Jugements de la Cour suprême

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625

Date : 20121108

Dossier : 33951

 

Entre :

Teva Canada Limitée

Appelante

et

Pfizer Canada inc., Pfizer Inc., Pfizer Ireland Pharmaceuticals,

Pfizer Research and Development Company N.V./S.A. et

Ministre de la Santé

Intimés

- et -

Association canadienne du médicament générique et

Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada

Intervenantes

 

 

 

Traduction française officielle

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Abella, Rothstein, Cromwell et Moldaver

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 91)

Le juge LeBel (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Deschamps, Abella, Rothstein, Cromwell et Moldaver)

 

 

 


 


Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc., 2012 CSC 60, [2012] 3 R.C.S. 625

Teva Canada Limitée                                                                                    Appelante

c.

Pfizer Canada Inc., Pfizer Inc., Pfizer Ireland Pharmaceuticals,

Pfizer Research and Development Company N.V./S.A. et

Ministre de la Santé                                                                                            Intimés

et

Association canadienne du médicament générique et

Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada                  Intervenantes

Répertorié : Teva Canada Ltée c. Pfizer Canada Inc.

2012 CSC 60

No du greffe : 33951.

2012 : 18 avril; 2012 : 8 novembre*.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Deschamps, Abella, Rothstein, Cromwell et Moldaver.

en appel de la cour d’appel fédérale

                    Propriété intellectuelle Brevets Exigences de divulgation Brevet délivré pour l’utilisation d’un composé dans le traitement de la dysfonction érectileDemande de brevet renfermant des revendications en cascade dont les deux dernières visaient deux composés individuels Omission de préciser l’ingrédient actif dans les revendications La demande de brevet satisfaisait‑elle aux exigences de divulgation prévues par la Loi sur les brevets ?Le brevet était‑il fondé sur une prédiction valable?Loi sur les brevets, L.R.C. 1985, ch. P‑4, art. 27(3) .

                    P est titulaire du brevet 2 163 446 concédé relativement à l’utilisation d’un « composé de la formule (I) » ou d’un « sel de ce composé » comme médicament pour le traitement de la dysfonction érectile (« DÉ »).  Le mémoire descriptif du brevet se termine par sept revendications en cascade faisant successivement état de nombres plus restreints de composés, les revendications 6 et 7 renvoyant chacune à un seul composé.  Lors du dépôt de la demande de brevet, seule l’efficacité du composé visé par la revendication 7 et élément actif du Viagra — le sildénafil — avait été démontrée dans le traitement de la DÉ. Bien qu’il soit déclaré dans le brevet qu’« un des composés particulièrement privilégiés cause une érection pénienne chez des hommes impuissants », la demande de brevet ne précise pas que le composé qui fonctionne est le sildénafil, qu’il fait l’objet de la revendication 7 ou que les autres composés ne se sont pas révélés efficaces pour contrer la DÉ.

                    T a demandé un avis de conformité en vue de la fabrication d’un générique du Viagra.  La Cour fédérale a interdit au Ministre de délivrer l’avis de conformité, et la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel formé contre cette décision.  

                    Arrêt : Le pourvoi est accueilli.  

                    La demande de brevet ne satisfaisait pas aux exigences de divulgation prévues par la Loi sur les brevets , L.R.C. 1985, ch. P‑4  (« Loi  »).  Le régime des brevets a pour assise un « marché » : l’inventeur obtient, pour une période déterminée, un monopole sur une invention nouvelle et utile en contrepartie de la divulgation de l’invention de façon à en faire bénéficier la société.  La notion de divulgation suffisante constitue le pivot du régime des brevets, de sorte que la divulgation adéquate de l’invention dans le mémoire descriptif est une condition préalable à la délivrance du brevet.

                    Bien que l’art. 58  de la Loi  autorise le tribunal à considérer la revendication valide séparément de celle qui ne l’est pas et que la revendication valide le demeure malgré l’invalidation d’une ou de plusieurs autres revendications, l’art. 58 n’entre en jeu qu’après l’analyse portant sur la validité.  Il ne permet pas l’examen de la validité d’une revendication en particulier sans égard aux autres éléments du mémoire descriptif, même lorsqu’il s’agit de la seule revendication valide.  Les tribunaux inférieurs opinent qu’à chacune des revendications du brevet correspond une invention distincte.  Ils appliquent donc les exigences de divulgation à chacune des revendications individuelles, et non au mémoire descriptif dans son ensemble.  C’est confondre le principe voulant que la revendication définisse la portée du monopole recherché et celui selon lequel la teneur du mémoire descriptif permet de déterminer si les exigences de divulgation sont remplies.  La Loi  commande l’examen du mémoire descriptif dans son ensemble, lequel est constitué des revendications et de la divulgation, du point de vue de la personne versée dans l’art, pour déterminer si le brevet satisfait aux exigences de divulgation.  Ce n’est que lorsqu’il appert du mémoire descriptif considéré globalement que chacune des revendications de la demande de brevet vise une invention distincte que l’on peut se prononcer sur le respect des exigences de divulgation à l’égard d’une seule revendication.

                    En l’espèce, le public ne pouvait, à partir de sa divulgation dans le mémoire descriptif, « utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande », car il n’y est pas indiqué que le sildénafil constitue le composé efficace.  Au vu de l’ensemble du mémoire descriptif, l’utilisation du sildénafil et des autres composés pour traiter la DÉ forme une seule idée originale.  Même si le lecteur versé dans l’art sait que, dans un brevet renfermant des revendications en cascade, c’est habituellement le composé individuel revendiqué en dernier qui constitue le composé utile, en l’espèce, le mémoire descriptif prend fin par la revendication de deux composés individuels.  Rien ne permettait à une personne versée dans l’art de savoir à laquelle des revendications 6 et 7 correspondait le composé utile, et des essais supplémentaires s’imposaient pour déterminer lequel des deux composés était de fait efficace dans le traitement de la DÉ.

                    L’article 27 ne prévoit pas de réparation en cas de divulgation insuffisante, mais le caractère synallagmatique du marché qui intervient sous le régime de la Loi  fait en sorte que l’omission de divulguer convenablement l’invention et son fonctionnement emporte logiquement l’invalidité réputée du brevet.  Faute de l’une des deux contreparties (quid) — la divulgation suffisante —, l’autre (quo) — le monopole — ne saurait exister.  Même si l’art. 53 n’a pas été invoqué et que la preuve qui y est exigée n’a pas été offerte, la divulgation n’est pas pour autant conforme au par. 27(3).  Ces dispositions peuvent s’appliquer indépendamment l’une de l’autre.

                    Il ne fait aucun doute que l’utilité du sildénafil avait été démontrée au moment du dépôt de la demande de brevet, ce qui soustrait l’invention à l’application de l’exigence de prédiction valable.  Quant aux 13 années écoulées entre le dépôt de la demande de brevet et la contestation, ce délai ne porte pas à conséquence puisque la bonne question à se poser est celle de savoir si la divulgation était suffisante à la date du dépôt. 

Jurisprudence

                    Arrêt critiqué en partie : Merck & Co. c. Apotex Inc., 2006 CF 524, 53 C.P.R. (4th) 1, conf. par 2006 CAF 323, [2007] 3 R.C.F. 588; distinction d’avec l’arrêt : Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 142, 63 C.P.R. (4th) 406, conf. par 2009 CAF 97, 78 C.P.R. (4th) 388; arrêts mentionnés : C. H. Boehringer Sohn c. Bell‑Craig Ltd., [1962] R.C. de l’É. 201, conf. par [1963] R.C.S. 410; Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108, [2009] 1 R.C.F. 253; Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504; Minerals Separation North American Corp. c. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C. de l’É. 306; Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153; Tubes, Ld. c. Perfecta Seamless Steel Tube Company, Ld. (1902), 20 R.P.C. 77; Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902; Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067; Pioneer Hi‑Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623; Hoechst Pharmaceuticals of Canada Ltd. c. Gilbert & Co., [1965] 1 R.C. de l’É. 710, conf. par [1966] R.C.S. 189.

Lois et règlements cités

Loi  d’actualisation du droit de la propriété intellectuelle, L.C. 1993, ch. 15, art. 29(1).

Loi sur les brevets , L.R.C. 1985, ch. P‑4, art. 2 , « invention », 27, 36, 53, 58.

Traités internationaux

Traité de coopération en matière de brevets, R.T. Can. 1990, no 22.

Doctrine et autres documents cités

Hughes, Roger T., and Dino P. Clarizio.  Hughes & Woodley on Patents, vol. 1, 2nd ed.  Markham, Ont. : LexisNexis, 2005 (loose‑leaf updated April 2012, release 30).

Perry, Stephen J., and T. Andrew Currier, with contributions by Damian Kraemer.  Canadian Patent Law.  Markham, Ont. : LexisNexis, 2012.

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (le juge en chef Blais et les juges Nadon et Trudel), 2010 CAF 242, [2012] 2 R.C.F. 69, 408 N.R. 166, 88 C.P.R. (4th) 405, [2010] A.C.F. no 1200 (QL), 2010 CarswellNat 5725, qui a confirmé une décision du juge Kelen, 2009 CF 638, 76 C.P.R. (4th) 83, 352 F.T.R. 35, [2009] A.C.F. no 688 (QL), 2009 CarswellNat 5279. Pourvoi accueilli.

                    David W. Aitken, Marcus Klee et Ildiko Mehes, pour l’appelante.

                    Andrew Shaughnessy, Andrew Bernstein et Yael Bienenstock, pour les intimées Pfizer Canada Inc., Pfizer Inc., Pfizer Ireland Pharmaceuticals et Pfizer Research and Development Company N.V./S.A.

                    Jonathan Stainsby et Andrew Skodyn, pour l’intervenante l’Association canadienne du médicament générique.

                    Patrick S. Smith et Jane E. Clark, pour l’intervenante Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada.

                    Personne n’a comparu pour l’intimé le ministre de la Santé.

                    Version française du jugement de la Cour rendu par

 

                     Le juge LeBel —

I.    Introduction

[1]                              Le présent pourvoi fait suite à la contestation de la validité du brevet que détiennent les intimées Pfizer (« Pfizer ») sur le Viagra, un médicament actuellement offert sur le marché pour le traitement de la dysfonction érectile (la « DÉ »).  Le 24 août 2007, Pfizer a présenté une demande à la Cour fédérale en application du par. 55.2(4)  de la Loi sur les brevets , L.R.C. 1985, ch. P-4 , et du par. 6(1) du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133 (« Règlement »), pour que soit prononcée une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Teva pour sa version générique du Viagra.  Selon l’appelante, Teva Canada Limited (« Teva »), la demande que Pfizer a présentée pour la délivrance du brevet ne satisfaisait pas aux exigences de divulgation de la Loi sur les brevets  (la « Loi  »).  Pfizer soutient pour sa part avoir respecté toutes les exigences de la Loi  en cette matière.

[2]                              La principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir si Pfizer a omis ou non de divulguer l’invention comme elle l’aurait dû pour obtenir le brevet du Viagra.  Pour les motifs exposés ci‑après, je conclus que la demande de brevet de Pfizer ne satisfaisait pas aux exigences de divulgation prévues au par. 27(3)  de la Loi .  Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi.

II.  Les faits

[3]                              En 1994, Pfizer a demandé la délivrance d’un brevet pour une foule de composés dont elle revendiquait l’efficacité dans le traitement par voie orale de la DÉ.  Le 7 juillet 1998, elle a obtenu le brevet 2 163 446 (« brevet 446 »), qui expire en 2014.

[4]                              Suivant le mémoire descriptif du brevet 446, l’invention vise l’utilisation d’un [traduction] « composé de la formule (I) » ou d’un « sel de ce composé » comme médicament pour le traitement de la DÉ.  Un certain nombre de revendications figurent à la fin du mémoire descriptif : la revendication 1 énonce la formule (I), qui peut produire 260 trillions de composés; les revendications 2 à 5 font successivement état de nombres plus restreints de composés dérivés de la formule I, la cinquième n’en comprenant que neuf; les revendications 6 et 7 renvoient chacune à un seul composé.  Le composé visé par la revendication 7 correspond au sildénafil, l’élément actif du Viagra.

[5]                              Au moment du dépôt de sa demande de brevet, Pfizer avait effectué des essais cliniques démontrant l’efficacité du sildénafil dans le traitement de la DÉ.  Pareille efficacité n’avait été démontrée pour aucun autre composé du brevet 446.  Malgré la déclaration du brevet selon laquelle [traduction] « un des composés particulièrement privilégiés cause une érection pénienne chez des hommes impuissants », ni la divulgation — la partie descriptive de la demande de brevet — ni les revendications ne précisent que le sildénafil constitue le composé efficace (d.a., vol. X, p. 173).  La demande de brevet ne mentionne pas que le composé qui fonctionne est celui visé par la revendication 7 ou que les autres composés ne se sont pas révélés efficaces pour contrer la DÉ.

[6]                              Novopharm Limited (devenue Teva Pharmaceutical Industries) a demandé un avis de conformité afin de produire une version générique du Viagra.  Elle a invoqué l’invalidité du brevet de Pfizer en raison du caractère évident, de l’absence d’utilité et de la divulgation insuffisante de l’invention.  Un juge de la Cour fédérale a rejeté l’allégation d’évidence, puis conclu que le brevet était utile et qu’il y avait eu une divulgation suffisante de l’invention.  En conséquence, il a interdit au ministre de délivrer l’avis de conformité demandé (2009 CF 638, 76 C.P.R. (4th) 83).  Devant la Cour d’appel fédérale, Teva a abandonné le moyen relatif au caractère évident de l’invention; elle a néanmoins été déboutée (2010 CAF 242, [2012] 2 R.C.F. 69).  Elle se pourvoit aujourd’hui devant nous.

III.  Historique judiciaire

A.    Cour fédérale (le juge Kelen)

[7]                              Le juge Kelen entreprend son analyse par l’examen de la jurisprudence relative à l’interprétation des brevets.  Il en conclut que lorsque les revendications sont multiples, le tribunal considère la revendication qui intéresse les questions en litige.  La conclusion de la Cour de l’Échiquier dans C. H. Boehringer Sohn c. Bell‑Craig Ltd., [1962] R.C. de l’É. 201, conf. par [1963] R.C.S. 410 (« Boehringer »), selon laquelle une substance faisant l’objet d’une revendication distincte constitue une invention séparée, lui paraît déterminante quant à l’issue de l’instance.  Parce que la revendication 7 du brevet 446 revendique et décrit expressément le sildénafil, il est d’avis qu’elle doit être examinée séparément.

[8]                              Le juge Kelen conclut que l’utilisation du sildénafil pour le traitement de la DÉ ne relève pas de l’évidence.  De plus, rejetant la thèse de Novopharm sur ce point, il statue que l’utilité du sildénafil a été dûment démontrée avant le dépôt au Canada.

[9]                              Ensuite, au sujet de la prétention de Novopharm selon laquelle la divulgation vise des composés inopérants, il opine que, suivant l’art. 58  de la Loi , l’invalidité d’une revendication est sans effet sur une revendication valide.  En conséquence, l’invalidité des revendications 1 à 6 — qui renvoient à des composés inopérants — n’emporte pas celle de la revendication 7, ni ne modifie la conclusion du juge concernant l’utilité du sildénafil dans le traitement de la DÉ.

[10]                          La dernière question — la plus importante en l’espèce — touche le caractère suffisant de la divulgation de l’invention dans le brevet 446 et le respect des exigences du par. 27(3)  de la Loi .  Le juge Kelen se range à l’avis que la divulgation suffisante de l’invention constitue le pivot de tout le régime des brevets.  À ce propos, au par. 105, il cite un passage des motifs du juge Nadon dans Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CAF 108, [2009] 1 R.C.F. 253, selon lequel celui qui demande un brevet doit « divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention[, et] l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie ».  Il signale toutefois que le juge Nadon, se reportant à l’arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 (« Consolboard »), statue par ailleurs qu’il suffit que le brevet réponde à deux questions pour que la divulgation satisfasse aux exigences du par. 27(3) : « En quoi consiste votre invention? » et « Comment fonctionne‑t‑elle? »  Le juge Kelen relève en outre les propos suivants du juge Nadon (par. 59) : « [s]i le mémoire descriptif du brevet (divulgation et revendications) répond à ces questions, l’inventeur a respecté son engagement » (par. 103).

[11]                          Le juge de première instance voit dans le Viagra une invention méritoire et il conclut, sur le fondement de Hughes & Woodley on Patents (2e éd. (feuilles mobiles), vol. 1, p. 333 (maintenant à la p. 347)), que « bien qu’une allégation d’insuffisance ne doive pas normalement servir à repousser un brevet pour une invention méritoire, une telle attaque sera couronnée de succès lorsqu’une personne versée dans l’art ne pourrait mettre en pratique l’invention » (par. 106).  Il poursuit en faisant observer que le libellé du brevet « ne doit pas être obscur, embrouillé ou déroutant pour le lecteur averti » et qu’il « doit être dénu[é] de toute obscurité ou ambiguïté évitable et être aussi simple et aussi distincti[f] que le permet la difficulté de la description » (par. 107; voir aussi Minerals Separation North America Corp. c. Noranda Mines, Ltd., [1947] R.C. de l’É. 306, p. 102).  Il ajoute :

                    Elle [la description] ne doit pas comporter de déclarations erronées ou fallacieuses destinées à tromper ou induire en erreur les personnes auxquelles elle est destinée, et ne pas rendre difficile à ces personnes, sans essai et expérimentation, la compréhension du mode d’application de l’invention. La description doit aussi fournir tous les renseignements nécessaires pour le bon fonctionnement ou la bonne utilisation de l’invention, sans que ce résultat soit laissé au hasard d’une expérience réussie. L’inventeur doit fournir tous les renseignements de bonne foi.  [par. 107]

[12]                          Pour le juge Kelen, le mémoire descriptif doit être interprété du point de vue de la personne versée dans l’art afin de déterminer s’il permet à une telle personne de comprendre l’invention et de la reproduire au moment où le brevet est rendu public.  Chacune des revendications doit être examinée séparément par rapport à la divulgation.

[13]                          Au vu des faits de l’espèce, le juge Kelen conclut que le brevet 446 omet de dévoiler que le composé visé par la revendication 7 — le sildénafil — est le seul composé revendiqué qui, selon les études cliniques de Pfizer, induit une érection pénienne chez un homme impuissant et que le sildénafil est le seul composé actif de l’invention commercialisée sous la marque Viagra.  Les six autres revendications représentent à son avis de « fausses pistes » en ce qu’elles visent des composés qui se sont révélés inefficaces pour traiter la DÉ (par. 118).  Le juge relève toutefois que la revendication 7 du brevet 446 vise bel et bien l’utilisation du sildénafil.

[14]                          Selon le juge Kelen, il appert du témoignage des experts de Novopharm comme de ceux de Pfizer que la personne qui prend connaissance de la divulgation ne peut savoir que le sildénafil correspond au composé mis à l’essai, pas plus qu’elle n’apprend comment les composés « particulièrement privilégiés » ont été sélectionnés ou lequel des composés extrêmement nombreux visés par la revendication 1 est le bon.  Il signale d’ailleurs que l’un des experts s’inquiète du fait que la « “dissimulation de l’identité du composé testé est tout à fait stupéfiante”, [qu’elle] empêche la réalisation d’un examen efficace par les pairs et [qu’elle] n’est pas bien considérée dans la communauté scientifique » (par. 126).

[15]                          Pour interpréter le mémoire descriptif, le juge Kelen renvoie à l’allégation de Novopharm selon laquelle le brevet 446 n’expose pas suffisamment l’invention, car le lecteur versé dans l’art ne pourrait déterminer dans lequel des composés réside l’invention.  Cependant, il ajoute que chacune des revendications confère un monopole distinct et doit être considérée séparément par rapport à la divulgation.  Il reconnaît ignorer l’existence de toute décision judiciaire sur le caractère suffisant d’une divulgation lorsqu’un brevet comporte de multiples revendications sans préciser laquelle correspond en fait à l’invention dont est issu le produit commercial en cause.

[16]                          Le juge Kelen tient cependant pour une considération pertinente le moment auquel le brevet 446 a été contesté.  Il fait l’observation suivante au par. 133 :

                        On ne devrait pas nier l’importance et la valeur du présent brevet en accueillant une telle [contestation] treize ans après que le brevet a été rendu public [. . .] parce qu’il n’a pas été exprimé assez clairement pour l’hypothétique lecteur versé dans l’art que le sildénafil est le composé actif qui permet de réaliser l’invention.  La crédibilité de cette allégation est affaiblie en raison du fait qu’elle n’a été soulevée qu’en 2007, soit treize ans après que le brevet a été rendu public . . .

[17]                          Dans une remarque incidente, il exprime cependant des réserves à l’égard de la jurisprudence existante, suivant laquelle la description d’un brevet peut revêtir la forme d’une cascade de revendications de groupes de composés. Ce mode de rédaction oblige le lecteur versé dans l’art à effectuer un minimum de recherche pour déterminer à quelle revendication correspond la véritable invention.  Selon lui, recourir à ce type de divulgation c’est « jouer au plus fin » avec le lecteur :

                    Pourquoi n’a‑t‑on pas simplement indiqué que le composé dans la revendication 7 était le sildénafil?  Le brevet joue « à la cachette » avec le lecteur.  On s’attend à ce que le lecteur trouve « l’aiguille dans la botte de foin » ou « l’arbre dans la forêt ».  Il faut se rappeler que la revendication 1 concerne une gamme de composés au nombre de 260 trillions.  [par. 135]

[18]                          Malgré ces réserves, le juge Kelen trouve heureux que le brevet précise au moins qu’« un des composés particulièrement privilégiés provoque une érection pénienne chez des hommes impuissants », puis décrive neuf de ces composés « particulièrement privilégiés », dont seulement deux sont revendiqués individuellement — ceux visés aux revendications 6 et 7.  Il est également conforté dans son opinion par le témoignage de l’un des experts, d’après qui un lecteur versé dans l’art saurait que le composé fonctionnel est l’un des deux et ne soumettrait à des essais que ces deux composés.

[19]                          En conclusion, le juge Kelen statue que Pfizer a établi la validité du brevet 446, puisqu’elle a démontré, suivant la prépondérance des probabilités, que les allégations d’invalidité pour cause d’évidence, d’absence d’utilité et de divulgation insuffisante ne sont pas fondées.  Il interdit au ministre de la Santé de délivrer à Novopharm un avis de conformité avant l’expiration du brevet.  Cependant, il « invite la juridiction d’appel [à le] corriger » s’il interprète mal ou suit à tort la jurisprudence en concluant que la revendication 7 confère un monopole distinct (par. 148).

B.    Cour d’appel fédérale (le juge en chef Blais, et les juges Nadon et Trudel)

[20]                          Se prononçant au nom de la Cour d’appel fédérale, le juge Nadon entreprend son analyse en se penchant sur la question de l’invention en cause.  Il estime que le juge Kelen n’a pas tort de conclure que l’invention se trouve à la revendication 7 et que les exigences de divulgation s’appliquent à celle‑ci.

[21]                          Il se reporte ensuite à la décision Boehringer, appliquée à contrecœur dans Merck & Co. c. Apotex Inc., 2006 CF 524, 53 C.P.R. (4th) 1, conf. par 2006 CAF 323, [2007] 3 R.C.F. 588 (« Apotex ACE »).  Prenant appui sur Apotex ACE, il confirme la conclusion du juge des requêtes selon laquelle on considère à juste titre que la revendication 7 ne vise qu’un composé — le sildénafil — parmi les composés obtenus grâce à la formule (I) servant au traitement de la DÉ.  L’utilité et la divulgation doivent s’apprécier sur ce fondement.

[22]                          Le juge Nadon passe ensuite aux autres questions visées par l’appel.  Novopharm soutenait que le mémoire descriptif ne divulgue pas suffisamment l’invention : 260 trillions de composés sont revendiqués et, même si le mémoire attire l’attention sur deux d’entre eux, des essais sont nécessaires pour savoir lequel des deux correspond à l’invention.  Le juge statue qu’une description claire n’équivaut pas nécessairement à une divulgation suffisante mais que, en l’espèce, les deux caractéristiques sont présentes : la revendication 7 décrit l’invention et, comme elle expose clairement la formule du sildénafil, elle satisfait aux deux exigences.  Le juge n’est pas tenu de conclure que le brevet 446 lui‑même est clair; il lui suffit de conclure qu’il expose clairement l’invention divulguée par la revendication 7.  Le juge Nadon décide alors que le juge Kelen n’a pas tort de conclure que tel est le cas.

[23]                          La juge Nadon se demande également si, à la revendication 7, la divulgation de l’invention est suffisante.  Il estime que le juge a eu raison de répondre par l’affirmative.  Il rappelle que l’invention s’entend de la revendication 7 et du composé qui y est exposé, et non du brevet dans son ensemble.  Il convient avec le juge Kelen que, même si le brevet 446 est considéré comme un tout, on peut conclure que le lecteur versé dans l’art est capable de ne retenir que les deux « composés particulièrement privilégiés » exposés séparément aux revendications 6 et 7 parmi tous les composés énumérés, et de les soumettre ensuite à des essais pour déterminer lequel des deux fonctionne.  La revendication 7 divulgue le composé efficace et le décrit suffisamment et clairement.  Selon le juge Nadon, le juge de première instance tient compte de la preuve d’expert sur ce point et parvient à une conclusion que cette preuve lui permet de tirer. 

[24]                          Pour ce qui est des observations du juge Kelen sur le temps écoulé avant la contestation du brevet, le juge Nadon relève que la question importante est celle du caractère suffisant ou non de la divulgation à la date du dépôt et que « tout ce qui a pu se produire par la suite ne tire pas à conséquence » (par. 79).  Le juge Kelen formulant ces remarques après avoir conclu au caractère suffisant de la divulgation, le juge Nadon estime que, même si elles sont « malavisées », elles ne constituent pas une erreur susceptible de révision (par. 79).

[25]                          Au sujet de la deuxième prétention de Teva — Pfizer avait l’obligation de démontrer l’utilité dans la divulgation —, le juge Nadon convient qu’il n’est pas nécessaire de démontrer l’utilité du brevet dans l’exposé de l’invention dès lors que le juge des faits peut, lors d’une contestation, constater que cette utilité a été démontrée.  Il suffit que l’inventeur décrive l’invention de façon qu’elle puisse être reproduite, mais qu’il n’est pas tenu d’en décrire les effets, les avantages ou l’utilité.  Il signale que suivant l’arrêt le plus récent de notre Cour sur le sujet, point n’est besoin de prouver l’utilité dans la divulgation : Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd., 2002 CSC 77, [2002] 4 R.C.S. 153 (« AZT »).

[26]                          Enfin, le juge Nadon examine la question de savoir si l’étude 350 de Pfizer divulgue effectivement l’utilité du Sildénafil.  Il relève la conclusion du juge Kelen selon laquelle l’étude révèle une « amélioration importante » dans le traitement de la DÉ, ajoutant que le juge énonce correctement le critère de l’utilité : l’invention permet‑elle de réaliser ce qu’elle promet?  Le juge Nadon statue qu’il n’y a pas lieu d’exiger une preuve aussi stricte que celle requise aux fins d'une approbation réglementaire.  Il rejette donc l’appel.

IV.    Analyse

A.     Les questions en litige

[27]                          Le principal point en litige dans le pourvoi est la conformité du brevet 446 aux exigences de divulgation de la Loi .  Teva plaide en outre que la revendication 7 est invalide en ce qu’elle ne divulgue pas suffisamment une prédiction valable.  Elle avance que, compte tenu de l’information communiquée par le brevet, l’utilité du sildénafil est prédite, mais non démontrée, de sorte que la promesse sous‑jacente n’est pas remplie.

[28]                          Pour les motifs qui suivent, j’estime que le brevet 446 ne satisfait pas aux exigences de divulgation établies par la Loi .  La prédiction valable n’étant pas en cause dans la présente affaire, on ne saurait faire droit à la prétention de Teva s’y rapportant.  Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi pour cause de divulgation insuffisante.

B.    Les thèses des parties

[29]                          Teva prétend d’abord que le brevet est invalide pour cause de dissimulation ainsi que d’obscurité évitable.  Selon elle, la description énigmatique du sildénafil — « un des composés particulièrement privilégiés » — que renferme le brevet est indéniablement obscure. Elle ajoute en deuxième lieu que la revendication 7 est invalide en ce qu’elle divulgue de manière insuffisante une prédiction valable, de sorte que, au vu de l’information que fournit le brevet 446, l’utilité promise du sildénafil n’est pas démontrée, mais prédite.  Troisièmement, elle fait valoir que le brevet 446, parce qu’il ne précise pas que le sildénafil est le composé dont l’étude 350 a démontré l’utilité dans le traitement de la DÉ, ne décrit pas l’invention d’une façon exacte et complète ainsi que l’exige le par. 27(3)  de la Loi .  Quatrièmement, Teva avance que la cour d’appel considère à tort que l’on peut déterminer si une divulgation est suffisante ou non à partir des seules questions formulées dans Consolboard : « En quoi consiste votre invention?  Comment fonctionne‑t‑elle? ».  Enfin, elle soutient que la Cour d’appel fédérale a eu tort de faire porter son analyse du caractère suffisant de la divulgation sur la seule revendication 7.

[30]                          Pfizer rétorque d’abord que le brevet 446 ne comporte pas d’obscurité évitable dans la mesure où les tribunaux n’invalident un brevet pour ce motif que lorsque la revendication est trop ambiguë pour qu’une personne versée dans l’art comprenne quelle est l’invention ou que la description ne lui permet pas de reproduire l’invention, à l’égard de la totalité de la revendication en cause, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.  Deuxièmement, elle soutient que la notion de prédiction valable ne s’applique pas puisqu’il n’était pas nécessaire de prédire l’utilité du sildénafil, qui était déjà démontrée.  Troisièmement, elle fait valoir que la divulgation est suffisante, car elle satisfait aux exigences du par. 27(3).  Elle ajoute que l’objet de la divulgation étant l’invention et l’invention correspondant en l’occurrence au sildénafil, le caractère suffisant de la divulgation doit s’apprécier uniquement en fonction de l’invention ainsi revendiquée.  Selon elle, même si une personne versée dans l’art examine le brevet 446 dans son ensemble, elle saisit que l’invention consiste dans une catégorie de composés destinés au traitement de la DÉ, dont neuf (y compris le sildénafil) sont particulièrement privilégiés et deux (notamment le sildénafil) font l’objet de revendications individuelles.  Par conséquent, nulle [traduction] « feuille n’est dissimulée dans la forêt », car la personne versée dans l’art peut ne retenir que les deux « composés particulièrement privilégiés » que décrivent séparément les revendications 6 et 7 parmi tous ceux qu’énumère le mémoire descriptif.

C.     Le marché inhérent à l’octroi d’un brevet

[31]                          On saisit mieux les questions que soulève le pourvoi lorsqu’on se reporte aux principes fondamentaux du régime des brevets.  Comme le signalent les juridictions inférieures, la notion de divulgation suffisante constitue le pivot de ce régime.  Considérée sous cet angle, la présente affaire devient plus simple et est plus facile à trancher.

[32]                          Le régime des brevets a pour assise un « marché » de nature synallagmatique (quid pro quo) où l’inventeur obtient, pour une période déterminée, un monopole sur une invention nouvelle et utile en contrepartie de la divulgation de l’invention de façon à en faire bénéficier la société.  Tel est le principe fondamental qui sous‑tend la Loi .  Ce marché favorise l’innovation et promeut l’essor scientifique et technique.  Dans AZT, le juge Binnie précise ainsi la nature de ce marché au par. 37 :

                             Comme on l’a dit à maintes reprises, le brevet n’est pas une distinction ou une récompense civique accordée pour l’ingéniosité.  C’est un moyen d’encourager les gens à rendre publiques les solutions ingénieuses apportées à des problèmes concrets, en promettant de leur accorder un monopole limité d’une durée limitée.  La divulgation est le prix à payer pour obtenir le précieux droit de propriété exclusif qui est une pure création de la Loi sur les brevets .

[33]                          Dans l’arrêt Tubes, Ld. c. Perfecta Seamless Steel Tube Company., Ld. (1902), 20 R.P.C. 77, p. 95‑96, lord Halsbury décrit comme suit la fonction du mémoire descriptif dans le cadre de ce marché :

                    [traduction] . . . s’il faut considérer les principes de base et trouver quel est le sens d’un mémoire descriptif [. . .] pourquoi le mémoire descriptif est‑il nécessaire? C’est un marché entre l’État et l’inventeur : l’État dit: « Si vous me dites en quoi consiste votre invention et si vous consentez à divulguer cette invention dans la forme et de la manière qui permettront au public d’en profiter, vous aurez le monopole de cette invention pendant quatorze ans. » C’est là le marché. La portée que, d’après mon interprétation du droit sur les brevets, on a toujours attachée à l’objet et au but du mémoire descriptif, est de permettre non pas à n’importe qui, mais à l’homme du métier raisonnablement bien renseigné œuvrant dans son domaine de fabriquer la chose de façon à la rendre disponible au public à la fin de la période de monopole.  [Je souligne.]

Le juge Dickson (plus tard Juge en chef) cite ce passage en l’approuvant dans Consolboard, p. 523.

[34]                          Par conséquent, la divulgation suffisante de l’invention dans le mémoire descriptif est une condition préalable à la délivrance du brevet.  Comme le dit le juge Hughes dans Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2008 CF 142 (CanLII), par. 74 :

                           Par conséquent, afin d’obtenir le monopole accordé par le brevet, il faut assurer l’avancement de l’état de l’art et divulguer cet avancement. L’omission de le faire, qui aurait pour effet d’invalider le monopole, peut prendre diverses formes, par exemple, l’« invention » n’était pas nouvelle, ou la prétendue invention était « évidente » ou la divulgation était « insuffisante » ou encore « ce qui a été divulgué ne justifie pas le monopole demandé ».

[35]                          Il faut donc examiner les questions soulevées en l’espèce à la lumière de ce marché.  Le public obtient‑il ce qu’il devrait obtenir en contrepartie du monopole accordé?

D.     La prédiction valable

[36]                          Avant de passer à la principale question en litige, il convient d’apporter quelques précisions au sujet de l’allégation de Teva selon laquelle le brevet est invalide en ce qu’il omet de divulguer une prédiction valable de manière suffisante.  Je le répète, j’estime que la notion de prédiction valable ne s’applique pas en l’espèce et qu’il faut donc rejeter la prétention de Teva sur ce point.

[37]                          La validité du brevet est subordonnée à l’utilité de l’invention qu’il est censé protéger.  L’exigence d’utilité découle de la définition d’« invention » à l’art. 2  de la Loi  : l’invention présente le caractère « de la nouveauté et de l’utilité ».  La notion de prédiction valable n’entre en jeu que lorsque l’utilité de l’invention ne peut être démontrée au moyen d’essais ou d’expériences, mais qu’elle peut néanmoins être prédite : voir, p. ex., AZT.  L’incertitude inhérente à la prédiction — plutôt que la démonstration — de l’utilité de l’invention a parfois amené les tribunaux à conclure à l’existence d’une obligation de divulgation accrue lorsqu’une allégation d’utilité se fondait sur une prédiction valable : voir, p. ex., Eli Lilly Canada Inc. c. Apotex Inc., 2009 CAF 97, 78 C.P.R. (4th) 388, par. 14‑15.  Selon Teva, Pfizer ne s’est pas acquittée de cette obligation de divulgation accrue applicable en l’espèce.

[38]                          Comme le signalent les juridictions inférieures, pour satisfaire à la condition d’utilité prévue à l’art. 2, il suffit que l’invention exposée fasse ce qu’elle est censée faire selon le brevet, c’est‑à‑dire qu’elle tienne promesse : voir aussi S. J. Perry et T. A. Currier, Canadian Patent Law (2012), §7.11.  Le brevet 446 affirme que les composés revendiqués, dont le sildénafil, sont utiles dans le traitement de la DÉ.  Au moment du dépôt de la demande, le sildénafil pouvait servir au traitement de la DÉ.  C’est tout ce qui est exigé.  L’omission de Pfizer de révéler que le composé mis à l’essai est le sildénafil intéresse la divulgation de l’invention, et non celle de son utilité.

[39]                          L’exigence que l’invention soit utile au moment de la revendication ou du dépôt va dans le sens des remarques de notre Cour dans l’arrêt AZT, par. 56 :

                        Lorsque la nouvelle utilisation est l’élément essentiel de l’invention, l’utilité requise pour qu’il y ait brevetabilité (art. 2) doit, dès la date de priorité, être démontrée ou encore constituer une prédiction valable fondée sur l’information et l’expertise alors disponibles.  Si un brevet qu’on a tenté d’étayer par une prédiction valable est par la suite contesté, la contestation réussira si [. . .] la prédiction n’était pas valable à la date de la demande ou si, indépendamment du caractère valable de la prédiction, « [i]l y a preuve de l’inutilité d’une partie du domaine visé ».  [Italiques dans l’original; je souligne.]

[40]                          La Cour ne laisse aucunement entendre qu’il faut divulguer l’« utilité »; elle affirme seulement que « l’utilité requise pour qu’il y ait brevetabilité (art. 2) doit, dès la date de priorité, être démontrée ou encore constituer une prédiction valable  ».  La démonstration de l’utilité peut notamment se faire au moyen d’essais, mais il ne s’ensuit pas qu’il existe une exigence distincte de divulguer l’utilité.  En fait, le par. 27(3) n’énonce aucune obligation de divulguer l’utilité de l’invention : voir, p. ex., les motifs du juge Dickson dans Consolboard : « [d]e plus, je suis convaincu que le par. 36(1) [l’actuel par. 27(3)] n’impose pas au breveté l’obligation de prouver l’utilité de son invention » (p. 521).

[41]                          De toute manière, Pfizer a divulgué l’utilité du sildénafil en faisant mention d’essais.  Le sildénafil s’était révélé utile avant la date de priorité, de sorte que l’exigence établie dans AZT était remplie.  En outre, [traduction] « [l]’accueil de l’invention par le public peut attester son utilité.  Le fait que l’invention reçoive un accueil enthousiaste de la part du marché cible est généralement l’indice de son utilité » : Perry et Currier, §7.12.

[42]                          Il ne fait aucun doute que l’étude 350 avait démontré l’utilité du sildénafil au moment du dépôt de la demande de brevet, ce qui soustrait l’invention à l’application de l’exigence de prédiction valable.  Les revendications dont l’utilité n’est pas établie par une étude clinique sont de toute manière invalides — nul ne le conteste —, mais leur invalidité n’emporte pas celle des revendications utiles : voir l’art. 58  de la Loi .

[43]                          Puisque la prédiction valable n’est pas en cause, il n’y a pas lieu de se demander s’il y a obligation de divulgation accrue dans le cas d’une prédiction valable.  Je passe maintenant à la principale question en litige : le brevet 446 satisfait‑il aux exigences du par. 27(3)  de la Loi ?

E.    La divulgation exigée par la Loi 

        (1)        Les dispositions législatives applicables

[44]                          Un brevet ne peut être accordé que pour une « invention », définie comme suit à l’art. 2  de la Loi  :

                    [t]oute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

Il faut donc que l’objet du brevet présente « le caractère de la nouveauté et de l’utilité » pour qu’il y ait « invention ».

[45]                          Le brevet étant d’origine législative, le « marché » qui le sous‑tend est prévu par à la Loi .  Les paragraphes 27(1)  à 27(3)  de la Loi , plus particulièrement, reflètent la nature synallagmatique de ce marché.  Les exigences de divulgation applicables au mémoire descriptif figurent au par. 27(3) :

                        (3)     Le mémoire descriptif doit :

                        a)      décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

                        b)      exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

                        c)      s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

                        d)      s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

[46]                          Pour ce qui est des revendications, le par. 27(4) dispose :

                            (4)     Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

[47]                          Toutefois, suivant l’art. 58  de la Loi , dans le brevet, une revendication demeure valide même lorsqu’une autre revendication est invalide en raison de sa non‑conformité à l’art. 27 :

                            58.    Lorsque, dans une action ou procédure relative à un brevet qui renferme deux ou plusieurs revendications, une ou plusieurs de ces revendications sont tenues pour valides, mais qu’une autre ou d’autres sont tenues pour invalides ou nulles, il est donné effet au brevet tout comme s’il ne renfermait que la ou les revendications valides.

[48]                          Enfin, le par. 53(1) vaut d’être mentionné en l’espèce.  Il dispose que l’omission volontaire de divulguer suffisamment l’invention, et ce, « pour induire [autrui] en erreur », entraîne la nullité du brevet :

                            53. (1)     Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

         (2)      La jurisprudence

[49]                          Dans l’arrêt Consolboard, notre Cour examine les exigences légales de divulgation qui, au moment des faits considérés, figuraient à l’art. 36.  Malgré des différences de formulation entre cette disposition et l’actuel par. 27(3), l’obligation de divulgation demeure substantiellement la même.

[50]                          Le juge Dickson se penche sur le contenu du mémoire descriptif qui satisfait aux exigences de divulgation.  Il affirme clairement que la nature de l’invention doit y être exposée et qu’il faut examiner le mémoire en entier, revendications comprises, pour établir la nature de l’invention et déterminer si la divulgation est suffisante :

                    Essentiellement, ce qui doit figurer dans le mémoire descriptif (qui comprend à la fois la divulgation, c.‑à‑d., la partie descriptive de la demande de brevet, et les revendications) c’est une description de l’invention et de la façon de la produire ou de la construire, à laquelle s’ajoute une ou plusieurs revendications qui exposent les aspects nouveaux pour lesquels le demandeur demande un droit exclusif.  Le mémoire descriptif doit définir la portée exacte et précise de la propriété et du privilège exclusifs revendiqués.

                           Le paragraphe 36(1) cherche à répondre aux questions suivantes : « En quoi consiste votre invention?  Comment fonctionne‑t‑elle? » Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, comme l’exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited [[1947] R.C. de l’É. 306] :

                           [traduction] . . . une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande.  [à la p. 316]

                    Il faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement [. . .], sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public.  Ce n’est pas le moment d’être trop rusé ou formaliste en matière d’oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge en chef Duff, au nom de la Cour, dans l’arrêt Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c. Baldwin International Radio of Canada [[1934] R.C.S. 570], à la p. 574 : [traduction] « quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, peut se lire de façon à accorder à l’inventeur l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet ».  Sir George Jessel a dit à peu près la même chose il y a beaucoup plus longtemps dans l’arrêt Hinks & Son v. Safety Lighting Company [(1876), 4 Ch. D. 607].  Il a dit que l’on devait aborder le brevet « avec le souci judiciaire de confirmer une invention vraiment utile ».

. . .

À mon avis, c’est un principe fermement établi que le mémoire descriptif d’un brevet ne s’adresse pas au public, mais à une personne versée dans l’art en cause.  De plus je suis convaincu que le par. 36(1) n’impose pas au breveté l’obligation de prouver l’utilité de son invention.  [Je souligne; référence omise; p. 520-521.]

Depuis cet arrêt, notre Cour continue d’appliquer les principes énoncés par le juge Dickson, ce qui témoigne de la justesse de son analyse : voir, p. ex., Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser, 2004 CSC 34, [2004] 1 R.C.S. 902, par. 18; Whirlpool Corp. c. Camco Inc., 2000 CSC 67, [2000] 2 R.C.S. 1067, par. 52; Pioneer Hi‑Bred Ltd. c. Canada (Commissaire des brevets), [1989] 1 R.C.S. 1623 (« Pioneer Hi‑Bred »), p. 1636.

[51]                          Dans Pioneer Hi‑Bred, notre Cour renvoie à Consolboard à l’occasion d’un nouvel examen des exigences de la Loi  en matière de divulgation.  Le juge Lamer (plus tard Juge en chef) les définit comme suit au nom de la Cour :

                               En résumé, la Loi sur les brevets  exige du demandeur qu’il présente un mémoire descriptif comprenant la divulgation et les revendications (Consolboard Inc., précité, à la p. 520).  Les tribunaux canadiens ont eu l’occasion d’énoncer au cours des années le test qu’il faut appliquer pour savoir si la divulgation est complète.  Le demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention.  Afin d’être complète, celle‑ci doit remplir deux conditions : l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie [. . .]  Le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération.  Un manquement à la première condition invaliderait la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invaliderait parce que non suffisamment décrite.  Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l’art ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation [. . .], et d’utiliser l’invention, une fois la période de monopole terminée, avec le même succès que l’inventeur, au moment de sa demande (Minerals Separation, précité, à la p. 316).  [Je souligne; références omises; p. 1637‑1638.]

[52]                          Dans les arrêts Consolboard et Pioneer Hi‑Bred, la Cour analyse correctement les exigences de divulgation énoncées au par. 27(3)  de la Loi .  Il convient de confirmer le raisonnement qu’elle tient dans ces arrêts et de l’appliquer en l’espèce.

F.    La nature de l’invention

[53]                          Pour déterminer si les exigences de divulgation sont respectées en l’espèce, il faut d’abord définir la nature de l’invention que vise le brevet 446.  Cette démarche est nécessaire pour s’assurer de sa conformité au par. 27(3)  de la Loi , qui exige notamment que le mémoire descriptif « décri[ve] d’une façon exacte et complète l’invention ».  Il faut donc se demander en quoi consiste l’invention visée par le brevet 446.

[54]                          Invoquant les décisions Boehringer et Apotex ACE (C.A.F.), la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale opinent qu’à chacune des revendications du brevet 446 correspond une invention distincte.  Elles appliquent donc les exigences de divulgation à chacune des revendications individuelles, et non au mémoire descriptif dans son ensemble.  Par exemple, le juge Kelen se réfère à Boehringer et Apotex ACE (C.A.F.) pour affirmer ensuite que « le sildénafil dont il est question à la revendication 7 devrait être examiné séparément » (par. 46).  Au sujet du caractère suffisant de la divulgation, il ajoute que « chacune des revendications correspond à un monopole distinct et chacune des revendications doit être considérée séparément par rapport à l’exposé de l’invention » (par. 131).  La Cour d’appel fédérale confirme la conclusion du juge Kelen.  Le juge Nadon précise :

                    . . . la revendication 7 vise un composé (le sildénafil) qui fait partie d’une catégorie de composés (ceux qui correspondent à la formule I) servant au traitement de la dysfonction érectile.  En conséquence, la revendication 7 constitue une invention distincte.  La question de l’utilité et celle de [la divulgation] doivent par conséquent être tranchées sur ce fondement.  [par. 69]

[55]                          À mon sens, les juridictions inférieures confondent deux principes.  Le premier de ceux‑ci veut que la revendication définisse la portée du monopole recherché (par. 27(4)  de la Loi ; voir aussi Perry et Currier, §15.2) et le second, que la teneur du mémoire descriptif permette de déterminer si l’exigence de divulgation est remplie (par. 27(3)  de la Loi ).  Suivant le premier principe, le tribunal examine la revendication afin de déterminer si son objet se limite au seul composé ou s’il englobe aussi ses sels et ses isotopes.  Or, ce que commande la Loi , c’est l’examen du mémoire descriptif dans son ensemble pour déterminer s’il y a divulgation suffisante de l’invention.

[56]                          Pfizer soutient que l’art. 58 autorise le tribunal à considérer la revendication valide séparément de celle qui ne l’est pas, faisant implicitement valoir qu’il lui permet de faire porter son examen du respect de l’exigence de divulgation uniquement sur la revendication valide.  Il s’agit d’une interprétation erronée de l’art. 58, qui dispose seulement que les revendications valides le demeurent malgré l’invalidation d’une ou de plusieurs autres revendications.  En effet, l’art. 58 devient pertinent une fois qu’il est établi que le brevet, considéré dans sa totalité, satisfait aux exigences, dont celles liées à la divulgation.  Il ne permet pas l’examen de la validité d’une revendication en particulier — en l’occurrence la revendication 7 — sans égard aux autres éléments du mémoire descriptif, même s’il s’agit de la seule revendication valide. Cet article n’entre en jeu qu’après l’analyse portant sur la validité.

[57]                          Les juridictions inférieures concluent également que le respect des exigences de divulgation ne doit être considéré qu’en fonction de la revendication 7.  Elles prennent principalement appui sur Boehringer et les décisions rendues dans sa foulée.  Toutefois, elles interprètent mal cette décision, car la Cour de l’Échiquier n’y établit pas qu’à chacune des revendications de la demande de brevet correspond une invention distincte.  En fait, comme le souligne Teva (m.a., par. 106‑109), ce n’est qu’après l’examen du mémoire descriptif dans son entier que la Cour de l’Échiquier statue que chacune des revendications du brevet en cause vise une invention distincte.  Elle n’établit pas le principe général que chacune des revendications d’une demande de brevet vise toujours une invention distincte.  Une telle assertion serait contraire au régime créé par la Loi .

[58]                          Il ressort du par. 36(1) qu’un brevet ne doit avoir pour objet qu’une seule invention :

                             36. (1)   Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

La disposition prévoit certes une exception afin d’éviter qu’un brevet visant plus d’une invention ne soit invalidé pour ce seul motif, mais son libellé est clair : un brevet est accordé pour une seule invention.

[59]                          Le paragraphe 36(2.1) dispose en outre :

                             Si une demande décrit et revendique plus d’une invention, le demandeur doit, selon les instructions du commissaire, restreindre ses revendications à une seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire, si celle‑ci est déposée avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale. 

[60]                          L’article 36 permet de conclure qu’il n’y a pas lieu de voir systématiquement une invention distincte dans chacune des revendications.

[61]                          Quoi qu’il en soit, lorsque notre Cour a statué en appel dans Boehringer, elle n’a pas examiné la question des inventions distinctes.  Après avoir conclu que la demande de brevet ne satisfaisait pas aux exigences de divulgation, le juge Martland affirme au nom de notre Cour :

                             [traduction] La Cour ayant conclu à l’invalidité de la revendication 8 pour non‑conformité au par. 41(1) sur le fondement de l’un des motifs exposés par le juge de première instance, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs fondant sa décision de rejeter l’action ni de formuler d’opinion à leur égard.  [Je souligne; p. 412.]

[62]                          Dans Apotex ACE, la même question se posait.  S’estimant lié par Boehringer et Hoechst Pharmaceuticals of Canada Ltd. c. Gilbert & Co., [1965] 1 R.C. de l’É. 710 — une décision au même effet du juge Thurlow, auteur des motifs dans Boehringer —, la Cour fédérale, par la voix du juge Hughes, souligne ce qui suit au par. 116 :

                    Si je devais aborder la question sans les contraintes que m’impose la jurisprudence, je conclurais en fait que la demande 340 vise une seule invention, une classe de composés, dont les composés individuels, tels que le lisinopril, ne sont que des illustrations.  Cependant, les décisions Boehringer et Hoechst, précitées, m’obligent à conclure différemment, sur le mince fondement que la demande 340 contenait non seulement des exemples, mais aussi des revendications spécifiques visant les composés individuels que sont l’énalapril, l’énalaprilat et le lisinopril, dont chacun, selon la théorie de cette jurisprudence, constitue une invention différente de celle de la classe.

Incidemment, notre Cour a confirmé Hoechst en appel ([1966] R.C.S. 189) mais, comme dans Boehringer, sans examiner la question de savoir si des revendications distinctes divulguent des inventions distinctes.

[63]                          La Cour d’appel fédérale a partiellement infirmé la décision Apotex ACE, mais confirmé la conclusion selon laquelle des revendications distinctes divulguent des inventions distinctes.  Or, je rappelle que cette conclusion générale est contraire aux dispositions de la Loi et qu’elle doit être rejetée.

[64]                          Il se peut que chacune des revendications d’un brevet divulgue une invention distincte, comme dans Boehringer.  Toutefois, on ne peut se prononcer qu’à l’issue d’une analyse des faits propres à une affaire.  Selon moi, Teva propose au par. 119 de son mémoire une démarche appropriée en l’espèce : [traduction] « . . . le mémoire descriptif doit être considéré dans son ensemble pour déterminer si le sildénafil et les autres composés revendiqués sont liés de telle sorte qu’ils forment une seule idée originale générale ».  Cette approche concorde avec l’observation de notre Cour selon laquelle « [i]l faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement . . . » (Consolboard, p. 520).

[65]                          L’article 2  de la Loi  dispose que l’invention doit présenter le caractère de la nouveauté.  En l’espèce, l’invention ne correspond pas au sildénafil comme tel, un composé déjà connu.  Pfizer avait en fait soumis le sildénafil à des recherches en vue de son utilisation dans le traitement des maladies cardiovasculaires lorsqu’elle avait pressenti pour la première fois qu’il pouvait servir au traitement de la DÉ (m.i., par. 13).  L’invention n’a donc pas pour objet le sildénafil, mais bien son utilisation dans le traitement de la DÉ.

[66]                          Au vu de l’ensemble du mémoire descriptif, nul élément ne permet en l’espèce d’affirmer que l’utilisation du sildénafil pour traiter la DÉ constitue une invention distincte de l’utilisation de l’un ou l’autre des autres composés à cette même fin.  Nulle caractéristique ou propriété susceptible de le distinguer des autres composés n’est attribuée au sildénafil.  Même si on le tient pour un « composé particulièrement privilégié », rien ne le distingue des huit autres « composés particulièrement privilégiés ».  L’utilisation du sildénafil et des autres composés dans le traitement de la DÉ forme une seule idée originale.

[67]                          D’ailleurs, le brevet donne lui‑même à penser que tous les composés revendiqués sont efficaces dans le traitement de la DÉ.  La phrase suivante figure au tout début du mémoire descriptif : [traduction] « La présente invention concerne l’utilisation d’une série de [composés] pour le traitement de l’impuissance » (d.a., vol. X, p. 164 (je souligne)).  On lit ensuite, à la p. 2  « C’est fortuitement qu’on découvre aujourd’hui l’utilité des composés divulgués pour le traitement de la dysfonction érectile »; puis à la p. 11 :

                             [traduction] Ainsi, l’invention s’entend d’une composition pharmaceutique pour le traitement curatif ou prophylactique de la dysfonction érectile chez un animal de sexe masculin, y compris l’homme, à savoir un composé de la formule (I) ou l’un de ses sels pharmaceutiquement acceptable, de pair avec un diluant ou un support pharmaceutiquement acceptable.  [Je souligne; d.a., vol. X, p. 174.]

Dans le brevet 446, le mot « invention » ne porte pas la marque du pluriel.

[68]                          Aucun élément du dossier n’indique que Pfizer aurait déposé une demande complémentaire en application du par. 36(2.1).  Pfizer ne saurait en toute honnêteté affirmer, d’une part, que la demande de brevet vise une seule invention aux fins de la conformité au par. 36(1), puis soutenir, d’autre part, que chacune des revendications correspond à une invention distincte pour les besoins du présent pourvoi.  Il appert du brevet 446 considéré dans son ensemble qu’il n’y a qu’une seule invention, à savoir l’utilisation du ou des composés utiles dans le traitement de la DÉ.

G.    Y a‑t‑il divulgation suffisante dans le brevet 446?

[69]                          Suivant le libellé du par. 27(3), c’est à partir du mémoire descriptif, et non des seules revendications, que le tribunal détermine si le brevet satisfait aux exigences de divulgation (voir aussi Perry et Currier, §15.26). Par ailleurs, le par. 27(4) dispose que la ou les revendications définissent distinctement et explicitement l’objet de l’invention.

[70]                          Je rappelle que, dans Consolboard, notre Cour statue clairement que le mémoire descriptif, constitué des revendications et de la divulgation, doit définir la « portée exacte et précise » du privilège revendiqué, de sorte que le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention de la même façon que l’inventeur (p. 520).  J’estime que les juridictions inférieures interprètent mal Consolboard lorsqu’elles affirment qu’il suffit de répondre aux deux questions suivantes : « En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne‑t‑elle? ».  Le juge Dickson ne statue pas qu’il s’agit des seules questions pertinentes.  Citant Minerals Separation, il ajoute en fait à la p. 520 :

                    Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, . . . :

                        [traduction] . . . une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande.  [Je souligne.]

[71]                          La Cour reprend ce principe dans Pioneer Hi‑Bred : « Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l’art ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation » (p. 1638).

[72]                          Dans la présente affaire, Pfizer a effectué des essais qui ont établi l’efficacité du sildénafil pour traiter la DÉ.  Toutefois, l’efficacité d’aucun autre des composés visés par le brevet 446 n’a été démontrée à cet égard.  Par conséquent, l’invention consiste dans l’utilisation du sildénafil pour le traitement de la DÉ, ce qu’il faut divulguer pour satisfaire aux exigences du par. 27(3)  de la Loi .

[73]                          Même si le brevet 446 renferme une déclaration selon laquelle [traduction] « un des composés particulièrement privilégiés cause une érection pénienne chez les hommes impuissants », le mémoire descriptif ne précise pas que le sildénafil représente le composé efficace, ni que le composé qui fonctionne figure à la revendication 7, ni que l’on a constaté l’inefficacité des autres composés dans le traitement de la DÉ (d.a., vol. X, p. 173).  Les revendications sont présentées en « cascade », la revendication 1 correspondant à plus de 260 trillions de composés, les revendications 2 à 5 se rapportant à des nombres de composés de moins en moins importants et les revendications 6 et 7 ne visant chacune qu’un composé.

[74]                          Le public ne pouvait, à partir de sa divulgation dans le mémoire descriptif, « utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande », car même si un lecteur versé dans l’art aurait pu déduire que le composé efficace correspondait aux revendications 6 et 7, il lui aurait fallu effectuer d’autres essais pour déterminer lequel des deux était véritablement indiqué pour le traitement de la DÉ.  Comme l’écrit le juge de première instance au par. 146 : « [l]e lecteur versé dans l’art procéderait ensuite à des [essais] sur ces deux composés pour déterminer lequel fonctionne ».  Il constate auparavant, au par. 135, que la description : « oblige le lecteur versé dans l’art à entreprendre un projet de recherche mineur pour déterminer quelle revendication constitue la véritable invention ».

[75]                          Pfizer a fait valoir en Cour d’appel que Teva est parvenue à la même utilisation de l’invention, alors qu’elle ne disposait que du mémoire descriptif, puisqu’elle a déposé auprès du ministre de la Santé une présentation dont l’objet était un médicament contenant du sildénafil (C.A.F., par. 48).  Il demeure toutefois qu’« un projet de recherche mineur » s’imposait à tout le moins pour déterminer si, dans le mémoire descriptif, le bon composé était celui de la revendication 6 ou 7.  Le fait que Teva a entrepris la recherche requise n’a pas d’incidence sur l’obligation de Pfizer de divulguer l’invention de manière complète.  Il faut surtout se demander si le lecteur versé dans l’art est en mesure de mettre l’invention en pratique à partir du seul mémoire descriptif.  De toute évidence, le juge de première instance conclut que le lecteur versé dans l’art doit se livrer à un minimum de recherche pour savoir quelle est la véritable invention.

[76]                          Pfizer disposait des données nécessaires pour préciser quel était le composé efficace, mais elle s’en est abstenue.  Même si, lors du dépôt de sa demande, elle savait que le composé efficace était le sildénafil, son exposé se résume à ce qui suit :

                             [traduction] Chez l’humain, certains composés particulièrement privilégiés ont été mis à l’essai par voie orale dans des études de doses uniques et de doses multiples chez des volontaires.  De plus, les études cliniques menées jusqu’à présent ont confirmé qu’un des composés particulièrement privilégiés cause une érection pénienne chez les hommes impuissants.  [Je souligne; d.a., vol. X, p. 173.]

Elle a opté pour une formulation qui ne décrit pas clairement l’invention.  Même aujourd’hui, son mémoire ne précise pas les raisons pour lesquelles — sachant que la revendication 7 correspond au composé mis à l’essai et, par conséquent, utile — elle décide de ne pas donner cette information.

[77]                          Le juge saisi de la demande écrit dès lors :

                             En cachant à la population l’identité du seul composé [qui a été testé et s’est avéré] efficace, le sildénafil, le brevet ne décrit pas entièrement l’invention.  De toute évidence, Pfizer a décidé consciemment de ne pas divulguer l’identité du seul composé [qui s’est avéré] efficace et a laissé le lecteur versé dans l’art se perdre en conjectures.  Cette pratique est contraire à l’exigence réglementaire de divulguer entièrement l’invention.  [Je souligne; par. 136.]

[78]                          Perry et Currier en conviennent et affirment au §8.55 :

                             [traduction]  . . . une invention présentant le caractère de la nouveauté, de l’inventivité et de l’utilité ne jouit pas de la protection d’un brevet lorsque le mémoire descriptif est insuffisant ou ambigu.  L’exposé doit expliquer la nature de l’invention, faute de quoi le mémoire descriptif est ambigu, et il doit préciser la manière dont l’invention peut être mise en application, faute de quoi le mémoire descriptif est insuffisant.  Dans l’un ou l’autre cas, le brevet est invalide.  [Je souligne.]

[79]                          C’est du point de vue de la personne versée dans l’art que le mémoire descriptif est jugé suffisant ou non : voir, p. ex., Perry et Currier, §8.57.  Il ressort de la preuve d’expert qu’une personne versée dans l’art ne pouvait pas savoir lequel des composés mentionnés aux revendications 6 et 7 correspondait au composé utile.  Le propre témoin expert de Pfizer a reconnu qu’une personne versée dans l’art n’aurait pu, à la lecture du brevet, déterminer quel était le composé dont l’étude avait démontré l’utilité dans le traitement de la DÉ (C.F., par. 123).

[80]                          Je n’attache pas beaucoup d’importance au fait que la revendication 1 vise plus de 260 trillions de composés.  La revendication en cascade — même si sa portée peut se révéler exagérée, comme en l’espèce — est courante et ne compromet pas nécessairement le droit du public à la divulgation.  Le lecteur versé dans l’art sait que dans ce type de revendication c’est habituellement le composé individuel revendiqué en dernier qui constitue le composé utile.  Les revendications de composés non fonctionnels sont simplement réputées invalides.  Conformément à l’art. 58, toute revendication valide — en l’occurrence, la revendication 7 — le demeure néanmoins.  En l’espèce, toutefois, il y a atteinte au droit du public à une divulgation suffisante, car deux composés individuels sont revendiqués en dernier lieu, ce qui brouille l’identité véritable de l’invention.  La divulgation ne précise pas en termes clairs quelle est l’invention.  Pfizer obtient l’avantage prévu par la Loi  — le monopole — sans s’acquitter de l’obligation de divulgation que lui impose la Loi .  On ne saurait ni au plan des principes ni sous l’angle de la juste interprétation des lois permettre au breveté de se « jouer » ainsi du régime légal.  Là réside à mon sens la question fondamentale que soulève le présent pourvoi, et celle‑ci doit être tranchée au détriment de Pfizer.

H.    Réparation

[81]                          J’arrive à la conclusion que le brevet 446 ne respecte pas le par. 27(3)  de la Loi .  Quelle réparation convient‑il alors d’accorder?

[82]                          Dans Pioneer Hi‑Bred, notre Cour se prononce sur la réparation qui convient en cas de divulgation inadéquate :

                    Les tribunaux canadiens ont eu l’occasion d’énoncer au cours des années le test qu’il faut appliquer pour savoir si la divulgation est complète.  Le demandeur doit divulguer tout ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’invention.  Afin d’être complète, celle‑ci doit remplir deux conditions : l’invention doit y être décrite et la façon de la produire ou de la construire définie [. . .]  Le demandeur doit définir la nature de l’invention et décrire la façon de la mettre en opération.  Un manquement à la première condition invaliderait la demande parce qu’ambiguë alors qu’un manquement à la seconde l’invaliderait parce que non suffisamment décrite.  Quant à la description, elle doit permettre à une personne versée dans l’art ou le domaine de l’invention de la construire à partir des seules instructions contenues dans la divulgation . . .  [Je souligne; références omises; p. 1637‑1638.]

[83]                          Dans la présente affaire, la divulgation est insuffisante, car le lecteur versé dans l’art ne saurait, à partir du seul mémoire descriptif, mettre l’invention en œuvre. Par conséquent, je conclus que l’appelante a fait la preuve de son allégation visée au sous-al. 5(1)b)(iii) et au par. 5(3) du Règlement portant que le brevet 446 n’est pas valide.

[84]                          L’article 27 ne prévoit pas de réparation en cas d’insuffisance de la divulgation, mais l’omission de divulguer convenablement l’invention et son fonctionnement doit en toute logique emporter l’invalidité réputée du brevet.  Telle est la conséquence du caractère synallagmatique du marché qui intervient sous le régime de la Loi .  Faute de l’une des deux contreparties (quid) — la divulgation suffisante —, l’autre (quo) — le monopole — ne saurait exister.

[85]                          Cependant, Pfizer paraît avancer (m.i., par. 82) que le brevet ne peut être réputé invalide puisque Teva n’a pas invoqué l’art. 53, qui énonce expressément que le brevet est nul si 

                    la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

[86]                          Pfizer plaide que l’allégation de Teva selon laquelle il y a eu [traduction] « dissimulation » du composé utile équivaut à une accusation à peine voilée de fraude. Or, Teva n’a jamais allégué que le brevet 446 contrevenait à l’art. 53 (m.i., par. 79).  Pfizer ajoute que [traduction] « le par. 27(3) [. . .] [n’a jamais] été censé s’appliquer en cas de tromperie délibérée » (m.i., par. 80).

[87]                          Les prétentions de Pfizer peuvent aisément être repoussées.  Même si l’art. 53 n’a pas été invoqué et que la preuve qui y est exigée n’a pas été offerte, la divulgation n’est pas pour autant conforme au par. 27(3).  Ces dispositions peuvent s’appliquer indépendamment l’une de l’autre, ce qui est le cas en l’espèce.  Bien que l’intention délibérée d’induire en erreur n’ait été ni alléguée ni prouvée, le caractère insuffisant de la divulgation a été allégué, et je conclus qu’il a été démontré. En conséquence, conformément à la réparation retenue dans l’arrêt Pioneer Hi-Bred, je le répète, je conclus que Teva a fait la preuve de son allégation portant que le brevet 446 n’est pas valide.

I.       Autres prétentions

[88]                          Pfizer et l’intervenante Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada soutiennent que la thèse défendue par Teva viole les obligations contractées par le Canada à l’échelle internationale, en particulier dans le Traité de coopération en matière de brevets, R.T. Can. 1990, no 22, incorporé au droit canadien par la Loi  d’actualisation de la propriété intellectuelle, L.C. 1993, ch. 15, par. 29(1).  Elles prétendent donc essentiellement que l’application — préconisée par TEVA — d’une exigence de divulgation accrue est contraire aux obligations du Canada sous le régime du traité.

[89]                          Il est inutile de s’attarder longuement à cette thèse.  Puisque la prédiction valable n’est pas en cause — ce que j’explique précédemment —, notre Cour n’a pas à examiner si l’allégation d’utilité fondée sur une prédiction valable impose au breveté une obligation de divulgation « accrue », ni si cette obligation « accrue », à supposer qu’elle existe, est contraire au traité.  Aucune des parties ou des intervenantes ne soutient que les exigences du par. 27(3) en matière de divulgation violent des obligations internationales.  La seule question à résoudre en l’espèce est celle de savoir s’il y a respect ou non des exigences de divulgation prévues à l’art. 27  de la Loi .  La prétention est donc écartée.

[90]                          Je signale en dernier lieu que les 13 années écoulées entre le dépôt de la demande de brevet et la contestation de Teva ne portent pas à conséquence.  Comme l’indique le juge Nadon de la Cour d’appel fédérale, en l’espèce, la bonne question consiste à savoir si la divulgation était suffisante à la date du dépôt.  Par conséquent, l’écoulement du temps ne fait pas obstacle à la contestation de Teva.

V.     Conclusion

[91]                          Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens, de conclure que Teva a fait la preuve de son allégation portant que le brevet 2 163 446 n’est pas valide et de rejeter la demande de Pfizer pour que soit prononcée une ordonnance d’interdiction en application du par. 6(1) du Règlement.

ANNEXE

Loi sur les brevets , L.R.C. 1985, ch. P‑4 

                        2. . . .

                  « invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité.

. . .

                        27. . . .

                        (3)     Le mémoire descriptif doit :

                       a)      décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues son inventeur;

                       b)      exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’invention;

                       c)      s’il s’agit d’une machine, en expliquer clairement le principe et la meilleure manière dont son inventeur en a conçu l’application;

                       d)      s’il s’agit d’un procédé, expliquer la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention en cause d’autres inventions.

                        (4)     Le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications définissant distinctement et en des termes explicites l’objet de l’invention dont le demandeur revendique la propriété ou le privilège exclusif.

. . .

                        36 (1) Un brevet ne peut être accordé que pour une seule invention, mais dans une instance ou autre procédure, un brevet ne peut être tenu pour invalide du seul fait qu’il a été accordé pour plus d’une invention.

. . .

                        (2.1)  Si une demande décrit et revendique plus d’une invention, le demandeur doit, selon les instructions du commissaire, restreindre ses revendications à une seule invention, toute autre invention divulguée pouvant faire l’objet d’une demande complémentaire, si celle‑ci est déposée avant la délivrance d’un brevet sur la demande originale.

. . .

                        53. (1)  Le brevet est nul si la pétition du demandeur, relative à ce brevet, contient quelque allégation importante qui n’est pas conforme à la vérité, ou si le mémoire descriptif et les dessins contiennent plus ou moins qu’il n’est nécessaire pour démontrer ce qu’ils sont censés démontrer, et si l’omission ou l’addition est volontairement faite pour induire en erreur.

                        (2)     S’il apparaît au tribunal que pareille omission ou addition est le résultat d’une erreur involontaire, et s’il est prouvé que le breveté a droit au reste de son brevet, le tribunal rend jugement selon les faits et statue sur les frais.  Le brevet est réputé valide quant à la partie de l’invention décrite à laquelle le breveté est reconnu avoir droit.

. . .

                        58.    Lorsque, dans une action ou procédure relative à un brevet qui renferme deux ou plusieurs revendications, une ou plusieurs de ces revendications sont tenues pour valides, mais qu’une autre ou d’autres sont tenues pour invalides ou nulles, il est donné effet au brevet tout comme s’il ne renfermait que la ou les revendications valides.

                    Pourvoi accueilli avec dépens.

                    Procureurs de l’appelante : Osler, Hoskin & Harcourt, Ottawa.

                    Procureurs des intimées Pfizer Canada Inc., Pfizer Inc., Pfizer Ireland Pharmaceuticals et Pfizer Research and Development Company N.V./S.A. : Torys, Toronto.

                    Procureurs de l’intervenante l’Association canadienne du médicament générique : Heenan Blaikie, Toronto.

                    Procureurs de l’intervenante Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada : Gowling Lafleur Henderson, Ottawa.

 

 



* Une requête en modification de jugement a été accordée le 4 juin 2013.  L'ordonnance accordant cette requête a modifié les par. 1, 83, 87 et 91 des deux versions des motifs.  Les modifications ont été incorporées dans les présents motifs.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.