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Supreme Court of Canada

Driver et al. v. Coca-Cola Limited, [1961] S.C.R. 201

Date: 1960-12-19

Edward George Driver and Others (Plaintiffs) Appellants;

and

Coca-Cola Limited (Defendant) Respondent.

Damages—Fatal accident—Child struck by truck—Child died on same day— What damages recoverable—Claim for shortening of life expectancy or loss of life—Claim by parents under art. 1056 of the Civil Code—Also claim by parents as heirs under art. 607 of the Civil Code.

The plaintiffs' female child was hit by a truck and died of her injuries on the same day. Her parents claimed damages under art. 1056 of the Civil Code. They also claimed with their other children, as legal heirs of the victim, damages for the shortening of the victim's life. The jury awarded damages under both heads. The Court of Appeal reduced the award given under art. 1056 as it found it to have been excessive, and dismissed the other claim. The parents appealed to this Court. The question of liability was not in issue.

Held (Cartwright J. dissenting in part): The appeal should be dismissed.

Per Curiam: Only the father and mother had a claim under art. 1056 of the Code, this claim was limited to the damages they suffered as a consequence of the death of their daughter, and the amount of damages under this head, as reduced by the Court of Appeal, was reasonable and should not be disturbed.

Per Taschereau, Abbott and Ritchie JJ.: The victim's heirs had no claim for the victim's pain and suffering and loss of life. Such a claim was not in the victim's patrimoine and could not, therefore, be transmitted to the heirs under art. 607 of the Code.

It is not contested that the victim of a delict or quasi-delict has a claim, transmissible to the heirs, for pain and suffering and shortening of life when the victim has actually felt the effect of these damages before dying, i.e., when the right arose ante mortem. This is not to be confused with solatium doloris which does not exist in the Quebec law. However, in the present case, since the victim died so shortly after the accident,—the evidence does not disclose whether she suffered and even whether she was conscious during the interval between the accident and her death,—it was not established that these essential elements of damage were part of her patrimoine.

The only claim, therefore, that could be made would be for loss of life. As the victim never had an action for damages resulting from her own death, such a claim could not be transmitted to her heirs. C.P.R. v. Robinson, 19 S.C.R. 292, applied.

Per Fauteux J.: At the very moment of a person's death, all juridical possibilities for that person to acquire rights or obligations become extinct. When, in the present case, the head of damage under which

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the claim was made, i.e., the loss of life, came to be realized, no right could henceforth accrue to the victim who had ceased to live. Consequently, since the victim's patrimoine was not increased by the loss of her life, she could not transmit any right arising from that head of damage to her heirs.

Per Cartwright J., dissenting in part: The victim had in her lifetime a right of action for damages for the shortening of her life which was transmissible to her heirs. The claim she was entitled to assert was for damages because the defendant's fault had deprived her of the reasonable prospect of an uncertain number of happy years of life. The inflicting of physical injury which cuts short the period during which the injured person had a normal expectation of living a reasonably happy life gives rise to a claim for damage which the injured person can assert under art. 1053 of the Code. Such damages are not to be confused with damages for life being rendered less enjoyable. The latter could be suffered only while the injured person is alive but the former are increased by the acceleration of his death.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing a judgment of Charbonneau J. Appeal dismissed, Cartwright J. dissenting in part.

J. Rosenblum and B. B. Cohen, for the plaintiffs, appellants.

J. F. Chisholm, Q.C., for the defendant, respondent.

The judgment of Taschereau and Ritchie JJ. was delivered by

Taschereau J.:—Le 19 septembre 1955, vers 4.15 heures de l'après-midi, Beverley Driver a été frappée par le camion de la défenderesse, sur la route Chambly, dans la municipalité de St-Hubert, district de Montréal, et est décédée le même jour. Cette jeune enfant âgée de huit ans était la fille de Edward George Driver et de Dame Agnes Vickers, et avait sept frères et trois sœurs.

Comme conséquence de cet accident, une action a été instituée contre la compagnie défenderesse-intimée, dans laquelle le père a réclamé personnellement la somme de $23,376.19; la mère $7,376.19; et le père en sa qualité de tuteur à ses dix enfants mineurs $4,752.37, le tout formant un total de $35,504.75.

La cause a été inscrite devant un jury qui a accordé la somme de $13,249.50 qu'il a attribuée ainsi: Au père Edward George Driver, en sa qualité de tuteur à ses enfants mineurs $4,006; au père Edward George Driver personnellement

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$4,621.75; et à la mère Agnes Vickers Driver $4,621.75. M. le Juge J. P. Charbonneau de la Cour supérieure a confirmé ce verdict du jury.

La Cour du banc de la reine2 a maintenu l'appel de la compagnie Coca-Cola Ltd. et a ordonné un nouveau procès, à moins que les demandeurs ne consentent à accepter dans un délai déterminé, la somme de $2,487 à être ainsi divisée: $1,000 à la mère Agnes Vickers et $1,487 au père Edward George Driver. La Cour a été d'opinion que les montants accordés aux père et mère étaient excessifs, et que le père en sa qualité de tuteur à ses enfants mineurs ne pouvait en droit exercer aucune réclamation. M. le Juge Casey, dissident en partie, a partagé l'opinion de l'honorable Juge en chef Galipeault et de M. le Juge Choquette concernant la réclamation du père, en sa qualité de tuteur, qu'il trouve non fondée, mais n'a pas cru devoir réduire les montants accordés aux père et mère personnellement.

La question de responsabilité ne se pose pas. Les père et mère réclament non seulement en vertu de l'art. 1056 du Code Civil, mais allèguent également qu'ils sont, avec les enfants survivants, les héritiers légaux de l'enfant décédée, et que de ce chef, ils peuvent exercer tous les droits qui faisaient partie du patrimoine de Beverley Driver.

Je dois dire en premier lieu que les père et mère peuvent sûrement exercer un recours en vertu de l'art. 1056 C.C. Cet article se lit ainsi:

Art. 1056. Dans tous les cas où la partie contre qui le délit ou quasi-délit a été commis décède en conséquence, sans avoir obtenu indemnité ou satisfaction, son conjoint, ses ascendants et ses descendants ont, pendant l'année seulement à compter du décès, droit de poursuivre celui qui en est l'auteur ou ses représentants, pour les dommages-intérêts résultant de tel décès.

Cet article accorde donc une action dans le cas de décès au conjoint, aux ascendants et aux descendants seulement, et il refuse implicitement ce même droit aux frères et sœurs. Il est clairement limitatif et restreint, en conséquence, la portée et l'étendue de l'art. 1053. De plus, il ne donne aux personnes qui y sont mentionnées que le droit aux dommages que ces même personnes ont soufferts comme conséquence du décès de la victime. Regent Taxi and Transport Co. v. La Congrégation des Frères Maristes3.

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Evidemment, la situation pourrait être différente, si la victime n'était pas morte. Car, comme il a été décidé dans cette cause de Regent Taxi, supra, le mot «autrui» à l'art. 1053 ne signifie pas seulement la victime immédiate d'un délit ou d'un quasi-délit, mais aussi toute personne qui, comme conséquence d'un tort causé à une autre, souffre un dommage. Mais, tel n'est pas le cas qui nous occupe, vu que la victime est décédée comme conséquence de l'accident.

C'est donc avec raison, je crois, que la Cour du banc de la reine a accordé aux père et mère de la victime chacun $1,000, plus les frais funéraires, dommages qui leur ont été occasionnés par la mort de leur enfant, mais qu'elle a refusé la réclamation des frères et sœurs, qui sont exclus de cet art. 1056 C.C.

Mais, disent les appelants, le père, la mère et les enfants, sont les héritiers de la succession "ab intestat" de la défunte, en vertu de l'art. 626 C.C, et comme tels, ils peuvent exercer les droits et les recours en dommages dont la victime était titulaire. Ils auraient été, par l'opération de l'art. 607 C.C, saisis des droits et actions de la défunte. Cet art. 607 est rédigé dans les termes suivants:

607. Les héritiers légitimes, lorsqu'ils succèdent, sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt, sous l'obligation d'acquitter toutes les charges de la succession.

Ils pourraient en conséquence réclamer pour douleurs et souffrances physiques, et pour la perte de la vie de la victime, une somme substantielle, droit dont Beverley Driver était personnellement investie durant sa vie. Il importe en premier lieu de nous demander si les souffrances et douleurs supportées par la victime, et le droit de poursuivre pour la perte de la vie, étaient des réclamations qui existaient dans le patrimoine de la défunte au moment de son décès, et s'il s'agit de biens transmissibles ou non à ses héritiers. Nous serions en présence, selon les appelants, non pas d'une réclamation post mortem, mais bien d'une réclamation ante mortem, transmise aux héritiers légaux.

La règle générale veut que les héritiers soient investis du patrimoine du défunt, c'est-à-dire de l'ensemble de ses droits et de ses obligations, appréciables en argent, dont le de cujus était titulaire. La totalité de ces biens constitue une universalité juridique. Entrent seuls dans le patrimoine les

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biens qui ont une valeur économique, et ceux-là sont les biens patrimoniaux et sont évidemment transmissibles aux héritiers.

D'autre part, il existe des droits extra-patrimoniaux qui n'ont une valeur pécuniaire que pour leur titulaire, et par conséquent ne sont pas transmissibles. Ils s'éteignent avec la mort et ne font pas partie du corps ou de la masse de la succession qui s'ouvre. On peut véritablement dire que les biens pour lesquels le titulaire ne pouvait réclamer en son vivant, ne font pas partie de la succession, et il s'ensuit logiquement que l'héritier ne peut en être saisi.

Les appelants ont cité deux jugements rendus par la Cour du banc de la reine pour appuyer leur prétention à l'effet qu'ils ont droit de réclamer comme héritiers pour les peines et souffrances endurées par leur enfant défunte, ainsi que pour l'abrègement et la perte de sa vie survenue prématurément.

La première de ces causes est celle de Green v. Elmhurst Dairy Ltd.4, où le jugé est rédigé dans les termes suivants:

The right to recover damages for pain and suffering and for loss of enjoyment of life resulting from bodily injuries is a right of action which is transmissible to the heirs of the victim under article 607 C.C.

C'est M. le Juge Casey qui a écrit les raisons du jugement, et à son opinion se sont ralliés M. le Juge en chef Galipeault ainsi que MM. les Juges St-Jacques, McDougall et Rinfret. Voici ce que dit M. le Juge Casey à la page 89:

There is no doubt that the claim for the items of pain and suffering and loss of life expectancy were personal to the victim. It may even be said that they were exclusively attached to the person within the meaning of C.C. 1031 and that the right to claim for these damages could not have been exercised by her creditors. But this does not mean that they were not transmissible. We have been referred by defendants to several decisions of this Court as well as the other Courts of this Province but with all respect I find these decisions completely beside the point. Thus, in the case of Smith v. Pelletier (1942 K.B. 664), the point was whether minor children could, as heirs, and altogether apart from their recourse under C.C. 1056, claim for the medical expenses incurred by their father prior to his death. It is true that at page 668 Mr. Justice Prévost says:

"Les dommages dans sa personne, c'est la mutilation de son corps, l'altération de sa santé ou de ses forces, l'invalidité permanente, totale ou partielle qui en résulte, les souffrances physiques, etc. Ces dommages sont conditionnés par la survie de la victime. A la mort les souffrances et les infirmités prennent fin. Ces chefs de dommages si intimement liés à la personne de la victime disparaissent avec elle, et se trouvent par le fait même intransmissibles de leur nature."

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But with all respect I do not think that too much importance should be attached to this statement. In the first place, it was not necessary for the decision of the case, and secondly it is not supported by authority.

Dans une seconde cause de Lévesque v. Malinosky5, la Cour du banc de la reine a décidé (MM. les Juges Bissonnette, Hyde et Owen) que:

The victim had a claim for pain and suffering he endured from the date of his accident to the date of his death and this claim was transmissible to the heir. On the same basis, the victim's claim for shortening of life was also transmissible.

M. le Juge Bissonnette était dissident en partie. Cette dissidence ne portait pas sur le fond même de la question, mais sur un item de dommages fondé sur la perte d'un revenu annuel.

Dans la présente cause, M. le Juge Casey dit qu'il est allé trop loin, si son jugement dans la cause de Elmhurst doit être interprété comme voulant dire qu'il a maintenu la prétention que l'abrègement de la vie donne naissance à une réclamation qui n'est pas limitée à la victime immédiate, mais qui est aussi transmissible aux héritiers de cette dernière.

De son côté, M. le Juge en chef Galipeault s'exprime ainsi:

Quelles que soient les expressions employées dans les procédures, dans le jugement, ou dans d'autres décisions rapportées, il est bien certain que la réclamation est tout simplement pour perte de vie.

C'est comme héritiers de la victime décédée que les demandeurs ont réclamé $8,000.00 en vertu de la question 7 ci-dessus, soutenant que Beverley Driver a laissé dans sa succession cette somme de $8,000.00 qui a augmenté son patrimoine.

M. le Juge Choquette a concouru dans les vues exprimées par M. le Juge Casey. Et le jugement de la Cour contient un considérant à l'effet que la réclamation des héritiers pour la perte de la vie de la victime ne faisait pas partie du patrimoine de cette dernière. Il se lit ainsi:

CONSIDERANT que la somme de $8,000.00 réclamée par les héritiers leur a été accordée sans droit.

Je m'accorde avec M. le Juge en chef Galipeault, et je crois de plus que dans notre jurisprudence et dans les écrits de certains de nos auteurs, des expressions imprécises ont été employées, et qu'une certaine confusion existe entre les mots

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«abrègement de la vie» et «perte de la vie». Les deux, cependant, ne produisent pas les mêmes conséquences légales.

Je comprends très bien, et ceci ne peut être sérieusement contesté, qu'une personne victime d'un accident ait une réclamation en justice, lorsque sa condition fait naître la triste perspective d'avoir devant elle une vie abrégée, de tramer une existence misérable, remplie d'infirmités, de douleurs physiques, et d'angoisse et d'inquiétudes morales. C'est sur cela que peut et doit reposer, si la preuve le justifie, une réclamation en dommages comme celle qui est soumise à notre considération, car alors, un droit, appréciable en argent, a pris naissance, et fait partie du patrimoine de la victime suivant les dispositions de l'art. 607 du Code Civil.

Personne ne peut être l'auteur de pareilles infortunes, sans être tenu de payer une compensation proportionnée au tort qui a été causé par sa propre négligence. Cette source de dommages cependant ne doit pas être confondue avec le Solatium Doloris, qui serait une compensation pécuniaire pour la détresse morale ou la douleur éprouvée par une personne pour la perte d'un être cher. Un tel recours n'existe pas dans notre droit.

Mais si la douleur physique, l'abrègement de la vie et l'anxiété qui en résulte, constituent un sérieux élément de dommages, encore faut-il que la victime en ait ressenti les effets en son vivant, que le droit soit né avant sa mort.

Je ne crois pas que l'on trouve dans la présente cause les éléments nécessaires pour justifier la réclamation des héritiers. La victime est décédée presque instantanément. A-t-elle souffert physiquement et moralement? A-t-elle éprouvé cette douleur et cette angoisse que je signalais tout à l'heure? Nous n'en savons rien, et nous ne savons même pas si, après avoir été frappée par le camion de l'intimée, elle avait encore sa connaissance lorsque l'ambulance l'a conduite à l'hôpital.

Il n'est pas établi que ces éléments essentiels de dommages ont jamais fait partie du patrimoine de la victime, et les héritiers en conséquence ne peuvent en être investis. Il résulterait donc, comme le dit le Juge en chef Galipeault, une réclamation que veulent exercer les héritiers pour la perte de la vie de Beverley Driver. Je suis clairement

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d'opinion que la victime n'a jamais été titulaire de ce droit qui n'a pas pu être transmis. Elle ne pouvait sûrement pas poursuivre pour la perte de sa propre vie.

Mignault, vol. 5, p. 379, partage ces vues et s'exprime ainsi:

Le recours en dommages-intérêts, dans le cas de décès de la victime, ne fait pas partie de sa succession, et il ne peut être exercé par les héritiers de la victime, par exemple, ses frères et sœurs; il ne peut être exercé que par les parents indiqués à l'article 1056 du code civil, de leur chef personnel, pour le tort qu'ils éprouvent;

Dans une cause de C.P.R. v. Robinson6, les remarques du Juge Taschereau à la page 321 sont très au point, et elles ont été approuvées par Ritchie C.J. et par MM. les Juges Gwynne et Patterson. Il disait ceci:

Of course her action (that is, the widow's) was not transmitted to her by the deceased. He never had an action for damages resulting from his own death. And her action is different in this, that she claims the damages resulting from his death whilst he would have claimed the damages resulting from the injury to himself; in other words, he would have claimed his damages whilst she claims her own damages.

Il est vrai que ce jugement de Robinson, supra, a été modifié par le Comité judiciaire7, mais l'appel fut maintenu sur des points différents, de sorte que l'opinion de notre Cour sur cette question demeure définitive.

Dans leur factum et à l'argument, les appelants ont cité de nombreuses autorités anglaises, mais je ne crois pas qu'elles puissent nous éclairer. Elles ne servent qu'à démontrer les hésitations jurisprudentielles en Angleterre et dans les autres pays, mais qui ont été finalement déterminées par des lois spéciales. Comme mon collègue M. le Juge Cartwright, je crois qu'elles ne peuvent lier les tribunaux de la province de Québec, où il existe un système de droit complet par lui-même. Desrosiers v. The King8.

Il résulte donc que dans la présente cause, les héritiers ne peuvent réclamer. Je m'accorde cependant avec le juge au procès, et la Cour du banc de la reine, qui ont maintenu qu'en leur qualité de père et mère, les appelants pouvaient exercer une réclamation sous l'art. 1056 du Code Civil, non pas comme héritiers d'un droit faisant partie du patrimoine de la défunte, mais pour les dommages qui leur ont été

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causés personnellement. La Cour du banc de la reine a substantiellement réduit le montant qui avait été accordé par le jury, et je crois qu'elle a eu raison de le faire. Ce montant était exagéré, disproportionné aux dommages subis par les parents de Beverley Driver, et le montant de $1,000 accordé au père et $1,000 à la mère, plus les frais funéraires, est une ample compensation pour le dommage subi.

Comme on l'a dit déjà, il est difficile d'apprécier les dommages qui résultent aux parents de la perte de la vie d'un enfant. Mais, la jurisprudence veut qu'aucun solatium doloris ne soit accordé. Daly v. McFarlane9; Town of Montreal West v. Hough10; Bouchard v. Gauthier11.

Les dommages doivent nécessairement être susceptibles d'une évaluation pécuniaire. Toute appréciation mathématique est impossible, mais doivent être accordés les frais funéraires et une compensation raisonnable pour la perte de soutien et des espérances de bénéfices futurs, que les parents pouvaient attendre de leur enfant décédée. De plus, comme l'a bien dit M. le Juge Dorion dans la cause de Hunter v. Gingras12:

Peut-être faudrait-il admettre comme base de dommages la perturbation apportée dans la vie d'un père de famille par la mort d'un enfant, la perte de l'une de ces joies du foyer et d'une part du. bonheur, qui constituent la récompense des sacrifices que coûte l'éducation d'un enfant.

Le difficile est de fixer un chiffre qui ne soit pas dérisoire pour pareille compensation et qui ne soit pas trop élevé pour des accidents où la fragilité humaine a tant de part, et d'où toute idée de vindicte doit être bannie.

Si l'on s'en tient à la perte purement pécuniaire, il est bien difficile d'évaluer en chiffres l'espoir des parents qu'une enfant de neuf ans leur rendra plus tard de services. Ne vaut-il pas mieux revenir à l'ancienne jurisprudence et considérer qu'un enfant, qui a cet âge, a coûté tant de soins, représente un actif, un appui moral, dont la perte n'est pas sans influence sur la santé, le courage ou l'activité de ceux qui l'ont subie.

Dans la même cause, M. le Juge Martin s'exprime ainsi:

It is manifestly difficult to arrive at an exact conclusion in valuing this asset. One can imagine cases where many contingencies might arise where the child would be of little or no financial benefit and perhaps become a liability to be sustained by the parent, but we have to appreciate these matters in the ordinary run of human lives, and I should say, having regard to the circumstances of this case, that a sum of $500.00 over and above the amount awarded by the judgment appealed from, would be fair

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and just compensation, and I would maintain the appeal and increase the condemnation by that sum, with costs against the respondent here and below.

Une nombreuse jurisprudence a été citée portant sur le montant de dommages qui doit être accordé aux parents pour la perte d'un enfant. Malgré qu'il s'agisse de cas isolés, il résulte de tous ces jugements qu'il faut bien se garder d'accorder des montants exagérés. Je dois donc conclure que le père et la mère pouvaient réclamer en vertu de l'art. 1056 C.C., mais que pas plus que leurs enfants, ils ne pouvaient réclamer comme héritiers. Je suis aussi d'opinion que le montant accordé aux parents par la Cour du banc de la reine est raisonnable.

L'appel doit donc être rejeté avec dépens, si réclamés, mais avec une légère modification: c'est que l'option accordée aux demandeurs de choisir entre un nouveau procès ou d'accepter la somme de $2,487, devra être exercée non pas dans les trente jours depuis la date du jugement de la Cour du banc de la reine, mais dans les soixante jours de la date où le présent jugement est rendu.

Cartwright J. (dissenting in part):—The relevant facts and the questions raised on this appeal are set out in the reasons of my brother Taschereau. I wish to add only one observation as to the facts, that is as to the length of time that Beverley Driver survived the happening of the accident. In the factum of the appellants it is stated that "she was taken to three different hospitals in an endeavour to save her life; nevertheless she died later in the same day". In the factum of the respondent it is said: "Beverley Driver died a few hours after the accident".

As to the claim of the parents of Beverley for damages pursuant to art. 1056 of the Civil Code, for the reasons given by my brother Taschereau I agree with his conclusion that we ought not to interfere with the judgment of the Court of Queen's Bench13 on this branch of the case.

The remaining issue arises out of the answer of the jury to the seventh question submitted to them which was:

Did Beverley Driver suffer any damages for the shortening of her life expectancy, and in the affirmative state at what amount you assess these damages?

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To this the jury answered "Yes" and assessed the damages at $8,000. The learned trial judge in affirming the verdict of the jury dealt with this item as follows:

There remains the last item of $8,000.00 determined by the jurors as the amount of damages suffered by Beverley Driver for the shortening of her life expectancy, to which amount the Plaintiffs would be entitled as her heirs at law (C.C. Article 626).

During the course of this trial, the undersigned considered, and still considers that he is bound by the decisions of the Court of Queen's Bench, sitting in Appeal in the cases of Green v, Elmhurst Dairy reported at 1953 Q.B., p. 85 and Levesque v. Malinosky 1956 Q.B., p. 351, in which cases it was decided that damages for pain and suffering and for loss of enjoyment of life, or shortening of life expectancy resulting from bodily injuries gave a right of action to the victim, which right was transmissible to its heirs, and that this right was separate and distinct from that which could be exercised under Article 1056 of the Civil Code.

Applying the law as thus determined, the sum of $8,000.00 found by the jurors as damages suffered by the victim, then aged eight years, for the loss of all the years of life ahead of her, should be allotted to her heirs in proportion to their respective rights.

The members of the Court of Queen's Bench were unanimous in reversing the judgment of the learned trial judge on this item, which is dealt with in the formal judgment in the following terms:

CONSIDÉRANT qu'en l'espèce, les demandeurs n'ont aucun recours en droit comme héritiers de Beverley Driver, la perte de vie de cette dernière n'ayant en rien accru son patrimoine ou sa succession, de sorte que du chef de son décès, elle n'a pu rien transmettre à ses héritiers;

CONSIDÉRANT que la somme de $8,000.00 réclamée par les héritiers leur a été accordée sans droit;

The primary questions of law raised by these conflicting views are, (i) whether by the law of Quebec the victim of a delict or quasi-delict has a right of action for damages for the prospective shortening of his own life due to the fault of the defendant, and (ii) if so whether the heirs of the victim who dies before action brought can assert that right of action pursuant to art. 607 of the Civil Code.

While I do not rest my opinion on any supposed admission made by counsel, I did understand counsel for the respondent to take the position that if, contrary to his submission, the victim had such a right of action that right could be exercised by his heirs and that he disclaimed any suggestion that the maxim actio personalis moritur cum persona was applicable.

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We had the assistance not only of full and able argument but of elaborate factums. A consideration of these and of the authorities referred to has brought me to the conclusion that the learned trial judge was right in his view that these questions of law were decided by the Court of Queen's Bench in Green v. Elmhurst Dairy Ltd.14 and in Lévesque v. Malinosky15. I am further of opinion that the judgments in those two cases correctly state the law.

In Green v. Elmhurst Dairy Ltd., the plaintiffs' mother, who was 67 years of age, suffered bodily injuries on October 3, 1950, caused, as it was claimed, by the fault of the defendant, as a result of which she died three days later. The plaintiffs as the heirs of their mother brought action for damages and in their declaration claimed, inter alia, $500 for pain and suffering endured by the deceased and $3,500 for the shortening of her life expectancy. Batshaw J. maintaining a partial inscription in law struck from the claim these two figures and the paragraphs on which they were based. The Court of Queen's Bench in a unanimous judgment allowed the appeal of the plaintiffs and restored the two items and the paragraphs on which they were founded.

In the notes of Casey J., with whom Galipeault C.J. agreed, we find the following:

At page 87:

Paragraphs 10 to 14 contain a recital of the facts upon which is based the assertion that the mother, had she sued, would have been entitled to $500 for pain and suffering and $3,500 for the shortening of her life expectancy. As the learned trial Judge struck these two figures from the claim he was obliged to strike the paragraphs upon which they were based.

At pages 88 and 89:

In disposing of this appeal one must bear in mind that plaintiffs have invoked in one suit at least two separate rights of action; as descendant relations of the victim they claim under C.C. 1056 the items mentioned in par. 85; in addition, as legal heirs, under C.C. 607 they exercise the right of action which their mother could have exercised during her lifetime, i.e. the right to claim from defendants the sum of S500 and $3,500 mentioned in paragraphs 15c and 15d.

Defendants object to the latter claim, urging in substance that it is purely personal to the deceased and could not have been transmitted to her legal heirs; and that in claiming under C.C. 1056 as well as under C.C. 607, plaintiffs were asking for the same damages, as is stated in the defendant's factum.

[Page 213]

There is no doubt that the claim for the items of pain and suffering and loss of life expectancy were personal to the victim. It may even be said that they were exclusively attached to the person within the meaning of C.C. 1031 and that the right to claim for these damages could not have been exercised by her creditors. But this does not mean that they were not transmissible.

The learned judge proceeded to refer to a number of decided cases and continued at page 90:

We must start with the premise that the generality of C.C. 607, couched as it is in the widest terms, is restricted only when we find the victim in possession of rights of action which by their very nature are incapable of being transmitted. The only rights of action not transmitted under 607 are the ones which cannot possibly survive the person who possessed or enjoyed them.

At pages 90 and 91:

It is well established that the victim of the accident may claim compensation for pain and suffering and for the loss of enjoyment of life, whenever these heads of damages arise as a consequence of the bodily injuries which he has suffered. This type of damage is generally referred to as "moral" as opposed to "material" of which examples would be loss of earning power or loss of a particular profit or gain. It is accepted that the right of the victim to claim for these "material" damages is transmissible. It is only with respect to the "moral" damages that we find differences of opinion based on distinctions of which Demolombe at least was unaware.

The learned Judge continued with a careful review of the statements of a number of authors and as a result expressed the following conclusion at page 94:

On the whole, I am unable to find any authority for excluding from the operation of C.C. 607 the right of action possessed by plaintiff's mother and which they are now attempting to enforce. I can find no reason for saying that while we must admit the transmissibility of the right to claim for the "material" damages arising out of bodily injuries, we must deny this character to the right to claim for those called "moral". In consequence, I would accept as applicable and in so far as heirs are concerned, as an accurate statement of our law, the following passage taken from par. 1902 (Mazeaud):

Aucune raison de principe ne s'oppose à la transmissibilité de l'action en responsabilité. Rien dans la nature générale de cette action ne l'empêche de se transmettre comme se transmettent en principe toutes les actions dans notre droit. L'action est un élément du patrimoine de son titulaire, transmissible comme les autres éléments.

On peut alors poser en règle générale que l'action en responsabilité qui appartient à la victime peut passer à ses ayants cause, qu'elle peut être ainsi exercée par ses héritiers ou par ses créanciers ou par un cessionnaire.

For these reasons I arrive at the conclusion that the right of action possessed by the plaintiffs' mother is not excluded from the rule of C.C. 607. That being so, they can claim what she could have claimed, and I would set aside the judgment a quo to restore to plaintiffs'. declaration certain paragraphs and to restore to the conclusion par. 1 as originally drawn.

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Every judgment must, of course, be read in the light of the subject-matter with which the Court was occupied, and in all that is quoted above Casey J. was dealing with the question whether the claims by the heirs of the deceased for damages for pain and suffering suffered by her and for the shortening of her life expectancy were maintainable in law.

St. Jacques J., agreeing, in the result, dealt mainly with the question whether rights conferred by art. 1053 could be asserted in one action with those conferred by art. 1056 and concluded that they could.

Stuart McDougall J. agreed with both St. Jacques J. and Casey J.

Rinfret J. agreed with both St. Jacques J. and Casey J. and said at page 98:

J'ai eu l'avantage de lire les notes de mes collègues les hon. juges St-Jacques et Casey; elles satisfont mon sens de justice et d'équité: la conclusion à laquelle ils en arrivent fait disparaître une anomalie qui m'a toujours frappé, en vertu de laquelle l'auteur d'un délit ou d'un quasi-délit s'en tirait à meilleur compte, si la victime décédait par suite d'un accident au lieu d'être simplement blessée.

Je ne vois pas la nécessité d'écrire des notes additionnelles: celles de l'hon. juge Casey repassent de façon complète et coordonnée la jurisprudence et la doctrine sur le point en litige, et je ne ferais que répéter la distinction qu'il soumet à la suite de Mazeaud, entre la réparation d'un préjudice moral, d'un côté, et la réparation d'un préjudice corporel qui, lui, peut être d'ordre matériel ou d'ordre moral,—ces derniers étant transmissibles tandis que les autres ne le sont pas.

It appears to me that the judgment of the Court of Queen's Bench in the case at bar brings back the very anomaly the disappearance of which was approved by Rinfret J. in the passage last quoted.

In Levesque v. Malinosky, the facts were similar to those in Green v. Elmhurst. The plaintiff's father, aged seventy-six years, was struck by a taxi belonging to the defendant and died four days later. The plaintiff as sole testamentary heir brought an action claiming, inter alia, the following items of damages:

(a) Pain and suffering endured by the father from the date of the accident to the date of death ........................$ 1,000

(b) Shortening of father's life ................................ 5,000

(c) Father's loss of annual revenue of $8,500 during 9.1 years of normal life expectancy .................................. 77,208

(d) Plaintiff's loss of an annual revenue of $5,000 for 9.1 years on professional work which he would have received from clients referred to him by his late father if the latter had lived out its normal life expectancy ...................... 45,000

[Page 215]

On a partial inscription in law the Superior Court struck out all four of these items. The Court of Queen's Bench allowed the plaintiff's appeal in part and restored items (a) and (b). The formal judgment of the majority as to these items reads as follows:

Considering that the victim had a claim for the pain and suffering he endured from the date of the accident to the date of his death and that this claim was transmissible to his heir so that item a should not have been struck out;

Considering that on the same basis the victim's claim for shortening of life was also transmissible to his heir and that item b should not have been struck out;

and that of Bisonnette J. as follows:

Considérant que de l'abrégement de la vie naît un droit susceptible de compensation pécuniaire que la victime peut réclamer à l'auteur du délit, droit qui est un bien patrimonial que recueille l'héritier, continuateur de la personne du de cujus;

As to the items (a) and (b) the members of the Court, Bissonnette, Hyde and Owen JJ. were unanimous.

At pages 363 and 364 Owen J. says:

It must be kept in mind that the basis of claims by the heir or legatee, such as we are now considering, is the damages suffered during his lifetime by the de cujus not the damages suffered subsequently by the heir or legatee. Under Quebec law the heir or legatee is not entitled to claim any damages he suffers personally as a result of the death of the de cujus unless he falls within the list of persons contained in art. 1056 C.C.

In the circumstances, and after much hesitation, I have come to the conclusion that the best practical solution is to lay down the general rule that the right which the de cujus had prior to his death to claim damages resulting from an offence or quasi-offence, including all items which are properly part of such claims, is transmissible in toto by succession.

Accordingly, I am of the opinion that the late Victor Lévesque, father of the plaintiff, at the time of his death, as the result of the alleged offence or quasi-offence, had the right to claim from defendants damages for (a) pain and suffering; (b) shortening of life; (c) loss of earnings, which he suffered from the date of the accident to the date of his death, that he had not waived this right, that the right to claim each of these items was transmissible and that as universal legatee plaintiff is entitled to claim these three items from defendants.

It will be observed that the last paragraph quoted is a clear decision on two points, (i) that the deceased at the time of his death had the right to claim damages for shortening of life and (ii) that such right was transmissible. If that decision is correct it is decisive of the question which I am now considering. With the greatest respect I am unable to

[Page 216]

find in the reasons of the Court of Queen's Bench in the case at bar, a sufficient ground for rejecting the decision in Levesque v. Malinosky.

The words of art. 1053 of the Civil Code are wide enough to embrace all damage caused to another by the fault of the defendant. It appears to me that the infliction of physical injury which cuts short the period during which the injured person had a normal expectation of living a reasonably happy life gives rise to a claim for damage which the injured person can assert. This view is, I think, supported by the authors referred to by counsel for the apellants. I refer particularly to Mazeaud & Tunc, Traité théorique et pratique de la responsibilité civile et délictuelle, 5th ed. 1956, vol. 2, nos. 1912 and 1913; and to Planiol et Ripert, Traité pratique de droit civil francais, 2nd ed. 1952, vol. 6 «Les Obligations», no. 658, n. 4.

On this point the underlying principles of the English common law do not appear to me to differ from those embodied in art. 1053 of the Civil Code. In both systems, generally speaking, the wrong-doer is liable to the person whom he has injured for all damages resulting directly from the injury inflicted. The reasoning of the Courts in England in the cases of Flint v. Lovell16, Rose v. Ford17 and Benham v. Gambling18, appears to me to support the judgment of the Court of Queen's Bench in Levesque v. Malinosky. I refer to these decisions, as did counsel for the appellants, not as precedents binding upon the courts in a case arising under the Civil Code but because of what appears to me to be the clarity and cogency of their reasoning.

The nature of the claim I am now considering which, in my opinion, Beverley Driver was entitled to assert in her lifetime was for damages because the fault of the defendant had deprived her of the reasonable prospect of an uncertain number of years of life which the evidence as to the circumstances of her parents and their children permitted the jury to regard as likely to be, on balance, happy years. To place any exact pecuniary figure on such a deprivation is manifestly impossible, the task of assessment must be left to the good sense of the jury. The damages on this head are not

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awarded for the mental suffering caused by contemplating the prospective loss but for the loss of the years of life themselves. The numerous uncertainties arising in making an assessment can not necessitate the injured person going without a remedy.

There is, I think, a danger of confusing the concept of damages for shortening of life with that of damages for life being rendered less enjoyable. The latter could be suffered only while the injured person is alive but the former are increased rather than diminished by the acceleration of his death.

For the above reasons I have reached the conclusion that Green v. Elmhurst Dairy and Lévesque v. Malinosky were rightly decided and that in the case at bar Beverley Driver had in her lifetime a right of action for damages for the shortening of her life which was transmissible to her heirs; and I would allow the appeal to the extent necessary to give effect to this view.

Having reached this conclusion it would next be necessary to consider the arguments of counsel for the respondent that, if his other submissions were rejected, (i) the assessment of $8,000 was excessive and (ii) there was a duplication of damages. It might also be desirable to say something further as to the manner in which the tribunal of fact should proceed in assessing damages for the shortening of life. However, as the majority of this Court are of opinion that the appeal fails nothing would be gained by my pursuing these questions further or endeavouring to formulate the exact terms of the order which I think should be made.

Fauteux J.:—Les faits et procédures conduisant à cet appel sont exposés aux raisons de notre collègue M. le Juge Taschereau. Bref, une fillette de huit ans décédait le 19 septembre 1955, ayant été heurtée mortellement, le même jour, par un camion appartenant à l'intimée et conduit par l'un de ses employés, dans l'exercice de ses fonctions. Par la suite, les parents de la victime ont poursuivi l'intimée en dommages.

La responsabilité de l'intimée n'est plus en question. Seuls deux points ayant trait aux dommages réclamés font l'objet de cet appel.

[Page 218]

Le père et la mère de l'enfant ont réclamé, en vertu de l'art. 1056, comme dommages leur résultant du décès de leur fillette, un montant de $5,000 en compensation de la perte d'assistance financière, des services domestiques et autres bénéfices d'ordre similaire qu'ils pouvaient raisonnablement anticiper recevoir de l'enfant dans l'avenir. Le montant accordé, de ce chef, par le jury, a été jugé excessif par M. le Juge en chef Galipeault et M. le Juge Choquette, de la Cour d'Appel et, en conséquence, réduit par jugement de cette Cour1 à la somme totale de $ 2,487. Le montant ainsi revisé représentant, dans les circonstances, une compensation raisonnable, ne saurait être modifié.

Le père de l'enfant, tant personnellement qu'en sa qualité de tuteur à ses dix autres enfants mineurs, et son épouse, ont aussi, en leur qualité d'héritiers légaux de la jeune victime, réclamé une somme de $8,000 à titre de dommages que l'enfant elle-même aurait subis en raison de la perte de vie, devenant ainsi créancière d'un droit laissé par elle en son patrimoine.

Le savant Juge de la Cour supérieure, se croyant lié par les décisions rendues par la Cour d'Appel dans les causes de Green v. Elmhurst Dairy19 et Lévesque v. Malinosky20, confirma la décision du jury accordant, de ce chef, cette somme de $8,000. La Cour d'Appel considéra, comme, je crois, le Juge de première instance, que nonobstant la variété des expressions utilisées aux procédures pour désigner ce chef de dommages, il s'agissait clairement d'une indemnité réclamée exclusivement pour perte actuelle de la vie; la Cour jugea, cependant, que la perte de vie n'ayant, per se, en rien accru le patrimoine ou la succession de la fillette, cette dernière ne pouvait rien transmettre, de ce chef, à ses héritiers. En conséquence, elle rejeta comme mal fondée en droit cette partie du recours des présents appelants. Sur ce second point, la décision de la Cour d'Appel est unanime et est, je crois, comme d'ailleurs les motifs sur lesquels elle s'appuie, bien fondée.

Sans doute et dans l'intervalle de temps, fût-ce même un seul instant de raison, s'écoulant entre le coup mortel et la mort qui s'ensuivit, on peut dire que la victime a été nantie d'un droit à la réparation de tout préjudice subi par elle en

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raison du quasi-délit commis à son endroit. Encore faut-il, cependant, que le préjudice dont la réparation est demandée ait été actuellement souffert, et souffert par elle-même. Le préjudice invoqué au soutien de cette partie de la réclamation ne satisfait pas à ces conditions. Ayant à décider le même point, le tribunal de Toulouse, Trib. Civ. Toulouse, 17 avril 1902, S. 1905 2.81, a jugé que si le de cujus avait eu le temps d'intenter l'action en dommages-intérêts, celle-ci n'aurait évidemment eu pour objet que les dommages éprouvés par le demandeur antérieurement à son décès et que ses héritiers ne sont pas recevables à exercer une action qui n'a pu naître du vivant de celui qu'ils représentent.

Des vues différentes sont adoptées par Mazeaud, Responsabilité délictuelle et contractuelle, tome 2, 4e éd., au no 1912, pp. 761 et 762, où il déclare que la victime, du fait de son décès, éprouve un dommage qui n'est pas postérieur à ce décès, et qu'il lui en résulte une créance transmissible à ses héritiers. Le même auteur, traitant au no 1923, p. 767, du droit d'action résultant de l'outrage à la mémoire d'un mort, fait toutefois le raisonnement qui suit:

Une fois morte, la personne est juridiquement disparue; elle est incapable d'être l'objet d'un préjudice, parce qu'elle ne peut plus être sujet de droits ou d'obligations. L'outrage à la mémoire d'un mort n'atteint donc pas le mort lui-même; aucune action en responsabilité ne naît à son profit; ses héritiers, pas plus d'ailleurs que ses créanciers, ne peuvent l'exercer en son nom.

En tout respect, je dirais qu'à cette proposition de Mazeaud voulant que la victime éprouve, du fait de son décès, un dommage qui n'est pas postérieur à ce décès, il y a lieu, en raison des motifs sur lesquels elle se fonde, de préférer l'opinion contraire, exprimée, dans les termes suivants, par Josserand: Les Transports, deuxième ed., no 922, p. 975:

Les héritiers du voyageur blessé et qui n'est décédé qu'après coup peuvent assurément demander, en son lieu et place, réparation du préjudice que lui avaient causé les blessures reçues: dans cette mesure, ils se bornent, en effet, à exercer l'action qui appartenait à leur auteur et dont le principe leur a été transmis, par voie de dévolution héréditaire, avec tous les autres éléments de son patrimoine. Au contraire, ils ne pourraient pas, au même titre, demander des dommages-intérêts à raison du décès de la victime; en tant qu'elle viserait ce chef d'indemnité, leur action aurait un principe posthume et ne pourrait donc être considérée comme ayant pris naissance dans le patrimoine de leur auteur: seule, la voie de l'action directe, basée sur un préjudice personnellement éprouvé, leur serait ouverte.

[Page 220]

La disparition juridique de la personne se produit à l'instant précis de son décès et, à ce même instant, s'éteint juridiquement la possibilité pour elle d'acquérir des droits ou des obligations. Lorsque le préjudice, pour lequel l'indemnité est recherchée en l'espèce, s'est réalisé, aucun droit ne pouvait désormais s'ouvrir au profit de la victime qui avait cessé de vivre; la naissance d'un droit d'action pour réclamer de ce chef était dès lors devenue juridiquement impossible.

Comme mon collègue, M. le Juge Taschereau, et les membres de la Cour d'Appel, je suis d'avis que la perte de vie de la fillette, n'ayant en rien accru son patrimoine ou sa succession, elle n'a pu, de ce chef, transmettre aucun droit à ses héritiers.

Je disposerais de l'appel tel que le propose M. le Juge Taschereau.

Abbott J.:—I am in agreement with the reasons and conclusions of my brother Taschereau, which I have had the advantage of reading, and have little to add.

In his factum and at the hearing before us, counsel for appellant made extensive reference to English decisions, all of which I have examined. I have reached the conclusion, however, that these decisions can be of no assistance in this case, which must be determined according to the principles enunciated in the Civil Code and the jurisprudence applying those principles.

A person injured as a result of the commission of a delict or quasi-delict acquires, of course, as of that moment, against the author of his misfortune, a claim in damages for the loss sustained by him, inter alia, by reason of (i) pain and suffering, (ii) loss of enjoyment of life, and (iii) loss of future earnings. If the injured person dies (either as a result of his injuries or for some other cause) before having received compensation for such loss, his claim—arising under art. 1053 C.C.—forms part of his patrimoine and is transmitted to his heirs, legal or testamentary. That proposition of law was in effect conceded by counsel for respondent, both in his factum and on the argument before us.

Whether a claim be described as one for deprivation of life, shortened life expectancy, loss of life expectancy, shortening of life, or other like terms, I share the view

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expressed by Mr. Justice Casey that such a claim is, in reality, one for estimated loss of future earnings and of enjoyment of life. Since any claim for such loss is one for unliquidated damages, the Court in appreciating and liquidating the amount thereof must limit such damages to those actually sustained by the deceased from the date of injury to the date of death. It is this amount alone which the heirs of the deceased, qua heirs, are entitled to claim and receive.

As my brother Taschereau has pointed out, any claim for damages resulting from the premature death of the injured person can arise only under the provisions of art. 1056 C.C. and be exercised only by the persons specified in that article.

I would dismiss the appeal with costs.

Appeal dismissed with costs, Cartwright J. dissenting in part.

Attorney for the plaintiffs, appellants: M. H. Franklin, Montreal.

Attorneys for the defendant, respondent: Hugessen, Macklaier, Chisholm, Smith & Davis, Montreal.



1 [1960] Que. Q.B. 313.

2 [1960] Que. Q.B. 313.

3 [1929] S.C.R. 650, [1930] 2 D.L.R. 353.

4 [1953] Que. Q.B. 85.

5 [1956] Que. Q.B. 351.

6 (1891), 19 S.C.R. 292 at 321.

7 [1892] A.C. 481.

8 (1920), 60 S.C.R. 105 at 126, 55 D.L.R. 120.

9 (1933), 55 Que. K.B. 230.

10 [1931] S.C.R. 113, 4 D.L.R. 52.

11 (1911), 17 R.L. 244.

12 (1921), 33 Que. K.B. 403 at 415.

13 [1960] Que. Q.B. 313.

14 [1953] Que. Q.B. 85.

15 [1956] Que. Q.B. 351.

16 [1935] 1 KB. 354, 104 L.J.K.B. 199.

17 [1937] A.C. 826, 106 L.J.K.B. 576, 3 All E.R. 359.

18 [1941] A.C. 157, 110 L.J.K.B. 49, 1 All E.R. 7.

19 [1953] Que. Q.B. 85.

20 [1956] Que. Q.B. 351.

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