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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38, [2016] 2 R.C.S. 80

Appel entendu : 29 mars 2016

Jugement rendu : 29 septembre 2016

Dossier : 36258

 

Entre :

 

Procureur général du Canada

Appelant

 

et

 

Igloo Vikski Inc.

Intimée

 

 

Traduction française officielle

 

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 52)

Le juge Brown (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner et Gascon)

 

Motifs dissidents :

(par. 53 à 75)

La juge Côté

 

 

 

 


Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc., 2016 CSC 38, [2016] 2 R.C.S. 80

Procureur général du Canada                                                                        Appelant

c.

Igloo Vikski Inc.                                                                                                 Intimée

Répertorié : Canada (Procureur général) c. Igloo Vikski Inc.

2016 CSC 38

No du greffe : 36258.

2016 : 29 mars; 2016 : 29 septembre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon, Côté et Brown.

en appel de la cour d’appel fédérale

                    Droit fiscal — Douanes et accise — Commerce international — Classement de marchandises en vue de la détermination du tarif — Importation de gants de hockey — Les marchandises doivent‑elles être classées comme des « gants, mitaines et moufles » ou comme « autres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières » en application du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises? — L’interprétation et l’application par le Tribunal canadien du commerce extérieur des Règles 1 et 2 des Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé étaient‑elles raisonnables? — Tarif des douanes, L.C. 1997, c. 36 , annexe, Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé.

                    L’importateur a pris des arrangements pour importer des gants de hockey confectionnés de matières textiles et plastiques cousues ensemble. L’Agence des services frontaliers du Canada a classé cinq modèles de gants dans le numéro tarifaire 6216.00.00, à savoir « gants, mitaines et moufles », du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le « Système harmonisé »), qui figure en annexe au Tarif des douanes. L’autre modèle a été classé dans le numéro tarifaire 3926.20.92, à savoir « autres ouvrages en matières plastiques ».

                    Le Tribunal canadien du commerce extérieur (le « TCCE » ou le « Tribunal ») a rejeté l’appel interjeté par l’importateur et est arrivé à la conclusion que les gants devaient être classés comme des « gants, mitaines et moufles ». La Cour d’appel fédérale a cependant accueilli l’appel interjeté par l’importateur et renvoyé l’affaire au TCCE.

                    Arrêt (la juge Côté est dissidente) : L’appel est accueilli.

                    La juge en chef McLachlin et les juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Brown : L’exercice de classement commence par la Règle 1 des Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé, suivant laquelle le classement des marchandises se fait initialement selon les termes des positions d’un chapitre, ainsi que de toute Note de Section ou de Chapitre applicable. Dans le cas d’un article non fini ou fait d’un mélange de matières, il faut appliquer la Règle 2 en tandem avec la Règle 1 pour déterminer la position dans laquelle la marchandise paraît devoir être classée. La Règle 2a) assimile l’article non fini à l’article fini et dispose qu’il est classé en application de la Règle 1 comme s’il s’agissait d’un article complet ou fini. La Règle 2b) s’applique lorsqu’il s’agit de déterminer le classement d’un article fait d’un mélange de matières. Elle dispose que la mention dans une position d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Si l’application des Règles 1 et 2 aboutit à une seule position, l’article est classé dans cette position et l’analyse prend fin. Or, si une marchandise paraît devoir être classée dans plus d’une position, il faut appliquer la Règle 3, comme le prévoit la Règle 2b), pour résoudre le conflit. Si l’application des Règles 1, 2 et 3 n’aboutit pas au classement d’un article dans une seule position, il faut appliquer les Règles 4, 5 et 6 pour déterminer le classement de la marchandise.

                    Si on dit couramment des Règles générales qu’elles sont structurées en cascade, cette métaphore ne décrit pas vraiment la manière dont les Règles s’appliquent. L’ordre relève plus de la hiérarchie que de la cascade. La Règle 1 n’est pas écartée par l’application de la Règle 2. Dans les cas où la Règle 2 s’applique, c’est en tandem avec la Règle 1 pour déterminer la position ou les positions dans lesquelles un article incomplet ou composite paraît devoir être classé.

                    Le TCCE a conclu que les gants ne pouvaient être classés dans la position 39.26 par application de la Règle 1, car ils n’étaient pas confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles, comme le prévoit la Note explicative accompagnant la position 39.26 des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Le TCCE est arrivé à la conclusion que les gants répondaient aux termes de la position 62.16 par application de la Règle 1. Le TCCE, estimant que les gants comportaient du rembourrage en plastique qui excédait le rôle de simples garnitures, a appliqué la Règle 2b) des Règles générales, comme le prévoit la Note explicative accompagnant la position 62.16, ce qui l’a mené à étendre la portée de la position de manière à classer les marchandises comme des « gants, mitaines et moufles ».

                    La Cour d’appel fédérale a conclu que le TCCE avait mal interprété les Règles générales en exigeant que les articles répondent aux termes d’une position en application de la Règle 1 avant que n’intervienne la Règle 2b) pour étendre la portée de cette position de manière à y inclure les matières mélangées. Le TCCE, après avoir déterminé que les marchandises ne correspondaient pas aux termes de la position 39.26, aurait dû appliquer la Règle 2b) des Règles générales pour étendre la portée de la position de manière à y inclure les gants. Ensuite, comme les marchandises paraissaient devoir être classées dans deux positions, soit 39.26 et 62.16, il aurait fallu appliquer la Règle 3 pour déterminer le classement des gants.

                    En concluant que le TCCE avait mal appliqué les Règles générales, la Cour d’appel fédérale a mal saisi l’économie de ces Règles. Elle n’a pas compris que les Règles 1 et 2 doivent être appliquées en tandem lorsqu’il s’agit de déterminer dans quelle position un article paraît devoir être classé. En outre, la Cour d’appel fédérale a fait erreur en supposant que la Règle 2b) s’applique pour étendre la portée d’une position de manière à y inclure un article dont aucune partie ne peut y être classée. Si aux termes de la Règle 2b) la mention d’une matière dans une position est assimilée à la mention de cette matière mélangée ou associée à d’autres matières, il demeure que les Notes de Sections ou de Chapitres et les Notes explicatives s’appliquent au classement de l’article comme s’il était constitué à l’état pur de la matière mentionnée dans la position. Globalement, la décision du TCCE était raisonnable. Le TCCE n’a pas mal appliqué les Règles générales ni donné au libellé de la position 39.26 et à sa Note explicative une interprétation déraisonnable.

                    La juge Côté (dissidente) : La décision du Tribunal ne fait aucunement partie des interprétations raisonnables. Elle va à l’encontre de la nature dite « en cascade » des Règles générales, elle est intrinsèquement contradictoire et elle fait des Notes explicatives une lecture qui est incompatible avec leur libellé.

                    Bien que la norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique en l’espèce, la présente affaire porte sur l’interprétation de la loi de mise en œuvre de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises. Compte tenu de l’intention des parties à la Convention à l’égard de la création d’un régime uniforme de classement, le nombre d’interprétations raisonnables est par conséquent limité.

                    Premièrement, le Tribunal a exigé à tort comme prérequis que les marchandises satisfassent d’abord à la description de la position, conformément à la Règle 1, pour que la Règle 2b) s’applique. La distinction entre une application conjonctive ou hiérarchique des Règles générales et une application dite « en cascade » importe peu en l’espèce. Une marchandise ne doit pas, pour que la Règle 2b) s’applique, satisfaire d’abord aux termes de la position pour le classement en fonction de la Règle 1. Une telle lecture est incompatible avec le libellé de la Règle 2b). C’est précisément parce que certaines marchandises faites d’un mélange de matières ou de substances ne peuvent être classées dans une position en fonction de la Règle 1 seule que la Règle 2b) s’applique. La Règle 2b) a pour fonction d’élargir la portée des positions qui mentionnent une matière de sorte qu’elles puissent servir au classement, en fonction de la Règle 1, de marchandises constituées partiellement de cette matière.

                    Deuxièmement, le Tribunal n’a pas appliqué les Règles 1 et 2b) de manière uniforme aux positions nos 39.26 et 62.16. Le Tribunal devait appliquer la Règle 2b) pour que les gants puissent être classés dans la position no 62.16 puisque ceux‑ci comportent du rembourrage en plastique qui excède le rôle de simples garnitures. Par conséquent, la Règle 1 ne pouvait être appliquée seule pour le classement des gants dans la position no 62.16 ni dans aucune autre position, et le Tribunal a dû recourir à la Règle 2b). Dans ce contexte, le refus du Tribunal d’appliquer les Règles 1 et 2b) de manière uniforme aux positions nos 39.26 et 62.16 est intrinsèquement contradictoire et donc déraisonnable.

                    Troisièmement, l’interprétation par le Tribunal de la Note explicative accompagnant la position no 39.26 est déraisonnable. Même si la Note explicative est rédigée en termes non exhaustifs, le Tribunal a conclu que la position no 39.26 ne vise que les articles confectionnés par « couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles ». Une telle interprétation restrictive est contraire tant à une interprétation selon le contexte qu’à une interprétation selon le sens ordinaire des mots de la Note explicative.

Jurisprudence

Citée par le juge Brown

                    Arrêts mentionnés : Miller c. Jackson, [1977] 1 Q.B. 966; Sher‑Wood Hockey Inc. c. President of the Canada Border Services Agency, 2011 CarswellNat 7160 (WL Can.); Canada (Ministre du Revenu national) c. Yves Ponroy Canada, 2000 CanLII 15801; Cycles Lambert Inc. c. Canada Border Services Agency, 2015 CAF 45; Canada (Agence des services frontaliers) c. SAF‑HOLLAND Canada Ltd., 2014 CAF 3; Réseau de télévision Star Choice Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 153; Canada (Ministre du Revenu national) c. Schrader Automotive Inc., 1999 CanLII 7719; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708; Société canadienne des postes c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CAF 56, [2011] 2 R.C.F. 221, inf. par 2011 CSC 57, [2011] 3 R.C.S. 572; Helly Hansen Leisure Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2009 CAF 345; Canada (Agence des douanes et du revenu) c. Agri Pack, 2005 CAF 414; Funtastic Ltd. c. Chief Executive Officer of Customs, [2008] AATA 528; Outils Gladu Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2009 CAF 215; Rona Corporation Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2008 CanLII 13335; Primaplas Pty. Ltd. c. Chief Executive Officer of Customs, [2016] FCAFC 40; Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029.

Citée par la juge Côté (dissidente)

                    Canada (Ministre du Revenu national) c. Schrader Automotive Inc., 1999 CanLII 7719; Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190; Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339; Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5; McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895; Sher‑Wood Hockey Inc. c. President of the Canada Border Services Agency, 2011 CarswellNat 7160 (WL Can.); Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029.

Lois et règlements cités

Loi sur les douanes , L.R.C. 1985, c. 1 (2 e  suppl .), art. 59(1)a), 60(1).

Tarif des douanes , L.C. 1997, c. 36, art. 10(1) , 11 , annexe, Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé; nos tarifaires 0302.13.40, 3926.20.92, 6216.00.00, 9506.99.90.

Traités et autres instruments internationaux

Convention de Vienne sur le droit des traités, R.T. Can. 1980 no 37, art. 31.

Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, R.T. Can. 1988 no 38.

Doctrine et autres documents cités

Dryden, Ken. The Game, Toronto, Macmillan of Canada, 1983.

Organisation mondiale des douanes. Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, 5e éd., Bruxelles, Conseil de coopération douanière, 2012.

Phipson on Evidence, 15th ed. by Howard M. N. et al., London, Sweet & Maxwell, 2000.

Prabhu, Mohan. Canada’s Laws on Import and Export : An Overview, Toronto, Irwin Law, 2014.

Sullivan, Ruth. Sullivan on the Construction of Statutes, 6th ed., Markham (Ont.), LexisNexis, 2014.

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale (les juges Pelletier, Near et Scott), 2014 CAF 266, [2014] A.C.F. no 1134 (QL), 2014 CarswellNat 6196 (WL Can.), qui a annulé une décision du Tribunal canadien du commerce extérieur, 2013 CanLII 4408, [2013] T.C.C.E. no 4 (QL), 2013 CarswellNat 6771 (WL Can.). Pourvoi accueilli, la juge Côté est dissidente.

                    Jan E. Brongers et Michael Taylor, pour l’appelant.

                    Michael Kaylor et Jennifer Klinck, pour l’intimée.

                    Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Abella, Cromwell, Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Gascon et Brown rendu par

                    Le juge Brown —

I.              Introduction

[1]                              L’hiver, le hockey fait la joie des petits et des grands[1]. Chaque jour, d’un bout à l’autre du pays, d’innombrables joueurs de tous âges profitent des patinoires et étangs gelés pour s’exercer à lancer la rondelle dans le filet. Souvent, le disque est arrêté ou dévié de sa trajectoire par un gardien à l’aide d’un gant bloqueur ou d’un gant attrape‑rondelle. Comme on le sait, ce n’est pas une mince affaire[2]. Le gardien doit se concentrer sur le jeu, et non sur ce qui se passe de l’autre côté de la bande. Il ne doit penser ni à la foule, ni aux tirs ratés, ni aux provocations des joueurs de l’équipe adverse. Et, certainement, il ne devrait pas se laisser distraire par la question dont la Cour est saisie en l’espèce, à savoir si, aux fins du classement visant à déterminer le tarif des douanes applicable, il utilise des « gants, des mitaines ou des moufles » ou des « matières plastiques » pour arrêter les tirs.

[2]                              Le Tribunal canadien du commerce extérieur (« TCCE ») est arrivé à la conclusion que certains gants bloqueurs et gants attrape‑rondelles importés par Igloo Vikski Inc., intimée en l’espèce, devaient être classés comme des « gants, mitaines ou moufles ». Cependant, la Cour d’appel fédérale a conclu que ces articles paraissaient également devoir être classés comme des « matières plastiques ». Elle a renvoyé l’affaire au TCCE pour qu’il applique ce qui, selon elle, constituait la bonne analyse pour trancher les cas de marchandises qui paraissent devoir être classées dans plus d’une position. Pour les motifs qui suivent, j’estime que la Cour d’appel fédérale a fait erreur. Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rétablir la décision du TCCE.

II.           Résumé des faits et de l’instance

A.           Contexte

(1)           Système canadien de classement pour l’application du tarif douanier

[3]                              Le présent pourvoi donne pour la première fois l’occasion à la Cour d’examiner le Tarif des douanes , L.C. 1997, c. 36 , qui met en œuvre les obligations du Canada comme partie à la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, R.T. Can. 1988 no 38. La Convention régit le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (le « Système harmonisé ») qui préside au classement d’environ 5000 groupes de marchandises importées.

[4]                              Conçu par l’Organisation mondiale des douanes, un organisme intergouvernemental auquel le Canada a adhéré, le Système harmonisé favorise la stabilité et la prévisibilité en matière de classement à l’échelle internationale. Il fait office de norme pour le classement des marchandises dans les dispositions tarifaires pour toutes les parties à la Convention, dont le Canada (voir le Tarif des douanes, par. 10(1) et annexe), mais permet aux États parties d’établir leurs propres taux de droits de douane applicables à ces marchandises selon leurs propres obligations commerciales internationales (M. Prabhu, Canada’s Laws on Import and Export : An Overview (2014), p. 79).

[5]                              Le Système harmonisé est un système à huit chiffres qui régit le classement des marchandises en vue de l’application du tarif douanier. Il figure en annexe au Tarif des douanes. Il procède, au sein des diverses sections de l’annexe, du général au spécifique, soit des chapitres aux positions, sous‑positions et numéros tarifaires. Par exemple, dans la section I (« Animaux vivants et produits du règne animal »), se trouve le numéro tarifaire 0302.13.40 qui s’applique au saumon rouge frais ou réfrigéré. Les deux premiers chiffres du numéro tarifaire (03) indiquent que l’article relève du chapitre 3 (« Poissons et crustacés, mollusques et autres invertébrés aquatiques »); les quatre premiers (03.02) correspondent à la position « Poissons frais ou réfrigérés, à l’exception des filets de poissons et autre chair de poissons . . . »; les six premiers chiffres (0302.13) correspondent à la sous‑position « Saumons du Pacifique »; le numéro tarifaire à huit chiffres correspond à la marchandise spécifique (« Rouge »).

[6]                              L’annexe au Tarif des douanes présente également les « Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé ». Aux termes du par. 10(1) du Tarif des douanes, « le classement des marchandises importées dans un numéro tarifaire est effectué, sauf indication contraire, en conformité avec les Règles générales ».

[7]                              Les Règles générales, au nombre de six, régissent le classement des marchandises en fonction du Système harmonisé. Selon la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale et du TCCE, ces règles s’appliquent « en cascade ». Comme je l’expliquerai, le terme « en cascade » ne décrit cependant pas tout à fait le processus. Certes, les Règles générales s’appliquent dans un ordre prédéterminé, mais cet ordre relève plus de la hiérarchie que de la cascade (Prabhu, p. 82).

[8]                              Outre le Système harmonisé et les Règles générales, les Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (5e éd. 2012) et leurs modifications, publiées par l’Organisation mondiale des douanes, éclairent le classement des marchandises importées. Ainsi, l’art. 11 du Tarif des douanes dispose que, pour l’interprétation des positions et sous‑positions du Système harmonisé, « il est tenu compte » des Notes explicatives. Si les Notes explicatives — contrairement au Système harmonisé et aux Règles générales — ne sont pas impératives, il faut à tout le moins les prendre en considération dans le classement des marchandises importées au Canada.

(2)           Faits

[9]                              Entre novembre 2003 et décembre 2005, Igloo Vikski a importé six modèles de gants de gardien de but pour le hockey sur glace, à savoir trois modèles de « gants bloqueurs » (conçus pour être portés par le gardien dans la main qui tient le bâton) et trois modèles de « gants attrape‑rondelles » (conçus pour être portés dans l’autre main). Les composants extérieurs des gants sont confectionnés de diverses matières textiles et plastiques cousues ensemble. Si le rembourrage des gants bloqueurs est surtout composé de plastique, celui des gants attrape‑rondelles est fait des deux matières.

[10]                          L’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC ») a classé les gants dans le numéro tarifaire 6216.00.00, qui correspond à « [g]ants, mitaines et moufles ». Igloo Vikski a demandé le remboursement d’une portion des droits payés pour l’importation de ces gants au motif qu’ils auraient dû être classés dans le numéro tarifaire 9506.99.90, qui concerne divers articles de sport. L’ASFC a par la suite procédé à une révision en vertu de l’al. 59(1) a) de la Loi sur les douanes , L.R.C. 1985, c. 1 (2 e  suppl .), et a conclu que les gants ne pouvaient être classés dans le numéro proposé par Igloo Vikski. Elle a également confirmé le classement de quatre modèles de gants dans le numéro tarifaire 6216.00.00 et conclu que les deux autres devaient être classés dans le numéro tarifaire 3926.20.92, à savoir comme moufles (mitaines) ou gants non jetables.

[11]                          Igloo Vikski a alors demandé le réexamen de la décision, en vertu du par. 60(1)  de la Loi sur les douanes , au motif cette fois‑ci que tous les gants devaient être classés dans le numéro tarifaire 3926.20.92. La position 39.26 correspond à « [a]utres ouvrages en matières plastiques et ouvrages en autres matières des nos 39.01 à 39.14 ». L’ASFC a rejeté la demande de réexamen du classement et a confirmé, cette fois, le classement de cinq des gants dans le numéro tarifaire 6216.00.00 et conclu au classement du dernier modèle dans le numéro tarifaire 3926.20.92. Igloo Vikski a interjeté appel auprès du TCCE des décisions de l’ASFC relatives au classement.

B.            Décision du TCCE

[12]                          Le TCCE a rejeté l’appel interjeté par Igloo Vikski (2013 CanLII 4408). Sur le fondement de la Note explicative accompagnant la position 39.26, il a conclu que cette dernière ne s’applique qu’aux vêtements et accessoires du vêtement confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles. La membre de ce tribunal avait déjà adopté cette interprétation dans une autre affaire portant sur le classement de gants de hockey aux fins de détermination du tarif et a repris le même raisonnement en l’espèce (voir Sher‑Wood Hockey Inc. c. President of the Canada Border Service Agency, 2011 CarswellNat 7160 (WL Can.)). Les gants en question n’étant pas confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles, le TCCE a conclu qu’ils ne pouvaient être classés dans la position 39.26.

[13]                          Le TCCE s’est ensuite demandé si les gants pouvaient être classés dans la position 62.16. Il a conclu que même si les gants correspondaient aux termes de la position (« [g]ants, mitaines et moufles »), suivant la Note explicative accompagnant la position 62.16, il faut appliquer les Règles générales si les vêtements comportent des matériaux non textiles qui « excèdent le rôle de simples garnitures ». Puisque les gants de hockey comportent du rembourrage en plastique qui excède le rôle de simples garnitures, le TCCE a appliqué la Règle 2b) des Règles générales (qui, comme je l’expliquerai, s’applique lorsqu’un ouvrage est constitué de plus d’une matière), ce qui a mené le TCCE à « étendre la portée » de la position « [g]ants, mitaines [ou] moufles » de manière à y inclure les articles (par. 74‑75 et 77). Il a ainsi confirmé le classement effectué par l’ASFC et rejeté l’appel.

C.            Cour d’appel fédérale

[14]                          La Cour d’appel fédérale (le juge Scott avec l’appui des juges Pelletier et Near) a accueilli l’appel interjeté par Igloo Vikski (2014 CAF 266). Ayant appliqué la norme de la décision raisonnable, elle a conclu au caractère déraisonnable de la décision du TCCE parce qu’il avait mal appliqué les Règles générales et que ses motifs comportaient des contradictions sur le plan de la logique.

[15]                          Tout particulièrement, selon la Cour d’appel, le TCCE s’était trompé en affirmant que les articles devaient correspondre aux termes d’une position en application de la Règle 1 avant que n’intervienne la Règle 2b) pour étendre la portée de cette position de manière à y inclure les matières mélangées. Elle a conclu qu’une telle démarche allait à l’encontre de la structure « en cascade » des Règles générales (par. 11 (CanLII)). À son avis, comme les gants étaient faits de matières mélangées, le TCCE, après avoir déterminé que les marchandises ne correspondaient pas aux termes de la position 39.26, aurait dû appliquer la Règle 2b) des Règles générales pour étendre la portée de la position de manière à y inclure les gants de hockey. Ensuite, comme les marchandises paraissaient devoir être classées dans deux positions, soit 39.26 et 62.16, il aurait fallu appliquer la Règle 3 (qui, comme nous le verrons, entre en jeu dans ce type de cas) pour déterminer le classement des gants. La Cour d’appel a renvoyé l’affaire au TCCE pour qu’il reprenne l’analyse et applique cette fois la Règle 3.

III.        Analyse

A.           Norme de contrôle

[16]                          La Cour d’appel fédérale a conclu à l’unanimité que la norme de contrôle applicable à une décision du TCCE en matière de classement visant à déterminer le tarif applicable est celle de la décision raisonnable, et les parties ne le contestent pas (voir p. ex. Canada (Ministre du Revenu national) c. Yves Ponroy Canada, 2000 CanLII 15801 (C.A.F.), par. 4; Cycles Lambert Inc. v. Canada (Border Services Agency), 2015 CAF 45, par. 18‑19 (CanLII); Canada (Agence des services frontaliers) c. SAF‑HOLLAND Canada Ltd., 2014 CAF 3, par. 5 (CanLII)).

[17]                          Je conviens que la norme applicable en l’espèce est celle de la décision raisonnable. Comme le souligne la Cour d’appel fédérale, le TCCE jouit d’une expertise spécialisée dans « l’interprétation du tarif douanier, lequel est fort complexe, ainsi que les principes internationaux et nationaux qui en régissent l’interprétation » (Réseau de télévision Star Choice Inc. c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2004 CAF 153, par. 7 (CanLII)). Les questions de droit que soulève l’instance sont « très technique[s] ». Le TCCE est souvent mieux outillé qu’une cour de révision pour les trancher (Canada (Ministre du Revenu national) c. Schrader Automotive Inc., 1999 CanLII 7719 (C.A.F.), par. 5).

[18]                          Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse au caractère raisonnable du résultat concret de la décision ainsi qu’au raisonnement qui l’a produit. Le raisonnement doit démontrer « la justification de la décision, [. . .] la transparence et [. . .] l’intelligibilité du processus décisionnel » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47). Le résultat concret et les motifs, examinés ensemble, doivent servir à démontrer que le résultat appartient aux issues possibles (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Nerre‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, par. 14). Si l’insuffisance des motifs d’un tribunal administratif ne justifie pas à elle seule le contrôle judiciaire, il faut néanmoins que les motifs « expliquent de façon adéquate le fondement de sa décision » (Newfoundland Nurses, par. 18, citant Société canadienne des postes c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CAF 56, [2011] 2 R.C.F. 221, par. 163 (le juge Evans, dissident), inf. par 2011 CSC 57, [2011] 3 R.C.S. 572).

B.            Économie des Règles générales

[19]                          En fin de compte, le présent pourvoi porte sur l’application des Règles générales lorsqu’il s’agit de déterminer le classement de marchandises selon le Système harmonisé. Suit une description de la procédure relative aux Règles générales.

[20]                          L’exercice commence par la Règle 1, suivant laquelle le classement des marchandises se fait initialement selon les termes des positions d’un chapitre, ainsi que toute Note de Section ou de Chapitre applicable[3].

[21]                          Il est possible de déterminer le classement d’une marchandise par la seule application de la Règle 1. Par exemple, aux fins d’importation au Canada, une vache vivante serait classée dans la position 01.02 (« Animaux vivants de l’espèce bovine ») sur le fondement exclusif de la Règle 1. Nul besoin d’appliquer les autres Règles pour déterminer le classement de la vache. C’est donc seulement lorsque la Règle 1 ne permet pas d’arrêter de manière concluante le classement d’une marchandise qu’il faudra recourir aux autres Règles générales (voir p. ex. Helly Hansen Leisure Canada Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2009 CAF 345, par. 17 (CanLII); Canada (Agence des douanes et du revenu) c. Agri Pack, 2005 CAF 414, par. 41 (CanLII); Funtastic Ltd. c. Chief Executive Officer of Customs, [2008] AATA 528, par. 48 (AustLII)).

[22]                          Il arrive parfois que la Règle 1 ne permette pas à elle seule de déterminer le classement d’une marchandise. Dans le cas d’un article non fini ou fait d’un mélange de matières — qui n’est pas déjà prévu expressément par les termes d’une position[4] — il faut appliquer la Règle 2 en tandem avec la Règle 1 pour déterminer la position dans laquelle la marchandise paraît devoir être classée. 

[23]                          La Règle 2 crée une présomption. La Règle 2a) assimile l’article non fini à l’article fini et dispose qu’il est classé en application de la Règle 1 comme s’il s’agissait d’un article complet ou fini[5]. Les Notes explicatives III) et V) accompagnant la Règle 1 donnent les précisions suivantes :

                     III) La deuxième partie de la Règle [1] prévoit que le classement est déterminé :

a)       d’après les libellés des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres, et

b)      au besoin, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les dispositions des Règles 2, 3, 4 et 5.

                        . . .

                    V) Dans la disposition III) b) :

a)      La phrase lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes est destinée à préciser, sans laisser d’équivoque, que les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres l’emportent, pour la détermination du classement, sur toute autre considération. Par exemple, au Chapitre 31, les Notes disposent que certaines positions ne couvrent que des marchandises déterminées. Il en résulte que la portée de ces positions ne peut être élargie pour couvrir les marchandises qui, autrement, en relèveraient par application de la Règle 2 b).

b)      Le renvoi à la Règle 2 dans l’expression « d’après les dispositions des Règles 2, 3, 4 et 5 » signifie que :

1)           les marchandises présentées à l’état incomplet ou non fini (une bicyclette sans selle et sans pneumatiques, par exemple), et

2)           les marchandises présentées à l’état démonté ou non monté (une bicyclette, à l’état démonté ou non monté, tous ses composants étant présentés ensemble, par exemple), dont les composants pourraient, à titre individuel, être classés à leurs positions propres (les pneumatiques, les chambres à air, par exemple) ou en tant que parties de cette marchandise,

                               doivent être classées comme présentées à l’état complet ou fini, pour autant que les dispositions de la Règle 2 a) soient satisfaites et qu’elles ne soient pas contraires aux termes desdites positions et Notes. [En italique et en caractère gras dans l’original.]

Les Notes explicatives ont un double effet. Elles rappellent que, suivant la Règle 1, les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres constituent la première considération dans la détermination du classement. En outre, elles précisent qu’aux termes de la Règle 2a), le classement des articles incomplets est déterminé selon les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres comme si ces articles étaient complets (si toutefois les articles ne sont pas déjà classés, par application de la Règle 1, dans une position décrivant expressément des articles non finis).

[24]                          La Règle 2b) s’applique lorsqu’il s’agit de déterminer le classement d’un article fait d’un mélange de matières. Elle dispose que la mention dans une position d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière[6]. On applique cette Règle en tandem avec la Règle 1 pour déterminer la position (ou les positions) dans laquelle l’article composite paraît devoir être classé.

[25]                          Les Notes explicatives XI) à XIII) accompagnant la Règle 2b) expliquent ainsi l’effet de cette dernière :

XI)                 L’effet de la Règle est d’étendre la portée des positions qui mentionnent une matière déterminée de manière à y inclure cette matière mélangée ou bien associée à d’autres matières. Cet effet est également d’étendre la portée des positions qui mentionnent des ouvrages en une matière déterminée de manière à y inclure ces ouvrages partiellement constitués de cette matière.

XII)              Elle n’élargit cependant pas la portée des positions qu’elle concerne jusqu’à pouvoir y inclure des articles qui ne répondent pas, ainsi que l’exige la Règle 1, aux termes des libellés de ces positions, ce qui est le cas lorsque l’adjonction d’autres matières ou substances a pour effet d’enlever à l’article le caractère d’une marchandise reprise dans ces positions.

XIII)           Il s’ensuit que des matières mélangées ou associées à d’autres matières, et des ouvrages constitués par deux matières ou plus sont susceptibles de relever de deux positions ou plus, et doivent dès lors être classés conformément aux dispositions de la Règle 3.

[26]                          Bref, la Règle 2b) assimile la mention d’une matière dans une position à la mention de cette matière mélangée à d’autres. Toutefois, la Note explicative XII) vient préciser que la Règle 2b) n’étend (« élargit ») pas la portée d’une position jusqu’à pouvoir y inclure des articles ne répondant pas aux termes du libellé de la position. Par conséquent, le produit mélangé ou l’article composite « répond » aux termes du libellé de la position, à moins que l’adjonction d’une autre matière ou substance n’enlève à l’article le caractère d’une marchandise reprise dans la position.

[27]                          Appliquées en tandem, les Règles 1 et 2 permettent de déterminer la position (ou les positions) dans laquelle un article non fini ou composite — comme en l’espèce — paraît devoir être classé. Si l’application des Règles 1 et 2 aboutit à une seule position, l’article est classé dans cette position et l’analyse prend fin. Or, si une marchandise paraît devoir être classée dans plus d’une position, parce que la marchandise correspond aux termes de plus d’une position lorsqu’on applique la Règle 1 ou parce qu’elle paraît devoir être classée dans plus d’une position lorsqu’on applique les Règles 1 et 2, il faut appliquer la Règle 3, comme le prévoit la Règle 2b), pour résoudre le conflit[7]. Aux termes de la Règle 3a), si une marchandise paraît devoir être classée dans plus d’une position par application de la Règle 2b) ou dans tout autre cas, la position la plus spécifique a la priorité. Si le conflit de classement ne se résout pas par application de la Règle 3a) (aucune position n’étant plus spécifique que les autres), la Règle 3b) intervient. Elle dispose que le classement s’effectue selon la matière ou l’article qui confère aux produits mélangés leur caractère essentiel. Et s’il n’en résulte pas un classement unique, il faut appliquer la Règle 3c), selon laquelle la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles qui sont prises en considération.

[28]                          Si l’application des Règles 1, 2 et 3 n’aboutit pas au classement d’un article dans une seule position, la Règle 4, qui prévoit que les marchandises sont classées dans la position afférente aux articles « les plus analogues », permettra de trancher la question[8]. La Règle 5 porte sur le classement des étuis et contenants et n’est pas pertinente pour le présent pourvoi. La Règle 6 régit le classement dans une sous‑position suivant les Règles générales. La question ne se pose pas non plus en l’espèce.

[29]                          On dit couramment des Règles générales qu’elles sont structurées « en cascade » (voir p. ex. Agri Pack, par. 14; Outils Gladu Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2009 CAF 215, par. 7 (CanLII)). Cependant, cette métaphore ne décrit pas vraiment la manière dont les Règles s’appliquent. Une « cascade » rend l’idée d’une analyse linéaire — par exemple, on commence par la Règle 1, puis (si le classement ne peut être déterminé par application de cette disposition), on passe à la Règle 2, sans revenir à la première. Si les Règles générales sont hiérarchiques en ce sens que tout exercice de classement débute par la Règle 1 (vu la Note explicative V) accompagnant la Règle 1 qui précise que les méthodologies de classement de cette dernière « l’emportent »), cette disposition n’est pas écartée par l’application de la Règle 2, comme je l’ai expliqué. De plus, il n’est pas erroné de se demander si une marchandise correspond aux termes d’une position — c’est‑à‑dire appliquer la Règle 1 — en appliquant la Règle 2. En fait, la deuxième n’aurait aucune utilité sans la première, car elle sert à éclairer l’application de la Règle 1 dans les cas où un article est incomplet ou composé de diverses matières. Dans les cas où la Règle 2 s’applique, c’est en tandem avec la Règle 1 pour déterminer la position (ou les positions) dans laquelle un article incomplet ou composite paraît devoir être classé. Il faut appliquer les termes des positions et des Notes de Section ou de Chapitre à l’article non fini ou composite comme s’il s’agit d’un article fini ou fait de matière à l’état pur et le classer comme tel (voir p. ex. Rona Corporation Inc. c. Canada (Agence des services frontaliers), 2008 CanLII 13335, par. 15 et suiv.; Primaplas Pty. Ltd. c. Chief Executive Officer of Customs, [2016] FCAFC 40, par. 51 (AustLII).

C.            Motifs du TCCE

[30]                          Comme la Cour d’appel fédérale le fait remarquer, le Tarif des douanes ne ressemble guère aux lois ordinaires. Il faut donc contrôler avec précaution les décisions du TCCE qui interprètent ce régime particulier et complexe. Pour reprendre ses propos :

                    [Le Tarif des douanes] est une loi [. . .] très technique. Elle porte sur un domaine tellement spécialisé et elle est rédigée dans des termes qui ont tellement peu à voir avec le libellé des lois traditionnelles, qu’à toutes fins pratiques, la demande faite à la Cour consiste à donner un sens juridique à des mots techniques qui débordent complètement son mandat habituel. De plus, il existe des règles d’interprétation canadiennes et internationales uniques, applicables au Tarif des douanes, qui sont fort différentes des règles d’interprétation traditionnelles. En conséquence, il faut faire preuve de beaucoup de retenue à l’égard des décisions du Tribunal. Les plaideurs qui interjettent appel devant la Cour d’une décision touchant le tarif doivent être conscients qu’ils devront surmonter des obstacles imposants. [Schrader Automotive, par. 5]

Par conséquent, une grande prudence est de mise dans l’examen de l’interprétation et de l’application par le TCCE du Tarif des douanes.

[31]                          Le TCCE s’est demandé si les gants pouvaient être classés dans la position 62.16 (comme l’ASFC l’avait décidé) ou dans la position 39.26 (comme Igloo Vikski a fait valoir). Selon Igloo Vikski, il fallait appliquer la Règle 3b) pour déterminer le classement. Comme le démontre ce qui précède, il faudrait dans ce cas que les gants de hockey paraissent devoir être classés à la fois dans la position 62.16 et dans la position 39.26 — c’est‑à‑dire comme gants, mitaines ou moufles et comme matières plastiques.

[32]                          Le TCCE a conclu que les gants de hockey répondaient aux termes de la position 62.16 (« [g]ants, mitaines et moufles »). Il a ensuite consulté la Note explicative accompagnant la position 62.16 pour voir s’il devait tenir compte d’une autre Règle pour déterminer le classement de ces marchandises (par. 49‑50). Toutefois, il a auparavant examiné les arguments d’Igloo Vikski intéressant la position 39.26.

[33]                          Igloo Vikski a concédé devant le TCCE que les gants ne paraissaient pas devoir être classés dans la position 39.26 par la seule application de la Règle 1 (par. 54). Or, selon elle, les gants paraissaient devoir être classés dans la position 39.26 par application combinée des Règles 1 et 2b). Par souci de clarté, permettez‑moi de préciser qu’à mon avis, Igloo Vikski n’est pas liée sur le plan juridique par cette concession; elle énonçait plutôt une évidence, à savoir que les gants, qui sont composés à la fois de matières plastiques et de matières textiles, ne sont pas composés seulement de matières plastiques et ne pouvaient donc être classés dans la position 39.26 par seule application de la Règle 1.

[34]                          Le TCCE a rejeté l’argument d’Igloo Vikski, estimant que si l’on tient compte de la Note explicative accompagnant la position 39.26, on ne peut conclure que les gants paraissent devoir être classés dans cette position. Les passages pertinents de la Note explicative sont ainsi libellés :

                    La présente position couvre les ouvrages non dénommés ni compris ailleurs en matières plastiques (tels qu’ils sont définis à la Note 1 du présent Chapitre) ou en autres matières des nos 39.01 à 39.14. Sont donc notamment compris ici :

1)         Les vêtements et accessoires du vêtement (autres que les jouets) confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles, notamment les tabliers, les ceintures, les bavoirs pour bébés, les imperméables et les dessous‑de‑bras. Les capuchons amovibles en matières plastiques, présentés avec les imperméables en matières plastiques auxquels ils sont destinés, restent classés dans la présente position. [En caractère gras dans l’original.]

La Note explicative énumère 11 autres exemples d’articles classés dans la position 39.26. Aucun de ces exemples n’est pertinent dans le présent pourvoi.

[35]                          Selon le TCCE, il faut interpréter la Note explicative ainsi : un vêtement ou un accessoire du vêtement n’est classé dans la position que s’il est confectionné par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles (par. 55). Les gants en question ne sont pas confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles (par. 56). Par conséquent, même si les gants comportent des matières plastiques, la Règle 2b) ne peut servir à élargir la portée de la position 39.26 de manière à y inclure les gants, car la Note explicative fait obstacle à leur classement dans cette position (par. 61 et 66‑67).

[36]                          Le TCCE s’est penché à nouveau sur la position 62.16. Comme je l’ai signalé, la Note explicative accompagnant la position 62.16 précise que les autres matières que comportent les articles n’influent pas sur le classement dans cette position, à moins que les parties « excèdent le rôle de simples garnitures ». Suivant la Note explicative, si d’autres matières excèdent le rôle de simples garnitures, le classement s’effectue conformément aux Règles générales[9].

[37]                          Le TCCE, ayant conclu que les gants de hockey correspondaient aux termes de la position 62.16, a reconnu qu’il fallait, conformément à la Note explicative, appliquer la Règle 2b) pour déterminer s’il était possible d’étendre la portée de la position de manière à y inclure les gants, même s’ils comportaient des matières plastiques, car celles‑ci excédaient le rôle de simples garnitures (par. 71). À propos de la Note explicative XII) accompagnant la Règle 2b), il a signalé que « la Règle 2 b) ne permet pas d’étendre la portée du libellé d’une position jusqu’à exclure la Règle 1 » (par. 79), mais a fini par conclure, en reprenant le libellé de la Note explicative XII), que « la présence de matières plastiques dans les marchandises en cause n’a pas pour effet d’enlever leur caractère de gants en matières textiles » (par. 81). Les gants ne paraissaient pas devoir être classés dans la position 39.26 (matières plastiques); ils pouvaient cependant être classés dans la position 62.16 (gants, mitaines et moufles). Vu que la position 62.16 était la seule dans laquelle les gants paraissaient devoir être classés, le TCCE, concluant que c’était le bon classement, a rejeté l’appel interjeté par Igloo Vikski. 

D.           Erreurs soulevées

[38]                          La Cour d’appel fédérale a soulevé ce qui, selon elle, constitue des erreurs dans le raisonnement du TCCE qui, à son avis, ont pour effet de rendre la décision déraisonnable. Plus précisément, elle était d’avis que le TCCE avait mal interprété les Règles générales en estimant qu’il fallait appliquer la Règle 1 et déterminer si l’article correspond aux termes d’une position, avant d’appliquer la Règle 2. Igloo Vikski a fait sien cet argument en appel et fait aussi valoir que le TCCE a mal interprété la Note explicative accompagnant la position 39.26.

(1)           Application erronée des Règles générales

[39]                          De l’avis de la Cour d’appel fédérale, le TCCE a mal appliqué les Règles générales, « puisqu’aucune condition préalable à l’application de la Règle 2b) n’exige que les marchandises en cause doivent premièrement correspondre à la description de la position visée en vertu de la Règle 1 » (par. 11). Selon elle, le TCCE avait également commis une erreur en omettant d’appliquer la Règle 2b) pour étendre la portée de la position 39.26 de manière à y inclure les gants. La décision de la TCCE était donc déraisonnable.

[40]                          Soit dit en tout respect, ce faisant, la Cour d’appel fédérale a mal saisi l’économie des Règles générales. Plus précisément, elle n’a pas compris que les Règles 1 et 2 doivent être appliquées en tandem lorsqu’il s’agit de déterminer dans quelle position (ou positions) un article paraît devoir être classé.

[41]                          Comme je l’ai expliqué, les Règles 1 et 2 ne s’excluent pas l’une l’autre. La Règle 1 prévoit simplement que le classement est déterminé d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres pertinentes. La Règle 2 assimile le renvoi à un article complet dans une position à un renvoi à un article non fini ou constitué de matières diverses. Lorsque la Règle 2 s’applique, elle vient éclairer les termes des positions d’après lesquels le classement doit s’effectuer en application de la Règle 1.

[42]                          Certes, à certains égards les motifs du TCCE ne sont pas parfaitement limpides, mais le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’exige pas la perfection. La décision du TCCE est raisonnable si ses motifs « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles » (Newfoundland Nurses, par. 16).

[43]                          Mon analyse des motifs du TCCE me convainc qu’ils répondent à ce critère. Ils démontrent les éléments suivants :

1.                  Le TCCE s’est demandé si les gants pouvaient être classés dans la position 62.16 (« [g]ants, mitaines et moufles ») ou dans la position 39.26 (« matières plastiques ») et a conclu qu’ils répondaient aux termes de la position 62.16.

2.                  Le TCCE a reconnu qu’aux termes de la Note explicative, il devait appliquer la Règle 2b), car les gants comportaient des parties en matière plastique qui excédaient le rôle de simples garnitures.

3.                  Après avoir étudié la question de savoir si les marchandises répondaient aux termes de la position 39.26 et constituaient des matières plastiques, le TCCE est arrivé à la conclusion — sur le fondement de la Note explicative accompagnant la position 39.26 — que seuls les vêtements et accessoires du vêtement confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles relèvent de cette position. Comme les gants ne répondaient pas aux termes de cette position, comme il faut l’entendre, il n’y avait pas lieu d’appliquer la Règle 2b) pour étendre la portée de la position.

[44]                          Il s’agit d’une application raisonnable des Règles générales. En outre, la Cour d’appel fédérale a fait erreur en supposant que la Règle 2b) s’applique pour étendre la portée d’une position de manière à y inclure un article dont aucune partie ne peut y être classée. Si aux termes de la Règle 2b) la mention d’une matière dans une position est assimilée à la mention de cette matière mélangée ou associée à d’autres matières, il demeure que les Notes de Sections ou de Chapitres et les Notes explicatives s’appliquent au classement de l’article comme s’il était constitué à l’état pur de la matière mentionnée dans la position. Et pourtant, l’affirmation de la Cour d’appel fédérale selon laquelle « aucune condition préalable à l’application de la Règle 2b) n’exige que les marchandises en cause doivent premièrement correspondre à la description de la position visée en vertu de la Règle 1 » (par. 11) indique implicitement le contraire, comme l’estime également ma collègue, la juge Côté. En effet, suivant cette affirmation, une marchandise pourrait être classée par application de la Règle 2b) dans une position (en l’occurrence la position 39.26), même si, compte tenu de la Note explicative accompagnant cette position ou les Notes de Section ou de Chapitre pertinentes, la marchandise ne répond pas aux termes de la position (il ne s’agit pas d’une « matièr[e] plastiqu[e] ») et ne paraît donc pas devoir être classée dans cette position conformément à la Règle 1.

[45]                          Soit dit en tout respect, ce raisonnement est contraire à la bonne application des Règles générales. Pour que la Règle 2b) s’applique, la marchandise en question doit, conformément à la Règle 1, répondre aux termes de la position, en tout ou en partie (compte tenu des Notes explicatives ou des Notes de Chapitre ou de Section pertinentes), en l’occurrence, correspondre à des « [g]ants, mitaines [ou] moufles » (position 62.16) ou à des « matières plastiques » (position 39.26). Précisons qu’il faut d’abord que l’article réponde, en tout ou en partie, aux termes d’une position — même si en dernière analyse il pourrait être classé dans une autre position en raison de son état non fini ou composite — avant que n’intervienne la Règle 2. Le raisonnement du TCCE en l’espèce va dans le même sens. Le caractère raisonnable de sa décision est donc inattaquable sur ce plan.

(2)           Interprétation erronée de la Note explicative accompagnant la position 39.26

[46]                          Reste l’objection formulée par Igloo Vikski contre l’interprétation par le TCCE de la Note explicative accompagnant la position 39.26. Igloo Vikski prétend que cette interprétation est déraisonnable au motif qu’elle transforme des termes d’« inclusion » en termes d’« exclusion ». L’intimée fait valoir que cette erreur a amené le TCCE à traiter différemment les positions 39.26 et 62.16, ce qui s’est traduit par une décision déraisonnable dans l’ensemble.

[47]                          Je ne suis pas d’accord. Le fait qu’une autre interprétation de la Note explicative est possible ne rend pas celle du TCCE déraisonnable pour autant.

[48]                          Certes, la Note explicative accompagnant la position 39.26 est rédigée en termes d’« inclusion ». Elle dispose que la position couvre les ouvrages « en autres matières des nos 39.01 à 39.14 » et décrit ensuite ces « autres matières » :

                    . . . Sont donc notamment compris ici :

1)      Les vêtements et accessoires du vêtement (autres que les jouets) confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles, notamment les tabliers, les ceintures, les bavoirs pour bébés, les imperméables et les dessous‑de‑bras. . . [En caractère gras dans l’original.]

[49]                          La Note explicative commence globalement par des termes généraux (« [s]ont donc notamment compris ici »), mais ce n’est pas le cas particulier du par. 1) de la Note. Les exemples énumérés au par. 1) (« notamment les tabliers, les ceintures . . . ») illustrent le type d’ouvrages correspondant aux critères de « vêtements et accessoires du vêtement [. . .] confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles ». L’ajout de ces exemples n’a pas pour effet de rendre ces critères non exhaustifs. Dans l’affaire Sher‑Wood, le TCCE a conclu que le par. 1) est exclusif, c’est‑à‑dire que seuls les vêtements et accessoires du vêtement qui répondent aux termes généraux au par. 1) peuvent être classés dans la position 39.26. En l’espèce, le TCCE a adopté la même interprétation (par. 55) : seuls les vêtements et accessoires du vêtement confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles peuvent être classés dans la position 39.26, car c’est le seul type de vêtements ou d’accessoires du vêtement qui y est décrit. C’est ainsi que le TCCE a conclu qu’il ne pouvait appliquer la Règle 2b) pour étendre la portée de la position 39.26 de manière à y inclure les gants (par. 55 et 66‑69), et ce même si les gants étaient confectionnés entièrement de matières plastiques, car ils n’étaient pas confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles.

[50]                          Quoiqu’une autre interprétation de l’effet des termes d’inclusion de la phrase liminaire précédant la liste de 12 éléments de la Note explicative ait été possible (à savoir que ces termes révélaient le caractère non exclusif à la fois de la liste et de ses éléments), celle du TCCE est loin d’être déraisonnable. Même si l’on accepte que le terme « notamment [compris] » indique généralement une liste non exhaustive (Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029, p. 1041, le juge La Forest), ce que les motifs du TCCE ne démentent pas, on peut aussi raisonnablement estimer que le caractère exhaustif ou non de chaque élément de la liste en l’espèce constitue une question distincte. Il est raisonnable d’arriver à la conclusion que cet élément précis énonce un critère exhaustif — c’est‑à‑dire, en l’occurrence, que pour être classé dans la position 39.26, un vêtement ou un accessoire du vêtement doit être confectionné par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles.

IV.        Conclusion

[51]                          Globalement, la décision du TCCE ayant classé les gants dans la position 62.16 était raisonnable. Le TCCE n’a pas mal appliqué les Règles générales ni donné au libellé de la position 39.26 et à sa Note explicative une interprétation déraisonnable. Je suis d’avis d’accueillir l’appel et de rétablir la décision du TCCE sur le classement. 

[52]                          Le procureur général du Canada a droit aux dépens devant la Cour et devant la Cour d’appel fédérale.

                    Version française des motifs rendus par

[53]                          La juge Côté (dissidente) — J’applique la norme de contrôle de la décision raisonnable, tout comme mon collègue, le juge Brown, mais je ne partage pas sa conclusion selon laquelle la décision du Tribunal canadien du commerce extérieur était raisonnable. En effet, j’estime que la décision du Tribunal ne fait aucunement partie des interprétations raisonnables. Elle n’est pas justifiable, car elle va à l’encontre de la nature dite « en cascade » des Règles générales pour l’interprétation du Système harmonisé (comprises dans l’annexe au Tarif des douanes , L.C. 1997, c. 36 ), elle est intrinsèquement contradictoire et elle fait des Notes explicatives du Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises de l’Organisation mondiale des douanes une lecture qui est incompatible avec leur libellé. Par conséquent, je suis d’avis de rejeter l’appel.

[54]                          La question en litige en l’espèce concerne le classement de cinq modèles de gants de gardiens de but pour le hockey sur glace. Igloo Vikski Inc. (« Igloo Vikski ») avait d’abord contesté le classement de six modèles. Toutefois, après avoir procédé à une révision, l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC ») a reclassé un modèle de gants (GBX5) comme appartenant à la catégorie des « Autres ouvrages en matières plastiques », dans le numéro tarifaire 3926.20.92, intitulé « Moufles (mitaines); Gants non jetables », qui comprend la catégorie « Gants, conçus spécialement pour usages sportifs ». L’ASFC a conclu que les cinq autres modèles avaient été classés à bon droit dans le numéro tarifaire 6216.00.00 (« Gants, mitaines et moufles »). Igloo Vikski a interjeté appel du classement de ces cinq modèles, faisant valoir qu’ils auraient dû être classés aussi dans le numéro tarifaire 3926.20.92, à savoir « Gants, conçus spécialement pour usages sportifs ».

I.              Norme de contrôle

[55]                          La norme de contrôle de la décision raisonnable s’applique en l’espèce, car il est bien établi que le Tribunal canadien du commerce extérieur est un tribunal hautement spécialisé, et la question dont nous sommes saisis s’inscrit dans son domaine d’expertise. Comme je l’explique plus loin, le Tarif des douanes est une loi technique qui fait intervenir des règles d’interprétation uniques tant canadiennes qu’internationales (Canada (Ministre du Revenu national) c. Schrader Automotive Inc., 1999 CanLII 7719 (C.A.F.), par. 5). Cela dit, je souhaite faire quelques commentaires à propos de la norme de contrôle de la décision raisonnable qui éclaireront mon analyse au fond.

[56]                          Mon collègue reconnaît que le contrôle selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse à deux aspects : « . . . au caractère raisonnable du résultat concret de la décision ainsi qu’au raisonnement qui l’a produit » (par. 18). Ces deux aspects sont décrits par les juges majoritaires de la Cour dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190 :

                    La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. [par. 47]

Les juges majoritaires dans cette affaire expliquent par ailleurs que la déférence qui s’impose lors du contrôle selon la norme de la décision raisonnable ne signifie pas « que les cours de justice doivent s’incliner devant les conclusions des décideurs ni qu’elles doivent respecter aveuglément leurs interprétations » (par. 48). Un raisonnement indéfendable ne saurait être validé par le simple fait qu’au bout du compte, son issue faisait partie des options possibles. Dans Dunsmuir, les juges majoritaires concluent au caractère déraisonnable de la décision parce que le raisonnement qui l’a produit était « foncièrement défectueux » et « s’appuyait et débouchait sur une interprétation de la loi qui ne faisait pas partie des lectures acceptables » (par. 72).

[57]                          En outre, même si la norme de la décision raisonnable constitue une norme de contrôle unique, elle s’adapte au contexte (Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 R.C.S. 339, par. 59), et « le caractère raisonnable de la décision s’apprécie dans le contexte du type particulier de processus décisionnel en cause et de l’ensemble des facteurs pertinents » (Catalyst Paper Corp. c. North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 R.C.S. 5, par. 18). En matière d’interprétation législative, par exemple, « [l]orsque les méthodes habituelles d’interprétation législative mènent à une seule interprétation raisonnable et que le décideur administratif en retient une autre, celle‑ci est nécessairement déraisonnable »  (McLean c. Colombie‑Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67, [2013] 3 R.C.S. 895, par. 38).

[58]                          La présente affaire porte sur l’interprétation de la loi de mise en œuvre de la Convention internationale sur le Système harmonisé de désignation et de codification des marchandises, R.T. Can. 1988 no 38. La Convention a pour objet d’assurer l’uniformité du classement tarifaire d’un pays à l’autre et prévoit des règles à l’intention des États parties pour le classement des marchandises importées. Le procureur général affirme que [traduction] « [c]es règles sont conçues de sorte que chaque marchandise importée ne soit classée que dans une seule position et sous‑position. Les signataires de la Convention reconnaissent l’utilité d’un système international commun de classement des marchandises qui permet d’établir des tarifs des douanes et des statistiques sur le commerce. Plus particulièrement, un tel système facilite les négociations entre les nations en matière de commerce et de tarifs » (m.a., par. 6 (note en bas de page omise)). Comme les parties à la Convention avaient l’intention de créer un régime de classement uniforme, je suis d’avis, à la lumière de ce contexte, que le nombre d’interprétations raisonnables est limité.

[59]                          Mon collègue indique que le présent pourvoi porte non pas sur l’interprétation du Tarif des douanes, mais sur « l’application des Règles générales lorsqu’il s’agit de déterminer le classement de marchandises selon le Système harmonisé » (par. 19). Les Règles générales font partie du Tarif des douanes (voir le par. 10(1) du Tarif des douanes et l’annexe) et, dans ce contexte, elles ne peuvent être appliquées sans d’abord être interprétées. C’est ce qui ressort de l’analyse à laquelle mon collègue procède au par. 29 de ses motifs, au sujet de la nature des Règles générales, qui s’appliquent à son avis de manière hiérarchique et non en cascade.

II.           Concession

[60]                          Avant de me pencher sur le fond du litige, je désire aborder la question de la concession faite par Igloo Vikski. Selon le Tribunal, « Igloo Vikski a reconnu que le libellé de la position no 39.26 ne décrit pas les marchandises en cause » (2013 CanLII 4408, par. 66). Mon collègue affirme, au par. 33 de ses motifs, qu’Igloo Vikski a concédé devant le Tribunal « que les gants ne paraissaient pas devoir être classés dans la position 39.26 par la seule application de la Règle 1. Or, selon elle, les gants paraissaient devoir être classés dans la position 39.26 par application combinée des Règles 1 et 2b) » (référence omise).

[61]                          La membre du Tribunal a examiné le classement visant à déterminer le tarif applicable aux gants de joueurs de hockey sur glace dans une affaire semblable (Sher‑Wood Hockey Inc. c. President of the Canada Border Services Agency, 2011 CarswellNat 7160 (WL Can.)). Elle a conclu dans Sher‑Wood qu’« en ce qui concerne les vêtements et les accessoires du vêtement, la position no 39.26 ne couvre que certains ouvrages en matières plastiques, c.‑à‑d. ceux qui sont confectionnés par “couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles” » (par. 73). Devant elle, Igloo Vikski n’a pas contesté cette interprétation de la position no 39.26 (par. 54‑55).

[62]                          Pour être considérée comme telle, une concession doit être claire. S’il s’agit effectivement d’une concession — et je ne me prononce pas sur ce point —, il ne faut y accorder que peu ou pas de poids en l’espèce, car ce n’est que l’opinion d’Igloo Vikski sur un point de droit (Phipson on Evidence (15e éd. 2000), par. 28‑11), c’est‑à‑dire la bonne interprétation de la position no 39.26. En outre, Igloo Vikski a fait valoir, et ce dès le début de l’instance, que les gants devaient être classés conformément à la Règle 3b), qui exige en l’occurrence que les gants paraissent devoir être classés dans les positions nos 39.26 et 62.16. La question de savoir si les gants peuvent être classés dans la position no 39.26 a fait l’objet de débats approfondis devant les juridictions inférieures et devant notre Cour. Cette question doit être examinée et décidée.

III.        La décision du Tribunal est déraisonnable

[63]                          La décision du Tribunal n’appartient pas aux interprétations raisonnables, car, je le répète, elle va à l’encontre de la nature dite « en cascade » des Règles générales, elle est intrinsèquement contradictoire et elle fait des Notes explicatives une lecture incompatible avec leur libellé.

[64]                          Quant à la première erreur dans les motifs du Tribunal soulevée par la Cour d’appel fédérale, je suis d’avis que mon collègue a mal caractérisé la question en l’espèce. La distinction entre une application conjonctive ou hiérarchique des Règles générales et une application dite « en cascade » importe peu en l’espèce. La question ne consiste pas à décider si l’application de la Règle 2b) emporte que l’on fasse fi de la Règle 1. Je suis d’accord avec lui pour dire qu’il ne s’agit pas d’une interprétation possible des Règles générales, puisque la Règle 2b) sert à élargir la portée d’une position pour le classement en fonction de la Règle 1 et ne s’applique donc pas indépendamment de cette dernière. Or, l’erreur que la Cour d’appel fédérale reproche au Tribunal est d’avoir exigé comme prérequis que les marchandises satisfassent d’abord à la description de la position, conformément à la Règle 1, pour que la Règle 2b) s’applique.

[65]                          Je partage l’avis de la Cour d’appel fédérale selon lequel il s’agit d’une erreur, car une marchandise ne doit pas, pour que la Règle 2b) s’applique, satisfaire d’abord aux termes de la position pour le classement en fonction de la Règle 1. Une telle lecture est incompatible avec le libellé de la Règle 2b). C’est précisément parce que certaines marchandises faites d’un mélange de matières ou de substances ne peuvent être classées dans une position en fonction de la Règle 1 seule que la Règle 2b) s’applique. La Règle 2b) a pour fonction d’élargir la portée des positions qui mentionnent une matière de sorte qu’elles puissent servir au classement, en fonction de la Règle 1, de marchandises constituées partiellement de cette matière. À cet égard, je partage l’avis de mon collègue selon qui « [p]our que la Règle 2b) s’applique, la marchandise en question doit, conformément à la Règle 1, répondre aux termes de la position, en tout ou en partie » (par. 45 (je souligne)). En l’espèce, les gants étaient manifestement faits « en partie » de matières plastiques; les parties ont d’ailleurs convenu que le rembourrage des gants était constitué pour l’essentiel de matières plastiques (motifs du Tribunal, par. 51).

[66]                          Malgré tout, le Tribunal n’a pas suivi la démarche décrite dans les Notes explicatives accompagnant la Règle 2b). Il n’a pas appliqué la Règle 2b) à la position no 39.26 pour voir si la portée de cette dernière pouvait être étendue de manière à y inclure les gants (suivant la Note explicative XI) accompagnant la Règle 2b)) et si cela aurait eu pour effet d’élargir la portée de cette position jusqu’à pouvoir y inclure des articles qui ne répondent pas aux termes des libellés de cette position, ce qui n’est pas permis (suivant la Note explicative XII)). Ainsi, si on applique la Note explicative XII), il y a élargissement intolérable de la portée des positions si l’adjonction d’autres matières a pour effet d’enlever aux gants le caractère d’une marchandise reprise dans la position. Le Tribunal, au lieu de procéder à cette analyse, a considéré la Règle 1 comme un préalable à la Règle 2b) et a simplement conclu que, puisque les gants ne répondaient pas aux termes de la position no 39.26 par l’application de la Règle 1 seule, la Règle 2b) ne pouvait élargir la portée de cette position de manière à y inclure les gants (par. 69). La conclusion du Tribunal, selon laquelle il faut que la Règle 1 puisse s’appliquer avant d’appliquer la Règle 2b), est contraire aux Notes explicatives et n’est donc pas raisonnable.

[67]                          Cette erreur du Tribunal — qui n’a pas appliqué la Règle 2b) de manière à étendre la portée de la position no 39.26 — ressort encore davantage du fait qu’il a appliqué la Règle 2b) pour étendre la portée de la position no 62.16. Ce qui m’amène à la deuxième erreur soulevée par la Cour d’appel fédérale. Comme mon collègue le fait remarquer, le Tribunal devait appliquer la Règle 2b) pour que les gants puissent être classés dans la position no 62.16 puisque ceux‑ci comportent du rembourrage en plastique qui excède le rôle de simples garnitures (par. 36‑37). Autrement dit, la Règle 1 ne pouvait être appliquée seule pour le classement des gants dans la position no 62.16 ni dans aucune autre position, et le Tribunal a dû recourir à la Règle 2b). Dans ce contexte, le refus du Tribunal d’appliquer les Règles 1 et 2b) uniformément aux positions nos 39.26 et 62.16 est intrinsèquement contradictoire et donc déraisonnable.

[68]                          Troisièmement, l’interprétation par le Tribunal de la Note explicative accompagnant la position no 39.26 est déraisonnable. La Note est ainsi rédigée :

                    La présente position couvre les ouvrages non dénommés ni compris ailleurs en matières plastiques (tels qu’ils sont définis à la Note 1 du présent Chapitre) ou en autres matières des nos 39.01 à 39.14. Sont donc notamment compris ici :

1)      Les vêtements et accessoires du vêtement (autres que les jouets) confectionnés par couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles, notamment les tabliers, les ceintures les bavoirs pour bébés, les imperméables et les dessous‑de‑bras. Les capuchons amovibles en matières plastiques, présentés avec les imperméables en matières plastiques auxquels ils sont destinés, restent classés dans la présente position. [En caractère gras dans l’original; je souligne.]

[69]                          Le Tribunal a repris en l’espèce l’interprétation qu’il avait donnée dans Sher‑Wood, où il concluait que la position no 39.26, lorsqu’il s’agit de vêtements ou d’accessoires du vêtement, ne vise que les articles confectionnés par « couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles » (Sher‑Wood, par. 44 et 73). 

[70]                          À mon avis, cette interprétation est déraisonnable, car elle est contraire au libellé de la Note explicative. Dans son sens ordinaire, l’expression « sont [. . .]  notamment compris » (« they include » en anglais) indique clairement qu’une liste non exhaustive suit. La liste sert, non pas à limiter les articles susceptibles d’être classés dans la position no 39.26, mais à décrire simplement le genre d’articles compris.

[71]                          Dans l’arrêt Banque nationale de Grèce (Canada) c. Katsikonouris, [1990] 2 R.C.S. 1029, la Cour était appelée à interpréter une clause hypothécaire type. Écrivant au nom des juges majoritaires, le juge La Forest a analysé la signification du terme « including » (« notamment » en français) dans les cas où il suit un terme général dans la phrase liminaire et sert à présenter une liste de termes spécifiques. Selon le juge La Forest, les termes « include » et « including » sont « des termes d’extension, destinés à élargir le sens des termes précédents, et non à les limiter » (p. 1041). Il poursuit en disant qu’« il est naturel de déduire que le rédacteur donnera une illustration précise d’un sous‑ensemble d’une catégorie de choses donnée pour montrer clairement que cette catégorie comprend des choses dont, par ailleurs, on pourrait s’attendre à ce qu’elles n’en fassent pas partie » (p. 1041). Dans la même veine, la professeure Ruth Sullivan indique que [traduction] « [l]’objet d’une liste d’exemples après le terme “including” consiste normalement à mettre en évidence la grande variété de termes généraux et à éviter qu’elle ne soit interprétée restrictivement à tort de sorte qu’un élément qui doit être inclus en soit exclu » (Sullivan on the Construction of Statutes (6e éd. 2014), p. 74).

[72]                          Une interprétation contextuelle de la Note explicative accompagnant la position no 39.26 conforme à la Convention de Vienne sur le droit des traités, R.T. Can. 1980 no 37, laquelle éclaire l’interprétation des instruments internationaux, étaye également cette conclusion. Aux termes de l’art. 31 de la Convention de Vienne, « [u]n traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but. » Il ressort de la Note explicative accompagnant la position no 39.26, lorsqu’on la compare à d’autres Notes explicatives, que les rédacteurs ont employé des termes manifestement restrictifs lorsqu’ils entendaient exclure des marchandises du classement dans une position. Par exemple, la Note explicative 3 accompagnant le Chapitre 39, l’un des chapitres en cause en l’espèce, est ainsi libellée :

3. N’entrent dans les nos 39.01 à 39.11 que les produits obtenus par voie de synthèse chimique et relevant des catégories ci‑après :

 

a)   les polyoléfines synthétiques liquides dont moins de 60 % en volume distillent à 300 oC rapportés à 1.013 millibars de mercure par application d’une méthode de distillation à basse pression (nos 39.01 et 39.02);

 

b)   les résines faiblement polymérisées du type coumarone‑indène (no 39.11);

 

c)      les autres polymères synthétiques comportant au moins 5 motifs monomères, en moyenne;

 

d)     les silicones (no 39.10);

 

e)      les résols (no 39.09) et les autres prépolymères. [Je souligne.]

[73]                          La Note explicative 1u) accompagnant le Chapitre 95 (« Jouets, jeux, articles pour divertissements ou pour sports; leurs parties et accessoires ») constitue un autre exemple :

                    1.   Le présent Chapitre ne comprend pas :

. . .

u)    les cordes pour raquettes, les tentes, les articles de campement et les gants, mitaines et moufles, en toutes matières (régime de la matière constitutive); . . . [Je souligne.]

[74]                          Contrairement aux expressions restrictives « [n]’entrent [. . .] que » et « ne comprend pas », l’expression « notamment compris » qui figure dans la Note explicative accompagnant la position no 39.26 est ouverte et non exhaustive. Par conséquent, compte tenu du contexte, l’expression ne dénote pas une intention de restreindre aux éléments énumérés les marchandises susceptibles d’être classées dans la position. Autrement dit, ce n’est pas parce que les gants ne sont pas confectionnés par « couture ou collage à partir de matières plastiques en feuilles » qu’ils doivent être exclus du classement dans la position no 39.26. L’interprétation restrictive adoptée par le Tribunal est contraire tant à une interprétation selon le contexte qu’à une interprétation selon le sens ordinaire des mots de la Note explicative et est donc déraisonnable.

[75]                          Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter l’appel et de confirmer la décision de la Cour d’appel fédérale qui avait renvoyé l’affaire au Tribunal pour qu’il procède à une nouvelle analyse en tenant compte cette fois de l’application des Notes explicatives XI) à XIII) accompagnant la Règle 2b).

                    Pourvoi accueilli avec dépens, la juge Côté est dissidente.

                    Procureur de l’appelant : Procureur général du Canada, Vancouver.

                    Procureurs de l’intimée : Lapointe Rosenstein Marchand Melançon, Montréal; Power Law, Vancouver.

 



[1]   [traduction] « En été, les parties de cricket au village font la joie des petits et des grands » (Miller c. Jackson, [1977] 1 Q.B. 966 (C.A.), p. 976, le lord Denning, maître des rôles).

 

[2]   Ken Dryden, The Game (1983).

[3] La Règle 1 est ainsi libellée :

 

Le libellé des titres de Sections, de Chapitres ou de Sous-Chapitres est considéré comme n’ayant qu’une valeur indicative, le classement étant déterminé légalement d’après les termes des positions et des Notes de Sections ou de Chapitres et, lorsqu’elles ne sont pas contraires aux termes desdites positions et Notes, d’après les Règles suivantes.

[4]   Par exemple, les termes de la position 64.06 prévoient un article non fini (« Parties de chaussures »), et ceux de la position 59.06, un article composite « Tissus caoutchoutés »). Si un article peut être classé dans l’une de ces deux positions, il n’est pas nécessaire d’appliquer la Règle 2, car les termes de la position tiennent expressément compte de la nature incomplète ou composite de l’article en question. La directive énoncée à la Règle 1 selon laquelle le classement d’un article est déterminé d’après les termes des positions suffit donc.

[5]   La Règle 2a) est ainsi rédigée :

Toute référence à un article dans une position déterminée couvre cet article même incomplet ou non fini à la condition qu’il présente, en l’état, les caractéristiques essentielles de l’article complet ou fini. Elle couvre également l’article complet ou fini, ou à considérer comme tel en vertu des dispositions qui précèdent, lorsqu’il est présenté à l’état démonté ou non monté.

[6] La Règle 2b) est ainsi libellée :

Toute mention d’une matière dans une position déterminée se rapporte à cette matière soit à l’état pur, soit mélangée ou bien associée à d’autres matières. De même, toute mention d’ouvrages en une matière déterminée se rapporte aux ouvrages constitués entièrement ou partiellement de cette matière. Le classement de ces produits mélangés ou articles composites est effectué suivant les principes énoncés dans la Règle 3.

[7] La Règle 3 est ainsi libellée :

Lorsque des marchandises paraissent devoir être classées sous deux ou plusieurs positions par application de la Règle 2 b) ou dans tout autre cas, le classement s’opère comme suit :

 

a)       La position la plus spécifique doit avoir la priorité sur les positions d’une portée plus générale. Toutefois, lorsque deux ou plusieurs positions se rapportent chacune à une partie seulement des matières constituant un produit mélangé ou un article composite ou à une partie seulement des articles dans le cas de marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, ces positions sont à considérer, au regard de ce produit ou de cet article, comme également spécifiques même si l’une d’elles en donne par ailleurs une description plus précise ou plus complète.

 

b)       Les produits mélangés, les ouvrages composés de matières différentes ou constitués par l’assemblage d’articles différents et les marchandises présentées en assortiments conditionnés pour la vente au détail, dont le classement ne peut être effectué en application de la Règle 3 a), sont classés d’après la matière ou l’article qui leur confère leur caractère essentiel lorsqu’il est possible d’opérer cette détermination.

 

c)       Dans le cas où les Règles 3 a) et 3 b) ne permettent pas d’effectuer le classement, la marchandise est classée dans la position placée la dernière par ordre de numérotation parmi celles susceptibles d’être valablement prises en considération.

 

[8] La Règle 4 est ainsi libellée :

Les marchandises qui ne peuvent pas être classées en vertu des Règles visées ci-dessus sont classées dans la position afférente aux articles les plus analogues.

[9] La Note explicative accompagnant la position 62.16 est ainsi libellée :

 

    Les articles du présent Chapitre peuvent comporter des parties ou accessoires : en bonneterie, en matière plastique, en cuir, en pelleteries, en métal, en plumes, par exemple. Toutefois, lorsque ces parties excèdent le rôle de simples garnitures, les vêtements et accessoires du vêtement sont classés conformément aux Notes spéciales des Chapitres (voir, en particulier, la Note 4 du Chapitre 43 et la Note 2 b) du Chapitre 67 en ce qui concerne respectivement la présence de pelleteries et de parties en plumes) ou, à défaut, conformément aux Règles générales interprétatives. [En caractère gras dans l’original.]

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