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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : Ediger c. Johnston, 2013 CSC 18, [2013] 2 R.C.S. 98

Date : 20130404

Dossier : 34408

 

Entre :

 

Cassidy Alexis Ediger, mineure représentée par sa tutrice à l’instance,

Carolyn Grace Ediger

Appelante

et

William G. Johnston

Intimé

 

Traduction française officielle

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 62)

Les juges Rothstein et Moldaver (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges LeBel, Cromwell, Karakatsanis et Wagner)

 

 

 


 


Ediger c. Johnston, 2013 CSC 18, [2013] 2 R.C.S. 98

Cassidy Alexis Ediger, mineure représentée par sa

tutrice à l’instance, Carolyn Grace Ediger                                                  Appelante

c.

William G. Johnston                                                                                            Intimé

Répertorié : Ediger c. Johnston

2013 CSC 18

No du greffe : 34408.

2012 : 4 décembre; 2013 : 4 avril.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges LeBel, Rothstein, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis et Wagner.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

                    Responsabilité délictuelle — Négligence — Lien de causalité — Tentative par un médecin d’accouchement par forceps moyen — Compression du cordon ombilical causant une bradycardie et des lésions cérébrales — Omission du médecin de prendre des dispositions pour un accouchement par césarienne en cas de complications et d’aviser la mère des risques d’un accouchement par forceps moyen avant de tenter l’accouchement par forceps — La tentative par le médecin d’accouchement par forceps a‑t‑elle causé la bradycardie? — L’omission du médecin de prendre des dispositions pour un accouchement par césarienne en cas de complications ou d’aviser la mère des risques d’un accouchement par forceps moyen avant de tenter l’accouchement par forceps a‑t‑elle causé les lésions subies par le bébé?

                    À sa naissance, C a été victime d’une bradycardie prolongée qui lui a causé de graves lésions cérébrales permanentes.  Le travail de la mère de C ne progressant pas comme il l’aurait dû, le médecin a décidé de tenter de mettre C au monde en utilisant la méthode d’accouchement par forceps moyen.  Avant cette tentative, le médecin n’a pas informé la mère de C des risques importants associés à un accouchement par forceps moyen, et notamment du risque de bradycardie, et il n’a pas vérifié si une équipe chirurgicale de secours serait disponible sans délai pour pratiquer une césarienne d’urgence en cas de bradycardie.  Après avoir appliqué le forceps, le médecin a décidé d’abandonner cette méthode et il est sorti de la salle de travail pour prendre les dispositions nécessaires en vue d’une césarienne.  Dans les minutes qui ont suivi, le cordon ombilical de C a été obstrué, ce qui a causé une bradycardie prolongée.  C est née par césarienne environ 18 minutes après le début de la bradycardie et elle souffre maintenant de tétraplégie spastique et de paralysie cérébrale.  La juge de première instance a conclu que l’application du forceps par le médecin a probablement causé l’obstruction du cordon ombilical de C qui a entraîné la bradycardie, parce que le forceps a déplacé la tête de C et créé un espace dans lequel le cordon est tombé et a été compressé lors d’une contraction utérine ultérieure.  La juge de première instance a conclu que le médecin n’avait pas respecté la norme de diligence selon laquelle il devait veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai avant de tenter l’accouchement par forceps moyen et obtenir le consentement éclairé de la mère à l’application de cette méthode.  Le médecin a toutefois eu gain de cause en appel relativement à la conclusion de la juge de première instance selon laquelle ses manquements à la norme de diligence avaient causé les lésions subies par C.

                    Arrêt : Le pourvoi est accueilli.

                    La seule question en litige est celle du lien de causalité : les lésions subies par C ont‑elles été causées par les manquements du médecin à la norme de diligence? Le lien de causalité étant une question de fait, c’est la norme de contrôle de l’erreur manifeste et dominante qui s’applique à l’examen des conclusions de la juge de première instance sur cette question.  Or, aucune erreur de ce type n’a été commise en l’espèce.

                    Contrairement à ce qu’a conclu la Cour d’appel, la juge de première instance n’a pas erronément omis de tenir compte de l’intervalle entre la fin de la tentative d’accouchement par forceps et le début de la bradycardie.  La juge de première instance a retenu le témoignage d’expert selon lequel il se peut que la tête du bébé ait été déplacée lors de la tentative d’application du forceps, de sorte qu’une compression du cordon ombilical lors d’une contraction utérine ultérieure ait causé la bradycardie.  La juge de première instance pouvait retenir ce témoignage.  Cette thèse expliquait l’intervalle entre la tentative échouée d’accouchement par forceps et le début de la bradycardie.

                    La juge de première instance n’a pas non plus commis d’erreur en concluant que l’omission du médecin de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai constituait une cause déterminante des lésions subies par C.  Bien que la question à trancher ici soit celle du lien de causalité, le débat porte sur ce qu’il faut entendre par être « disponible sans délai » selon la norme énoncée par la juge de première instance.  Le médecin soutient que cette norme l’obligeait simplement à s’assurer, avant de tenter l’accouchement par forceps, qu’un anesthésiste serait disponible.  Le médecin prétend que le respect de cette norme n’aurait rien changé au temps nécessaire pour mettre C au monde.  Le problème que pose la norme de diligence, telle que l’interprète le médecin, tient au fait qu’elle ne pare pas au risque en cause.  Il ressort clairement des motifs de la juge de première instance, considérés globalement, qu’elle envisageait une norme de diligence qui exigeait que le médecin prenne des précautions raisonnables pour parer au risque notoire de bradycardie et au grave préjudice causé au bébé par une bradycardie prolongée.

                    Il ne fait aucun doute que le médecin n’a pris aucune précaution pour que, en cas de bradycardie, C puisse être mise au monde par césarienne sans subir de lésion.  Il n’a rien fait avant de commencer l’accouchement par forceps moyen pour qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai, alors qu’aucune urgence ne l’empêchait de prendre cette précaution.  Il n’a même pas vérifié si un anesthésiste était disponible. En agissant ainsi, il n’a pas respecté la norme de diligence.

                    Étant donné que la juge de première instance n’a pas commis d’erreur en concluant que le manquement du médecin à son obligation de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai a causé les lésions subies par C, il n’est pas nécessaire de décider si son manquement à son obligation d’obtenir le consentement éclairé de la mère les a causées.  Toutefois, l’analyse faite par la juge de première instance du consentement éclairé confirme également que l’obligation de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale soit « disponible sans délai » n’exigeait pas seulement que le médecin vérifie si un anesthésiste était disponible.

Jurisprudence

                    Arrêts mentionnés : Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton‑Wentworth, 2007 CSC 41, [2007] 3 R.C.S. 129; Clements c. Clements, 2012 CSC 32, [2012] 2 R.C.S. 181; Resurfice Corp. c. Hanke, 2007 CSC 7, [2007] 1 R.C.S. 333; H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401; Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311.

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Saunders, Smith et Groberman), 2011 BCCA 253, 19 B.C.L.R. (5th) 60, 305 B.C.A.C. 271, 515 W.A.C. 271, 333 D.L.R. (4th) 633, [2011] 8 W.W.R. 466, 82 C.C.L.T. (3d) 228, [2011] B.C.J. No. 974 (QL), 2011 CarswellBC 1279, qui a annulé une décision de la juge Holmes, 2009 BCSC 386, 65 C.C.L.T. (3d) 1, [2009] B.C.J. No. 564 (QL), 2009 CarswellBC 773.  Pourvoi accueilli.

                    Vincent R. K. Orchard, c.r., Steven Hoyer, Susanne Raab et Paul T. McGivern, pour l’appelante.

                    James M. Lepp, c.r., Michael G. Thomas et Daniel J. Reid, pour l’intimé.

                    Version française du jugement de la Cour rendu par

[1]                              Les juges Rothstein et Moldaver — Cassidy Ediger, aujourd’hui âgée de 15 ans, a été victime, lors de sa naissance, d’une bradycardie prolongée qui lui a causé de graves lésions cérébrales permanentes en raison desquelles elle souffre de tétraplégie spastique et de paralysie cérébrale.  Cassidy, représentée par sa tutrice à l’instance, a poursuivi le Dr William G. Johnston, l’obstétricien qui a procédé à l’accouchement.  Elle soutenait que ses lésions avaient été causées par la négligence du Dr Johnston lors de sa tentative de la mettre au monde en utilisant la méthode d’accouchement par « forceps moyen » (par application d’un forceps au niveau du détroit moyen).  La juge de première instance a conclu que le Dr Johnston avait contrevenu à la norme de diligence à laquelle il était tenu dans les circonstances, en ne veillant pas à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai pour pratiquer une césarienne en cas de complications découlant de la méthode d’accouchement par forceps moyen et en n’informant pas la mère de Cassidy des risques importants associés à cette méthode.  La seule question dont nous sommes saisis consiste à déterminer si la juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante en concluant que les lésions subies par Cassidy avaient été causées par ces manquements.  À notre avis, elle n'a pas commis d’erreur de ce type. 

I.       Les faits

[2]                              Cassidy, fille de Carolyn et Scott Ediger, est née le 24 janvier 1998.  Au début de la grossesse de Mme Ediger, son médecin de famille, la Dre Lisa LeGresley, l’a confiée aux soins du Dr Johnston, pour une raison qui n’avait rien à voir avec les lésions subies plus tard par Cassidy à sa naissance.

[3]                              Mme Ediger a consulté le Dr Johnston tout au long de sa grossesse.  En raison d’un certain nombre de facteurs, le Dr Johnston estimait que sa grossesse comportait des risques élevés.  Il a donc décidé de provoquer l’accouchement avant terme, à la 38e semaine de grossesse.  Il n’est pas contesté que les facteurs qui ont rendu très risquée la grossesse de Mme Ediger n’ont rien à voir avec les lésions subies ultérieurement par Cassidy.

[4]                              Le 23 janvier, Mme Ediger a été admise à l’Hôpital général de Chilliwack et le Dr Johnston a déclenché le travail.  Le jour suivant, le travail de Mme Ediger a cessé de progresser, malgré de longues et fortes contractions.  Le Dr Johnston a constaté l’arrêt de la progression du bébé, qui avait la tête en position transverse. Il a donc choisi de procéder à une rotation avec forceps moyen.  Dans un accouchement par forceps, on place une branche du forceps de chaque côté de la tête du bébé et on l’aide à traverser le canal pelvigénital.  L’accouchement par « forceps moyen » est le plus risqué des accouchements par forceps que les obstétriciens sont autorisés à tenter, parce qu’il est pratiqué au moment où le bébé vient tout juste de s’engager dans le canal pelvigénital.  En l’espèce, il fallait procéder à une rotation de la tête du bébé avant de pouvoir l’aider à traverser le reste du canal pelvigénital.

[5]                              Le Dr Johnston ne s’attendait pas à ce que la méthode par forceps moyen entraîne des complications et c’est pour cette raison qu’il n’a pas informé Mme Ediger des risques que pouvait comporter cette méthode.  Ces risques incluaient la possibilité d’une compression du cordon ombilical du bébé entraînant une bradycardie fœtale prolongée (une baisse prolongée de la fréquence cardiaque du bébé avant sa naissance), qui pouvait causer de graves lésions cérébrales. 

[6]                              Le Dr Johnston a tenté l’accouchement par forceps de Mme Ediger dans une salle d’accouchement ordinaire située à proximité d’une salle d’opération pour les cas à haut risque qui était utilisée pour les césariennes.  Avant d’appliquer le forceps, le Dr Johnston n’a pas vérifié si un anesthésiste et une équipe chirurgicale étaient disponibles au cas où il devrait procéder à une césarienne d’urgence advenant des complications lors de la tentative d’accouchement par forceps. 

[7]                              Selon la preuve retenue par la juge de première instance, le Dr Johnston a d’abord appliqué la première branche du forceps, puis a tenté d’appliquer la deuxième.  Comme il n’était pas satisfait de la façon dont la deuxième branche était placée, il a décidé d’abandonner la méthode d’accouchement par forceps et de procéder à une césarienne.

[8]                              Le Dr Johnston est alors sorti de la salle de travail pour prendre les dispositions nécessaires en vue d’une césarienne.  Il a communiqué avec l’anesthésiste de garde, le Dr Charles Boldt, pour lui demander son assistance.  Le Dr Boldt a dit au Dr Johnston qu’il s’occupait déjà d’un cas de vie ou de mort dans une autre salle d’opération et qu’il ne s’attendait pas à pouvoir se libérer avant une heure.  Le Dr Boldt a recommandé au Dr Johnston de communiquer avec l’anesthésiste suivant sur la liste de garde, qui ne se trouvait pas sur les lieux, mais pouvait arriver dans un délai de 30 minutes. 

[9]                              Pendant que le Dr Johnston tentait de communiquer avec l’autre anesthésiste, la Dre LeGresley, qui était restée dans la salle de travail avec Mme Ediger, s’est aperçue en regardant le moniteur que la fréquence cardiaque du bébé diminuait.  Dans les 20 à 30 secondes qui ont suivi, la Dre LeGresley a observé que la fréquence cardiaque continuait à diminuer, ce qui était le signe d’une bradycardie fœtale prolongée.  Elle a alors alerté le Dr Johnston, lui signalant que Mme Ediger devait subir une césarienne d’urgence. 

[10]                          De retour dans la salle, le Dr Johnston a fixé un capteur au cuir chevelu du bébé pour vérifier si la fréquence cardiaque constatée par la Dre LeGresley sur l’écran du moniteur correspondait bien à la fréquence cardiaque du bébé.  Au bout d’environ deux minutes, il a pu confirmer la bradycardie fœtale prolongée.  Il n’est pas contesté en l’espèce que la bradycardie fœtale prolongée a été causée par une obstruction du cordon ombilical. 

[11]                          Le Dr Johnston a alors communiqué à nouveau avec le Dr Boldt, qui était toujours occupé à une autre chirurgie d’urgence, et lui a dit que Mme Ediger devait subir une césarienne d’urgence.  Mme Ediger a été transportée dans la salle d’opération pour les cas à haut risque où on l’a préparée pour la chirurgie.  Entre-temps, le Dr Boldt a stabilisé son patient et s’est empressé de venir anesthésier Mme Ediger.  À son arrivée dans la salle d’opération, le Dr Boldt a anesthésié Mme Ediger et le Dr Johnston l’a accouchée par césarienne.

[12]                          Finalement, Cassidy est venue au monde environ 20 minutes après la tentative échouée d’accouchement par forceps par le Dr Johnston (environ 18 minutes après le début de la bradycardie).  La bradycardie prolongée a causé chez Cassidy des lésions cérébrales graves et permanentes.  Elle souffre de tétraplégie spastique et de paralysie cérébrale.  Elle est incapable de parler, elle est nourrie à l’aide d’un tube, elle est confinée à un fauteuil roulant et elle dépend complètement d’autrui pour ses besoins quotidiens.  Son espérance de vie est de 38 ans.

II.     Historique des procédures

A.     Cour suprême de la Colombie‑Britannique, 2009 BCSC 386, 65 C.C.L.T. (3d) 1

[13]                          Cassidy a déposé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique une déclaration dans laquelle elle prétendait que le Dr Johnston avait fait preuve de négligence lors de sa tentative d’accouchement par forceps.  Elle soutenait en particulier que, selon la norme de diligence à laquelle il était tenu, le Dr Johnston devait veiller à ce que tout soit déjà en place pour l’application d’une solution de rechange (à mettre en œuvre « deux ensembles de préparatifs ») avant de procéder à l’accouchement par forceps.  Sinon, il devait veiller à ce qu’une équipe de secours soit disponible sans délai pour accoucher Mme Ediger par césarienne si l’accouchement par forceps ne fonctionnait pas.  Cassidy affirmait également que le Dr Johnston avait fait preuve de négligence en n’obtenant pas le consentement éclairé de Mme Ediger à l’utilisation du forceps, puisqu’il ne l’avait pas informée des risques importants associés à la méthode d’accouchement par forceps moyen.

[14]                          La preuve soumise au procès portait en grande partie sur la question de savoir si la norme de diligence applicable à l’accouchement par forceps moyen exigeait « deux ensembles de préparatifs ».  La mise en œuvre de deux ensembles de préparatifs signifie que l’accouchement par forceps a lieu dans une salle d’opération où un anesthésiste et une équipe chirurgicale sont prêts à intervenir et que tout le matériel nécessaire à un accouchement par césarienne a été préparé.  Si l’accouchement par forceps ne fonctionne pas, on abaisse les jambes de la mère, on lui badigeonne l’abdomen avec un antiseptique et on procède à l’accouchement par césarienne.  Selon la preuve soumise au procès, lors d’un accouchement avec deux ensembles de préparatifs, le bébé peut naître par césarienne deux à cinq minutes après l’abandon de la méthode d’accouchement par forceps.

[15]                          Dans ses motifs de jugement, la juge Holmes a rejeté la prétention de Cassidy voulant que la norme de diligence en vigueur à l’époque où elle est née exige deux ensembles de préparatifs.  La juge Holmes a pris note du témoignage d’un certain nombre d’experts selon lesquels les risques importants notoires d’un accouchement par forceps moyen commandaient deux ensembles de préparatifs.  Bien qu’elle ait reconnu la tendance générale à mettre en œuvre deux ensembles de préparatifs avant d’appliquer cette méthode d’accouchement, elle a retenu les témoignages du Dr Johnston et de ses experts selon lesquels, à l’époque où Cassidy est née, il n’était pas rare qu’on l’applique sans doubles préparatifs.

[16]                          La juge Holmes a toutefois souscrit à la prétention de Cassidy selon laquelle la norme de diligence applicable comportait l’exigence moins rigoureuse de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit « disponible sans délai » pour procéder à l’accouchement par césarienne si l’accouchement par forceps moyen ne fonctionnait pas, conformément aux directives cliniques de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.  Elle a conclu que le Dr Johnston n’avait pas respecté cette norme de diligence.  Selon la juge Holmes, au moment où le Dr Johnston a amorcé sa tentative d’accouchement par forceps, il ne se trouvait pas devant une situation d’urgence et il avait le temps de constituer une équipe chirurgicale.  Il n’a toutefois [traduction] « rien fait » pour veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai en cas de besoin (par. 94).  La juge Holmes a souligné que le Dr Johnston n’avait même pas vérifié si l’anesthésiste de garde était libre avant d’appliquer la méthode d’accouchement par forceps.  Par conséquent, elle a affirmé ce qui suit :

                              [traduction] Le Dr Boldt [l’anesthésiste] et son personnel infirmier étaient « présents » dans l’hôpital au sens le plus littéral du terme lorsque le Dr Johnston a amorcé sa tentative d’accouchement par forceps moyen.  Ils étaient complètement pris par un autre cas à très haut risque auquel ils estimaient devoir consacrer encore au moins une heure.  Aucun autre anesthésiste ne se trouvait dans l’hôpital ni n’était même officiellement de garde . . . [par. 83]

La juge Holmes a conclu que le Dr Johnston, en procédant comme il l’a fait, n’avait pas respecté la norme de diligence applicable à un médecin en pareilles circonstances.

[17]                          La juge Holmes a également conclu que Cassidy avait établi le lien de causalité.  Elle a conclu, plus précisément, que la tentative d’accouchement par forceps par le Dr Johnston était une cause déterminante de la bradycardie prolongée et que l’omission du Dr Johnston de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai était une cause déterminante des lésions subies par Cassidy.  En conclusion, elle a déclaré ce qui suit :

                               [traduction] En fin de compte, du personnel de secours est intervenu et Cassidy est née au bout d’environ 18 minutes.  Il s’agissait probablement du meilleur dénouement possible dans les circonstances que le Dr Johnston avait créées en faisant sa tentative alors que le Dr Boldt était retenu par un autre cas de vie ou de mort.  Toutefois, les minutes comptaient et, avec le temps, la bradycardie de Cassidy avait fait ses ravages.  Si l’équipe de secours avait été disponible cinq à dix minutes plus tôt, la majorité — voire la totalité — des lésions subies par Cassidy auraient pu être évitées. [par. 138]

Ces conclusions sur le lien de causalité, contestées dans le présent pourvoi, seront examinées plus loin en détail. 

[18]                          La juge Holmes a également conclu que le Dr Johnston avait manqué à l’obligation qu’il avait d’obtenir le consentement éclairé de Mme Ediger avant de procéder à l’accouchement par forceps, puisqu’il ne l’avait pas informée des risques importants associés à cette méthode.  La juge Holmes a jugé inutile de déterminer si Mme Ediger aurait renoncé complètement à l’utilisation du forceps si elle avait été bien informée, parce qu’elle a conclu que, si Mme Ediger avait été bien informée, elle aurait à tout le moins demandé au Dr Johnston de ne pas procéder à l’accouchement par forceps tant qu’il n’aurait pas fait le nécessaire pour qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai.  Étant donné que la juge avait déjà conclu que les lésions subies par Cassidy auraient pu être évitées si une équipe chirurgicale de secours avait été disponible, il s’ensuivait que l’omission du Dr Johnston d’informer Mme Ediger était aussi une cause des lésions subies par Cassidy.

[19]                          La juge Holmes a donc conclu que Cassidy avait réussi à établir le bien-fondé de sa réclamation pour négligence.  Elle lui a accordé des dommages-intérêts de 3 224 000 $, notamment pour pertes non pécuniaires, dommages particuliers, soins futurs et pertes de revenu. 

B.     Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, 2011 BCCA 253, 19 B.C.L.R. (5th) 60

[20]                          La Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a accueilli l’appel interjeté par le Dr Johnston.  En appel, le Dr Johnston n’a pas contesté la norme de diligence à laquelle il était tenu selon la juge de première instance, ni sa conclusion qu’il n’avait pas respecté cette norme dans l’exécution de sa tâche.  En ce qui concerne sa responsabilité pour négligence, le Dr Johnston a contesté uniquement la prétention que ses manquements à la norme de diligence ont effectivement causé les lésions subies par Cassidy.  Les parties ont également formé un appel incident concernant les dommages‑intérêts accordés. 

[21]                          S’exprimant au nom d’une formation unanime, la juge Smith a conclu que la juge de première instance avait commis une erreur en concluant que les manquements commis par le Dr Johnston avaient causé les lésions subies par Cassidy, et ce, pour deux raisons.  Premièrement, la preuve n’étayait pas la conclusion de la juge de première instance que la tentative d’accouchement par forceps par le Dr Johnston avait causé la compression du cordon ombilical et la bradycardie en résultant qui avait entraîné les lésions subies par Cassidy.  Selon la juge Smith, [traduction] « [l]a preuve non contestée a révélé que la bradycardie fœtale survient normalement quelques secondes après la compression du cordon ombilical.  Par conséquent, si la tentative du Dr  Johnston de procéder à un accouchement par forceps avait causé la compression du cordon, la bradycardie fœtale se serait produite presque en même temps que l’application du forceps » (par. 86).  Comme la juge de première instance a conclu que la bradycardie fœtale avait commencé [traduction] « tout au plus une à deux minutes » après la tentative d’accouchement par forceps (par. 124), la bradycardie n’avait pas pu être causée par la tentative d’accouchement par forceps.  

[22]                          Deuxièmement, la juge Smith a conclu que la juge de première instance avait commis une erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston de s’assurer qu’il pouvait compter sur une équipe de secours avait causé les lésions subies par Cassidy.  Bien qu’il ait été concédé que Cassidy n’aurait probablement subi aucune lésion si elle était née 10 minutes plus tôt, aucune preuve n’établissait que la présence d’une équipe chirurgicale de secours aurait accéléré l’accouchement.  Par conséquent, il n’avait pas été démontré que Cassidy n’aurait subi aucune lésion si le Dr Johnston avait veillé à ce qu’une équipe médicale de secours soit disponible sans délai ou si Mme Ediger, après avoir été bien informée, avait demandé que la tentative d’accouchement par forceps soit retardée jusqu’à ce qu’une équipe de secours soit disponible. 

[23]                          Après avoir conclu que Cassidy n’avait pas réussi à établir le lien de causalité, la juge Smith a accueilli l’appel et rejeté l’action, sans examiner l’appel interjeté par le Dr Johnston et l’appel incident interjeté par Cassidy sur la question des dommages‑intérêts accordés.  Cassidy se pourvoit maintenant devant la Cour.

III.    Analyse

[24]                          Dans une action pour négligence, il faut établir l’existence d’une obligation de diligence, un manquement à la norme de diligence, un préjudice indemnisable et le lien de causalité (Hill c. Commission des services policiers de la municipalité régionale de Hamilton‑Wentworth, 2007 CSC 41, [2007] 3 R.C.S. 129, par. 96).  En l’espèce, le Dr Johnston ne conteste pas que les trois premiers éléments sont réunis.  Il était tenu de respecter la norme de diligence applicable en veillant à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit « disponible sans délai » avant de tenter un accouchement par forceps moyen.  Il devait en outre obtenir le consentement éclairé de Mme Ediger.  Il a manqué à ces deux obligations.  De plus, comme nous l’avons déjà expliqué, Cassidy a subi de graves lésions cérébrales permanentes en raison desquelles elle est totalement dépendante de sa famille et de la collectivité.  Il s’agit manifestement d’un préjudice indemnisable. 

[25]                          La seule question en litige en l’espèce est celle du lien de causalité : les lésions subies par Cassidy ont‑elles été causées par les manquements du Dr Johnston à la norme de diligence?

[26]                          Le Dr Johnston fait valoir trois arguments pour établir que la juge de première instance a commis une erreur en concluant que ses manquements constituent la cause des lésions.  Son premier argument touche la question préliminaire de savoir si la bradycardie fœtale de Cassidy a été causée par la tentative d’accouchement par forceps ou serait survenue indépendamment de celle-ci.  Le Dr Johnston soutient que la bradycardie fœtale serait survenue indépendamment du recours à cette méthode d’accouchement et que, conséquemment, ses manquements à la norme de diligence applicable à cette méthode ne constituent pas des causes déterminantes des lésions subies par Cassidy.  Le deuxième et le troisième argument du Dr Johnston acceptent la prémisse que l’application du forceps a causé la bradycardie de Cassidy et portent que le lien de causalité n’a pas été établi parce que Cassidy aurait subi les lésions en cause même s’il avait respecté la norme de diligence.  Le Dr Johnston plaide plus particulièrement que, même s’il s’était acquitté de son obligation de veiller à ce qu’un anesthésiste soit disponible pour intervenir sans délai, Cassidy ne serait pas venue au monde plus tôt.  Il argue aussi que, même si Mme Ediger avait demandé que la tentative d’accouchement par forceps soit retardée, après avoir été bien informée des risques importants associés à l’application de cette méthode sans équipe de secours, rien ne prouve que la tentative d’accouchement par forceps à un moment ultérieur aurait donné un résultat différent.

[27]                          Bref, les trois questions suivantes se posent en ce qui concerne le lien de causalité :

(1)        La juge de première instance a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la tentative d’accouchement par forceps par le Dr Johnston a causé la bradycardie prolongée?

(2)        La juge de première instance a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit « disponible sans délai » a causé les lésions subies par Cassidy?

(3)        La juge de première instance a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston d’informer Mme Ediger des risques importants associés à la méthode d’accouchement par forceps moyen a causé les lésions subies par Cassidy?

A.     Le critère juridique d’appréciation du lien de causalité

[28]                          La Cour a résumé récemment le critère d’appréciation du lien de causalité dans Clements c. Clements, 2012 CSC 32, [2012] 2 R.C.S. 181.  Le lien de causalité est apprécié selon le critère du « facteur déterminant » (parfois désigné au moyen de l’expression « n’eût été ») (Clements, par. 8 et 13; Resurfice Corp. c. Hanke, 2007 CSC 7, [2007] 1 R.C.S. 333, par. 21‑22).  Le demandeur doit démontrer suivant la prépondérance des probabilités que, « n’eût été » la négligence du défendeur, le préjudice ne serait pas survenu (Clements, par. 8).  « Par définition, le terme “n’eût été” suppose que la négligence du défendeur était nécessaire pour que survienne le préjudice — en d’autres mots, le préjudice ne serait pas survenu sans la négligence du défendeur » (para. 8 (italiques omis)). 

[29]                          Le lien de causalité est une question de fait (Clements, par. 8 et 13).  Par conséquent, la conclusion tirée en première instance concernant le lien de causalité est contrôlée en fonction de l’existence d’une erreur manifeste et dominante (H.L. c. Canada (Procureur général), 2005 CSC 25, [2005] 1 R.C.S. 401, par. 53‑56).

B.     La juge de première instance a‑t‑elle commis une erreur en concluant que la tentative d’accouchement par forceps par le Dr Johnston a causé la bradycardie prolongée?

[30]                          Il n’est pas contesté que la bradycardie prolongée qui a entraîné les lésions subies par Cassidy a été causée par une obstruction de son cordon ombilical.  La question consiste à déterminer si cette obstruction a été causée par la tentative d’accouchement par forceps par le Dr Johnston ou si elle est survenue indépendamment de l’application de cette méthode.  Le Dr Johnston soutient que l’obstruction est survenue indépendamment de l’application de cette méthode et que, conséquemment, la juge de première instance a commis une erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston de veiller à ce qu’une équipe de secours soit disponible sans délai et son omission d’obtenir un consentement éclairé constituent des causes déterminantes des lésions subies par Cassidy.

[31]                          La juge de première instance a conclu qu’il était plus probable qu’improbable que le cordon ombilical de Cassidy a été obstrué par une compression imputable à l’application du forceps.  L’argument avancé par le Dr Johnston pour contester cette conclusion suit le raisonnement de la Cour d’appel.  Selon la Cour d’appel, la preuve a démontré que [traduction] « si la tentative du Dr Johnston de procéder à un accouchement par forceps avait causé la compression du cordon, la bradycardie fœtale se serait produite presque en même temps que l’application du forceps » (par. 86). Cette affirmation était incompatible avec la conclusion de la juge de première instance selon laquelle la bradycardie a commencé [traduction] « tout au plus une à deux minutes » après la tentative d’accouchement par forceps.  Selon la Cour d’appel, « [i]l s’agissait d’une conclusion de fait cruciale qui devait être examinée par la juge de première instance » (par. 87).

[32]                          Soit dit avec égards, la juge de première instance a examiné la question du temps écoulé entre la tentative d’accouchement par forceps et le début de la bradycardie.  Elle a notamment pris en considération les témoignages des Drs Neal Shone et Duncan Farquharson selon lesquels il se peut que le médecin, en tentant de placer les branches du forceps, déplace la tête du bébé et que le cordon ombilical soit comprimé lors d’une contraction utérine ultérieure.  Cette suite d’événements explique l’intervalle entre la fin de la tentative échouée d’accouchement par forceps et le début de la bradycardie.  Voici ce qu’a dit la juge de première instance à cet égard :

                               [traduction] Le Dr Shone a expliqué comment le cordon peut être comprimé lors d’une rotation avec forceps moyen. [. . .] [U]ne fois la deuxième branche en place, il faut manipuler la tête, habituellement en la faisant pivoter pour la dégager; cette manipulation crée un espace autour de la tête du bébé et le cordon peut se retrouver coincé sur le côté de la tête ou sous les branches du forceps.

                        De même, le Dr Farquharson a expliqué que, lors d’une rotation avec forceps moyen, il faut faire remonter ou déplacer légèrement la tête du bébé qui repose fermement sur le bassin avant de la faire pivoter.  D’après son témoignage, si le cordon ombilical se trouve placé, par exemple, le long des joues ou du cou du bébé au moment où on fait remonter ou on déplace légèrement la tête, le cordon peut glisser dans l’espace ainsi créé et être compressé contre le bassin lors de la prochaine contraction utérine, ce qui cause l’obstruction du cordon ombilical.  [par. 125-126]

[33]                          La juge Holmes a expressément retenu cette thèse du « déplacement » comme explication de l’obstruction du cordon ombilical de Cassidy.  Elle a reconnu que cette explication concordait avec le compte rendu des faits offert par la Dre LeGresley.  Celle-ci a témoigné que le Dr Johnston avait appliqué les deux branches du forceps, mais qu’il avait abandonné la méthode d’accouchement par forceps parce qu’il n’était pas satisfait de la façon dont la deuxième était placée.  La juge de première instance a conclu que cette suite d’actions a vraisemblablement eu pour effet de créer un espace suffisamment grand pour que le cordon ombilical se retrouve coincé et comprimé.

[34]                          De plus, la juge Holmes a affirmé que la thèse du « déplacement » avancée par les Drs Shone et Farquharson, qui concorde avec le compte rendu des faits par la Dre LeGresley, permet d’expliquer l’intervalle entre la tentative d’accouchement par forceps et la compression du cordon.  La juge a déclaré ce qui suit :

                            [traduction] . . . certains des experts médicaux ont discuté ou fait mention de l’effet des contractions utérines intermittentes qui peuvent entraîner un ajustement de la position relative dans le canal pelvigénital.  Par conséquent, il se peut qu’un déplacement ne cause pas immédiatement une compression du cordon, mais qu’une contraction subséquente puisse provoquer un mouvement qui poussera le cordon dans l’espace créé plus tôt. [par. 132]

[35]                          La juge Holmes a donc examiné la question de savoir comment la tentative d’application du forceps aurait pu causer l’obstruction du cordon ombilical malgré le temps qui s’est écoulé entre cette tentative et le début de la bradycardie.  En toute déférence, j’estime que la Cour d’appel a eu tort de conclure que les conclusions de la juge Holmes étaient incompatibles avec la preuve.

[36]                          Les motifs de la Cour d’appel indiquent en outre que, selon son appréciation, la juge de première instance s’est appuyée à tort sur l’arrêt Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311, pour tirer une [traduction] « inférence de lien de causalité » (par. 83-85).  L’arrêt Snell permet d’affirmer que le demandeur, dans les affaires de responsabilité médicale — comme dans n’importe quelle autre affaire — a la charge d’établir le lien de causalité selon la prépondérance des probabilités (p. 329‑330).  Le juge Sopinka a mentionné que cette norme de preuve n’exige pas une certitude scientifique (Snell, p. 328; Clements, par. 9).  Le juge des faits peut, en soupesant la preuve, tirer une inférence défavorable au défendeur qui ne produit pas une preuve suffisante contraire à la thèse du demandeur concernant le lien de causalité.  Pour déterminer si la preuve déposée par le défendeur est suffisante, le juge des faits doit tenir compte de la preuve que chaque partie est en mesure de produire (Snell, p. 330).  

[37]                          En l’espèce, il n’existe aucune raison de croire que la juge de première instance a dérogé à la façon de faire décrite ci-dessus.  Au procès, le Dr Johnston a produit une certaine preuve contraire à la thèse du « déplacement » concernant le lien de causalité.  Le Dr Johnston a affirmé dans son témoignage qu’il n’a jamais appliqué la deuxième branche du forceps sur la tête du bébé, ce qui est incompatible avec l’explication de la thèse du « déplacement » offerte par le Dr Shone.  Selon le Dr Shone, c’est l’application de la deuxième branche du forceps qui exige une manipulation de la tête du bébé créant un espace assez grand pour que le cordon ombilical se retrouve coincé et soit ultérieurement compressé par les contractions utérines.  La juge Holmes a reconnu que le témoignage du Dr Johnston était incompatible avec la thèse du « déplacement ».  Elle a toutefois expliqué qu’elle rejetait le témoignage du Dr Johnston parce qu’il ne se souvenait pas très bien des faits et qu’elle retenait plutôt le souvenir de la Dre LeGresley que le Dr Johnston avait appliqué les deux branches du forceps avant d’abandonner la méthode d’accouchement par forceps.

[38]                          Le Dr Johnston a également affirmé dans son témoignage que, contrairement à la thèse du « déplacement » des Drs Shone et Farquharson, l’application des deux branches du forceps ne créerait pas un espace suffisant pour que le cordon ombilical puisse glisser et se retrouver coincé.  Il a également présenté la preuve d’autres causes possibles de l’obstruction du cordon ombilical, par exemple un cordon court, entortillé ou enroulé autour du cou du bébé. 

[39]                          Devant ce témoignage d’expert contradictoire quant à la validité de la thèse du « déplacement » et la preuve d’autres causes possibles de l’obstruction, la juge Holmes devait apprécier la preuve dont elle était saisie et déterminer si Cassidy avait prouvé le lien de causalité selon la prépondérance des probabilités.  La juge Holmes a finalement conclu que Cassidy s’était acquittée de ce fardeau, et ce, pour trois raisons.  Premièrement, comme nous l’avons déjà vu, les témoignages des Drs Shone et Farquharson concernant les effets physiques et les distorsions occasionnés par les contractions et le déroulement des étapes menant à une compression du cordon concordaient avec ce qui s’est passé en l’espèce.  Deuxièmement, de nombreux experts ont affirmé dans leur témoignage que la méthode d’accouchement par forceps moyen comporte des risques, notamment un risque de compression aiguë du cordon ombilical. Troisièmement, le court intervalle entre la tentative d’accouchement par forceps et la bradycardie étayait la conclusion selon laquelle il y avait un lien entre cette tentative et la compression du cordon ombilical.  Par conséquent, la juge Holmes a conclu que, bien qu’elle ne puisse pas savoir avec certitude ce qui a précisément causé la compression du cordon ombilical, [traduction] « [l]a seule conclusion raisonnable que l’on puisse tirer de l’ensemble de la preuve est que la tentative d’accouchement par forceps moyen a probablement causé la compression du cordon qui a entraîné la bradycardie » (par. 135).

[40]                          Cette conclusion ne renferme aucune erreur manifeste et dominante.  La juge Holmes pouvait retenir les témoignages des Drs Shone et Farquharson à propos de la thèse du déplacement plutôt que celui du Dr Johnston.  Le court intervalle entre la tentative d’accouchement par forceps et la bradycardie, combiné au risque notoire que l’accouchement par forceps cause une bradycardie, permettait à la juge Holmes de conclure à l’existence d’un lien de causalité.

C.     La juge de première instance a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit « disponible sans délai » a causé les lésions subies par Cassidy?

[41]                          Comme nous l’avons indiqué, la juge de première instance a conclu que le Dr Johnston n’avait pas respecté la norme de diligence applicable à la méthode d’accouchement par forceps moyen en ne veillant pas à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai pour mettre Cassidy au monde par césarienne en cas de bradycardie.  Le Dr Johnston ne nie pas avoir contrevenu à la norme de diligence.  Il prétend toutefois que la juge de première instance a commis une erreur en concluant que le lien de causalité était établi, parce que Cassidy n’avait pas démontré que ses lésions auraient été évitées s’il avait respecté la norme de diligence.  Comme nous l’expliquons plus loin, la juge de première instance n’a pas commis d’erreur.  Selon elle, la norme de diligence exigeait que le Dr Johnston prenne des précautions raisonnables pour parer au risque reconnu de bradycardie et aux lésions graves causées au bébé par une bradycardie prolongée.  La preuve montre que le Dr Johnston n’a pas pris de telles précautions et, à notre avis, la juge de première instance ne s’est pas trompée en concluant que son omission de veiller à ce qu’une équipe de secours soit disponible sans délai a causé les lésions subies par Cassidy.

[42]                          Bien que la question ultime que nous devons trancher soit celle du lien de causalité, le débat porte ici sur ce qu’il faut entendre par être « disponible sans délai » selon la norme énoncée par la juge de première instance.  L’argument du Dr Johnston est simple.  Il soutient que la norme de diligence envisagée par la juge de première instance l’obligeait simplement à s’assurer que le DBoldt, l’anesthésiste, n’était pas occupé à une autre chirurgie et qu’il était prêt à intervenir en cas de bradycardie.  Le Dr Johnston reconnaît que, s’il avait mis Cassidy au monde en 10 minutes environ, les lésions qu’elle a subies auraient pu être complètement évitées, mais il affirme que la présence du Dr Boldt n’aurait, à elle seule, rien changé au temps nécessaire pour mettre Cassidy au monde.  Il se serait quand même écoulé 18 minutes entre le début de la bradycardie et la naissance de Cassidy, de sorte que les lésions qu’elle a subies n’auraient pas été évitées.  Pour étayer son argument, il souligne la preuve au dossier selon laquelle il a fallu environ 13 minutes pour confirmer la baisse de la fréquence cardiaque de Cassidy, transporter Mme Ediger dans la salle d’opération et la préparer pour la chirurgie.  À ce moment, à l’instant même où Mme Ediger était prête pour la chirurgie, le Dr Boldt est arrivé et l’a anesthésiée.  Cassidy est née cinq minutes plus tard.  Selon le Dr Johnston, aucune preuve n’établit que Cassidy serait née plus tôt si le DBoldt était arrivé plus rapidement ni, par conséquent, que l’omission de veiller à ce que le Dr Boldt soit prêt à intervenir lui a causé des lésions.

[43]                          Nous retenons l’argument du Dr Johnston selon lequel la preuve au dossier ne démontre pas que la mère de Cassidy aurait accouché plus tôt si le Dr Boldt était arrivé plus rapidement.  Par conséquent, la juge de première instance aurait commis une erreur manifeste en concluant que l’absence initiale du Dr Boldt, en soi, a causé les lésions subies par Cassidy.  Nous croyons cependant que ce n’est pas la conclusion à laquelle la juge de première instance est arrivée.

[44]                          Le problème que pose la norme de diligence, telle que l’interprète le DJohnston, tient au fait qu’elle ne pare pas au risque en cause et au préjudice pouvant en découler.  Selon le Dr Johnston, les motifs de la juge de première instance l’obligeaient à veiller à ce qu’un anesthésiste soit prêt à intervenir pour parer au risque de bradycardie.  Il ajoute néanmoins que le fait qu’un anesthésiste soit prêt à intervenir ne modifierait pas de façon appréciable la capacité de réagir à la bradycardie. Comme l’avocat du Dr Johnston l’a reconnu dans sa plaidoirie, l’interprétation proposée par le Dr Johnston de la norme de l’équipe médicale « disponible sans délai » signifierait que le médecin traitant ne pourrait jamais être tenu responsable pour ne pas avoir respecté cette norme lorsqu’une bradycardie fœtale en résulte et cause un préjudice débilitant. 

[45]                          Nous interprétons différemment les motifs de la juge de première instance.  Compte tenu du contexte et au vu des faits et de la preuve produite en l’espèce, nous n’avons aucun mal à conclure que la juge de première instance envisageait une norme de diligence qui aurait paré au risque notoire de bradycardie fœtale lié à un accouchement par forceps moyen.  Cette norme de diligence exigeait que le Dr Johnston prenne des précautions raisonnables pour que Cassidy puisse naître sans subir de lésions en cas de bradycardie.  Elle ne l’autorisait pas à faire fi de ce risque comme il l’a fait.

[46]                          Le principal point en litige au procès était de savoir si la norme de diligence applicable interdisait une tentative d’accouchement par forceps moyen en l’absence de doubles préparatifs.  Comme nous l’avons déjà mentionné, les témoignages d’expert produits au procès ont établi que la mise en œuvre de doubles préparatifs signifie que l’accouchement par forceps a lieu dans une salle d’opération où un anesthésiste et une équipe chirurgicale sont prêts à intervenir et où tout le matériel nécessaire a été préparé.  Si la tentative d’accouchement par forceps échoue, on abaisse les jambes de la mère, on lui badigeonne l’abdomen avec un antiseptique et on procède à l’accouchement par césarienne.  Dans cette situation, un accouchement complet prend de deux à cinq minutes après la tentative échouée d’accouchement par forceps.

[47]                          Comme la juge Holmes l’a reconnu, la preuve non contestée soumise au procès a établi que le bébé commence à subir des lésions environ 10 minutes après le début de la bradycardie.  Le Dr Alfonso Solimano, un spécialiste en médecine néonatale, a affirmé dans son témoignage que, si le bébé naît dans cet intervalle de 10  minutes, il est fort probable qu’il ne subira aucune lésion.  Par conséquent, avec la mise en œuvre de doubles préparatifs pour l’accouchement, aucune lésion ne devrait survenir. 

[48]                          Malgré la preuve présentée au procès établissant que tous les hôpitaux qui prodiguent des soins obstétricaux sont en mesure de mettre en œuvre de doubles préparatifs et qu’il est fréquent qu’on prenne cette précaution pour un accouchement par forceps moyen, la juge de première instance a rejeté l’argument de Cassidy selon laquelle la norme de diligence applicable exige la mise en œuvre de doubles préparatifs. Après avoir pris en considération les coûts et les risques en cause, elle a conclu que la norme de diligence applicable était plus souple que la norme des doubles préparatifs, exigeant seulement qu’une équipe chirurgicale de secours soit « disponible sans délai », conformément aux directives cliniques de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada. 

[49]                          Bien qu’elle soit plus souple que la norme des doubles préparatifs parce qu’elle ne vise pas, comme elle, un accouchement dans un délai de deux à cinq minutes, la norme de diligence de l’équipe médicale « disponible sans délai » confirmée par la juge de première instance exige néanmoins que le médecin traitant prenne des précautions pour parer au risque de bradycardie fœtale prolongée imputable à la méthode d’accouchement par forceps moyen.  Il ressort clairement des motifs de la juge de première instance que la norme de diligence était liée au risque et au préjudice associés à la méthode d’accouchement par forceps.  Dès le début, par exemple, la juge de première instance résume ses motifs en déclarant ce qui suit : [traduction] « Les minutes comptaient, et comme le Dr Johnston n’avait pas veillé à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit raisonnablement disponible, le mal était fait avant que Cassidy puisse naître par césarienne et être réanimée.  Cassidy a établi le bien-fondé de sa demande fondée sur la négligence » (par. 9 (nous soulignons)).  Ensuite, en évaluant le lien de causalité, la juge de première instance a réaffirmé ce qui suit :

                    [traduction] . . . les minutes comptaient et, avec le temps, la bradycardie de Cassidy avait fait ses ravages.  Si l’équipe de secours avait été disponible cinq à dix minutes plus tôt, la majorité — voire la totalité — des lésions subies par Cassidy auraient pu être évitées.  Le Dr Alfonso Solimano, un spécialiste en médecine néonatale, a affirmé dans son témoignage que, selon une opinion clinique non contestée, dans la majorité des cas, les lésions commencent à se produire dix minutes après le début de la bradycardie; si le bébé naît avant que ce délai de dix minutes ne soit écoulé, il est fort probable qu’il ne subira aucune lésion. [par. 138]

La juge de première instance a également reconnu que, même si la norme de diligence n’exigeait pas la mise en œuvre de doubles préparatifs, le fait qu’une « partie importante des membres de la communauté médicale concernée » ait conclu à la nécessité de doubles préparatifs confirmait que l’on s’attendait à ce que le praticien raisonnable prenne des précautions pour prévenir les lésions (par. 91).

[50]                          Nous reconnaissons que la juge de première instance a parlé, tantôt, d’une obligation de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai et, tantôt, d’une obligation de s’assurer que l’anesthésiste était disponible. Nous devons toutefois examiner ses motifs en tenant compte de leur contexte global.  Après les avoir examinés ainsi, nous estimons que, selon leur interprétation la plus logique, la juge de première instance considérait la disponibilité d’un anesthésiste comme un élément de l’obligation plus large de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai.

[51]                          Il ne fait aucun doute que le Dr Johnston n’a pris aucune précaution pour que, en cas de bradycardie, Cassidy puisse être mise au monde par césarienne sans subir de lésion. Comme la juge de première instance l’a fait remarquer, le Dr Johnston n’a [traduction] « rien fait » avant de commencer l’accouchement par forceps moyen pour qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai, alors qu’aucune urgence ne l’empêchait de prendre cette précaution (par. 94).  Il n’a même pas vérifié si un anesthésiste était disponible.  En fait, l’argumentation du Dr Johnston devant la Cour est axée sur la prémisse voulant que, compte tenu de la situation au moment où il a commencé l’accouchement par forceps moyen, Cassidy n’aurait pas pu être mise au monde moins de 18 minutes après le début de la bradycardie, soit bien après qu’elle ait presque assurément subi de graves lésions.  La juge de première instance a estimé que ces faits ne satisfaisaient pas à la norme de diligence.

[52]                          Nous ne prétendons pas qu’une norme de diligence doit empêcher qu’un préjudice survienne en toutes circonstances et à tout prix.  Nous ne faisons qu’interpréter et appliquer la norme de diligence énoncée par la juge de première instance en fonction de la situation factuelle précise dont elle était saisie.

[53]                          En résumé, bien que la juge Holmes n’ait pas conclu que la norme de diligence applicable au moment où Cassidy est née exigeait la mise en œuvre de doubles préparatifs par le Dr Johnston, elle n’a pas conclu non plus qu’elle lui permettait d’agir sans tenir compte du risque notoire de bradycardie associé à une rotation avec forceps moyen.  Le Dr Johnston devait, avant d’entreprendre l’accouchement par forceps, prendre des précautions raisonnables pour parer au risque notoire de bradycardie et aux lésions causées par une bradycardie de plus de 10 minutes.  Comme il n’est pas contesté que le Dr Johnston a omis de prendre ces précautions, qui auraient permis à Cassidy de naître plus tôt et lui auraient vraisemblablement évité les lésions causées par la bradycardie, la conclusion tirée par la juge de première instance concernant le lien de causalité est bien fondée. 

D.     La juge de première instance a‑t‑elle commis une erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston d’informer Mme Ediger des risques importants associés à la méthode d’accouchement par forceps moyen a causé les lésions subies par Cassidy?

[54]                          Comme nous avons confirmé la validité de la conclusion de la juge de première instance selon laquelle le manquement du Dr Johnston à son obligation de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai a causé les lésions subies par Cassidy, nous n’avons pas à décider si le manquement du Dr Johnston à l’obligation d’obtenir le consentement éclairé de Mme Ediger les a causées.  Toutefois, comme nous le verrons, l’analyse faite par la juge de première instance du consentement éclairé confirme également l’invraisemblance de l’interprétation faite par le Dr Johnston de la norme d’une équipe chirurgicale « disponible sans délai ». 

[55]                          La juge de première instance a conclu que le Dr Johnston devait obtenir le consentement éclairé de Mme Ediger avant de procéder à l’accouchement par forceps.  Pour s’acquitter de cette obligation, le Dr Johnston devait notamment informer Mme Ediger des risques importants associés à cette méthode, qui incluaient le risque de bradycardie prolongée. Ces conclusions ne sont pas contestées devant la Cour.

[56]                          En analysant la question de savoir si l’omission d’obtenir un consentement éclairé a causé les lésions subies par Cassidy, la juge de première instance n’a tiré aucune conclusion quant à savoir si Mme Ediger, si elle avait été correctement informée des risques, aurait renoncé complètement à l’accouchement par forceps et aurait choisi un accouchement par césarienne.  Elle a reconnu que la preuve sur ce point était contradictoire.  La preuve établissait notamment que [traduction] « [t]out au long de sa grossesse et de son accouchement, la première préoccupation de Mme Ediger était la santé de son bébé » et, pour cette raison, la juge de première instance était « certaine » que « Mme Ediger aurait pris des risques pour sa propre santé afin d’éviter tout risque pour la santé du bébé » (par. 166).  De plus, certains témoignages d’expert révèlent qu’une future mère, bien informée des risques, choisirait d’accoucher par césarienne. Toutefois, le Dr Johnston a affirmé dans son témoignage que, selon son expérience, les patientes informées des risques choisissaient en général quand même un accouchement par forceps. 

[57]                          La juge de première instance a jugé inutile de décider si Mme Ediger aurait complètement renoncé à l’accouchement par forceps, parce qu’elle a conclu que Mme Ediger, si elle avait été correctement informée du fait qu’aucune équipe chirurgicale de secours n’était disponible sans délai pour mettre Cassidy au monde en cas de complications, aurait choisi d’attendre jusqu’à ce que le Dr Johnston ait fait le nécessaire pour qu’une telle équipe soit disponible. 

[58]                          Cette façon dont la juge de première instance a traité la question du consentement éclairé est incompatible avec l’argument du Dr Johnston selon lequel son obligation de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit « disponible sans délai » exigeait seulement qu’il vérifie si un anesthésiste était présent dans l’hôpital et n’était pas occupé.  Comme nous l’avons déjà expliqué, la version de la norme de diligence d’une équipe médicale « disponible sans délai » proposée par le Dr Johnston n’aurait pas permis de mettre Cassidy au monde en moins de 18 ou 20 minutes, de sorte qu’elle aurait presque immanquablement subi de graves lésions cérébrales si le risque de bradycardie s’était concrétisé.  Dans le cas où de telles lésions seraient presque immanquablement survenues, l’obligation du Dr Johnston d’obtenir un consentement éclairé aurait compris l’obligation d’informer Mme Ediger du fait que la méthode d’accouchement par forceps moyen comportait un risque de bradycardie et que, si ce risque se concrétisait, son bébé naîtrait nécessairement avec de graves lésions cérébrales permanentes en raison du temps requis pour constituer une équipe chirurgicale de secours.  Elle aurait pu choisir plutôt un accouchement par césarienne, qui comporte surtout des risques pour la mère.  Si l’interprétation de la norme de diligence proposée par le Dr Johnston était juste, nous sommes persuadés que la juge de première instance — qui a reconnu que la [traduction] « première préoccupation » de Mme Ediger était la santé de son bébé et qui était « certaine » que « Mme Ediger aurait pris des risques pour sa propre santé afin d’éviter tout risque pour la santé du bébé » (par. 166) — aurait conclu que Mme Ediger aurait renoncé à l’accouchement par forceps et aurait choisi l’accouchement par césarienne.  Dans ce cas, aucune tentative d’accouchement par forceps moyen n’aurait été faite, aucune bradycardie n’en aurait résulté et Cassidy n’aurait subi aucune lésion pour cette raison.

[59]                          Cette incompatibilité plutôt évidente entre l’interprétation faite par le Dr Johnston de la norme de diligence d’une équipe chirurgicale « disponible sans délai » et les véritables motifs de la juge de première instance constitue un motif additionnel de rejeter la conception que propose le Dr Johnston de la norme de diligence d’une équipe chirurgicale « disponible sans délai ».

IV.    Dispositif

[60]                          En résumé, la juge de première instance n’a commis aucune erreur en concluant que l’omission du Dr Johnston de veiller à ce qu’une équipe chirurgicale de secours soit disponible sans délai avant de tenter un accouchement par forceps moyen a causé les lésions subies par Cassidy.  Par conséquent, rien ne justifie de modifier la conclusion de responsabilité tirée par la juge de première instance. 

[61]                          Comme la Cour d’appel n’a pas examiné l’appel et l’appel incident des parties sur la question des dommages‑intérêts accordés par la juge de première instance, l’affaire est renvoyée à la Cour d’appel pour l’examen de cette question. 

[62]                          Le pourvoi est accueilli avec dépens en faveur de Cassidy devant toutes les cours.

                    Pourvoi accueilli avec dépens devant toutes les cours.

                    Procureurs de l’appelante : Borden Ladner Gervais, Vancouver.

                    Procureurs de l’intimé : Harper Grey, Vancouver.

 

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