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Supreme Court of Canada

Thibodeau v. Thibodeau, [1961] S.C.R. 285

Date: 1960-12-19

Oscar Thibodeau and Dame Anita Bourne (Plaintiffs) Appellants:

and

Marcel Thibodeau (Defendant) Respondent.

Contracts—Sale—Annulment—Valid consent—Insanity—Civil Code, arts. 331, 332, 351, 831, 986.

To pronounce the nullity of a contract or a will on the ground of mental incapacity, it is not necessary that the party contracting or the testator be totally insane. The deed will be null for lack of valid consent if the person lacks the capacity to understand its significance; if the person lacks the will to appreciate the deed, to resist or consent to it; if by reason of a weakness of mind the person cannot evaluate the deed or its consequences; if, in one word, the person has no control over his mind.

Where the evidence discloses that the plaintiff, who is seeking the annulment of two deeds of sale by which he exchanged with the defendant a house for a grocery store, was mentally sick at the time although not insane, but was prevented by his weakness of mind from giving the valid consent required by art. 986 of the Civil Code, the deeds must be annulled.

APPEAL from a judgment of the Court of Queen's Bench, Appeal Side, Province of Quebec1, reversing a judgment of Demers J. Appeal allowed.

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J. G. Ahearn, Q.C., for the plaintiffs, appellants.

G. Laurendeau, Q.C., and P. Champagne, for the defendant, respondent.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau J.:—Un court résumé des faits est essentiel pour la complète intelligence de cette cause.

Durant plusieurs années, l'appelant Oscar Thibodeau était propriétaire d'une épicerie, qu'il a vendue en subissant une perte d'environ $800. Il acheta alors une maison sur la rue Ste-Elizabeth à Montréal, pour laquelle il paya $11,000, mais en 1955, il vendit pour la somme de $20,000 une autre maison dont il était propriétaire sur la même rue. Le 28 juin de la même année, avec le produit de cette vente, par acte devant Lamarre N.P., il acheta d'Oscar Leduc une autre maison située sur la rue St-Hubert, pour le prix de $29,000, dont $13,000 furent payés comptant, et il assuma une hypothèque de $15,000 due par son vendeur. Quant à la balance de $1,000, il s'est engagé à la payer le ou avant le 1er janvier 1956.

Après avoir acheté cet immeuble de la rue St-Hubert, le demandeur l'échangea, le 13 septembre 1955, avec son frère Marcel Thibodeau, défendeur-intimé, et en considération de cet échange, il reçut un fonds de commerce ainsi désigné:

Un certain fonds de commerce d'épicerie et de boucherie licencié, exploité au numéro 301 de la rue Gilford en la Cité de Montréal, comprenant tous les accessoires et toute la marchandise actuellement sur lesdits lieux, tous ses droits au bail actuel ainsi que tous ses droits dans le permis spécial émis en son nom par la Commission des Liqueurs de la Province de Québec permettant la vente de la bière.

Cet échange a été effectué sous la forme de deux actes de vente, en date du 13 septembre 1955. Dans l'un, Oscar Thibodeau, l'appelant, a vendu l'immeuble de la rue St-Hubert pour la somme de $29,000 dont $13,000 payés comptant. La balance de $16,000 devait être payable par l'acheteur intimé, jusqu'à concurrence de $14,700, à la Caisse Populaire de St-Jacques à l'acquit du vendeur, et $1,300 devaient être versés au domicile de l'appelant à raison de cent dollars par mois. Le montant de $16,000 était garanti par hypothèque sur l'immeuble vendu, en faveur d'Oscar Thibodeau.

[Page 287]

Dans l'autre document portant la même date du 13 septembre 1955, l'intimé Marcel Thibodeau a vendu le fonds de commerce ci-dessus décrit et dont il était le propriétaire, pour la somme de $13,000; de sorte qu'il n'y a pas eu de paiements d'effectués. Ces deux montants de $13,000 qui étaient réciproquement dus, se sont mutuellement éteints par l'effet de la compensation. Il ne restait à l'acheteur intimé qu'à effectuer le paiement de $16,000, tel que je l'ai exprimé précédemment.

L'appelant Oscar Thibodeau a été interdit pour démence le 13 octobre 1955. La requête en interdiction a été présentée par sa belle-mère, Dame Georgiana Duford, et son épouse Anita Bourne Thibodeau a été nommée curatrice à son mari. Il est bon de noter, cependant, que le conseil de famille s'est divisé également sur la nécessité de cette interdiction.

Le 14 décembre 1955, Dame Anita Bourne, dûment autorisée par jugement de la Cour supérieure, a, en sa qualité de curatrice à son mari, institué contre Marcel Thibodeau, le présent intimé, des procédures légales pour faire annuler les deux actes notariés en date du 13 septembre 1955. Elle allègue que lorsque son mari les a signés, il souffrait de troubles mentaux qui l'empêchaient nécessairement de donner un consentement valide.

Le 21 mars 1956, alors que l'instance était pendante, à à la requête de Marcel Thibodeau, l'intimé dans la présente cause, l'honorable Juge Marier de la Cour supérieure, siégeant à Montréal, a cassé et annulé le jugement rendu par le Protonotaire le 13 octobre 1955, qui prononçait l'interdiction d'Oscar Thibodeau pour cause de démence. Procédant à rendre le jugement qui aurait dû être rendu par le Protonotaire, le juge a nommé Dame Anita Bourne, épouse de l'appelant, conseil judiciaire de son mari. Code Civil, arts. 331-332. L'appelant a dans la suite personnellement repris l'instance, avec l'assistance de son conseil judiciaire. C.C. 351.

Le juge au procès a conclu que le demandeur appelant a établi qu'au moment où il a signé les deux actes en date du 13 septembre 1955, devant Lamoureux N.P., et dont il demande la résiliation, il ne jouissait pas de toutes ses facultés mentales, et n'était pas en mesure de donner un

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consentement valide. La Cour du banc de la reine1 (Taschereau et Choquette JJ. dissidents) a renversé cette décision, a rejeté l'action, et a maintenu que si l'appelant a donné en certaines circonstances des signes d'instabilité, ou a pris des attitudes bizarres, ou fut enclin à des périodes de mélancolie, ceci n'était pas suffisant pour annuler des contrats synallagmatiques, quand il n'y a pas de véritables indices d'aberration mentale.

L'action dans laquelle on demande la nullité des deux contrats, repose évidemment sur l'art. 986 C.C. qui veut que les personnes aliénées ou souffrant d'une aberration temporaire causée par maladie, accident, ivresse ou autre cause, ou qui, à raison de la faiblesse de leur esprit, sont incapables de donner un consentement valable, ne peuvent contracter.

Les tribunaux ont souvent eu l'occasion d'examiner cette question d'incapacité, et de se prononcer sur le degré d'aberration mentale que les parties doivent atteindre pour que les actes qu'elles posent soient frappés de nullité. Les jugements qui ont été rendus n'ont pas toujours porté sur la capacité mentale exigée lorsqu'il s'agit de la validité de contrats synallagmatiques. Le plus souvent, le litige portait sur la capacité mentale d'un testateur, mais je ne vois pas qu'il y ait lieu d'établir une différence entre la capacité de celui qui contracte, et celle de celui qui dispose par testament. C'est d'ailleurs ce que précise l'article 831 C.C. lorsqu'il conditionne la capacité de tester à la capacité d'aliéner ses biens.

La règle veut qu'il n'est pas nécessaire, dans un cas comme dans l'autre, pour que la nullité soit prononcée, que le signataire d'un document soit frappé d'insanité totale. La loi n'exige pas qu'il soit détenu dans un asile d'aliénés, ni même qu'il soit interdit ou ait besoin de l'assistance d'un conseil judiciaire. Si le contractant, ou le testateur, n'a pas la capacité de comprendre la portée de son acte, s'il n'a pas la volonté de l'apprécier, d'y résister ou d'y consentir, si à raison de la faiblesse de son esprit, il ne peut peser la valeur des actes qu'il pose ou les conséquences. qu'ils peuvent entraîner, si en un mot il ne possède pas le pouvoir de contrôler son esprit, son acte sera nul faute de consentement

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valide. Vide: Baptist v. Baptist2; Russell v. Lefrançois3; Léger v. Poirier4; Rosconi v. Dubois5; Mathieu v. St-Michel6; McEwen v. Jenkins7.

Dans le cas qui nous occupe, la preuve révèle que le demandeur était sûrement un malade mental. Les actes dont on demande la nullité remontent au 13 septembre 1955. Avant cette date, il avait manifesté déjà des indices sérieux de dérangement et d'instabilité intellectuels. Le juge au procès les rapporte dans son jugement, et il constate de la contradiction dans les témoignages qu'il a entendus. Il relate cependant la version de plusieurs témoins qui affirment qu'au cours de l'année 1955, Oscar Thibodeau agissait de façon pour le moins étrange. Ainsi, il regrettait ses transactions immobilières, parlait seul, et suivait difficilement les conversations; il faisait des crises violentes, se projetait sur les murs, et se frappait la tête. Il se livrait à la mélancolie, pleurait souvent, s'arrachait les cheveux, et voulait même s'enlever la vie. Contre ces faits positifs, qui sûrement démontrent un déséquilibre mental, d'autres témoins ont déclaré l'avoir vu accidentellement durant 1955, et n'ont rien trouvé d'anormal.

Le 29 juin, c'est-à-dire près de trois mois avant la signature des actes, le Dr Rodrigue a été appelé en consultation, et il a constaté que l'appelant était un psycho-névrose, et il l'a référé à la clinique psychiatrique de l'Hôtel Dieu, où le Dr DesRochers lui a appliqué, durant le mois d'août 1955, un électrochoc, afin de calmer la dépression nerveuse. Thibodeau retourna alors chez lui où, le 13 septembre, il signa les documents attaqués, mais le 7 octobre, le Dr Archambault le fit entrer à l'Hôpital Maisonneuve. Ce médecin constata l'existence d'une psychose et remit le demandeur entre les mains du Dr Fernand Côté, un psychiatre qui le soigna jusqu'au 7 novembre 1955.

Le témoignage du Dr Côté a fortement impressionné l'honorable Juge André Demers. Il résulte de ce témoignage comme de celui du Dr Archambault, que Thibodeau, quoique sa santé fut substantiellement améliorée en novembre,

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ne pouvait pas en septembre 1955, donner un consentement valide. Le Dr MacKay, appelé par l'intimé, dit que la psychose est un état d'esprit où le patient est hors de contact avec la réalité, et par conséquent irresponsable. C'est cette preuve médicale qui a entraîné le juge au procès à croire que l'appelant n'avait pas la capacité mentale voulue pour donner un consentement libre.

Après avoir revu toute la preuve, j'en suis arrivé à la conclusion qu'il n'y a pas d'erreur, encore moins d'erreur manifeste dans le jugement de M. le Juge Deniers. Il a vu et entendu tous les témoins; il a apprécié la valeur des témoignages rendus, et il m'est impossible de dire qu'il n'a pas eu raison. Thibodeau n'était pas un complet aliéné, mais il souffrait sûrement d'une faiblesse d'esprit qui l'a empêché de donner un consentement valide, et c'est ce qui fait que les actes attaqués doivent être annulés.

L'appel doit donc être maintenu, et le jugement du juge au procès rétabli. L'appelant aura droit à ses frais devant la Cour du banc de la reine et devant cette Cour.

Appeal allowed with costs.

Attorneys for the plaintiffs, appellants: Hyde & Ahem, Montreal.

Attorneys for the defendant, respondent: Champagne & Leblanc, Montreal.



1 [1960] Que. Q.B. 960.

2 (1894), 23 S.C.R. 37.

3 (1883), 8 S.C.R. 335.

4 [1944] S.C.R. 152, 3 D.L.R. 1.

5 [1951] S.C.R. 554.

6 [1956] S.C.R. 477, 3 D.L.R. (2d) 428.

7 [1958] S.C.R. 719.

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