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Supreme Court of Canada

Bilodeau v. Dufour, [1952] 2 S.C.R. 264

Date: 1952-06-30

Arsène Bilodeau (Plaintiff) Appellant;

and

Lionel Dufour and Jean-Marie Dufour (Defendants) Respondents.

Road, use of—Civil fruits—Possession by sufferance of the Crown—Droit de superficie—Arts. 400, 1608, 2196 C.C.

In the years preceding 1948, the appellant built a road on Crown and colonization lands in the County of Charlevoix, P.Q. In 1948, following a tariff established by contract, the respondents paid the appellant a certain sum for the use of the road. But in 1949, after the expiration of the contract, the respondents refused to pay for their further use thereof. The action was dismissed by the Superior Court and by the Court of Appeal for Quebec.

Held: The appeal should be allowed and the action maintained.

Although the appellant was not the owner of the bed on which he built his road, he nevertheless acquired by sufferance of the State, the real owner thereof, a possession available against third parties and which gave him the right to the civil fruits.

Furthermore, he acquired, to the knowledge of the State, a "droit de superficie" giving him the undisputable ownership of the surface of the road against third parties.

Held further, that s. 103 of R.S.Q. 1941, c. 93, has no application since the road works were not executed through the appellant's own timber limits.

APPEAL from the judgment of the Court of King's Bench, appeal side, province of Quebec 1, affirming, Galipeault C.J.A. dissenting, the dismissal of the action by the trial judge.

Gustave Mouette, Q.C., and Edgar Gosselin, Q.C., for the appellant. Since the contract did not mention when the payments for the use of the road would cease to be due, it follows that that part of the contract was still in force in 1949.

Subsidiarily, the appellant's title to the road resting as it did on his possession thereof, there was in favour of the appellant a presumption of ownership as a result of which the provisions of Art. 1608 C.C. can be invoked in order to claim the civil fruits.

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Subsidiarily, the appellant bases his claim on the maxim "nul ne peut s'enrichir aux dépens d'autrui".

Furthermore, the appellant acquired a "droit de superficie" on the road which gave him the right to the civil fruits. Tremblay v. Guay 2.

Frédéric Dorion, Q.C., for the respondents. The contract was definitely expired. There can be no question of a tacit renewal. Even if Art. 1608 C.C. applied, there is no evidence of the annual value of the occupation and furthermore, that Article applies only between the owner and the occupant and not between the possessor and the occupant.

There cannot be any question of the "droit de superficie". There is no distinction between the works and the ground. Even if we could assume a "droit de superficie", the recourse was to prevent the use, or to prove damages or the enrichment without cause. And it is not sufficient to say that the non-payment was an impoverishment, he had to prove the fact of it and the amount. Tanguay v. Price 3.

The judgment of the Court was delivered by

Taschereau, J.—Le demandeur, marchand de bois de St-Siméon, Comté de Charlevoix, réclame du défendeur la somme de $1,642.13. Il allègue dans sa déclaration que, pour se rendre à ses propriétés au Lac Port aux Quilles, qui sont situées à environ cinq milles au nord de la route nationale, il a construit et a entretenu un chemin privé pour en permettre l'accès. En 1945, ce chemin a été prolongé sur une distance de sept milles, dans la direction du nord, depuis le Lac Port aux Quilles jusqu'aux limites forestières de la Compagnie Price Brothers, pour qui le demandeur faisait la coupe du bois.

Pour l'amélioration et la construction de ces deux parties de route qui s'étendent sur une distance de douze milles, le demandeur a dépensé à peu près $40,000, et il a utilisé ce chemin pour le transport du bois et pour conduire les pêcheurs aux divers lacs dont il est le propriétaire dans la région.

Au mois d'octobre 1947, les défendeurs qui désiraient transporter du bois dans la même localité, signèrent un contrat avec le demandeur, et furent autorisés à se servir de la route en payant $2.00 par mille pieds de bois trans-

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porté, et $1.00 le mille pieds pour celui qui serait acheté par le demandeur. Les montants dus furent intégralement payés au printemps de 1948.

Cependant, durant le cours de l'année 1949, quand le contrat ci-dessus fut expiré, les défendeurs ont continué à se servir de la route pour transporter du bois de sciage et de pulpe, et ont refusé de payer au demandeur la valeur de l'usage de la route, ce qui a donné naissance à la présente action au montant de $1,642.13. C'est la prétention des défendeurs-intimés que le demandeur ne peut réussir, parce qu'il n'est pas propriétaire des terrains traversés par le chemin en question, que l'article 417 du Code Civil ne peut trouver son application, et que la doctrine de l'enrichissement sans cause, vu l'absence de certains éléments essentiels, ne peut déterminer le présent litige.

En première instance, l'action a été rejetée pour le motif qu'il appartient seul au Lieutenant-Gouverneur en Conseil, de fixer les taux de péage que devront payer les tiers à une personne qui exécute des travaux de voirie sur ses concessions forestières dans le domaine de la Couronne (S.R.Q. 1941, c. 93, art. 103); mais il y a là évidemment une erreur, car cette disposition de la loi ne s'applique que lorsqu'une personne exécute des ouvrages de voirie à travers ses propres concessions forestières; et dans le cas qui nous occupe, s'il est vrai que le chemin est en grande partie construit sur les terres de la Couronne, ce n'est pas à travers les concessions forestières du demandeur qui n'en a pas obtenues à cet endroit. La Cour d'Appel 4 n'a pas considéré ce motif, et devant cette Cour, les défendeurs ont déclaré ne pas l'invoquer.

En Cour d'Appel, M. le Juge St-Jacques conclut que les travaux ont été faits pour le bénéfice personnel du demandeur, et que la doctrine de l'enrichissement sans cause ne peut s'appliquer vu qu'il n'y a pas eu d'appauvrissement de sa part. MM. les Juges Bissonnette et Hyde concourent à peu près dans ces vues, tandis que M. le Juge Gagné croit plutôt que ce chemin a été construit pour le bénéfice de la Compagnie Price Brothers, et qu'en conséquence, le demandeur ne s'est pas appauvri par l'usage que les défendeurs en ont fait. M. le Juge en Chef Galipeault, qui a enregistré sa dissidence, et qui aurait maintenu la réclamation jusqu'à

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concurrence de $1,220.13, a été d'opinion que l'action de in rem verso était bien fondée. Les Parties sont maintenant devant cette Cour après avoir obtenu une permission spéciale d'appeler.

Il importe en premier lieu de signaler qu'il ne fait pas de doute que le demandeur n'est pas propriétaire de l'assiette du chemin. Ce chemin, en effet, est bâti sur les terres de la Couronne pour la plupart non concédées, et traverse quelques lots de colons. Depuis de nombreuses années il existait, à partir de la route nationale jusqu'au Lac de Port aux Quilles, un petit sentier ou "portage" par où passaient les colons de même que les chasseurs et les pêcheurs. Sur cette distance de cinq milles, le demandeur a élargi cette route de 12 à 24 pieds, y a déposé du gravier et l'a ainsi rendue carrossable, permettant aux camions de transporter d'assez lourdes charges de bois. Sur une distance d'environ deux milles et demi, le demandeur a suivi le tracé de l'ancien sentier, et sur une distance égale, il a ouvert le chemin dans la forêt. Plus au nord, depuis le Lac Port aux Quilles jusqu'aux limites de la Compagnie Price Brothers, le chemin est entièrement neuf, et passe à travers la forêt qu'il a fallu défricher sur une longueur de sept milles. Le demandeur nous dit que quand il a fallu passer la route sur des lots concédés à des colons par le gouvernement provincial, il a obtenu le consentement de ces derniers.

Mais est-il nécessaire que le demandeur soit propriétaire de l'assiette du chemin pour réussir dans la présente action, et se faire payer une compensation par les défendeurs pour l'usage qu'ils en ont fait? La possession qu'il avait de cette lisière de terrain sur une distance de douze milles, d'une largeur de douze à vingt-quatre pieds, qu'il a améliorée au prix d'environ $40,000, est-elle suffisante pour lui conférer un droit de réclamer un loyer juste et raisonnable?

Il ne peut être contesté que le demandeur occupait ces terres par tolérance de la Couronne, et dans certains cas avec le consentement des colons qui avaient évidemment intérêt à ce que cette route fût construite.

Il est de règle que pour avoir une possession utile, cette possession ne peut être affectée de précarité. C'est-à-dire que pour posséder utilement, deux éléments essentiels doivent se rencontrer, l'un matériel appelé le corpus, et

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l'autre intentionnel appelé l'animus. On sait que le corpus c'est le fait d'avoir matériellement le bien en son pouvoir, et d'être à même d'accomplir sur lui des actes matériels de détention, d'usage ou de transformation. Ce corpus n'est pas constitué par des actes juridiques tels que le bail et la vente. L'animus au contraire est l'intention, la volonté chez le possesseur de soumettre une chose à l'exercice du droit auquel normalement correspondent les actes matériels d'usage et de transformation. (Dalloz, Nouveau Répertoire, Vol. 3, verbo Possession, section 1.) Cette possession, où se rencontrent ainsi le corpus et l'animus, se distingue donc clairement d'avec la détention ou la simple possession précaire, qui consiste à avoir un pouvoir de faits sur une chose pour le compte du propriétaire, soit avec la permission de celui-ci, soit en vertu d'une habilitation de la loi ou de la justice. Si le détenteur ou possesseur précaire a le corpus, il n'a sûrement pas la volonté de se comporter comme propriétaire. Ainsi, on a toujours considéré comme détenteurs précaires le fermier, le locataire, le titulaire d'un bail à complant, le créancier antichrésiste. C'est que ces détenteurs détiennent pour une autre personne, et leur possession implique nécessairement la reconnaissance du droit d'autrui. Ils ont contracté vis-à-vis le propriétaire une obligation de restitution à échéance plus ou moins éloignée. Ces personnes ont bien quelque objet en mains, mais en vertu d'un droit autre qu'un droit de propriété. Il en résultera par exemple que la loi leur refuse les actions possessoires. (Planiol & Ripert, Droit Civil, Les Biens, Vol. 3, page 203) (Ripert, Traité de Droit Civil, Vol. 1, page 952).

Il y aurait également de nombreuses considérations à examiner afin de déterminer si la précarité de la possession est entachée de nullité absolue, ou si elle n'est que relative; c'est-à-dire qu'elle ne serait inutile que vis-à-vis le propriétaire, mais le possesseur pourrait tirer profit de sa possession vis-à-vis les tiers. En ce dernier cas, le possesseur aurait droit aux fruits civils de l'objet détenu.

Mais il ne semble pas nécessaire de solutionner cette question, car que la possession de l'appelant soit précaire ou non, je crois que son appel doit être maintenu.

La doctrine et la jurisprudence en France ont apporté des adoucissements à la rigidité de la règle posée par certains auteurs qui veulent que la précarité de la possession

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soit absolue vis-à-vis de tous. Elles considèrent qu'il existe des détenteurs dont la précarité n'a qu'un caractère relatif, comme la possession de ceux qui exercent un droit sur un bien du domaine public en vertu d'une concession révocable, et dont la possession n'est que le résultat d'actes de pure faculté ou de simple tolérance aux termes de l'article 2232 du Code Napoléon qui correspond à l'article 2196 de notre Code Civil. Cette précarité n'existe que vis-à-vis de l'autorité concédante ou du propriétaire qui laisse s'accomplir des actes de simple tolérance, mais ces possesseurs ont à l'égard de toutes autres personnes une possession véritable sur le fondement de laquelle ils peuvent, par exemple, intenter l'action en complainte. Ainsi, la Cour de Cassation a décidé (Dalloz, Jurisprudence Générale, 1889, page 67) que la précarité dont la possession d'un particulier est entachée vis-à-vis de l'État, ne s'oppose pas à ce que ce particulier puisse posséder animo domini à l'égard de toutes autres personnes. La même Cour en est également venue à la conclusion (Sirey, Recueil des lois et arrêts, 1855, page 507) que,

Celui qui possède à titre précaire une chose non prescriptible, comme faisant partie du domaine public, et qui par conséquent ne peut avoir une action possessoire contre l'État qui troublerait cette possession, n'en a pas moins une action possessoire contre les tiers par lesquels il est troublé dans la possession que l'État tolère ou ne conteste pas.

Planiol & Ripert (Droit Civil, Les Biens, Vol. 3, page 203) s'expriment ainsi:

Mais à côté de ces détenteurs dont la précarité est absolue, il en est d'autres dont la précarité n'a, aux yeux de la jurisprudence, qu'un caractère relatif. Elle considère comme tels: ceux qui exercent un droit sur un bien du domaine public en vertu d'une concession révocable, et ceux dont la possession n'est que le résultat d'actes de pure faculté ou de simple tolérance aux termes de l'article 2232 C.C. Elle décide que leur précarité n'existant qu'au regard de l'autorité concédante ou du propriétaire qui laisse s'accomplir les actes de simple tolérance, ils ont vis-à-vis de toutes autres personnes une possession véritable sur le fondement de laquelle ils peuvent intenter la complainte.

Fuzier-Herman (Code Civil Annoté, 1949, Vol. 7, Art. 2232, para. 7) enseigne que,

La précarité de ces détenteurs n'existant qu'au regard du propriétaire qui laisse s'accomplir les actes de simple tolérance, ils ont, vis-à-vis de toutes autres personnes, une possession véritable sur le fondement de laquelle ils peuvent exercer l'action en complainte.

Cette jurisprudence a toujours été suivie en France. (Planiol & Ripert, Les Biens, Vol. 3, page 204) (Dalloz, Jurisprudence Générale, 1889, page 67).

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La raison de cette distinction me paraît évidente. On considère comme détenteurs précaires le fermier, le locataire, le créancier antichrésiste, etc., parce que ces personnes détiennent toujours pour une autre personne et doivent en vertu de leur titre nécessairement reconnaître le droit d'autrui. Ils ne possèdent pas animo domini. Ils ont bien le corpus mais ils n'ont pas l'animus. Leur titre même qui limite leurs droits les en empêche. Dans le cas où l'autorité concédante ou le propriétaire permet par tolérance la détention de son bien, il est clair que vis-à-vis de lui le possesseur n'a qu'un titre précaire, mais comme dans le cas que nous venons de voir, il ne possède pas pour autrui. Il possède véritablement pour lui-même, c'est-à-dire animo domini. Il a véritablement l'intention d'agir en maître, comme si la chose lui appartenait, tanquam rem suam, cum animo sibi habendi. Sa détention est accompagnée de la pensée ou de l'intention d'être propriétaire. C'est sûrement dans ce dessein qu'il a occupé ce terrain. (Beaudant, Droit Civil Français, 2e éd. Des Biens, Vol. 4, page 724.) Admettre la théorie contraire, ce serait conclure que le possesseur à titre précaire, qui possède pour son propre compte et non pour autrui, ne saurait exercer l'action en complainte contre l'auteur d'un trouble. Évidemment, le possesseur ne peut pas exercer d'action en complainte contre l'État ni le propriétaire qui le tolère, mais sa précarité n'est pas absolue et il peut, s'il est troublé dans sa possession, exercer contre les tiers les recours que la loi lui confère. (Dalloz, Jurisprudence Générale, 1889, page 67.)

Proudhon (Traité du domaine public, 2e éd. Vol. 3, page 325) après avoir exposé la loi française relativement à la précarité de la possession du lit de certaines rivières par les propriétaires riverains, explique que cette précarité n'existe que vis-à-vis l'État, mais non vis-à-vis les autres propriétaires. Il dit ce qui suit:

981. Mais, en considérant lea propriétaires riverains comparativement les uns aux autres, et dans la discussion de leurs intérêts particuliers relatifs au droit d'irrigation que la loi leur accorde également, il n'y a plus aucune cause de précaire à opposer à l'un par l'autre; et ici revient l'application de la règle qui veut que le possesseur, même précaire, jouisse des actions du maître à l'égard de toutes personnes autres que celle dont il tient sa possession. La raison en est que personne ne doit être admis à se prévaloir des droits d'un tiers.

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Le même auteur soumet d'intéressantes considérations sur la distinction qui doit être faite entre le domaine public et le domaine de l'État. Le domaine public ou d'administration ne comprendrait que les choses qui sont par les lois, asservies à l'usage de tous, et dont la propriété n'est à personne. Il embrasserait tous les fonds qui, sans appartenir propriétairement à personne, sont civilement consacrés au service de la société. Ces fonds sont asservis à l'usage du public, et c'est à la puissance publique qu'il incombe de protéger la jouissance que la société entière a le droit d'exercer sur eux. Ce n'est qu'un pouvoir d'administration dans l'intérêt de tous les membres de la société même individuellement pris, que l'État exerce sur le domaine public.

Au contraire, le domaine d'État ne s'appliquerait qu'aux choses qui sont communément productives d'un revenu, comme sont les forêts nationales, et autres biens dont le gouvernement perçoit les produits dans l'intérêt de la Couronne et du Trésor, et dont il jouit propriétairement comme un simple particulier jouit de ce qui lui appartient à l'exclusion de tous autres. Le domaine de l'État serait donc un véritable domaine de propriété appartenant au corps politique, et dont ce corps seul doit recueillir tous les émoluments, sans que les fonds qui le composent soient soumis à l'usage de tous les particuliers, comme quand il s'agit de fonds appartenant au domaine public. (Proudhon, Traité du domaine public, 2e éd. Vol. 1, pages 63, 238 et 244).

Cette distinction est évidemment inspirée par les dispositions de l'article 538 du Code Napoléon, auquel correspond presque textuellement l'article 400 de notre Code Civil. Cet article se lit ainsi:

Art. 400. Les chemins et routes à la charge de l'État, les fleuves et rivières navigables et flottables et leurs rives, les rivages, lais et relais de la mer, les ports, les havres et les rades et généralement toutes les portions de territoires qui ne tombent pas dans le domaine privé, sont considérés comme des dépendances du domaine public.

Il en est de même de tous lacs et des rivières et cours d'eau non navigables et flottables et de leurs rives bordant les terrains aliénés par l'État après le 9 février 1918.

On voit à la lecture de cet article que dans l'énumération des choses qui font partie du domaine public, le législateur n'a pas mentionné les forêts non concédées, et il semblerait que c'est parce qu'elles sont susceptibles d'être détenues

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propriétairement par l'État, contrairement aux routes qui sont civilement affectées au service public. S'il en est ainsi, comme je le crois, l'appelant pouvait sans doute par tolérance gouvernementale, obtenir à l'exclusion de tous autres, une possession utile de l'assiette sur laquelle il a construit sa route, et à laquelle l'État, propriétaire indiscutable, pouvait seul mettre un terme. Mignault (Vol. 2, page 456) et Langelier (Vol. 2, page 128) font cette même distinction entre le domaine public, et le domaine de l'État. Vide aussi Dalloz (Nouveau Répertoire, Vol. 2, verbis Domaine de l'État et Domaine Public).

En outre, dans le cas qui nous occupe, l'appelant, qui avait la possession de l'assiette du chemin, y a fait des améliorations substantielles pour un montant d'environ $40,000. Entre lui et le gouvernement provincial qui a toléré la possession de cette assiette de la route et nécessairement les constructions qui y ont été faites, il est intervenu un contrat sui generis en vertu duquel le propriétaire du sol a autorisé l'appelant à jouir des constructions. Il y a dans ce cas, comme dit Baudry-Lacantinerie (Biens, N° 372) création au profit du constructeur (une sorte de droit de superficie). Fuzier-Herman (Répertoire, verbo Superficie, N° 1) nous dit que le droit de superficie:

consiste à avoir la propriété des édifices ou plantations sur un terrain qui appartient à autrui.

C'est d'ailleurs ce principe qui a été sanctionné par cette Cour dans la cause de Tremblay v. Guay 5. Il est en plus certain que le superficiaire, comme d'ailleurs l'usufruitier, l'emphytéote, qui exercent en leur nom un droit réel, ont le bénéfice de l'action possessoire. (Planiol & Ripert, Les Biens, Vol. 3, page 203.)

Je conclus donc que si la possession de l'appelant de l'assiette du chemin est entachée de précarité vis-à-vis l'autorité concédante, elle ne l'est pas vis-à-vis les tiers. La position de l'appelant est renforcie par le fait qu'à la connaissance de l'État, il a acquis un droit de superficie qui lui donne la propriété de la surface de la route qu'il a construite et que les tiers ne peuvent contester. On ne peut douter qu'il ne serait propriétaire d'une maison qu'il aurait érigée sur un sol appartenant à la Couronne. On ne peut davantage lui nier son droit à la propriété de la route

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qu'il a construite, avec la tolérance du propriétaire sur le sol d'autrui. Il restera à l'appelant à déterminer avec les propriétaires de l'assiette du chemin leurs droits et obligations respectifs, soit en vertu des articles 412 et 417, du Code Civil, ou en vertu d'autres textes qu'il est inutile d'examiner pour le moment. Ce qui s'est passé entre l'appelant et la Couronne ne peut intéresser les intimés, car il s'agit de res inter alios acta. L'appelant a droit au bénéfice de sa possession et de son droit de superficie, dont les fruits civils, qui dans le cas actuel sont les loyers qu'il réclame. (C.C. 449.)

La valeur de l'usage de cette route pour le transport du bois fait par les défendeurs, est évaluée par l'appelant à $1,642.13. Ce montant correspond à $1 la corde pour 748 • 44 cordes de bois de pulpe, et 386,847 pieds de bois de sciage, ce qui représente un total de $1,542.13, auquel il faut ajouter $100 pour une autre quantité de bois transportée d'un endroit moins éloigné. Cette valeur en 1948 a été admise, reconnue et payée par les intimés, et il n'y a pas lieu, je crois, de conclure qu'elle soit exagérée, car rien ne démontre que les conditions aient changé en 1949, et que la jouissance de cette route ait une valeur diminuée. Comme l'honorable Juge en chef Galipeault, cependant, vu le doute qui existe dans la preuve, je suis d'avis de réduire le montant réclamé à $1,220.13, c'est-à-dire d'enlever $422, montant de travaux de réparations que les défendeurs auraient eux-mêmes exécutés.

A cause de la conclusion à laquelle je suis arrivé, il est inutile de discuter les autres moyens qui ont été invoqués.

L'appel doit être maintenu jusqu'à concurrence de $1,220.13 avec intérêt depuis le 19 août 1950, date du jugement de la Cour Supérieure. L'appelant aura droit à ses frais devant toutes les cours.

Appeal allowed with costs.

Solicitor for the Appellant: E. Gosselin.

Solicitors for the Respondents: Dorion, Dorion & Fortin.



1 Q.R. [1951] K.B. 545.

2 [1929] S.C.R. 29.

3 (1906) 37 Can. S.C.R. 657.

4 Q.R. [1951] K.B. 545.

5 [1929] S.C.R. 29.

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