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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : Goodwin c. Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 3 R.C.S. 250

Date : 20151016

Dossier : 35864

 

Entre :

Richard James Goodwin

Appelant

et

Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie-Britannique

Intimés

 

Et entre :

Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie-Britannique

Appelants

et

Jamie Allen Chisholm

Intimé

Et entre :

Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie-Britannique

Appelants

et

Scott Roberts

Intimé

Et entre :

Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie-Britannique

Appelants

et

Carol Marion Beam

Intimée

Et entre :

Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie-Britannique

Appelants

et

Richard James Goodwin

Intimé

- et -

Procureur général du Canada, procureur général de l’Ontario, procureure générale du Québec, procureur général du Manitoba, procureur général de la Saskatchewan, procureur général de l’Alberta, Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique, Bureau d’assurance du Canada, Criminal Trial Lawyers’ Association (Alberta), Criminal Defence Lawyers Association (Calgary), Criminal Lawyers’ Association of Ontario, Alberta Registrar of Motor Vehicle Services et Les mères contre l’alcool au volant Canada

Intervenants

 

Traduction française officielle

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Côté

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 90)

La juge Karakatsanis (avec l’accord des juges Cromwell, Moldaver, Wagner, Gascon et Côté)

Motifs dissidents en partie :

(par. 91 à 110)

La juge en chef McLachlin

 

 

 


Goodwin c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 46, [2015] 2 R.C.S. 250

Richard James Goodwin                                                                                 Appelant

c.

Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie‑Britannique                                               Intimés

‑ et ‑

Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie‑Britannique                                          Appelants

c.

Jamie Allen Chisholm                                                                                          Intimé

‑ et ‑

Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie‑Britannique                                          Appelants

c.

Scott Roberts                                                                                                        Intimé

‑ et ‑

Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie‑Britannique                                          Appelants

c.

Carol Marion Beam                                                                                           Intimée

‑ et ‑

Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et

procureur général de la Colombie‑Britannique                                          Appelants

c.

Richard James Goodwin                                                                                     Intimé

et

Procureur général du Canada,

procureur général de l’Ontario,

procureure générale du Québec,

procureur général du Manitoba,

procureur général de la Saskatchewan,

procureur général de l’Alberta,

Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique,

Bureau d’assurance du Canada,

Criminal Trial Lawyers’ Association (Alberta),

Criminal Defence Lawyers Association (Calgary),

Criminal Lawyers’ Association of Ontario,

Alberta Registrar of Motor Vehicle Services et

Les mères contre l’alcool au volant Canada                                             Intervenants

Répertorié : Goodwin c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles)

2015 CSC 46

No du greffe : 35864.

2015 : 19 mai; 2015 : 16 octobre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Côté.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

                    Droit constitutionnel — Partage des compétences — Droit criminel — Propriété et droits civils — Voies publiques — Conduite avec facultés affaiblies — Loi provinciale prévoyant des suspensions automatiques du permis de conduire, des sanctions et des programmes correctifs à la suite d’une analyse faite lors d’un contrôle routier à l’aide d’un appareil de détection approuvé — Le régime d’interdiction automatique de conduire outrepasse‑t‑il la compétence de la province parce qu’il relève exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral en matière de droit criminel? — Loi constitutionnelle de 1867, art. 91(27) , 92(13)  — Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1996, c. 318.

                    Droit constitutionnel — Charte des droits — Présomption d’innocence — Fouilles, perquisitions et saisies — Conduite avec facultés affaiblies — Loi provinciale prévoyant des suspensions automatiques du permis de conduire, des sanctions et des programmes correctifs à la suite d’une analyse faite lors d’un contrôle routier à l’aide d’un appareil de détection approuvé — Le régime d’interdiction automatique de conduire crée‑t‑il une infraction visée par l’art. 11 de la Charte et porte‑t‑il atteinte à la présomption d’innocence? — Le régime d’interdiction automatique de conduire porte‑t‑il atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives? — Dans l’affirmative, cette atteinte est‑elle justifiable? — Charte canadienne des droits et libertés, art. 1 , 8 , 11d)  — Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1996, c. 318.

                    En 2010, la Colombie‑Britannique a créé le régime d’interdiction automatique de conduire (RIAC). Ce régime représente le prolongement des efforts déployés depuis longtemps par la Colombie‑Britannique pour chasser les conducteurs aux facultés affaiblies de ses routes par l’imposition de suspensions de permis, de sanctions et de programmes correctifs. Selon le régime, il faut analyser les échantillons d’haleine des conducteurs lors d’un contrôle routier au moyen d’un appareil de détection approuvé (ADA). Le résultat « échec » ainsi que le refus ou l’omission du conducteur de fournir un échantillon entraînent tous deux une suspension du permis de 90 jours. Le résultat « avertissement » se traduit par une suspension plus courte de 3 à 30 jours. Il existe une procédure de contrôle des suspensions, mais elle permet seulement au Superintendent of Motor Vehicles (« Surintendant ») de décider si le demandeur était un « conducteur » et si l’ADA a affiché le résultat « échec » ou « avertissement », ou si le demandeur a refusé de fournir un échantillon.

                    Il s’agit en l’espèce de décider si le RIAC  excède la compétence législative de la province et empiète sur la compétence exclusive du gouvernement fédéral en matière de droit criminel. Il s’agit également de déterminer si le régime provincial fait intervenir et porte atteinte en fin de compte à deux droits garantis par la Charte : la protection offerte par l’art. 8 contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives ainsi que la présomption d’innocence garantie par l’al. 11d). Selon le juge en chambre, le RIAC relève de la province et l’al. 11d) de la Charte ne s’applique pas. Il a toutefois conclu que le RIAC viole l’art. 8 lorsque l’appareil de détection affiche le résultat « échec », mais non lorsque le conducteur refuse de fournir un échantillon d’haleine. Sa décision a été confirmée en appel.

                    Arrêt (la juge en chef McLachlin est dissidente en partie) : Les pourvois sont rejetés.

                    Les juges Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Côté : La province, en instaurant le RIAC, avait pour objectif non pas d’écarter le droit criminel, mais plutôt d’empêcher les décès et les blessures graves sur les chemins publics en en chassant les conducteurs en état d’ébriété et en décourageant la conduite avec facultés affaiblies. Le RIAC, de par son caractère véritable, vise à délivrer des permis de conduire, à renforcer la sécurité routière et à dissuader les gens de conduire avec les facultés affaiblies par l’alcool. Les provinces jouent un rôle important quand elles assurent la sécurité routière, notamment en décidant qui est en mesure de conduire et en chassant les conducteurs dangereux des routes. Les programmes provinciaux de lutte contre la conduite en état d’ébriété et le droit criminel sont souvent interreliés. Une loi provinciale n’empiète pas sur la compétence fédérale en matière de droit criminel du seul fait qu’elle a pour objet de cibler une conduite qui est également visée par le Code criminel . La dissuasion peut être un objectif du droit provincial. Il ne fait aucun doute que la matière relève de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils dans la province. La loi est donc valide du point de vue du partage des compétences.

                    Le RIAC ne crée pas une infraction visée par l’al. 11d) de la Charte. Il ne vise pas à réparer en audience publique le tort causé à la société; il vise plutôt à encadrer les conducteurs et la délivrance de permis et à assurer la sécurité routière. Même si le régime a un lien avec le droit criminel, en ce sens qu’il dépend des pouvoirs de saisie prévus par le Code criminel  et est appliqué par la police, il est plus exact de le qualifier de procédure de nature administrative. De plus, le RIAC n’impose pas de véritables conséquences pénales. Bien qu’une suspension de 90 jours représente une conséquence importante pour quiconque viole un régime de permis, et que l’imposition potentielle d’environ 4 000 $ en frais et sanctions soit sévère, ces conséquences ne sont pas suffisantes pour mettre en jeu les droits à un procès équitable consacrés à l’art. 11. L’interdiction de conduire se rapporte directement aux modalités et conditions réglementaires selon lesquelles une personne peut être autorisée à conduire. Les mesures de protection de l’art. 11 n’entrent pas en jeu en l’espèce.

                    La demande de souffler dans un ADA constitue une saisie qui porte atteinte à l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée et fait intervenir la protection offerte par l’art. 8 de la Charte. Bien que la province se fonde sur le Code criminel  pour autoriser la demande d’échantillon d’haleine, l’objet et les conséquences de la saisie sont établis dans le RIAC, dans la Motor Vehicle Act. C’est le RIAC qui autorise la saisie de l’échantillon d’haleine, et il est donc assujetti à l’examen fondé sur la Charte pour ce motif. La demande d’échantillon d’haleine est un élément crucial des efforts déployés par la province pour empêcher que les Britanno‑Colombiens soient tués ou gravement blessés par les conducteurs aux facultés affaiblies. Cet objet impérieux milite fortement en faveur du caractère raisonnable de la saisie d’un échantillon d’haleine. Bien entendu, la conduite automobile sur une voie publique est une activité très réglementée, et les conducteurs s’attendent à ce que le code de la route soit appliqué. Cette réalité, conjuguée au fait que le régime s’inscrit dans un cadre réglementaire plus large visant la conduite et la sécurité routière, permet de qualifier le régime de réglementaire et d’appliquer une norme plus souple pour en apprécier le caractère raisonnable. Cependant, bien que la saisie d’un échantillon d’haleine se fasse à des fins réglementaires, elle possède néanmoins des caractéristiques qui s’apparentent au droit criminel, comme le fait qu’elle soit administrée par un policier conformément à une autorisation accordée par le Code criminel . Si les conséquences du résultat « échec » ou du défaut de fournir un échantillon d’haleine ne sont pas criminelles, elles sont néanmoins immédiates et graves et surviennent sans qu’une autre analyse ne soit effectuée au moyen d’un alcootest plus fiable. En l’espèce, pour déterminer si l’alcoolémie d’un conducteur dépasse la limite permise, on administre un alcootest au moyen d’un ADA. Le juge en chambre a conclu que, dans certains cas, il peut y avoir de sérieux doutes quant à savoir si un ADA indique avec exactitude les mesures d’alcoolémie. L’utilisation d’un ADA pour obtenir un échantillon d’haleine soulève des préoccupations qui minent le caractère raisonnable de la saisie, plus particulièrement quant à la fiabilité des résultats d’analyse.

                    L’étendue du contrôle et la possibilité d’y recourir font partie de l’analyse fondée sur l’art. 8. La possibilité pour le conducteur de contester l’exactitude du résultat de l’ADA est essentielle au caractère raisonnable du RIAC. En l’espèce, la procédure de contrôle des suspensions imposées en application du RIAC permet seulement au Surintendant de décider si le demandeur était un « conducteur » et si l’ADA a affiché le résultat « échec » ou « avertissement », ou si le demandeur a refusé de fournir un échantillon. L’absence d’un contrôle valable de l’exactitude du résultat de la saisie, vu la non‑fiabilité du test, suscite des doutes concernant le caractère raisonnable du RIAC. En l’absence d’un tel contrôle, le conducteur pourrait se voir imposer de graves sanctions administratives sans que les conditions préalables à l’imposition des sanctions ne soient réunies et sans qu’il ne puisse bénéficier d’un mécanisme pour obtenir réparation. Les graves conséquences subies par le conducteur qui échoue au test, conjuguées à l’impossibilité pour lui de contester le motif pour lequel ces conséquences sont imposées, rendent le RIAC abusif.

                    L’objectif du régime — réduire le nombre de décès et de blessures causés par la conduite avec facultés affaiblies — est urgent et réel, et il existe un lien rationnel entre les interdictions automatiques de conduire et cet objectif. Cependant, le RIAC ne porte pas atteinte de façon minimale au droit du conducteur d’être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. Les modifications apportées subséquemment au RIAC pour élargir le contrôle des analyses et des interdictions survenues à l’occasion de contrôles routiers démontrent que des mesures moins attentatoires peuvent facilement être mises en place sans nuire à l’objectif de la province. Par conséquent, le volet « échec » du RIAC n’est pas sauvegardé par l’article premier. Point n’est besoin de décider si le volet « avertissement » du régime mène au  même résultat.

                    La juge en chef McLachlin (dissidente en partie) : Il y a accord avec les juges majoritaires sur la question constitutionnelle et celle relative à l’al. 11d) de la Charte, mais non sur l’art. 8. Le régime provincial de suspension imposée lors d’un contrôle routier n’enfreint pas l’exigence constitutionnelle que les fouilles, perquisitions et saisies ne soient pas abusives. Le régime provincial en l’espèce s’en remet aux dispositions du Code criminel  qui permettent à un policier de contraindre un conducteur à donner un échantillon d’haleine. Il s’agit là clairement de la saisie d’un échantillon d’une substance corporelle, ce qui signifie qu’elle ne doit pas être abusive au sens de l’art. 8 de la Charte. Pour décider si une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable, le tribunal doit examiner trois conditions : (1) l’État procède à la fouille, à la perquisition ou à la saisie pour réaliser un objectif important qui se fonde sur l’intérêt public général; (2) l’atteinte ne va pas au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État; (3) l’atteinte est soumise à la surveillance judiciaire pour empêcher que l’État se livre à des abus. Pour décider si une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable, on se demande parfois si l’acte de l’État représente un juste équilibre entre l’objectif de l’État et le droit de l’individu à la protection de sa vie privée. Toutefois, considérer l’analyse fondée sur l’art. 8 comme une simple mise en balance de l’intérêt de l’État et du droit de l’individu à la vie privée ne permet pas toujours de prendre en compte ce qu’il faut pour établir qu’une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable. Même lorsque l’objectif de l’État revêt une grande importance, l’État ne doit pas empiéter dans la sphère protégée de l’individu davantage que ne le justifie raisonnablement cet objectif, ni le faire en l’absence de garanties appropriées susceptibles de donner lieu à un contrôle judiciaire. Pour ce qui est du droit à la vie privée, il doit s’entendre au sens de ce qui appartient à la sphère privée de l’individu dans laquelle ce dernier s’attend raisonnablement à être à l’abri de l’intrusion de l’État en l’absence d’un objectif supérieur de celui‑ci et de garanties juridiques.

                    Les trois conditions d’une fouille, d’une perquisition ou d’une saisie raisonnable sont toutes réunies en l’espèce. Tout d’abord, l’objectif de l’État — prévenir les décès et les blessures graves imputables à la conduite avec facultés affaiblies — est important et susceptible de justifier l’intrusion dans la sphère privée des substances corporelles de l’individu. Ensuite, la saisie ne va pas au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État. Le régime en l’espèce est de nature réglementaire, non criminelle. De plus, la conduite sur les routes est fortement réglementée et occupe une grande place dans l’application des règles de sécurité routière. La troisième condition — la possibilité de recourir à la surveillance judiciaire — est la plus problématique, mais le conducteur peut demander qu’un deuxième test soit effectué à l’aide d’un autre appareil lors du contrôle routier. Il peut aussi demander que le Surintendant révise une suspension et présenter des déclarations et autres éléments de preuve à l’appui de sa demande. La décision du Surintendant peut être soumise à la surveillance des tribunaux par voie de contrôle judiciaire. Le caractère administratif du régime ainsi que la nature des droits du conducteur en jeu justifient la nature administrative du contrôle, tout comme les dispositions moins strictes visant à assurer l’exactitude de l’échantillon. Dans la présente affaire, les dispositions du régime de suspension en matière de révision offrent une protection raisonnable contre l’exercice abusif du pouvoir de l’État d’empiéter dans la sphère privée de l’individu, eu égard à la nature du régime et aux droits à la vie privée en jeu.

Jurisprudence

Citée par la juge Karakatsanis

                    Arrêts appliqués : Martineau c. M.R.N., 2004 CSC 81, [2004] 3 R.C.S. 737; R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541; arrêts mentionnés : Sivia c. British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles), 2014 BCCA 79, 55 B.C.L.R. (5th) 1; Buhlers c. Superintendent of Motor Vehicles (B.C.), 1999 BCCA 0114, 119 B.C.A.C. 207; Provincial Secretary of Prince Edward Island c. Egan, [1941] R.C.S. 396; R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463; Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 14, [2015] 1 R.C.S. 693; Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières, 2011 CSC 66, [2011] 3 R.C.S. 837; Québec (Procureur général) c. Lacombe, 2010 CSC 38, [2010] 2 R.C.S. 453; Renvoi relatif à l’Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [1984] 1 R.C.S. 297; Ward c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 17, [2002] 1 R.C.S. 569; Chatterjee c. Ontario (Procureur général), 2009 CSC 19, [2009] 1 R.C.S. 624; Dedman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 2; R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190; Validity of Section 92(4) of The Vehicles Act, 1957 (Sask.), [1958] R.C.S. 608; O’Grady c. Sparling, [1960] R.C.S. 804; Ross c. Registraire des véhicules automobiles, [1975] 1 R.C.S. 5; Gonzalez c. Driver Control Board (Alta.), 2003 ABCA 256, 330 A.R. 262; Horsefield c. Ontario (Registrar of Motor Vehicles) (1999), 44 O.R. (3d) 73; Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3; Bande Kitkatla c. Colombie‑Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la Culture), 2002 CSC 31, [2002] 2 R.C.S. 146; SEFPO c. Ontario (Procureur général), [1987] 2 R.C.S. 2; Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3; Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307; Rowan c. Ontario Securities Commission, 2012 ONCA 208, 110 O.R. (3d) 492; United States Steel Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 176; Lavallee c. Alberta Securities Commission, 2010 ABCA 48, 474 A.R. 295; R. c. Quesnelle, 2014 CSC 46, [2014] 2 R.C.S. 390; R. c. Tessling, 2004 CSC 67, [2004] 3 R.C.S. 432; R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51; R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265; R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, [2006] 1 R.C.S. 554; Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425; Del Zotto c. Canada, [1997] 3 C.F. 40, inf. par [1999] 1 R.C.S. 3; British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757; R. c. Lindsay (1999), 134 C.C.C. (3d) 159; R. c. Butchko, 2004 SKCA 159, [2005] 11 W.W.R. 95; R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417; R. c. S.A.B., 2003 CSC 60, [2003] 2 R.C.S. 678; R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607; R. c. Chehil, 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220; R. c. A.M., 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569; R. c. Kang‑Brown, 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456; R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668; R. c. Tse, 2012 CSC 16, [2012] 1 R.C.S. 531; R. c. Nur, 2015 CSC 15, [2015] 1 R.C.S. 773; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3; Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712; Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371; B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315.

Citée par la juge en chef McLachlin (dissidente en partie)

                    R. c. Tessling, 2004 CSC 67, [2004] 3 R.C.S. 432; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145; R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417; R. c. Spencer, 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212; R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627; British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757; R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265; R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657; R. c. Golden, 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679; Wilson c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 47, [2015] 3 R.C.S. 300; R. c. Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 R.C.S. 765.

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés , art. 1 , 7 , 8 , 10 b ) , 11 , 24(2) .

Code criminel , L.R.C. 1985, c. C‑46, art. 254(2) , (3) .

Code de la sécurité routière, RLRQ, c. C‑24.2, art. 202.4 et suiv.

Highway Traffic Act, R.S.P.E.I. 1988, c. H‑5, art. 277.2 et suiv.

Loi constitutionnelle de 1867 , art. 91(27) , 92 .

Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1996, c. 318, art. 94.1 à 94.6, 94.2(1), 215.41(3), (6), 215.42, 215.43(1), (2), (3), 215.46(2), 215.47, 215.48, 215.49, 215.5, 262, 263.

Motor Vehicle Act Regulations, B.C. Reg. 26/58, art. 43.09.

Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002‑156, règles 2 « sources », 36(2)a)(i).

Doctrine et autres documents cités

Colombie‑Britannique. Assemblée législative. Official Report of Debates of the Legislative Assembly (Hansard), vol. 16, No. 1, 2nd Sess., 39th Parl., April 27, 2010, p. 4871.

Hogg, Peter W. Constitutional Law of Canada, 5th ed. Supp., Toronto, Thomson/Carswell, 2007 (updated 2014, release 1).

Pitel, Stephen, et Robert Solomon. « Conduite avec facultés affaiblies – Estimation du nombre de collisions et des coûts afférents, 1999 à 2010 », MADD Canada, avril 2013 (en ligne : http://www.madd.ca/media/docs/estimation_du_nombres.pdf).

                    POURVOIS contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Ryan, Hinkson et MacKenzie), 2014 BCCA 79, 55 B.C.L.R. (5th) 1, 370 D.L.R. (4th) 609, 302 C.R.R. (2d) 1, 307 C.C.C. (3d) 77, 352 B.C.A.C. 86, 601 W.A.C. 86, [2014] 6 W.W.R. 1, 64 M.V.R. (6th) 7, [2014] B.C.J. No. 346 (QL), 2014 CarswellBC 488 (WL Can.), qui a confirmé les décisions du juge Sigurdson, 2011 BCSC 1639, 27 B.C.L.R. (5th) 229, 247 C.R.R. (2d) 226, 282 C.C.C. (3d) 145, 92 C.R. (6th) 122, [2012] 5 W.W.R. 297, 23 M.V.R. (6th) 185, [2011] B.C.J. No. 2282 (QL), 2011 CarswellBC 3225 (WL Can.); 2011 BCSC 1783, 27 B.C.L.R. (5th) 326, 249 C.R.R. (2d) 368, [2012] 4 W.W.R. 506, 23 M.V.R. (6th) 282, [2011] B.C.J. No. 2484 (QL), 2011 CarswellBC 3493 (WL Can.); et 2012 BCSC 1030, 36 B.C.L.R. (5th) 360, 353 D.L.R. (4th) 351, 266 C.R.R. (2d) 82, 289 C.C.C. (3d) 476, [2013] 1 W.W.R. 176, 36 M.V.R. (6th) 235, [2012] B.C.J. No. 1438 (QL), 2012 CarswellBC 2056 (WL Can.); et qui a confirmé une décision du juge Dley, C.S.C.‑B., Victoria, no 12‑1095, 25 mai 2012. Pourvois rejetés, la juge en chef McLachlin est dissidente en partie.

                    Howard A. Mickelson, c.r., et Shea H. Coulson, pour l’appelant/intimé Richard James Goodwin.

                    Nathaniel Carnegie, Leah Greathead et Tyna Mason, pour les appelants/intimés Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et le procureur général de la Colombie‑Britannique.

                    Shea H. Coulson, Diego A. Solimano et Sacha L. I. Roudette, pour les intimés Jamie Allen Chisholm, Scott Roberts et Carol Marion Beam.

                    Argumentation écrite seulement par Christine Mohr et Diba Majzub, pour l’intervenant le procureur général du Canada.

                    Argumentation écrite seulement par S. Zachary Green, pour l’intervenant le procureur général de l’Ontario.

                    Argumentation écrite seulement par Brigitte Bussières, Alain Gingras et Gilles Laporte, pour l’intervenante la procureure générale du Québec.

                    Argumentation écrite seulement par Michael Conner et Charles Murray, pour l’intervenant le procureur général du Manitoba.

                    Argumentation écrite seulement par Graeme G. Mitchell, c.r., pour l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan.

                    Argumentation écrite seulement par Roderick Wiltshire, pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.

                    Claire E. Hunter, Eileen Patel et Nigel Marshman, pour l’intervenante l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique.

                    Alan L. W. D’Silva, Nicholas McHaffie et Alexandra Urbanski, pour l’intervenant le Bureau d’assurance du Canada.

                    Shannon Prithipaul, Ian Savage et Michael Oykhman, pour les intervenantes Criminal Trial Lawyers’ Association (Alberta) et Criminal Defence Lawyers Association (Calgary).

                    Michael Lacy, Joanna Baron et Andrew Burgess, pour l’intervenante Criminal Lawyers’ Association of Ontario.

                    Sean McDonough, pour l’intervenant Alberta Registrar of Motor Vehicle Services.

                    Bryant Mackey, Guy Régimbald et Matthew Estabrooks, pour l’intervenante Les mères contre l’alcool au volant Canada.

                    Version française du jugement des juges Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Côté rendu par

                    La juge Karakatsanis —

I.              Introduction

[1]                              Les conséquences dévastatrices de la conduite avec facultés affaiblies se font sentir dans toute la société canadienne. La conduite avec facultés affaiblies rend les routes dangereuses, détruit des vies et entraîne des coûts pour l’ensemble du système de santé. Les gouvernements fédéral et provinciaux ont tous fait face à ce danger pressant. Le gouvernement fédéral a érigé en infractions au Code criminel , L.R.C. 1985, c. C‑46 , la conduite avec facultés affaiblies et la conduite avec une alcoolémie supérieure à 0,08. Partout au Canada, les gouvernements provinciaux se sont également attaqués à cet enjeu par leurs dispositions législatives régissant la délivrance des permis de conduire.

[2]                              En 2010, la Colombie‑Britannique a créé le régime d’interdiction automatique de conduire (RIAC). Ce régime représente le prolongement des efforts déployés depuis longtemps par la Colombie‑Britannique pour chasser les conducteurs aux facultés affaiblies de ses routes par l’imposition de suspensions de permis, de sanctions et de programmes correctifs.

[3]                              Dans le premier pourvoi, Richard Goodwin, qui a été condamné à une interdiction de conduire en application de ce nouveau RIAC, prie la Cour de décider s’il excède la compétence législative de la province et empiète sur la compétence exclusive du gouvernement fédéral en matière de droit criminel (le pourvoi de M. Goodwin). Monsieur Goodwin nous demande aussi de déterminer si le régime provincial fait intervenir et viole la présomption d’innocence garantie par l’art. 11  de la Charte canadienne des droits et libertés . Le deuxième pourvoi a été interjeté par la Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) (« Surintendant ») et le procureur général de cette province (collectivement la Province). Il soulève la question de savoir si le RIAC fait intervenir et viole la protection offerte par l’art. 8 contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives (le pourvoi de la Province).

[4]                              Comme je l’expliquerai, je suis d’accord avec les tribunaux d’instance inférieure. Le RIAC constitue de la législation provinciale valide. Qui plus est, l’art. 11  de la Charte  n’entre pas en jeu puisque le régime provincial ne crée pas une infraction. Je suis toutefois d’avis de confirmer la conclusion du juge en chambre selon laquelle le régime en vigueur de septembre 2010 à juin 2012 violait les droits garantis par l’art. 8 aux conducteurs sommés de répondre à une demande d’alcootest qui ont obtenu par la suite le résultat « échec » sur l’appareil de détection approuvé (ADA), et n’était pas sauvegardé par l’article premier.

II.           Historique judiciaire

[5]                              Chacun des conducteurs en cause dans le pourvoi de la Province a été condamné à une interdiction de conduire en application du RIAC en Colombie‑Britannique. Jamie Chisholm, Carol Beam et Scott Roberts ont fourni un échantillon d’haleine dans un ADA et ont échoué au test. Monsieur Goodwin n’a pas fourni un échantillon d’haleine adéquat. Chacun des conducteurs a été condamné à une interdiction de conduire pendant 90 jours et a été contraint de payer des amendes et des frais. Leur véhicule a également été saisi pendant 30 jours. Trois des conducteurs ont aussi été contraints de participer à un programme correctif qui, selon le juge en chambre, est une sanction systématiquement imposée aux conducteurs ayant échoué au test[1].

[6]                              Devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique, les requérants ont fait valoir que le RIAC (1) excédait la compétence de la province; (2) violait l’al. 11 d )  de la Charte ; (3) contrevenait à l’art. 8  de la Charte ; (4) violait l’al. 10 b )  de la Charte ; et que (5) ces violations n’étaient pas justifiées au sens de l’article premier de la Charte .

[7]                              Selon le juge en chambre Sigurdson, le RIAC relève de la compétence législative de la province, et il n’y a pas, en fin de compte, atteinte aux al. 11d) et 10b). Il a toutefois conclu que le RIAC viole l’art. 8  de la Charte . Il a subséquemment précisé qu’il y a atteinte à l’art. 8 seulement lorsque le résultat affiché par l’appareil de détection est supérieur à 0,08 et non lorsqu’il y a refus de fournir un échantillon d’haleine. Le juge en chambre a déclaré invalide la partie attentatoire du RIAC et a suspendu la déclaration d’invalidité jusqu’au 30 juin 2012 : 2011 BCSC 1783, 249 C.R.R. (2d) 368. Sa décision a été confirmée en appel par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique : Sivia c. British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles), 2014 BCCA 79, 55 B.C.L.R. (5th) 1.

III.        Le régime législatif provincial

[8]                              La Colombie‑Britannique avait instauré un régime d’interdiction administrative de conduire (IAC) en 1997, constitué des art. 94.1 à 94.6 de la Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1996, c. 318 (MVA). Selon ce régime plus ancien, qui est toujours en vigueur, les policiers sont tenus de signifier un avis d’interdiction de conduire lorsqu’ils ont des motifs raisonnables et probables de croire, sur le fondement d’une analyse d’haleine ou de sang, que le conducteur d’un véhicule à moteur a une alcoolémie supérieure à 80 milligrammes d’alcool par 100 millilitres de sang : MVA, par. 94.1(1). Dans les faits, les motifs justifiant la signification d’un avis d’interdiction en application du régime d’IAC découlent d’une analyse d’haleine effectuée au moyen d’un instrument approuvé (aussi connu sous le nom d’alcootest) dans un poste de police : motifs du juge en chambre, par. 55. L’avis d’interdiction de conduire signifié en application de ce régime prend effet 21 jours plus tard, pour une durée de 90 jours : MVA, par. 94.2(1). Les mêmes conséquences s’ensuivent lorsqu’un conducteur omet ou refuse, sans excuse raisonnable, de fournir un échantillon d’haleine : MVA, al. 94.1(1)(b).

[9]                              Ce régime est similaire à d’autres régimes provinciaux au pays[2]. Il a été déclaré constitutionnel, tant au regard du partage des pouvoirs qu’au regard de l’art. 7  de la Charte , dans l’arrêt Buhlers c. Superintendent of Motor Vehicles (B.C.), 1999 BCCA 0114, 119 B.C.A.C. 207.

[10]                          L’introduction du nouveau RIAC en 2010 a marqué un tournant dans la méthode employée par la Colombie‑Britannique pour réglementer la conduite en état d’ébriété. Plutôt que d’être fondées sur les résultats de l’alcootest obtenus au poste de police, les interdictions de conduire seraient désormais imposées à la suite d’une analyse effectuée lors d’un contrôle routier au moyen d’un ADA. Bien que le résultat « échec » corresponde à l’alcoolémie qui débouche sur une interdiction en application du régime d’IAC, un taux de 0,05 à 0,08 détecté par le résultat « avertissement » entraînerait désormais aussi une suspension de permis, mais pour une durée plus courte. Tout comme dans le cas du régime précédent, le résultat « échec » ainsi que le refus ou l’omission du conducteur de fournir un échantillon entraînent tous deux une suspension de 90 jours : MVA, par. 215.43(2). Le résultat « avertissement » se traduit par une suspension plus courte de 3 à 30 jours, selon que le conducteur ait précédemment reçu signification d’une interdiction : MVA, par. 215.43(1). Toutes les interdictions prennent effet immédiatement après leur signification au conducteur : MVA, par. 215.41(6) et 215.43(3).

[11]                          Contrairement au premier régime d’IAC, le RIAC impose d’autres sanctions en plus des coûts habituels associés à l’interdiction elle‑même, comme le droit de rétablissement. D’après le juge en chambre, le conducteur qui échoue au test ou qui ne fournit pas d’échantillon s’expose à des sanctions et à des frais totalisant plus de 4 000 $, auxquels s’ajoute la suspension de 90 jours : par. 56. Les conducteurs qui font l’objet d’une suspension de 30 ou de 90 jours s’exposent en outre à la saisie obligatoire du véhicule : MVA, par. 215.46(2).

[12]                          Le RIAC établi en 2010 diffère également de son prédécesseur en ce qui a trait à l’étendue du contrôle. Le régime d’IAC permettait au Surintendant d’examiner si l’alcoolémie du conducteur était bel et bien supérieure à 0,08, alors que le RIAC limitait les motifs de contrôle aux questions de savoir si la personne était en fait un conducteur, si (dans le cas d’un « avertissement ») l’interdiction était en fait une interdiction subséquente et si l’appareil de détection approuvé affichait un « avertissement » ou un « échec » ou, subsidiairement, si le conducteur avait omis ou refusé, sans excuse raisonnable, de fournir un échantillon d’haleine : motifs du juge en chambre, par. 57; MVA, art. 215.5.

[13]                          Le régime a été modifié en 2012, après la décision du juge en chambre, et il exige désormais que le policier informe le conducteur de son droit de demander une deuxième analyse faite au moyen d’un ADA et d’en obtenir une. Lorsque deux échantillons sont fournis, le plus faible résultat des deux analyses sert de fondement à l’interdiction de conduire : MVA, art. 215.42. Le régime élargit aussi les motifs pour lesquels un conducteur peut contester une interdiction : MVA, art. 215.5. Suivant le RIAC modifié, le rapport que le policier remet au Surintendant doit être fait sous serment, et la police doit désormais lui fournir des renseignements sur le calibrage de l’ADA : MVA, art. 215.47. Ces modifications ne sont pas contestées en l’espèce.

IV.        Questions en litige

[14]                          Les pourvois soulèvent quatre questions constitutionnelles. La première touche le partage des compétences entre le fédéral et les provinces : le RIAC, tel qu’il a été établi en septembre 2010, outrepasse‑t‑il la compétence de la Colombie‑Britannique parce qu’il relève exclusivement de la compétence en matière de droit criminel que confère au gouvernement fédéral le par. 91(27)  de la Loi constitutionnelle de 1867 ?

[15]                          Si le RIAC ressortit à la compétence législative de la Colombie‑Britannique, les autres questions portent sur sa conformité à l’art. 8  et à l’al. 11 d )  de la Charte [3]. Si le régime législatif porte atteinte à l’un ou l’autre de ces droits garantis par la Charte , la Cour doit également décider si cette atteinte constitue une limite raisonnable justifiée au sens de l’article premier.

V.           Analyse

A.           Le RIAC excède‑t‑il la compétence de la province?

[16]                          Suivant la Loi constitutionnelle de 1867 , le gouvernement fédéral exerce une compétence exclusive sur la loi criminelle et la procédure en matière criminelle (par. 91(27)), tandis que chaque province exerce une compétence exclusive sur la propriété et les droits civils à l’intérieur de son territoire (par. 92(13)).

[17]                          Monsieur Goodwin fait valoir que le RIAC excède la compétence de la province de la Colombie‑Britannique puisque, de par son caractère véritable, il vise à remplacer les dispositions du Code criminel  en matière de conduite avec facultés affaiblies par un régime de sanctions automatiques et lourdes. Il affirme que l’objectif du régime est punitif, car il vise à réduire les frais d’application de la loi en supprimant des droits procéduraux. Toujours selon M. Goodwin, le régime a pour effet pratique d’écarter le droit criminel.

[18]                          La Province réplique que le RIAC constitue un exercice valable de son pouvoir de légiférer dans le domaine de la propriété et des droits civils en vertu du par. 92(13)  de la Loi constitutionnelle de 1867 . D’après la Province, l’arrêt Provincial Secretary of Prince Edward Island c. Egan, [1941] R.C.S. 396, ainsi que les autres arrêts de la Cour qui confirment la validité des régimes provinciaux régissant la conduite avec facultés affaiblies, répondent entièrement à la prétention des conducteurs selon laquelle le RIAC est ultra vires.

[19]                          Monsieur Goodwin affirme qu’il faudrait établir une distinction entre la présente affaire et l’arrêt Egan ainsi que les autres arrêts confirmant les régimes provinciaux. Ces régimes visaient, dit‑il, à créer un mécanisme parallèle de délivrance de permis, et non à influer sur l’application du Code criminel . À l’opposé, le RIAC prévoit à la fois les sanctions et les moyens de déterminer qui devrait être puni, supprimant ainsi les formalités plus lourdes et protectrices associées aux enquêtes et aux poursuites criminelles : motifs du juge en chambre, par. 69‑73.

[20]                          Cet argument a été rejeté par les tribunaux d’instance inférieure. Pour les motifs qui suivent, je suis du même avis. Monsieur Goodwin se méprend sur la nature de l’analyse du partage des compétences. Bien que l’objectif et l’effet soient des facteurs pertinents, ni l’un ni l’autre n’est déterminant. Pour effectuer une analyse adéquate, il convient d’étudier l’objectif et l’effet de la loi pour en identifier d’abord la « matière » et, ensuite, d’examiner si cette « matière » relève d’un chef de compétence provinciale.

[21]                          La « matière » d’une loi est son caractère véritable : R. c. Morgentaler, [1993] 3 R.C.S. 463, p. 481. L’objet de la loi et ses effets juridiques et concrets peuvent aider à en identifier la matière : Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 14, [2015] 1 R.C.S. 693, par. 29; Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières, 2011 CSC 66, [2011] 3 R.C.S. 837, par. 63‑64; Québec (Procureur général) c. Lacombe, 2010 CSC 38, [2010] 2 R.C.S. 453, par. 20.

[22]                          Monsieur Goodwin soutient principalement que le RIAC ne vise qu’à réprimer la criminalité sous le couvert d’un régime de délivrance de permis. À son avis, en adoptant ce régime, la Province avait pour objectif de s’attaquer à l’ivresse au volant par le droit criminel sans mettre en cause la Charte  et les mesures de protection procédurales qui en découlent : m.a. (Goodwin), par. 74‑78.

[23]                          Il affirme essentiellement que le RIAC est une tentative déguisée d’empiéter sur le droit criminel fédéral. Bien entendu, c’est le fond et non la forme de la loi qui définit son caractère véritable. Comme l’a souligné la Cour dans l’arrêt Québec (Procureur général) c. Canada (Procureur général), les tribunaux doivent prendre garde « de donner leur aval à une loi “déguisée”, c’est‑à‑dire une loi qui, de par sa forme, semble porter sur une matière ressortissant à la compétence législative de l’ordre de gouvernement qui l’a adoptée, mais qui traite au fond d’une matière dépassant sa compétence » : par. 31; voir également P. W. Hogg, Constitutional Law of Canada (5e éd. suppl.), p. 15‑19; Renvoi relatif à l’Upper Churchill Water Rights Reversion Act, [1984] 1 R.C.S. 297.

[24]                          Cependant, que l’on prétende ou non qu’une loi contestée est déguisée, l’analyse de son caractère véritable demeure la même. L’incidence de la loi provinciale sur les droits garantis par la Charte  peut être pertinente dans cette analyse, mais elle n’est pas déterminante. La Cour a averti qu’on ne saurait confondre l’objet d’une loi et les moyens choisis pour réaliser l’objet : Ward c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 17, [2002] 1 R.C.S. 569, par. 25. La possibilité que les moyens employés pour atteindre un objectif provincial fassent entrer en jeu des protections conférées par la Charte  différentes ou moins nombreuses que dans le cas des moyens utilisés pour réaliser l’objectif fédéral connexe n’implique pas nécessairement que l’objectif provincial était d’échapper à ces protections ou de les miner.

[25]                          À l’instar du juge en chambre, j’estime que la Province, en instaurant le RIAC, avait pour objectif non pas d’écarter le droit criminel, mais plutôt d’empêcher les décès et les blessures graves sur les chemins publics en en chassant les conducteurs en état d’ébriété et en décourageant la conduite avec facultés affaiblies. Le RIAC fait partie de la MVA, qui établit un régime réglementaire fixant les modalités et conditions de la délivrance des permis de conduire en Colombie‑Britannique. Il s’inscrit dans la foulée des efforts déployés constamment par la Colombie‑Britannique pour endiguer la vague d’incidents liés à l’ivresse au volant dans la province. Le RIAC a été mis en place [traduction] « comme moyen de réduire les pertes de vie sur les routes de la Colombie‑Britannique » en raison d’une augmentation du nombre d’accidents et de décès causés par l’ivresse au volant : Colombie‑Britannique, Official Report of Debates of the Legislative Assembly (Hansard), vol. 16, no 1, 2e sess., 39e lég., 27 avril 2010, p. 4871, l’hon. M. de Jong. Malgré les prétentions de M. Goodwin selon lesquelles ces déclarations dissimulent l’objet véritable du régime d’éliminer les droits procéduraux des conducteurs, l’historique législatif et le régime législatif permettent de conclure que le RIAC a été instauré pour accroître la sécurité routière.

[26]                          Monsieur Goodwin conteste également le RIAC au motif que ses effets juridiques et concrets vont au‑delà des pouvoirs constitutionnels de la Colombie‑Britannique. À son avis, les sanctions prévues par le RIAC sont les [traduction] « plus sévères » au Canada, ce qui confère au régime un caractère punitif que l’on associe à juste titre au droit criminel. Toutefois, l’imposition de sanctions pécuniaires élevées et la perte de privilèges importants ne rendent pas forcément la loi punitive. Les conséquences juridiques peuvent servir de moyens de dissuasion pour réaliser l’objectif de sécurité routière. Les deux sont compatibles avec un régime de délivrance de permis réglementaire.

[27]                          Pour ce qui est des effets concrets, M. Goodwin soutient que le RIAC écarte le droit criminel. Signalant la mise en garde de la Cour au par. 40 de l’arrêt Chatterjee c. Ontario (Procureur général), 2009 CSC 19, [2009] 1 R.C.S. 624, selon laquelle la province peut légiférer « pour autant que ces mesures soient permises sous un chef de compétence provincial et ne portent pas atteinte à l’application du Code criminel  », il s’appuie sur des éléments de preuve tendant à indiquer que, depuis l’établissement du RIAC, la police a choisi d’appliquer ce régime provincial plutôt que les sanctions prévues par le droit criminel fédéral contre la conduite avec facultés affaiblies. Selon lui, cela différencie les régimes provinciaux qui complètent les dispositions criminelles du RIAC, qui supplante ces dispositions.

[28]                          Comme l’a signalé le juge en chambre, le fait que la police tend à appliquer le RIAC provincial plutôt que le droit criminel est certainement un facteur à prendre en compte dans l’analyse du caractère véritable. Or, ce facteur n’est pas déterminant. Comme l’a relevé la Cour dans l’arrêt Dedman c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 2, les devoirs qu’a la police selon la common law comprennent la protection de la vie des personnes et des biens et « l’obligation de surveiller la circulation sur les routes » : p. 12. Les policiers sont chargés d’appliquer le droit criminel et de maintenir la sécurité sur les routes en appliquant les lois provinciales en matière de sécurité routière. Le fait qu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire d’appliquer une de ces lois plutôt qu’une autre est conforme au pouvoir discrétionnaire de la police en général. Ce pouvoir discrétionnaire est essentiel puisqu’il permet aux policiers d’appliquer le droit aux situations concrètes de manière équitable : R. c. Beaudry, 2007 CSC 5, [2007] 1 R.C.S. 190, par. 3. Un texte de loi provincial qui permet aux policiers de prendre la décision discrétionnaire d’appliquer soit le Code criminel , soit la MVA dans une situation particulière n’en est pas un qui « port[e] [. . .] atteinte à l’application du Code criminel  » : voir Chatterjee, par. 40.

[29]                          En définitive, il faut examiner les objectifs et les effets d’une loi ensemble plutôt qu’isolément pour déterminer son caractère véritable. Il ne fait aucun doute que le RIAC a des répercussions indirectes sur le droit criminel. Il vise sans aucun doute, en partie, une activité criminelle précise et impose de lourdes sanctions, sans offrir les protections inhérentes aux enquêtes et aux poursuites criminelles. Toutefois, les sanctions se rapportent à la réglementation des privilèges du conducteur. À mon avis, le juge en chambre a décrit avec raison le caractère véritable du RIAC comme [traduction] « la délivrance de permis de conduire, le renforcement de la sécurité routière et le fait de dissuader les gens de conduire sur les routes avec les facultés affaiblies par l’alcool » : motifs du juge en chambre, par. 74.

[30]                          Une fois la matière identifiée, la prochaine étape consiste à classer la loi ou la disposition au regard du partage des pouvoirs législatifs prévu dans la Constitution. Cela permettra d’établir si la loi ou la disposition relève de la compétence législative de l’ordre de gouvernement qui l’a adoptée.

[31]                          Un long courant jurisprudentiel établit l’étendue de la compétence législative provinciale en matière de réglementation de la circulation routière. Depuis l’arrêt Egan, la Cour reconnaît aux provinces le droit de légiférer à propos de la conduite en état d’ébriété en vertu de l’art. 92  de la Loi constitutionnelle de 1867  : voir, p. ex., Validity of Section 92(4) of The Vehicles Act, 1957 (Sask.), [1958] R.C.S. 608; O’Grady c. Sparling, [1960] R.C.S. 804; Ross c. Registraire des véhicules automobiles, [1975] 1 R.C.S. 5. Comme l’a souligné la Cour dans l’arrêt Chatterjee, « [l]es conducteurs en état d’ébriété sont des dangers pour la sécurité publique sur les routes provinciales, et leurs accidents entraînent des coûts, par exemple pour les systèmes de santé provinciaux, la police provinciale et les services routiers » : par. 41. Les provinces jouent donc un rôle important quand elles assurent la sécurité routière, notamment en décidant qui est en mesure de conduire et en chassant les conducteurs dangereux des routes.

[32]                          Les programmes provinciaux de lutte contre la conduite en état d’ébriété et le droit criminel sont souvent interreliés. Certains régimes provinciaux reposaient de façon accessoire sur des déclarations de culpabilité au criminel : voir Egan et Ross, précités. Plusieurs cours d’appel provinciales ont aussi confirmé des régimes qui, au lieu de dépendre de déclarations de culpabilité, sont fondés accessoirement sur des dispositions du Code criminel  : Buhlers; Gonzalez c. Driver Control Board (Alta.), 2003 ABCA 256, 330 A.R. 262; Horsefield c. Ontario (Registrar of Motor Vehicles) (1999), 44 O.R. (3d) 73 (C.A.). Il ressort clairement de cette jurisprudence qu’une loi provinciale n’empiète pas sur la compétence fédérale en matière de droit criminel du seul fait qu’elle a pour objet de cibler une conduite qui est également visée par le Code criminel .

[33]                          Cette jurisprudence est conforme à la conception moderne du fédéralisme, laquelle reconnaît les inévitables chevauchements de compétences : Banque canadienne de l’Ouest c. Alberta, 2007 CSC 22, [2007] 2 R.C.S. 3, par. 42. Comme l’a fait remarquer la Cour, les tribunaux devraient privilégier, dans la mesure du possible, « l’application régulière des lois édictées par les deux ordres de gouvernement » : ibid., par. 37 (en italique dans l’original). Il importe également de préciser que le procureur général du Canada intervient pour faire valoir que cette loi relève de la compétence législative provinciale : m.i., par. 12. Lorsqu’un procureur général intervient pour appuyer l’exercice de la compétence d’une autre législature, « la Cour devrait se montrer prudente avant de conclure que les dispositions contestées excèdent la compétence de la province » : Bande Kitkatla c. Colombie‑Britannique (Ministre des Petites et moyennes entreprises, du Tourisme et de la Culture), 2002 CSC 31, [2002] 2 R.C.S. 146, par. 73; SEFPO c. Ontario (Procureur général), [1987] 2 R.C.S. 2, p. 19‑20.

[34]                          Le juge en chambre a examiné la preuve et conclu que [traduction] « la Province a des motifs légitimes, sérieux et urgents de réglementer la sécurité routière et la délivrance de permis de conduire afin de chasser les conducteurs aux facultés affaiblies des routes » : motifs du juge en chambre, par. 84. Je partage son avis. Le juge en chambre a conclu que le RIAC, de par son caractère véritable, vise à délivrer des permis de conduire, à renforcer la sécurité routière et à dissuader les gens de conduire avec les facultés affaiblies par l’alcool. Là encore, je suis d’accord. Bien que le RIAC constitue une mesure provinciale plus musclée que le régime d’IAC, il conserve néanmoins son caractère. Comme l’a fait remarquer la Cour dans Chatterjee, la dissuasion peut être un objectif du droit provincial : par. 3. Il ne fait aucun doute que la matière relève de la compétence provinciale sur la propriété et les droits civils dans la province. Du point de vue du partage des pouvoirs, la loi est valide.

B.            Le RIAC crée‑t‑il une infraction visée par l’art. 11  de la Charte ?

[35]                          L’article 11  de la Charte  garantit certaines mesures de protection procédurales aux inculpés. Il prévoit ce qui suit à son al. d) :

                         11. Tout inculpé a le droit :

. . .

                    d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;

[36]                          Le juge en chambre a conclu que le RIAC ne crée pas une infraction visée par l’al. 11d). La Cour d’appel a confirmé cette décision.

[37]                          Monsieur Goodwin soutient que le RIAC fait intervenir ses droits garantis par l’al. 11 d )  de la Charte  et y porte atteinte. Il affirme que le critère servant à déterminer s’il existe une infraction visée par l’art. 11 doit être téléologique, qu’il ne faudrait pas accorder trop de poids à la forme des procédures et que l’analyse devrait être axée sur la question de savoir si les effets de la loi mettent en jeu l’intérêt public à réprimer la criminalité et à promouvoir l’ordre et le bien‑être publics : m.a., par. 88 et 91. À son avis, les tribunaux d’instance inférieure ont appliqué d’une façon formaliste le guide d’analyse établi par la Cour dans Martineau c. M.R.N., 2004 CSC 81, [2004] 3 R.C.S. 737. Monsieur Goodwin estime que, lorsqu’on l’interprète correctement, l’objectif de répression de la criminalité fait intervenir l’art. 11 dans le cas des régimes hybrides comme le RIAC. Toujours selon lui, l’effet cumulatif des sanctions démontre que ce régime crée une infraction.

[38]                          Pour sa part, la Province soutient que la Cour a déjà établi, dans R. c. Wigglesworth, [1987] 2 R.C.S. 541, que « les procédures engagées pour déterminer l’aptitude à obtenir ou à conserver un permis » ne constituent pas des infractions visées par l’art. 11 : p. 560. À son avis, cela règle la question de l’art. 11. Le RIAC n’est pas, de par sa nature même, une procédure pénale ou criminelle et n’impose pas de véritables conséquences pénales.

[39]                          Je suis d’avis de ne pas retenir ce moyen d’appel. Je conviens avec les tribunaux d’instance inférieure que le RIAC ne crée pas une infraction visée par l’art. 11  de la Charte .

[40]                          La Cour a récemment examiné et confirmé le cadre d’analyse fondé sur l’art. 11 établi dans les arrêts Wigglesworth et Martineau : voir Guindon c. Canada, 2015 CSC 41, [2015] 3 R.C.S. 3. Dans l’arrêt Wigglesworth, la Cour a conclu que les mesures de protection de l’art. 11 s’appliquent uniquement aux personnes « que l’État poursuit pour des infractions publiques comportant des sanctions punitives, c.‑à‑d. des infractions criminelles, quasi criminelles et de nature réglementaire, qu’elles aient été édictées par le gouvernement fédéral ou par les provinces » : p. 554. S’exprimant au nom de la majorité, la juge Wilson a affirmé qu’une affaire relève de l’art. 11 lorsque, « de par sa nature même, il s’agit d’une procédure criminelle » ou lorsqu’une déclaration de culpabilité « est susceptible d’entraîner une véritable conséquence pénale » : p. 559. À l’opposé, les procédures de nature administrative « engagées pour protéger le public conformément à la politique générale d’une loi » ne font pas intervenir les mesures de protection prévues à l’art. 11 : p. 560.

[41]                          Bien que les procédures criminelles et celles de nature administrative servent toutes deux des objectifs publics, elles sont fondamentalement différentes. Les régimes administratifs « sont principalement destiné[s] à maintenir la discipline, l’intégrité professionnelle ainsi que certaines normes professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d’activité privée et limitée » : Wigglesworth, p. 560. Les poursuites criminelles, en revanche, sont de nature publique et visent à réparer le tort causé à la société en appliquant les principes du châtiment et de la réprobation en audience publique. Dans Martineau, le juge Fish a énoncé trois facteurs à prendre en compte au moment de déterminer si une procédure est de nature criminelle :

                         Pour déterminer la nature de la procédure, un examen de la jurisprudence sous l’éclairage des critères suivants s’impose : (1) les objectifs de la [loi]; (2) le but visé par la sanction; (3) le processus menant à la sanction. [par. 24]

[42]                          À mon sens, le juge en chambre a correctement appliqué les facteurs établis dans Wigglesworth et Martineau. Je reconnais qu’une infraction est définie tant par des éléments de procédure que des éléments de fond, mais je ne saurais considérer que la poursuite engagée en application du RIAC est, « de par sa nature même, [. . .] une procédure criminelle ».

[43]                          Le RIAC impose une interdiction de conduire de même qu’une sanction pécuniaire. Il ne vise pas à réparer en audience publique le tort causé à la société; il vise plutôt à encadrer les conducteurs et la délivrance de permis et à assurer la sécurité routière. Même si le régime a un lien avec le droit criminel, en ce sens qu’il dépend des pouvoirs de saisie prévus par le Code criminel  et est appliqué par la police, il est plus exact de le qualifier de procédure de nature administrative. Comme l’a noté le juge en chambre, les procédures découlant du RIAC ne prennent pas la forme de poursuites pénales. Aucun casier judiciaire n’en résulte. Les procédures sont engagées par les conducteurs eux‑mêmes. De toute évidence, le processus n’est pas de nature criminelle suivant les critères énoncés dans Martineau : par. 45; voir aussi Guindon, par. 63‑65.

[44]                          Les régimes administratifs ne font pas intervenir les mesures de protection de l’art. 11 : Martineau, par. 22-23. « Notre Cour a souvent fait des mises en garde contre l’application directe en droit administratif des normes de la justice criminelle » : Blencoe c. Colombie‑Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, [2000] 2 R.C.S. 307, par. 88.

[45]                          Les conséquences ne sont pas non plus véritablement pénales. Bien qu’une suspension de 90 jours représente une conséquence importante pour quiconque viole un régime de permis, et que l’imposition potentielle d’environ 4 000 $ en frais et sanctions soit sévère, ces conséquences ne sont pas suffisantes pour mettre en jeu les droits à un procès équitable consacrés à l’art. 11 — des droits qui, après tout, sont parmi les plus fondamentaux de notre système juridique. Je signale que des sanctions pécuniaires bien plus sévères que celles en cause dans la présente affaire n’ont pas été considérées comme de véritables conséquences pénales : voir, p. ex., Rowan c. Ontario Securities Commission, 2012 ONCA 208, 110 O.R. (3d) 492; United States Steel Corp. c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 176; Lavallee c. Alberta Securities Commission, 2010 ABCA 48, 474 A.R. 295.

[46]                          Bien entendu, la question de savoir si de telles pénalités sont assimilables à des conséquences pénales doit être évaluée à l’aune du comportement en cause et de l’objectif de réglementation. L’interdiction de conduire se rapporte directement aux modalités et conditions réglementaires selon lesquelles une personne peut être autorisée à conduire. La saisie de véhicule est directement liée à l’objectif de débarrasser la route de certains conducteurs, et les conducteurs peuvent présenter une demande de révision au Surintendant, notamment pour des motifs de compassion et de difficultés financières : MVA, art. 262 et 263. L’amende est plafonnée à 500 $ : Motor Vehicle Act Regulations, B.C. Reg. 26/58, art. 43.09. Les autres frais sont liés aux divers programmes correctifs, y compris l’installation d’un antidémarreur, et ils sont accessoires à l’objectif du régime qui consiste à chasser certains conducteurs et véhicules de la route. On peut difficilement considérer ces frais comme étant d’ordre pénal, surtout à la lumière de l’intérêt du public à ce qu’un conducteur en état d’ébriété, une fois identifié, ne puisse pas prendre la route.

[47]                          En somme, le RIAC ne crée pas une infraction visée par l’art. 11  de la Charte . Par conséquent, les mesures de protection de l’art. 11 n’entrent pas en jeu en l’espèce.

C.            Le RIAC porte‑t‑il atteinte à l’art. 8  de la Charte ?

[48]                          L’article 8  de la Charte  prévoit que « [c]hacun a droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. » Ce droit entre en jeu lorsque l’État fait une fouille, une perquisition ou une saisie qui porte atteinte à l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée. L’attente en matière de vie privée est un concept normatif qui reflète le niveau de protection de la vie privée auquel nous devrions, en tant que société, raisonnablement nous attendre dans une situation donnée : R. c. Quesnelle, 2014 CSC 46, [2014] 2 R.C.S. 390, par. 44; R. c. Tessling, 2004 CSC 67, [2004] 3 R.C.S. 432, par. 42. Il ne s’agit pas simplement du degré de protection de la vie privée auquel un particulier peut s’attendre ou dont il peut jouir à l’égard de sa personne, de son espace ou de ses biens. Lorsqu’une fouille, une perquisition ou une saisie met en jeu la protection de l’art. 8, la cour de révision doit décider si la fouille, la perquisition ou la saisie est raisonnable. À cet égard, (1) la fouille, perquisition ou saisie doit être autorisée par la loi; (2) la loi elle‑même doit n’avoir rien d’abusif; (3) la fouille, perquisition ou saisie ne doit pas être effectuée d’une manière abusive : R. c. Caslake, [1998] 1 R.C.S. 51, par. 10; R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, p. 278. On soutient que ni l’une ni l’autre des deux premières conditions n’est remplie en l’espèce.

(1)           L’article 8 entre‑t‑il en jeu?

[49]                          Le paragraphe 215.41(3) de la MVA prévoyait à l’époque :

[traduction]

                    (3) Si, en tout temps ou en tout lieu sur une route ou une route industrielle :

                  (a)  un agent de la paix ordonne à un conducteur en vertu du Code criminel  de fournir un échantillon d’haleine pour analyse au moyen d’un appareil de détection approuvé et celui‑ci affiche un avertissement ou un échec;

                  (b) l’agent de la paix a des motifs raisonnables de croire, par suite de l’analyse, que les facultés du conducteur sont affaiblies par l’alcool,

                          l’agent de la paix, ou un autre agent de la paix, doit prendre les mesures suivantes :

                  (c)  si le conducteur détient un permis valide [. . .] prendre possession du permis du conducteur [. . .] si ce dernier l’a en sa possession;

                  (d) signifier au conducteur un avis d’interdiction de conduire.

[50]                          Il n’est pas contesté devant la Cour que la demande d’alcootest constitue une saisie au sens de l’art. 8  de la Charte [4].

[51]                          Personne ne conteste non plus devant la Cour que les conducteurs de véhicules ont une certaine attente en matière de vie privée concernant leur haleine, même si elle est réduite. Les facteurs qualifiés de « repères utiles » par la Cour aux par. 43-62 de l’arrêt Tessling étayent cette conclusion. La saisie a lieu dans un véhicule (R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353, par. 111 et 113); dans le contexte très réglementé de la conduite automobile sur la voie publique (R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, p. 647-648); et est relativement peu envahissante (Grant, par. 111). Bien que ces facteurs militent en faveur d’une attente réduite en matière de vie privée, ils n’éliminent pas le droit résiduel d’une personne à la protection de sa vie privée concernant son haleine. Ainsi, la demande de souffler dans un alcootest constitue une saisie qui porte atteinte à l’attente raisonnable d’une personne en matière de vie privée. La protection de l’art. 8 entre en jeu.

(2)           La saisie est‑elle autorisée par la loi provinciale?

[52]                          La Province fait valoir que ce ne sont pas les dispositions contestées de la MVA qui font intervenir les droits garantis au conducteur par l’art. 8 parce que le RIAC n’autorise pas en soi une saisie. Le régime s’en remet plutôt au par. 254(2)  du Code criminel  pour autoriser une demande d’alcootest. De l’avis de la Province, une contestation de la conformité à la Charte  d’une demande d’échantillon d’haleine doit par conséquent viser le par. 254(2)  du Code criminel , et non l’al. 215.41(3)a) de la MVA provinciale.

[53]                          Je ne suis pas d’accord avec elle. Une interprétation aussi étroite de la question de savoir si la saisie est « autorisée par la loi » mettrait la province à l’abri de l’examen, fondé sur l’art. 8, de tout exercice d’un pouvoir de fouille prévu par le Code criminel . Elle serait en outre incompatible avec l’interprétation souple et fondée sur l’objet visé, axée sur la protection des personnes et non des lieux, qu’exige l’art. 8 : McKinlay Transport Ltd., p. 647, la juge Wilson; Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, p. 158‑159. L’analyse d’une fouille, d’une perquisition ou d’une saisie en application de l’art. 8 est de nature contextuelle : R. c. Rodgers, 2006 CSC 15, [2006] 1 R.C.S. 554, par. 26. Elle exige qu’il soit tenu compte de l’objet pour lequel la saisie est faite et des dispositions législatives qui établissent les motifs, les moyens et les conséquences de la saisie. Une fouille, une perquisition ou une saisie peut être valide pour un objet mais pas pour un autre.

[54]                          Bien que la Province se fonde sur le Code criminel  pour autoriser la demande d’échantillon d’haleine, l’objet et les conséquences de la saisie sont établis dans le RIAC, dans la MVA. La saisie tire donc son caractère de la loi provinciale et ne peut être considérée indépendamment de ce régime. Pour l’application de l’art. 8, c’est le RIAC qui autorise la saisie de l’échantillon d’haleine, et il est donc assujetti à l’examen fondé sur la Charte  pour ce motif.

(3)           La saisie prévue par le RIAC est‑elle raisonnable?

[55]                          Comme l’a écrit le juge Dickson aux p. 159-160 de l’arrêt unanime Hunter, pour déterminer si la loi qui autorise une fouille, une perquisition ou une saisie est raisonnable, il faut apprécier

                    si, dans une situation donnée, le droit du public de ne pas être importuné par le gouvernement doit céder le pas au droit du gouvernement de s’immiscer dans la vie privée des particuliers afin de réaliser ses fins et, notamment, d’assurer l’application de la loi.

La protection que l’art. 8 accorde à la vie privée ― personnelle, territoriale et informationnelle ― d’un particulier est essentielle non seulement à la dignité humaine, mais aussi au fonctionnement de notre société démocratique. Parallèlement, l’art. 8 permet les fouilles, les perquisitions et les saisies raisonnables, reconnaissant que le droit légitime de l’État de réaliser ses fins ou d’appliquer ses lois nécessitera parfois une certaine intrusion dans la sphère privée. Le tiraillement mis en évidence dans Hunter entre les intérêts opposés de l’individu et de l’État, et le caractère suffisant des mesures de protection prévues, demeurent fondamentaux pour cette analyse.

[56]                          Les fouilles, les perquisitions ou les saisies sans mandat ― comme la saisie sur laquelle repose le RIAC ― sont présumées abusives : Hunter, p. 161. Le fardeau d’établir le caractère raisonnable incombe donc à l’État.

[57]                          La Cour a généralement refusé d’énoncer un critère « absolu » du caractère raisonnable : voir Thomson Newspapers Ltd. c. Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Commission sur les pratiques restrictives du commerce), [1990] 1 R.C.S. 425, p. 495. À mon sens, cette approche souple demeure avérée. La Cour a néanmoins relevé certaines considérations qui peuvent être utiles dans l’analyse du caractère raisonnable, dont « la nature et l’objet du régime législatif [. . .]; le mécanisme employé [. . .] et le degré d’empiétement possible de ce mécanisme; et l’existence d’une supervision judiciaire » : Del Zotto c. Canada, [1997] 3 C.F. 40 (C.A.), le juge Strayer, dans ses motifs dissidents adoptés par la Cour dans [1999] 1 R.C.S. 3.

a)              L’objet du RIAC

[58]                          L’objectif de chasser des routes les conducteurs aux facultés affaiblies est impérieux. Comme le fait valoir l’intervenante Les mères contre l’alcool au volant, la conduite avec facultés affaiblies est responsable d’un nombre alarmant de blessures et de décès chaque année au Canada, un risque auquel les jeunes sont exposés de façon disproportionnée[5]. Le RIAC a été mis en place dans le cadre de l’objectif de la Province de réduire les décès causés par l’alcool au volant de 35 pour 100 au plus tard à la fin de 2013[6].

[59]                          La saisie de l’échantillon d’haleine d’un conducteur au moyen d’une analyse effectuée à l’aide d’un ADA lors d’un contrôle routier est la première étape de la réponse réglementaire de la Province à la conduite avec facultés affaiblies, réponse qui permet à la Province de repérer les conducteurs dont l’alcoolémie est supérieure à 0,05 et de suspendre leur permis. La demande d’échantillon d’haleine est un élément crucial des efforts déployés par la Province pour protéger les Britanno‑Colombiens des conducteurs aux facultés affaiblies, en révoquant le privilège de conduire à ceux et à celles qui conduisent avec les facultés affaiblies. Cet objet impérieux d’empêcher les décès et les blessures graves sur les voies publiques milite fortement en faveur du caractère raisonnable de la saisie d’un échantillon d’haleine.

b)             La nature du RIAC

[60]                          La Cour a reconnu dans ses premiers arrêts sur l’art. 8 que le caractère criminel ou réglementaire attribué à une fouille, à une perquisition ou à une saisie est pertinent lorsqu’il s’agit d’en apprécier le caractère raisonnable. Lorsque l’objet de la loi contestée est de nature réglementaire et non criminelle, des normes moins sévères peuvent s’appliquer : voir British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, par. 52; McKinlay Transport Ltd., p. 647, la juge Wilson; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757. Comme je l’ai déjà dit, la qualification correcte du RIAC et de la saisie d’un échantillon d’haleine d’un conducteur a fait l’objet d’un âpre débat tout au long de l’instance.

[61]                          Le juge en chambre a relevé plusieurs similitudes entre le RIAC et le droit criminel et a conclu que, même si le régime [traduction] « ne ressortit pas au droit criminel pour les besoins de l’analyse du partage des compétences, il est juste de dire qu’il n’en est pas très éloigné en pratique » : par. 281. Il a également fait remarquer que, contrairement à bon nombre des fouilles, perquisitions ou saisies de nature réglementaire examinées dans la jurisprudence, le RIAC implique la saisie d’un échantillon d’haleine plutôt qu’une fouille, une perquisition ou une saisie de documents, et que les résultats de la saisie ne constituent pas simplement des éléments de preuve qui peuvent être utilisés dans un procès subséquent; ils sont plutôt déterminants quant aux conséquences qui en découlent, dont certaines sont assez graves : par. 281‑284. Ces considérations sont toutes pertinentes.

[62]                          L’analyse effectuée au moyen d’un ADA est le seul fondement des sanctions et des suspensions prévues par le RIAC, ce qui est nettement différent du contexte criminel, où l’analyse effectuée au moyen d’un ADA ne constitue que la première étape de la procédure à deux volets établie dans le Code criminel  pour enquêter sur des infractions de conduite en état d’ébriété. À ce premier stade, le policier n’a qu’à soupçonner raisonnablement le conducteur d’avoir de l’alcool dans son organisme : R. c. Lindsay (1999), 134 C.C.C. (3d) 159 (C.A. Ont.); R. c. Butchko, 2004 SKCA 159, [2005] 11 W.W.R. 95. Toutefois, ces protections réduites pour les conducteurs à l’étape de la détection routière sont contrebalancées par des restrictions imposées à l’utilisation que l’on peut faire du résultat (potentiellement non fiable) d’un ADA. Ce résultat a pour fonction limitée de justifier une autre analyse d’échantillon d’haleine, effectuée au moyen d’un alcootest dans un poste de police, et ne peut à lui seul établir une infraction au Code criminel  : par. 254(3).

[63]                          Bien entendu, la conduite automobile sur une voie publique est une activité très réglementée, et les conducteurs s’attendent à ce que le code de la route soit appliqué. Cette réalité, conjuguée au fait que le régime s’inscrit dans un cadre réglementaire plus large visant la conduite et la sécurité routière, permet de qualifier le régime de réglementaire et d’appliquer une norme plus souple pour en apprécier le caractère raisonnable. Toutefois, d’autres éléments du régime tendent à indiquer qu’un examen plus attentif est nécessaire pour empêcher que l’État porte abusivement atteinte au droit d’un conducteur à la vie privée. Premièrement, bien que la saisie d’un échantillon d’haleine se fasse à des fins réglementaires, elle possède néanmoins des caractéristiques qui s’apparentent au droit criminel, comme le fait qu’elle soit administrée par un policier conformément à une autorisation accordée par le Code criminel . Deuxièmement, si les conséquences du résultat « échec » ou du défaut de fournir un échantillon d’haleine ne sont pas criminelles, elles sont néanmoins immédiates et graves et surviennent sans qu’une autre analyse ne soit effectuée au moyen d’un alcootest (plus fiable).

c)              Le mécanisme de saisie : l’analyse effectuée au moyen d’un ADA

[64]                          Pour déterminer si l’alcoolémie d’un conducteur dépasse la limite permise, on administre un alcootest au moyen d’un ADA. Les caractéristiques précises de l’analyse effectuée au moyen d’un ADA sont pertinentes pour juger du caractère raisonnable à deux égards.

[65]                          Le premier est le degré d’atteinte de l’analyse effectuée au moyen d’un ADA à l’intégrité physique et au droit à la vie privée d’un conducteur. Plus envahissante qu’une demande de documents, une demande d’échantillon d’haleine équivaut clairement à ce que le juge La Forest a décrit comme « l’utilisation du corps d’une personne, sans son consentement, en vue d’obtenir des renseignements à son sujet » par laquelle l’État commet « une atteinte à une sphère de la vie privée essentielle au maintien de sa dignité humaine » : R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, p. 431‑432. Toutefois, un alcootest administré au moyen d’un ADA est beaucoup moins envahissant que bien d’autres fouilles, perquisitions ou saisies qui peuvent être effectuées aux fins d’application de la loi, comme le prélèvement de l’échantillon de sang en cause dans l’arrêt Dyment ou le prélèvement d’ADN qui dévoile des renseignements très personnels : R. c. S.A.B., 2003 CSC 60, [2003] 2 R.C.S. 678, par. 48. La demande d’alcootest autorisée par le Code criminel  a des répercussions beaucoup moins importantes sur l’intégrité physique et le droit à la vie privée d’une personne : R. c. Stillman, [1997] 1 R.C.S. 607, par. 90. Cette atteinte minimale étaye le caractère raisonnable de la saisie faite au moyen d’un ADA.

[66]                          Toutefois, l’utilisation d’un ADA pour obtenir un échantillon d’haleine soulève elle aussi des préoccupations qui minent le caractère raisonnable de la saisie, plus particulièrement quant à la fiabilité des résultats d’analyse. Le juge en chambre a conclu, sur la foi de la preuve, que, comme un ADA ne peut tenir compte de la présence d’alcool dans la bouche, [traduction] « il peut y avoir de sérieux doutes dans certains cas quant à savoir si un ADA indique avec exactitude les mesures d’alcoolémie » : par. 286‑292.

[67]                          La fiabilité du mécanisme de fouille, de perquisition ou de saisie est directement liée au caractère raisonnable de la fouille, de la perquisition ou de la saisie elle‑même : R. c. Chehil, 2013 CSC 49, [2013] 3 R.C.S. 220, par. 48. Comme la Cour l’a indiqué dans l’arrêt Chehil, « [u]ne méthode de fouille qui aurait pour effet de viser un nombre démesuré de personnes innocentes ne saurait être jugée non abusive » : par. 51. À l’opposé, une grande fiabilité s’est révélée cruciale pour confirmer la validité des fouilles effectuées à l’aide de chiens renifleurs selon la norme moins rigoureuse des soupçons raisonnables : R. c. A.M., 2008 CSC 19, [2008] 1 R.C.S. 569, par. 11; voir également R. c. Kang‑Brown, 2008 CSC 18, [2008] 1 R.C.S. 456.

[68]                          Si le RIAC qui a été mis en place en 2010 autorisait le conducteur à obtenir sur demande une deuxième analyse faite au moyen d’un autre ADA, il n’obligeait aucunement le policier à aviser le conducteur de ce droit : MVA, par. 215.42(1) et (2). Le RIAC prescrivait en outre que la deuxième analyse ait préséance, que la lecture obtenue soit plus élevée ou plus basse que la lecture initiale : par. 215.42(3). Bien qu’une deuxième analyse effectuée au moyen d’un deuxième appareil puisse grandement aider à dissiper les doutes concernant la fiabilité de l’alcootest administré au moyen d’un ADA, la possibilité de se prévaloir de cette mesure de protection pourrait s’avérer illusoire lorsque le conducteur n’est pas au courant de son existence, particulièrement lorsqu’il n’y a aucune garantie que le résultat le plus bas l’emportera. En l’absence de mesures de protection significatives assurant la fiabilité, ce facteur suscite de sérieux doutes au sujet du caractère raisonnable de la loi autorisant la saisie.

d)             La possibilité d’avoir recours à la surveillance judiciaire

[69]                          Une bonne partie du désaccord entre les parties porte sur la possibilité d’avoir recours à la surveillance judiciaire et sur l’importance de pouvoir recourir au contrôle dans le cadre de l’analyse fondée sur l’art. 8. Les conducteurs font valoir, et le juge en chambre convient avec eux, que comme le conducteur ne peut valablement contester ni le fondement ni, plus important encore, l’exactitude de l’analyse effectuée au moyen d’un ADA, la demande d’alcootest constitue une saisie abusive. La Province réplique que le fait d’inclure de telles considérations procédurales dans l’analyse fondée sur l’art. 8 dénature la portée de cet article, et que ces considérations devraient plutôt être abordées sous l’angle de l’art. 7 ou des principes de droit administratif.

[70]                          Ce n’est pas la première fois que la Cour traite de l’importance des mesures de protection procédurales dans une analyse fondée sur l’art. 8. Bien que le caractère suffisant de ces mesures soit souvent contesté sur le fondement de l’art. 7, la Cour a reconnu dans l’arrêt R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, que le droit à une défense pleine et entière est une considération pertinente lorsqu’il s’agit d’apprécier le caractère raisonnable d’une fouille, d’une perquisition ou d’une saisie : par. 88; voir également S.A.B., par. 35. Dans Hunter, le juge Dickson a conclu qu’un pouvoir discrétionnaire de fouille, de perquisition et de saisie non susceptible de révision serait contraire à l’art. 8 : p. 166. Plus récemment, dans l’arrêt Chehil, la Cour a jugé que la norme des « soupçons raisonnables » applicable aux fouilles effectuées à l’aide d’un chien renifleur respectait l’équilibre établi par l’art. 8 en raison d’un contrôle judiciaire ultérieur qui « permet [. . .] d’empêcher les atteintes aveugles et discriminatoires au droit à la vie privée, les tribunaux vérifiant que l’atteinte policière à l’attente raisonnable en matière de vie privée repose bel et bien sur un fondement objectif et raisonnable » : par. 25.

[71]                          Bien que les arrêts Hunter et Chehil portent tous deux sur le contrôle de la légalité d’une fouille ou d’une perquisition plutôt que sur l’utilisation ou la fiabilité des résultats de cette fouille, je suis d’avis que des considérations similaires s’appliquent, surtout dans les cas où les conséquences de la saisie s’ensuivent automatiquement et sur‑le‑champ. Évidemment, la nature du contrôle nécessaire varie selon les circonstances, y compris la nature du régime. Par ailleurs, la possibilité de recourir à la surveillance après coup est particulièrement importante lorsque, comme en l’espèce, une fouille, une perquisition ou une saisie a lieu sans autorisation préalable : R. c. Tse, 2012 CSC 16, [2012] 1 R.C.S. 531, par. 84. Même si un contrôle moins rigoureux peut se révéler suffisant dans un contexte réglementaire, la possibilité de recourir au contrôle et l’efficacité de celui‑ci sont néanmoins pertinentes pour juger du caractère raisonnable sur le fondement de l’art. 8.

[72]                          À mon sens, le juge en chambre a eu raison d’examiner l’étendue du contrôle et la possibilité d’y recourir dans son analyse fondée sur l’art. 8. Bien que l’art. 8 ne vise pas principalement des questions d’équité procédurale et de mesures de protection, l’examen limité du fondement et des conséquences de la demande d’échantillon d’haleine était un élément central du RIAC, surtout compte tenu des doutes concernant la fiabilité de l’ADA, de l’absence d’une étape intermédiaire entre l’analyse effectuée au moyen d’un ADA et la suspension imposée lors d’un contrôle routier et de l’immédiateté des sanctions qui s’ensuivent. La possibilité pour le conducteur de contester l’exactitude du résultat de l’ADA est donc essentielle au caractère raisonnable du RIAC.

[73]                          Il est admis que le RIAC permet à un conducteur de demander au Surintendant la révision d’une interdiction de conduire et que la décision du Surintendant est susceptible de contrôle judiciaire. Toutefois, la procédure de contrôle des suspensions imposées en application du RIAC permet seulement au Surintendant de trancher deux questions : le demandeur était‑il un « conducteur » et l’ADA a‑t‑il affiché le résultat « échec » ou « avertissement », ou le demandeur a‑t‑il refusé de fournir un échantillon? Si les deux conditions sont remplies, le Surintendant est tenu de confirmer la suspension : par. 215.5(1). Le juge en chambre a conclu qu’en [traduction] « raison de la portée limitée de l’examen, le conducteur dont l’alcoolémie n’est pas supérieure à 0,08 ou à 0,05 au moment de l’interdiction ne peut tout de même pas contester la suspension sur la base de l’appareil de détection » : par. 305.

[74]                          La Juge en chef évoque la possibilité que le Surintendant connaisse des contestations, fondées sur l’art. 8  de la Charte , du caractère raisonnable de la manière dont une fouille, une perquisition ou une saisie a été effectuée. Il ne faut pas voir les présents motifs comme l’expression d’une opinion sur ce point. Toutefois, la présente affaire ne porte pas sur le caractère raisonnable du comportement d’un policier qui fait une saisie en particulier. Elle porte sur une question plus fondamentale : la loi qui autorise la saisie est‑elle en soi raisonnable? La possibilité pour un conducteur de contester la manière dont une saisie en particulier a été opérée ne règle pas la question de savoir si le RIAC lui‑même est conforme à l’art. 8.

[75]                          Bien que je partage l’avis de la Juge en chef selon lequel la nature administrative du régime justifie la nature administrative du contrôle, j’estime que la question de savoir si la portée d’un tel contrôle est suffisante dans les circonstances n’est pas réglée pour autant. Je souscris à la conclusion du juge en chambre que l’absence d’un contrôle valable de l’exactitude du résultat de la saisie, vu la non‑fiabilité du test, suscite des doutes concernant le caractère raisonnable du RIAC. En l’absence d’un tel contrôle, le conducteur pourrait se voir imposer de graves sanctions administratives sans que les conditions préalables à l’imposition des sanctions ne soient réunies et sans qu’il ne puisse bénéficier d’un mécanisme pour obtenir réparation.

(4)           Conclusion sur l’art. 8

[76]                          Le juge en chambre a conclu que les graves conséquences subies par le conducteur qui échoue au test, conjuguées à l’impossibilité pour lui de contester le motif pour lequel ces conséquences sont imposées, rendent le RIAC abusif. Je suis du même avis.

[77]                          Le RIAC mis en place en 2010 dépend entièrement des résultats d’un test administré à l’aide d’un ADA, un appareil reconnu pour donner de faux résultats positifs lorsqu’il y a de l’alcool dans la bouche de l’intéressé. Malgré ce vice entachant la fiabilité de l’ADA, le régime ne permet pas réellement de contester la suspension d’un permis imposée en application de ses dispositions au motif que le résultat n’est pas fiable. Dans les circonstances particulières des présents pourvois, où un « échec » entraîne automatiquement de graves conséquences pour un conducteur sans possibilité de contrôle, le régime ne prévoit pas de mesures de protection adéquates. Ainsi, malgré l’objectif urgent et l’atteinte minimale portée par la saisie, le RIAC n’établit pas un équilibre raisonnable entre les intérêts de l’État et ceux des automobilistes et porte atteinte aux droits garantis aux conducteurs par l’art. 8.

[78]                          Je n’ai pas à décider si le volet « avertissement » du régime mène au même résultat. La conclusion du juge en chambre que l’art. 8 a été violé intéressait uniquement le volet « échec ». À certains égards, il a établi une distinction entre les deux volets. Aucun appel incident n’a été formé devant la Cour d’appel ou la Cour contre sa conclusion selon laquelle le volet « avertissement » du régime ne contrevenait pas à l’art. 8  de la Charte . Par conséquent, nous ne sommes pas régulièrement saisis de cette conclusion. Dans les circonstances, je préfère ne pas me prononcer sur ce point. Je signale que, dans la mesure où les modifications législatives traitaient à la fois de l’aspect « avertissement » et de l’aspect « échec » du programme, cette question est théorique.

D.           L’article premier sauvegarde‑t‑il la saisie prévue par le RIAC?

[79]                          Il incombe à la Province de justifier la violation de l’art. 8 en vertu de l’article premier de la Charte . Pour ce faire, elle doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que le RIAC a un objectif urgent et réel et que les moyens choisis pour réaliser cet objectif sont proportionnels. Le critère de proportionnalité comporte trois questions : (1) existe‑t‑il un lien rationnel entre les moyens choisis et l’objectif; (2) la loi porte‑t‑elle atteinte de façon minimale au droit violé; (3) les effets préjudiciables et les effets bénéfiques de la loi sont‑ils proportionnels entre eux; voir R. c. Nur, 2015 CSC 15, [2015] 1 R.C.S. 773, par. 111; R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

[80]                          Je conviens avec le juge en chambre que l’objectif du régime est [traduction] « de chasser des routes les conducteurs aux facultés affaiblies et de les empêcher de conduire à nouveau » : par. 357. Les parties s’entendent pour dire que cet objectif est urgent et réel.

[81]                          En outre, je partage l’avis du juge en chambre qu’il existe un lien rationnel entre les interdictions automatiques de conduire fondées sur une analyse faite lors d’un contrôle routier et [traduction] « l’objectif de réduire les décès et les blessures causés par la conduite avec facultés affaiblies » : par. 360.

[82]                          À la deuxième étape du critère de proportionnalité, la Province doit établir que le RIAC porte atteinte de façon minimale au droit garanti par l’art. 8 dans la poursuite de son objectif. À cette étape, le gouvernement n’est pas tenu d’adopter la mesure la moins attentatoire possible, mais celle qu’il choisit doit « se situer à l’intérieur d’une gamme de mesures alternatives raisonnables » : Association de la police montée de l’Ontario c. Canada (Procureur général), 2015 CSC 1, [2015] 1 R.C.S. 3, par. 149.

[83]                          Je prends acte de la crainte de la Province que certaines solutions de rechange obligeant la police à ramener les conducteurs au poste de police portent davantage atteinte au droit des conducteurs à la vie privée et réduisent le temps que la police pourrait passer à effectuer des analyses lors de contrôles routiers. Toutefois, comme l’a signalé le juge en chambre, [traduction] « il est possible de permettre la mise en place d’un mécanisme de contrôle plus rigoureux sans nuire sensiblement de quelque façon que ce soit à l’objectif du gouvernement de chasser rapidement et efficacement des routes les conducteurs aux facultés affaiblies » : par. 319.

[84]                          En effet, les modifications apportées subséquemment au RIAC pour élargir le contrôle des analyses et des interdictions survenues à l’occasion de contrôles routiers démontrent que de telles mesures peuvent facilement être mises en place sans nuire à l’objectif de la Province. Les modifications de 2012 habilitent le Surintendant, dans le cadre d’un contrôle, à décider du poids à accorder à tout élément de preuve, y compris à tout renseignement ou document non fait sous serment : MVA, par. 215.49(4). Mais surtout, les modifications exigent également du Surintendant qu’il soit convaincu que le conducteur a été avisé de son droit de demander une deuxième analyse, que la deuxième analyse a été effectuée au moyen d’un autre ADA, que l’interdiction a été prononcée sur la base du plus faible résultat des deux analyses et que le résultat de l’analyse effectuée au moyen de l’ADA était fiable : MVA, par. 215.42(1) et sous‑al. 215.5(1)a)(i), (ii) et (iv).

[85]                          La constitutionnalité du RIAC modifié n’est pas en cause devant la Cour. Cependant, les mesures de contrôle renforcées dans le régime modifié concernent les solutions législatives les moins attentatoires qui s’offrent à la Province. Dans les circonstances, je conviens avec le juge en chambre que le RIAC en vigueur à l’époque [traduction] « ne port[ait] pas atteinte de façon minimale au droit du conducteur d’être protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives » : par. 379 (soulignement omis). Je conclus que l’ancien volet « échec » du RIAC n’est pas sauvegardé par l’article premier.

VI.        Dispositif

[86]                          Je suis d’avis de rejeter la requête en radiation. Les articles publiés font partie des « textes doctrinaux » autorisés dans les recueils de sources présentés à la Cour : Règles de la Cour suprême du Canada, DORS/2002‑156, règle 2 « sources », sous‑al. 36(2)a)(i); voir également l’arrêt Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, p. 774‑777.

[87]                          Je suis d’avis de rejeter le pourvoi de M. Goodwin ainsi que celui de la Province et de confirmer le jugement dans lequel le juge en chambre déclare que les dispositions du RIAC relatives au volet « échec » portent atteinte à l’art. 8  de la Charte  et ne sont pas sauvegardées par l’article premier.

VII.     Dépens

[88]                          Dans le pourvoi de la Province, les intimés sont les parties ayant gain de cause et ont droit à leurs dépens devant toutes les cours.

[89]                          Dans le pourvoi de M. Goodwin, ce dernier sollicite les dépens devant les tribunaux d’instance inférieure et les dépens relatifs à son pourvoi, même s’il est débouté. Il dit avoir droit à ses dépens parce que le présent litige constitutionnel est d’intérêt public. La Province ne réclame aucuns dépens et demande de ne pas être condamnée aux dépens.

[90]                          Les parties déboutées peuvent obtenir les dépens dans des affaires vraiment exceptionnelles mettant en cause des questions d’importance pour le public : Colombie‑Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan, 2003 CSC 71, [2003] 3 R.C.S. 371, par. 30; voir aussi B. (R.) c. Children’s Aid Society of Metropolitan Toronto, [1995] 1 R.C.S. 315, par. 166. Il ne suffit pas qu’une question soit d’intérêt public ou d’importance pour le public; pour justifier l’octroi de dépens quelle que soit l’issue de la cause, l’affaire doit être « vraiment exceptionnelle ». À mon sens, la présente affaire ne l’est pas. Par conséquent, aucuns dépens ne seront adjugés relativement au pourvoi de M. Goodwin.

                    Version française des motifs rendus par

[91]                          La Juge en chef (dissidente en partie) — J’ai pris connaissance des motifs de la juge Karakatsanis. Bien que je souscrive à eux dans une large mesure, je diverge d’opinion sur le point de savoir si le régime provincial de suspension imposée lors d’un contrôle routier enfreint l’exigence constitutionnelle que les fouilles, perquisitions et saisies ne soient pas abusives. À mon avis, le régime n’enfreint pas cette exigence.

[92]                          J’estime que, selon l’art. 8  de la Charte canadienne des   droits et libertés , il ne suffit pas de simplement mettre en balance les intérêts de l’État et les intérêts privés opposés; les tribunaux doivent plutôt examiner trois conditions d’une fouille, perquisition ou saisie raisonnable : (1) un objectif de l’État susceptible de l’emporter sur les intérêts privés d’une personne; (2) l’atteinte à l’intérêt privé ne va pas au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif; (3) la possibilité de recourir à la surveillance judiciaire.

L’article 8  de la Charte  s’applique‑t‑il?

[93]                          La question préliminaire est de savoir si le régime, qui n’autorise pas lui‑même la saisie d’un échantillon d’haleine, est visé par l’art. 8  de la Charte . Le régime provincial s’en remet aux dispositions du Code criminel  qui permettent à un policier de contraindre un conducteur à donner un échantillon d’haleine : L.R.C. 1985, c. C‑46, par. 254(2) . Il s’agit là clairement de la saisie d’un échantillon d’une substance corporelle, ce qui signifie qu’elle ne doit pas être « abusive » au sens de l’art. 8  de la Charte . Il est factice de plaider que la saisie est autorisée par le Code criminel  et que le régime provincial n’en prévoit donc aucune. Le fait est que, dans des cas comme celui en l’espèce, le policier saisit un échantillon d’haleine pour l’application du régime provincial : l’autorisation du Code criminel  est expressément évoquée par ce régime provincial. La saisie est la base sur laquelle repose tout le régime provincial. Bien qu’elle soit autorisée par un autre texte de loi, la saisie fait partie intégrante de ce régime.

La saisie est‑elle raisonnable?

[94]                          Cela nous amène à la question principale : la saisie prévue par le régime provincial est‑elle « raisonnable » et de ce fait conforme à l’art. 8  de la Charte , qui protège l’individu contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives?

[95]                          L’article 8 a pour objet et pour effet de protéger l’individu contre les atteintes abusives de l’État à sa vie privée. La common law protège la vie privée depuis des siècles. Cette protection, qui visait au départ la violation de domicile (le dicton de lord Coke « La maison de chacun est son château » : voir R. c. Tessling, 2004 CSC 67, [2004] 3 R.C.S. 432, par. 22; voir aussi Hunter c. Southam Inc., [1984] 2 R.C.S. 145, p. 157‑158; R. c. Dyment, [1988] 2 R.C.S. 417, p. 426‑429), a été transformée sous l’égide de l’art. 8 de façon à englober trois dimensions de la vie privée : la personne, l’information et les lieux (R. c. Spencer, 2014 CSC 43, [2014] 2 R.C.S. 212, par. 35; Tessling, par. 20‑24). 

[96]                          À l’instar des autres droits garantis par la Charte  comme l’expression et la liberté, le droit à la vie privée concerne essentiellement la tension fondamentale présente dans une démocratie constitutionnelle entre l’individu et l’État : Dyment, p. 427‑429. En général, l’État peut porter atteinte au droit de l’individu à la vie privée si cette atteinte est autorisée par une loi raisonnable et portée de manière raisonnable. Ce sera le cas lorsque : (1) l’État procède à la fouille, à la perquisition ou à la saisie pour réaliser un objectif important qui se fonde sur l’intérêt public général; (2) l’atteinte ne va pas au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État; (3) l’atteinte est soumise à la surveillance judiciaire pour empêcher que l’État se livre à des abus.

[97]                          Selon la première condition, l’objectif de l’État doit être suffisamment important pour primer les droits de l’individu à la vie privée en jeu. C’est pourquoi il faut, en règle générale, avoir des motifs raisonnables de croire que l’on trouvera l’objet recherché pour pouvoir effectuer une fouille, une perquisition ou une saisie : à défaut de ces motifs, l’objectif de l’État ne justifie pas l’intrusion dans la sphère privée de l’individu. Toutefois, dans certaines situations — notamment les alcootests administrés lors de contrôles routiers pour lutter contre la conduite en état d’ébriété — l’importance de l’objectif de l’État et la difficulté de l’atteindre justifient parfois une fouille, une perquisition ou une saisie malgré l’absence de motifs raisonnables.

[98]                          La deuxième condition — l’atteinte au droit à la vie privée ne doit pas aller au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État — limite l’atteinte à ce qui est justifié dans les circonstances, qui comprennent notamment la nature du régime. La Cour a reconnu que le régime dont l’objet est de nature réglementaire et non criminelle peut être assujetti à des normes moins rigoureuses : R. c. McKinlay Transport Ltd., [1990] 1 R.C.S. 627, la juge Wilson; British Columbia Securities Commission c. Branch, [1995] 2 R.C.S. 3, les juges Sopinka et Iacobucci; R. c. Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 R.C.S. 757.

[99]                          La troisième condition, la possibilité de recourir au contrôle judiciaire, exige la présence d’un mécanisme garantissant que les fouilles, perquisitions et saisies soient conformes à la règle de droit et empêchent que l’État abuse de ces pouvoirs. La common law insiste depuis longtemps sur la surveillance judiciaire des intrusions de l’État dans la sphère privée. C’est en raison de ce souci qu’il faut généralement obtenir une autorisation judiciaire préalable pour une fouille ou perquisition de nature criminelle, à défaut de quoi la fouille ou perquisition est à première vue abusive : R. c. Collins, [1987] 1 R.C.S. 265, p. 277‑278; Hunter c. Southam Inc., p. 161. Ce souci explique également le fait que, dans certains cas, les autorités doivent conserver des notes détaillées de ce qu’elles ont fouillé et des raisons pour le faire : R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 4 et 82; R. c. Vu, 2013 CSC 60, [2013] 3 R.C.S. 657, par. 70; R. c. Golden, 2001 CSC 83, [2001] 3 R.C.S. 679, par. 101. Lorsque des fouilles sans mandat sont autorisées, il est particulièrement important qu’elles fassent l’objet d’un examen à l’étape du contrôle judiciaire : Fearon, par. 82 et 87.

[100]                      Bien que le critère ait été énoncé de différentes manières dans la jurisprudence, au fond, les trois conditions que je viens d’exposer — un objectif important de l’État, une atteinte qui se limite à ce qui est raisonnablement nécessaire et la possibilité de recourir au contrôle judiciaire — établissent si une fouille ou perquisition est raisonnable au sens de l’art. 8  de la Charte .

[101]                      On dit parfois que, pour décider si une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable, on se demande si l’acte de l’État représente un juste équilibre entre l’objectif de l’État (la première condition) et le droit de l’individu à la protection de sa vie privée : voir, par exemple, Tessling, par. 17‑18. Il faut voir la métaphore de la mise en balance comme une interprétation élargie des conditions d’une fouille, perquisition ou saisie raisonnable au sens de l’art. 8. Sans prétendre que la mise en balance donne forcément le mauvais résultat, considérer l’analyse fondée sur l’art. 8 comme une simple mise en balance de l’intérêt de l’État et du droit de l’individu à la vie privée ne permet pas toujours de prendre en compte ce qu’il faut pour établir qu’une fouille, perquisition ou saisie est raisonnable.

[102]                      Un problème est que la mise en balance peut laisser croire que, si l’objectif de l’État est suffisamment impérieux, il permet de passer outre à la retenue et aux procédures qui ouvrent la voie au contrôle judiciaire. À mon avis, ce ne saurait être le cas. Même lorsque l’objectif de l’État (comme en l’espèce) revêt une grande importance, l’État ne doit pas empiéter dans la sphère protégée de l’individu davantage que ne le justifie raisonnablement cet objectif, ni le faire en l’absence de garanties appropriées susceptibles de donner lieu à un contrôle judiciaire. Je le répète, ce qui constitue une surveillance judiciaire adéquate peut varier selon la nature du régime et d’autres facteurs. Il n’est parfois pas nécessaire d’obtenir un mandat. Et un mécanisme d’appel administratif soumis au contrôle judiciaire peut suffire dans le cas des régimes réglementaires : voir, p. ex., McKinlay Transport Ltd. et Branch.

[103]                      La mise en balance pose un autre problème : elle risque de mettre indûment l’accent sur la gravité de l’atteinte par la fouille, perquisition ou saisie au droit de l’individu à la vie privée, vue sous l’angle de la mesure dans laquelle la chose recherchée ou saisie est « secrète » ou cachée. En conséquence, il peut être plus facile de justifier la fouille et la saisie de quelque chose qui n’est pas secret au motif que l’attente en matière de « vie privée » est faible et que l’atteinte de l’État est de ce fait minimale. Le droit à la vie privée ne doit pas s’entendre au sens strict du secret ou de ce qu’autrui ignore. Il doit plutôt s’entendre au sens de ce qui appartient à la sphère privée de l’individu dans laquelle ce dernier s’attend raisonnablement à être à l’abri de l’intrusion de l’État en l’absence d’un objectif supérieur de celui‑ci et de garanties juridiques : voir, p. ex., Dyment, p. 427‑429 et 431‑435. Comme je l’ai déjà mentionné, cette sphère privée comporte trois dimensions : la personne, l’information (y compris l’anonymat, voir Spencer, par. 35 et 38) et les lieux.

[104]                      En l’espèce, les demandeurs attaquent la loi qui autorise la fouille, la perquisition et la saisie en la qualifiant d’abusive sur le plan constitutionnel au sens de l’art. 8. Je ne saurais être d’accord.

[105]                      J’estime que les trois conditions d’une fouille, d’une perquisition ou d’une saisie raisonnable sont toutes réunies en l’espèce. L’objectif de l’État — prévenir les décès et les blessures graves imputables à la conduite avec facultés affaiblies — est important et susceptible de justifier l’intrusion dans la sphère privée des substances corporelles de l’individu. À ce stade, le plus grand défi auquel fait face l’État est que le régime permet aux policiers de prélever des échantillons d’haleine sans avoir des motifs raisonnables de croire ou même soupçonner que les facultés du conducteur sont affaiblies au point de nuire à sa conduite. La Province a toutefois produit une preuve convaincante selon laquelle le fait d’exiger la présence de tels motifs contrecarrerait l’objectif de prévenir les décès et les blessures causés par la conduite avec facultés affaiblies, et les tests de routine sont nécessaires pour atteindre l’objectif du régime administratif.

[106]                      La deuxième condition est également réunie. La saisie ne va pas au‑delà de ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif de l’État. Dans McKinlay Transport Ltd., la Cour, par l’entremise de la juge Wilson, a jugé que la production obligatoire de documents portait atteinte de façon minimale aux droits à la vie privée parce que le régime de réglementation des valeurs mobilières en cause était de nature réglementaire plutôt que criminelle et que ce secteur était fortement réglementé, ce qui a pour effet de réduire l’attente en matière de vie privée de la personne qui y œuvre. On peut dire la même chose en l’espèce. Le régime est de nature réglementaire, non criminelle. De plus, la conduite sur les routes est fortement réglementée et occupe une grande place dans l’application des règles de sécurité routière. Qui plus est, l’obtention d’un échantillon d’haleine lors d’un contrôle routier est moins envahissante que les solutions de rechange, telles que contraindre un conducteur à fournir un échantillon d’haleine au poste de police ou prélever un échantillon de sang.

[107]                      Le troisième élément est le plus problématique. La question est de savoir s’il est possible de recourir à la surveillance judiciaire. On soutient que le contrôle est inadéquat car le régime n’offre pas les garanties du Code criminel  assurant l’exactitude des résultats — en l’occurrence un test subséquent administré au poste de police avec un appareil plus précis — et il peut être difficile pour une personne de contester un résultat inexact enregistré par l’alcootest. Le conducteur peut cependant demander qu’un deuxième test soit effectué à l’aide d’un autre appareil lors du contrôle routier : Motor Vehicle Act, R.S.B.C. 1996, c. 318, par. 215.42(1) et (2). Il peut aussi demander que le Superintendent of Motor Vehicles (« Surintendant ») révise une suspension et présenter des déclarations et autres éléments de preuve à l’appui de sa demande : ibid., art. 215.48 et 215.49. La décision du Surintendant peut être soumise à la surveillance des tribunaux par voie de contrôle judiciaire. En outre, si, malgré l’échec au test, le policier n’a pas de motifs raisonnables de croire que les facultés du conducteur sont affaiblies, il ne lui impose pas de sanction : ibid., par. 215.41(3). Ce pourrait être le cas, par exemple, si le policier a des doutes au sujet de l’exactitude, de la fiabilité ou du fonctionnement de l’appareil ou de tout autre aspect du processus d’analyse : Wilson c. Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles), 2015 CSC 47, [2015] 3 R.C.S. 300, par. 29.

[108]                      Bien que la manière de procéder à la fouille n’ait pas été contestée en l’espèce, elle est évidemment sujette à un examen de sa constitutionnalité. Au stade du contrôle, le conducteur peut remettre en question le caractère raisonnable de la fouille en vertu de l’art. 8 et il est loisible au Surintendant d’écarter la preuve au titre du par. 24(2) dans les cas où cela est justifié : voir R. c. Conway, 2010 CSC 22, [2010] 1 R.C.S. 765.

[109]                      Au bout du compte, les différences entre les dispositions du Code criminel  relatives au contrôle judiciaire et le régime provincial de suspension imposée lors d’un contrôle routier en litige dans la présente affaire traduisent le fait que les dispositions du Code criminel  sont de nature pénale, tandis que celles sur la suspension imposée lors d’un contrôle routier sont de nature réglementaire. Le caractère administratif du régime ainsi que la nature des droits du conducteur en jeu justifient la nature administrative du contrôle, tout comme les dispositions moins strictes visant à assurer l’exactitude de l’échantillon. (Si les sanctions prévues par un régime administratif étaient plus sévères, par exemple si l’atteinte elle‑même faisait intervenir un droit garanti par la Charte , l’art. 8 pourrait exiger une surveillance judiciaire plus directe. Nous ne sommes toutefois pas en présence d’une telle situation.) La question fondamentale est de savoir si les dispositions du régime de suspension en matière de révision offrent une protection raisonnable contre l’exercice abusif du pouvoir de l’État d’empiéter dans la sphère privée de l’individu, eu égard à la nature du régime et aux droits à la vie privée en jeu. J’estime qu’il faut y répondre par l’affirmative.

[110]                      Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi de la Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et du procureur général de cette province.

                    Pourvois rejetés, la juge en chef McLachlin est dissidente en partie.

                    Procureurs de l’appelant/intimé Richard James Goodwin : Gudmundseth Mickelson, Vancouver.

                    Procureur des appelants/intimés Colombie‑Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) et le procureur général de la Colombie‑Britannique : Procureur général de la Colombie‑Britannique, Victoria.

                    Procureurs des intimés Jamie Allen Chisholm, Scott Roberts et Carol Marion Beam : Gudmundseth Mickelson, Vancouver; Carr Buchan & Company, Victoria.

                    Procureur de l’intervenant le procureur général du Canada : Procureur général du Canada, Toronto.

                    Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

                    Procureure de l’intervenante la procureure générale du Québec : Procureure générale du Québec, Québec.

                    Procureur de l’intervenant le procureur général du Manitoba : Procureur général du Manitoba, Winnipeg.

                    Procureur de l’intervenant le procureur général de la Saskatchewan : Procureur général de la Saskatchewan, Regina.

                    Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta : Procureur général de l’Alberta, Edmonton.

                    Procureurs de l’intervenante l’Association des libertés civiles de la Colombie‑Britannique : Hunter Litigation Chambers, Vancouver; Dolgin, Marshman Law, Ottawa.

                    Procureurs de l’intervenant le Bureau d’assurance du Canada : Stikeman Elliott, Toronto et Ottawa.

                    Procureurs des intervenantes Criminal Trial Lawyers’ Association (Alberta) et Criminal Defence Lawyers Association (Calgary) : Gunn Law Group, Edmonton; Savage Oykhman, Calgary.

                    Procureurs de l’intervenante Criminal Lawyers’ Association of Ontario : Greenspan Partners, Toronto; Addario Law Group, Toronto.

                    Procureur de l’intervenant Alberta Registrar of Motor Vehicle Services : Procureur général de l’Alberta, Edmonton.

                    Procureurs de l’intervenante Les mères contre l’alcool au volant Canada : Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Victoria; Gowling Lafleur Henderson, Ottawa.



[1] m.i. (C.‑B.), par. 27; 2011 BCSC 1639, 27 B.C.L.R. (5th) 229 (« motifs du juge en chambre »).

[2]   Voir Highway Traffic Act, R.S.P.E.I. 1988, c. H‑5, art. 277.2 et suiv.; Code de la sécurité routière, RLRQ, c. C‑24.2, art. 202.4 et suiv.

[3] La question de l’al. 10b) n’a pas été portée en appel.

[4]   Les intimés Chisholm et autres qualifient le RIAC de pouvoir mixte de fouille, de perquisition et de saisie : voir m.i., par. 39.

[5]   m.i., par. 1, où elle cite S. Pitel et R. Solomon, « Conduite avec facultés affaiblies – Estimation du nombre de collisions et des coûts afférents, 1999 à 2010 » (avril 2013).

 

[6]   Motifs du juge en chambre, par. 266.

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