable had both testified that it was the car driven by the defendant F which was swerving out of control.

The defendants had the burden of proving that there existed a sudden emergency which caused F to swerve, and this they failed to do.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing a judgment of Cliche J. Appeal allowed.

P. de Grandpré, Q.C., for the plaintiff, appellant.

G. Emery, for the defendants, respondents.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.:—Le demandeur-appelant réclame des défendeurs-intimés la somme de $5,000. Il allègue dans son action que le 12 octobre 1949, il a été la victime d'un accident d'automobile dont les défendeurs doivent être tenus conjointement et solidairement responsables. La Société de Réhabilitation est propriétaire de la voiture qui l'aurait frappé. Elle était conduite par l'autre défendeur, Ernest Fredette, son employé, alors dans l'exercice de ses fonctions. M. le Juge Cliche a maintenu cette réclamation pour un montant de $2,882.40 avec intérêts et dépens, mais la Cour du banc de la reine2 en est arrivée à une conclusion différente et a maintenu l'appel et rejeté l'action.

L'appelant conduisait sa voiture, dans laquelle il était seul, dans une direction nord-sud sur la route de Windsor-Mills à Sherbrooke, et l'intimé Fredette, accompagné du Révérend Perreault qui fut tué au cours de l'accident, se dirigeait en sens inverse. Ce jour là il pleuvait, mais personne ne se plaint de la visibilité. La route, sur une longueur

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de 1,200 pieds, était droite et non accidentée, mais à chaque extrémité de cette distance se trouvait une courbe. L'accident se serait produit à moitié chemin de ces deux courbes alors que les deux voitures filaient à environ 40 milles à l'heure, sur une route asphaltée d'une largeur de 22 pieds.

Le véhicule du demandeur-appelant, se dirigeant vers Sherbrooke, était précédé d'un camion conduit par Henri Paul Bourgeois, et à côté de qui avait pris place un nommé Vadnais. La preuve révèle que le véhicule des intimés, qui venait en sens inverse du camion, était la seule voiture sur la route que le conducteur du camion pouvait voir. Bourgeois, corroboré par Vadnais, dit dans son témoignage qu'à deux ou trois cents pieds en avant de lui la voiture des intimés "a glissé sur l'asphalte et s'en venait de biais". Elle a recontré le camion toujours en gardant cette même position, et quelques instants après, Bourgeois a entendu le choc de la collision avec la voiture de l'appelant, qui venait en arrière de lui. Au même moment, Bourgeois a regardé en arrière par la fenêtre de son camion, et a vu ce qui venait de se passer.

La preuve révèle en outre que la voiture de l'appelant roulait du côté droit de la route, et c'est évidemment la voiture des intimés qui, après avoir rencontré le camion, a continué à filer "de biais" sur la route et s'est dirigée du côté gauche pour ensuite frapper la voiture de l'appelant. L'officier de la Sûreté provinciale qui s'est rendu sur les lieux assure que le véhicule de l'appelant, après l'accident, reposait sur le côté droit de la route, près du fossé, et que celui des intimés était "de travers dans le chemin". Sa roue de droite avant le camion toujours en gardant la route, et l'arrière était près dé l'accotement, du côté où se trouvait l'auto de l'appelant.

C'est le côté gauche avant de la voiture de l'appelant.qui fut brisé, et le côté droit avant de celle des intimés. Ce sont là les faits que le juge au procès a retenus, et il a raisonnablement conclu que l'accident était arrivé du côté droit de la route, c'est-à-dire du côté sur lequel filait la voiture de l'appelant, et que c'est le conducteur de la voiture des intimés qui, après avoir rencontré de camion, et après qu'il l'eût dépassé, est venu frapper l'autre véhicule.

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La Cour du banc de la reine a cependant conclu de façon différente, et elle appuie son jugement sur les considérants suivants:

Considérant que la cause déterminante de cet accident réside dans le fait que l'intimé, de son propre aveu, a tenté de doubler, dans une côte, un camion, alors que la voiture de l'appelante venant en sens inverse, procédait à la descente de cette côte;

Considérant qu'en agissant ainsi l'intimé a transgressé la loi et a méconnu les règles les plus élémentaires de la prudence;

Et dans ses raisons écrites, que les autres membres du tribunal ont approuvées, M. le Juge Bissonnette cite l'extrait suivant du témoignage de l'appelant à l'enquête du coroner:

Did you declare at the Coroner's Inquest that there was a truck on the scene of the accident prior to the accident, when you were examined at the Coroner's Inquest?

I believe I did at that time.

Is it not a fact at that time you told the Coroner that the truck was proceeding in the opposite direction, in front of the car in which Simon Perreault was in?

Do I just have to answer or not?

Did you or did you not?

Yes.

Did you also declare, Mr. McMonagle, that the first time you noticed the car with which you collided, was when swerving from behind that truck?

Yes.

You declared that at the Coroner's Inquest?

That's right.

Et il conclut ainsi:

Ces aveux de l'intimé corroborent nettement la version donnée par l'appelant Fredette, de sorte que toute la preuve ne se concilie qu'avec une seule conclusion à l'effet que c'est le geste imprudent de l'intimé qui a été la cause déterminante et unique de l'accident.

Voyant sa route interceptée dans une côte qu'il descendait, l'appelant, devant l'imminence du danger, n'avait alors que la ressource de ses freins. Vu sa très faible allure, on ne peut lui imputer faute.

Il y a ici, je crois, erreur sur la topographie des lieux. En effet, de l'avis de tous les témoins entendus sur ce point, l'accident s'est produit sur un terrain plat, et s'il se présentait à l'une des extrémités de cette route droite sur une distance de 1,200 pieds, une pente légère, ce n'est pas là que s'est produit l'accident, mais bien à 600 pieds plus loin. C'est d'ailleurs ce que nous disent l'appelant McMonagle, l'intimé Fredette lui-même, et Bergeron l'officier de circulation.

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De plus, je ne crois pas que ce témoignage de McMonagle, donné à l'enquête du coroner, corrobore la version de Fredette; je crois plutôt que les deux sont contradictoires. C'est une partie isolée du témoignage de McMonagle qui a été retenue, et qu'il faut nécessairement concilier avec tout ce qu'il a dit au procès et hors de Cour. Dans son témoignage reçu hors de Cour, du consentement des parties, McMonagle explique qu'après avoir témoigné à l'enquête du coroner, il est retourné sur les lieux de l'accident, et il s'est rendu compte qu'il n'était pas exact que le char de Fredette ait tenté de dépasser un autre camion, et même qu'il n'y avait pas d'autre camion en avant de Fredette. Voici comment il s'exprime:

Q. You presumed, after the accident, that that truck was there?—A. After going back, after the accident, I would say 'yes'.

Q. How long after the accident did you go back over there?—A. That was two weeks after the inquest; at least two weeks, maybe longer; maybe longer than that.

Q. When you spoke of that truck which the other car would have tried to pass, was that only presumption on your part?—A. That is what I presumed at the time.

Q. At the time—in the few seconds that preceded the accident—were you presuming there was a truck, or were you seeing it?—A. I think I said that when I went back over the scene of the accident. I mentioned that before. The way you're putting the question—

Q. What I would like to know is whether, at the time, in the seconds that preceded the accident, whether you personally saw that there was a truck going in the same direction as the car with which you had an accident?—A. Right today, I would say 'no', I didn't see any car. I said that before. I didn't see any; After going back over the scene of the accident. Isn't that clear?

Q. So that I understand that on the scene of the accident, the other car didn't try, according to you, to pass a truck?—A. That's right.

Et ailleurs, il explique de la façon suivante comment l'accident est arrivé:

Q. You mean that when you first saw the other car, it was on the same side of the road as you were?—A. He was on my left.

Q. On his right?—A. His right.

Q. Each on his side?—A. Yes.

Q. What happened, afterwards?—A. Well, when I saw the car, he was swerving just like a car on an icy road; the back was swinging; you know how they go. And, I saw, I figured there was a lot—that he had control of it; he came up the crest of the hill, into the turn at that jar end, it was like a kind of double—like a 'LP or half-circle, almost. I saw it; I gave him plenty of rooom; I figured he had plenty of room, if he kept control of it which, it looked as if he had. I kept edging as far as I could on my right side, and very suddenly, just like a shot of a gun

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almost, the car swerved directly across in front of me. At the time of impact, my car was off the pavement, the right hand side—the right wheels were off the pavement.

On voit donc qu'à l'enquête du coroner, McMonagle prétend qu'un camion précédait Fredette, et dans son témoignage hors de Cour il dit qu'il n'y en avait pas, mais nulle part peut-on tirer de ce témoignage qu'il admet avoir luimême voulu dépasser un camion qui se trouvait en avant de lui, et que ce geste imprudent a été la cause déterminante et unique de l'accident. Mais, à tout événement, ces témoignages ne sont pas satisfaisants, car il est bien clair dans la preuve que le camion précédait la voiture de l'appelant.

Je ne vois pas que ces deux témoignages de McMonagle corroborent de quelque façon que ce soit le témoignage de l'intimé qui conte une histoire entièrement différente. Selon lui, la collision aurait eu lieu après que l'appelant eut dépassé le camion qui le précédait, et voici ce qu'il dit à ce sujet à l'enquête du coroner:

Q. A quel endroit de la route avez-vous frappé l'auto, le chauffeur qui s'en venait; sur quel côté?—R. Je l'ai frappé à ma gauche.

Q. De son côté à lui?—R. Oui.

Q. Etes-vous certain que le char qui s'en venait a eu le temps de dépasser la camion avant que vous l'ayez frappé?—R. Oui.

Q. Est-ce que le char qui s'en venait était de son côté?—R. Pas directement quand" on l'a frappé, il venait pour prendre sa place. Il avait eu le temps de dépasser; il n'avait pas pris sa place directement, entièrement.

Entendu hors de Cour, au procès, il donne une version différente à la question suivante:

Q. Est-ce que vous nous dites que l'accident est arrivé en avant ou en arrière du camion dont vous nous avez parlé, tantôt?

Il répond:

R. Cela, je ne le sais pas, monsieur, je ne peux pas l'assermenter, je ne sais pas si c'est arrivé en avant ou en arrière.

Le juge au procès a donc eu raison de dire dans son jugement:

Considérant que le défendeur Fredette ne peut pas se rappeler si l'accident est survenu avant ou après qu'il eut rencontré le camion de Bourgeois et que'son témoignage à l'enquête quant à la tentative qu'aurait faite le demandeur de dépasser sur la gauche le camion de Bourgeois n'a en conséquence que très peu de valeur.

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Evidemment, il y a confusion, et je crois, devant ces contradictions, que c'est vers des témoins plus calmes, plus objectifs et moins surexcités par l'imminence d'une collision, qu'il faut se tourner pour voir l'image véritable de ce qui s'est produit. Je n'entretiens aucun doute que l'accident est arrivé à l'arrière du camion, à la droite de la route où se trouvait l'appelant, qui conduisait à une vitesse raisonnable, presque sur l'accotement du côté où la loi exige qu'il se tienne. Bourgeois et Valdais témoigent positivement en ce sens, et ils sont corroborés par l'officier de la circulation, qui était sur les lieux quelque 15 minutes plus tard et qui jure positivement que le véhicule de l'appelant circulait sur la droite de la route, car il en a vérifié les traces. Voici son témoignage:

Q. Et ces traces-là indiquent-elles de quel côté le véhicule de McMonagle voyageait?—R. II voyageait de son côté droit de la route, complètement en dehors de sa ligne blanche, à sa droite de la route.

Q. Ces traces-là, vous les avez relevées sur l'accotement?—R. Sur l'accotement, oui.

Q. Et elles s'étendaient en arrière du véhicule arrêté de McMonagle sur une assez bonne distance?—R. Oui, sur une assez bonne distance.

Les témoignages de Bourgeois, Valdais et Bergeron contredisent donc complètement la prétention des intimés à l'effet que, parce que l'appelant aurait tenté de dépasser le camion qui le précédait, l'appelant aurait créé une situation d'urgence, un "sudden emergency", et que dans l'agonie de la collision, Fredette a tourné vers la gauche, afin de l'éviter. Les intimés avaient le fardeau de prouver cette "agonie de la collision", ce dernier effort qu'ils auraient tenté pour éviter l'accident. Ils en avaient le fardeau, et ils ont totalement failli de l'établir. Tous les témoins entendus sur cet aspect de la cause le contredisent. Je crois donc que cet accident est uniquement imputable à la conduite inhabile de Fredette qui, sur un pavé glissant, a perdu le contrôle de sa voiture et est venu sur le mauvais côté de la route frapper celle de l'appelant, qui procédait à sa droite derrière le camion de Bourgeois.

Cette Cour n'est pas généralement dans l'obligation d'analyser toute la preuve dans une cause de ce genre. Mais, comme il existe un conflit entre la Cour supérieure et la

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Cour du banc de la reine sur les faits, il a été impératif de le faire, afin que nous puissions tirer nos propres conclusions des témoignages dont plusieurs ont été rendus hors de Cour.

Pour ces raisons, je suis d'avis que l'appel doit être maintenu, et le jugement du juge au procès rétabli avec dépens devant cette Cour et devant la Cour du banc de la reine.

Appeal allowed with costs.

Attorneys for the plaintiff, appellant: Tansey, de Grandpré & de Grandpré, Montreal.

Attorneys for the defendants, respondents: Letourneau, Quinlan, Forest, Deschênes & Emery, Montreal.



1 [1956] Que. Q.B. 631.

2 [1956] Que. Q.B. 631.

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