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Supreme Court of Canada

Rousseau v. Bennett, [1956] S.C.R. 89

Date: 1955-12-05

Dame Laurette Rousseau (Plaintiff). Appellant;

and

Herman Bennett And Ulric Nutbrown (Defendants) Respondents.

Automobiles—Pedestrian injured—Onus of proof—Balance of probabilities —Presumptions—Article 1242 C.C.—Motor Vehicles Act, R.S.Q. 1941, c. 142, s. 53.

The appellant's husband stopped his truck on the paved portion of a road and was standing behind it talking to another person when the truck, which was without a driver, started forward going down a slight grade. The husband dashed away towards the road circling the rear of the truck in order to reach the cab. At the same time, two other trucks, property of the respondent, were proceeding in the opposite direction, loaded with pulp wood. The husband was found fatally injured and lying on the road after the two trucks had passed. No one saw how the accident happened. It is the contention of the appellant that her husband was struck by the second of these trucks.

The driver of the second truck testified that he suddenly saw a man, proceeding towards him at a fast pace, come out from the rear of the stopped truck. He sounded his klaxon, put his brakes on and turned more towards his right. The man then retreated back, either behind or on the side of the stopped truck. The driver said that he did not strike the man and that he proceeded along his route until someone advised him of the accident some two miles further.

The trial judge divided the liability equally between the respondent and the victim and maintained the action taken by the appellant on the ground that the balance of probabilities indicated that the victim was struck by the second truck. The Court of Appeal reversed this judgment on the ground that the presumptions were not so strong as to exclude all other possibilities.

Held: The appeal should be allowed and the judgment at trial restored.

In cases of automobile accidents, and specially in a case like the present, it is imperative to rely on what the trial judge saw and heard. The burden of establishing the contact between the respondent's truck and the victim, which rested on the appellant, could be met by presumptions of facts, the appreciation of which is to be left to the discretion of the trial judge (Art. 1242 C.C.).

There was no error in the exercise of that discretion. In civil proceedings, the balance of probabilities is the decisive factor. It was reasonable for the trial judge to find that the presumptions of facts were strong enough to conclude that the victim was struck by the respondent's

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truck. The relation between the truck and the damage being established, the presumption of s. 53 of the Motor Vehicles Act applies and since it has not been rebutted, the liability of the respondent is engaged.

APPEAL from the judgment of the Court of Queen's Bench, appeal side, province of Quebec 1, reversing the judgment at trial.

P. Miquelon, Q.C. for the appellant.

N. Charbonneau, Q.C. for the respondents.

The judgment of the Court was delivered by:—

Taschereau J.:—La demanderesse tant en sa qualité personnelle qu'en qualité de tutrice à ses enfants mineurs, et l'autre demandeur Alexandre Rousseau en sa qualité de curateur d'un enfant à naître, ont poursuivi les défendeurs et ont réclamé la somme de $49,700, comme résultat d'un accident d'automobile survenu le 27 novembre 1950, près de Victoriaville sur la route de Warwick.

La victime de cet accident, Wellie Marchand, époux de la demanderesse, qui était camionneur de son métier, avait stationné son camion à droite sur la route du Marché, près de Victoriaville dans la direction nord, à environ soixante-quinze pieds de l'intersection d'une route qui se dirige vers l'est, et qui est appelée le rang Cinq-Chicots.

La victime était descendue de son camion pour aller parler à une personne en arrière de ce camion. Comme le camion, stationné dans une légère pente, n'était pas complètement immobilisé et avançait lentement, la victime se dirigea vers l'avant du camion pour appliquer davantage les freins, et au cours de cette opération, elle aurait été frappée par le camion du défendeur, conduit par Ulric Nutbrown, préposé et employé de l'autre défendeur Herman Bennett. Comme conséquence du choc qu'il reçut, Marchand a subi une grave fracture au crâne dont il est décédé quelques heures plus tard.

L'honorable Juge de première instance est arrivé à la conclusion que la faute devait être partagée dans une proportion de 50%, a évalué les dommages à $22,000, dont $10,700 devant être attribués à la demanderesse personnellement, et $11,300 en sa qualité de tutrice à ses enfants

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mineurs. Il maintient l'action en conséquence pour la somme de $11,000 avec intérêts et dépens, y compris les frais de tutelle et curatelle. La Cour d'Appel 2 a unanimement infirmé ce jugement, et a débouté la demanderesse de son action tant personnellement qu'en sa qualité de tutrice.

La véritable question qui se pose, est de savoir si la victime a été frappée par le camion du défendeur, car aucun témoin oculaire n'a vu le choc qui aurait causé les blessures mortelles à Marchand.

L'honorable Juge de première instance en vient cependant à la conclusion que les présomptions sont suffisantes pour établir la cause de cet accident fatal. Le camion de Marchand était complètement à droite de la route, n'occupait pas plus de dix pieds de la surface pavée du côté droit de ladite rue, laissant à sa gauche un espace libre d'au moins quinze pieds, ce qui était un espace suffisant pour permettre à l'autre véhicule de passer librement. Il trouve que le chauffeur Nutbrown est passé trop près du camion stationné, et il en voit la preuve dans le fait que le chauffeur lui-même admit avoir dévié vers la droite et continué sa route sans se soucier de ce qui pouvait survenir derrière lui, après avoir aperçu Marchand près de son camion. D'après la preuve qui lui a été soumise, il conclut que le camion du défendeur allait à une trop grande vitesse par ce temps brumeux, alors que la visibilité était mauvaise, qu'il n'a pas gardé le contrôle de son véhicule lourd qui occupait une trop grande partie de la route, qu'il aurait pu arrêter immédiatement s'il avait été à une vitesse plus réduite, qu'il a négligé d'avoir une lumière sur le coin gauche inférieur de la boîte de son camion, ce qui aurait pu permettre à la victime qui se trouvait à peu de distance, de constater l'existence d'une charge de bois qui excédait la cabine du camion.

Il conclut également que l'époux de la demanderesse a commis une imprudence qui a aussi contribué à l'accident, en partant subitement derrière son camion pour avancer sur la rue en direction du volant de son véhicule, sans regarder s'il n'y avait pas de voitures qui circulaient en sens inverse.

La Cour d'Appel a cru qu'il y avait erreur dans ce jugement parce qu'il n'y avait pas au dossier une preuve directe

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d'un contact entre la victime et le camion des défendeurs, et qu'il n'y avait pas une série de faits pouvant permettre à la Cour de conclure à une présomption tellement forte qu'elle excluait toute autre possibilité. Elle a aussi été d'opinion que la position du corps de la victime après l'accident, qui était étendu dans une position contraire à celle qu'il aurait dû avoir normalement, s'il avait été projeté à terre par un choc avec le camion qui suivait une direction opposée, indiquerait que l'accident doit être attribué à une autre cause et non pas au fait que la victime aurait été frappée par le camion.

Je suis d'opinion que l'appel doit être maintenu et que le jugement du juge au procès doit être rétabli. En ces matières d'accidents d'automobiles, il est impératif, je crois, surtout dans des causes comme celle qui nous est soumise, de s'en rapporter en ce qui concerne les questions de faits, à ce qu'a vu et entendu le juge au procès. Il est vrai, tel qu'il l'a été dit dans cette Cour dans la cause de Boxenbaum v. Wise 3, qu'il doit nécessairement exister une relation entre le conducteur de l'automobile et le dommage souffert par la victime. La présomption établie à l'article 53 de la Loi des Véhicules-Moteurs ne s'applique pas pour établir l'existence du contact, comme dans le cas qui nous occupe. Cette présomption n'est pas que le conducteur de la voiture a causé un dommage. Il s'agit purement et simplement d'une présomption légale qu'il est responsable de ce dommage, quand il est prouvé qu'il l'a causé, et le demandeur a en conséquence le fardeau d'établir que c'est le défendeur qui a causé le dommage, et qu'il en est l'auteur. Mais la preuve peut établir des présomptions de faits et l'article 1242 du Code Civil nous dit comment elles doivent être appréciées. Cet article se lit ainsi:—

Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont abandonnées à la discrétion et au jugement du tribunal.

Ce que la loi a voulu c'est que ces présomptions soient laissées à la discrétion du juge qui voit et entend les témoins, et pour qu'une Cour d'Appel intervienne dans l'exercice de cette discrétion, il faut nécessairement trouver une erreur de la part du juge au procès, erreur qu'on ne trouve pas dans le cas présent.

L'honorable Juge de première instance a jugé suivant la balancé des probabilités, ce qui est la preuve requise en

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matière civile, et je crois que le jugement de la Cour d'Appel est erroné en droit quand cette dernière conclut qu'il n'y a pas de présomption tellement forte qu'elle exclut toute autre possibilité. Ce n'est pas ce que la loi requiert. Il y a une distinction fondamentale qu'il faut faire entre le droit ' criminel et le droit civil. En matière criminelle, la Couronne doit toujours prouver la culpabilité de l'accusé au delà d'un doute raisonnable. En matière civile, la balance des probabilités est le facteur décisif. Comme le disait M. le Juge Duff dans la cause de Clark v. Le Roi 4:

Broadly speaking, in civil proceedings the burden of proof being upon a party to establish a given allegation of fact, the party on whom the burden lies is not called upon to establish his allegation in a fashion so rigorous as to leave no room for doubt in the mind of the tribunal with whom the decision rests. It is, generally speaking, sufficient if he has produced such a preponderance of evidence as to shew that the conclusion he seeks to establish is substantially the most probable of the possible views of the facts.

Les tribunaux doivent souvent agir en pesant les probabilités. Pratiquement rien ne peut être mathématiquement prouvé. (Jérôme v. Prudential Insurance Co. of America 5, Richard Evans & Co. Ltd. v. Astley 6, New York Life Insurance Co. v. Schlitt 7, Doe D. Devine v. Wilson 8).

Il était raisonnable je crois, pour le juge au procès, de conclure comme il l'a fait, et de trouver que les présomptions étaient suffisantes pour lui permettre de dire que c'est bien le camion du défendeur qui a frappé la victime et qui a causé la mort. En effet, le chauffeur du camion admet avoir vu la victime à une courte distance de lui, et afin de l'éviter, a subitement incliné vers la droite alors que les deux camions n'étaient qu'à quelques pieds l'un de l'autre seulement, ce qui indique qu'il y avait amplement de place du côté droit de la route. Le corps de la victime a été trouvé gisant sur le pavé de la route quelques secondes plus tard. Il est raisonnable de penser, et c'est la conclusion la plus probable qu'il est logique de tirer, que la victime a été frappée par le côté gauche du camion ou par un billot qui dépassait la cage de ce même camion, et que c'est à cela qu'il faut attribuer l'accident. Toute autre conclusion ne

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reposerait que sur une hypothèse ou ne serait que du domaine des conjectures. Entre une probabilité et une conjecture, c'est de toute nécessité la probabilité qui doit être acceptée. Je ne crois pas que la position du cadavre sur le sol ait aucune signification. Il est clair que quand la victime a été frappée, elle a pu pivoter sur elle-même, et la façon dont le corps a été retrouvé n'indique en aucune façon la manière dont s'est produit l'accident.

La preuve qu'il a existé une relation entre le conducteur de la voiture de l'intimé et le dommage qui en est résulté, ayant été faite, l'article 53 de la Loi des Véhicules-Moteurs (c. 142 S.R.Q. 1941) trouve alors son application (Boxenbaum v. Wise cité supra). Cet article est à l'effet que quand un véhicule-automobile cause une perte ou un dommage à quelque personne dans un chemin public, le fardeau de la preuve que cette perte ou ce dommage n'est pas dû à la négligence ou à la conduite répréhensible du propriétaire ou de la personne qui conduit ce véhicule-automobile, incombe au propriétaire du véhicule ou à son conducteur.

Il me semble clair que cette présomption n'a pas été détruite. La défense repose principalement sur le fait que le camion n'aurait pas frappé la victime, et c'est le contraire qui est révélé par la preuve. Il s'ensuit donc que la responsabilité des défendeurs est engagée.

L'appel doit en conséquence être maintenu, et le jugement du juge au procès rétabli avec dépens de toutes les cours.

Appeal allowed with costs.

Solicitors for the appellant: Miquelon & Perron.

Solicitors for the respondents: Charbonneau, Charbonneau & Charlebois.



1 Q.R. [1955] Q.B. 174.

2 Q.R. [1955] Q.B. 174.

3 [1944] S.C.R. 292, 293.

4 (1921) 61 Can. S.C.R. 608 at 616.

5 (1939) 6 Ins. L.R. 59 at 60.

6 [1911] A.C. 674 at 678. at 616.

7 [1945] S.C.R. 289 at 300.

8 10 Moore P.C. 502 at 532.

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