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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : Des Groseillers c. Québec (Agence du revenu), 2022 CSC 42

 

 

Appel entendu : 3 novembre 2022

Jugement rendu : 17 novembre 2022

Dossier : 39879

 

Entre :

 

Yves Des Groseillers et Groupe BMTC inc.

Appelants

 

et

 

Agence du revenu du Québec

Intimée

 

 

Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Karakatsanis, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 5)

La Cour

 

 

 

Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.

 

 

 

 


 

Yves Des Groseillers et

Groupe BMTC inc.                                                                                        Appelants

c.

Agence du revenu du Québec                                                                           Intimée

Répertorié : Des Groseillers c. Québec (Agence du revenu)

2022 CSC 42

No du greffe : 39879.

2022 : 3 novembre; 2022 : 17 novembre.

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Karakatsanis, Brown, Rowe, Martin, Kasirer et Jamal.

en appel de la cour d’appel du québec

                    Droit fiscal — Impôt sur le revenu — Cotisation — Dons d’options d’achat d’actions faits par un contribuable à différents organismes de bienfaisance enregistrés — Crédits d’impôt correspondant aux montants des dons réclamés par le contribuable dans ses déclarations de revenus — Nouvelles cotisations établies à l’encontre du contribuable afin d’ajouter les montants des dons à ses revenus imposables — Nouvelles cotisations annulées par la Cour du Québec mais rétablies par la Cour d’appel — Décision de la Cour d’appel confirmée — Loi sur les impôts, RLRQ, c. I‑3, art. 50, 422c)ii.

Lois et règlements cités

Loi sur les impôts, RLRQ, c. I‑3, art. 50, 422c)ii.

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Chamberland, Schrager et Cournoyer), 2021 QCCA 906, [2021] AZ‑51770266, [2021] J.Q. no 5962 (QL), 2021 CarswellQue 6472 (WL), qui a infirmé une décision du juge Bourgeois, 2019 QCCQ 1430, [2019] J.Q. no 2345 (QL), 2019 CarswellQue 1831 (WL). Pourvoi rejeté.

                    Dominic C. Belley, Catherine Dubé, Nicolas Benoit‑Guay et Mareine Gervais Cloutier, pour les appelants.

                    Normand Perreault et Gabriel Déry, pour l’intimée.

                   Le jugement suivant a été rendu par

 

                   La Cour —

[1]                              Nous sommes unanimement d’avis que l’appel doit être rejeté.

[2]                              Dans un arrêt unanime de la Cour d’appel du Québec portant sur la Loi sur les impôts, RLRQ, c. I-3 (« L.I. »), le juge Cournoyer écrit, à bon droit, ce qui suit :

     Puisqu’il s’agit principalement d’un exercice d’interprétation législative et par souci de commodité, je reproduis encore une fois les articles 50, 54 et 422 L.I. :

 

50. L’employé qui cède ou aliène des droits prévus par la convention visée à l’article 48, en ce qui concerne des titres, à une personne avec laquelle il n’a aucun lien de dépendance, est réputé recevoir en raison de sa charge ou de son emploi, dans l’année d’imposition dans laquelle il fait cette cession ou aliénation, un avantage égal à l’excédent de la valeur de la contrepartie de la cession ou de l’aliénation sur le montant qu’il a payé pour acquérir ces droits.

 

[…]

 

54. Lorsqu’une personne admissible donnée convient de vendre ou d’émettre un de ses titres ou un titre d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, à un de ses employés ou à un employé d’une personne admissible avec laquelle elle a un lien de dépendance, l’employé n’est pas réputé recevoir, en vertu ou par l’effet de la convention, d’autre avantage que celui prévu par la présente section.

 

[…]

 

422. Sauf disposition contraire de la présente partie, l’aliénation ou l’acquisition d’un bien par un contribuable sont réputées faites à la juste valeur marchande de ce bien au moment de l’aliénation ou de l’acquisition, selon le cas, lorsque l’une des situations suivantes s’applique :

 

a) le contribuable l’acquiert par donation, succession ou testament, ou en raison d’une aliénation qui n’entraîne pas de changement dans la propriété à titre bénéficiaire du bien;

 

b) le contribuable l’acquiert d’une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, pour un montant supérieur à cette valeur;

 

c) le contribuable l’aliène en faveur :

 

i. soit d’une personne avec laquelle il a un lien de dépendance, à titre gratuit ou moyennant une contrepartie inférieure à cette juste valeur marchande;

 

ii. soit d’une personne par donation;

 

iii. soit d’une fiducie en raison d’une aliénation qui n’entraîne pas de changement dans la propriété à titre bénéficiaire du bien.

 

. . .

 

     M. Des Groseillers plaide que l’article 422 ne trouve pas application en l’espèce puisque les articles 47.18 à 58.0.7 de la L.I. constituent un code complet qui comporte en lui‑même et de façon exhaustive l’ensemble des règles de calcul du revenu tiré de l’émission de titres à des employés, de même que l’ensemble des fictions juridiques que le législateur a jugé nécessaire d’adopter au soutien de ces règles. Il ajoute que l’article 54 L.I. est une disposition contraire qui exclut l’application de l’article 422 L.I.

 

     Qu’en est-il?

 

. . .

 

     Premièrement, l’article 50 L.I. prévoit deux choses. D’une part, il indique le moment de l’imposition d’un avantage reçu en raison d’une convention visée à l’article 48 L.I. Et d’autre part, en considérant la cession à titre de revenu d’emploi, l’article 50 établit une exception à la règle générale selon laquelle l’aliénation d’un bien donne lieu à un gain ou à une perte en capital. Le sous-paragraphe 422c)ii) L.I., en imputant une valeur à la contrepartie, n’a pas d’impact sur ces fictions juridiques. Cela dit, à mon avis, il n’y a pas de véritable conflit entre l’article 50 et l’article 422.

 

     Deuxièmement, la formulation très large de la règle prévue à l’article 422 laisse penser que l’objectif du législateur était d’imputer à toute aliénation d’un bien par une personne une valeur égale à la juste valeur marchande de ce bien aux fins du calcul du revenu. De plus, le législateur n’a pas explicitement exclu la section de la loi portant sur les options d’achat d’actions accordées aux employés de l’application de l’article 422 lorsqu’il a adopté la Loi sur les impôts en 1972 ni lors de ses modifications subséquentes. Son silence à cet égard est révélateur, puisque la L.I. comporte plusieurs mentions expresses de la non‑applicabilité de l’article 422.

 

     L’article 54 L.I. a seulement comme effet de donner préséance à l’application des articles 49 et s. sur tout autre article prévoyant une règle d’imposition. Il n’empêche pas l’ARQ de recourir aux présomptions prévues dans la L.I. afin de calculer le revenu imposable du contribuable.

 

. . .

 

     Dans le présent dossier, l’interprétation adoptée par le juge d’instance postule que la section VI de la L.I. s’avère un code complet et que « l’article 422 L.I. ne peut être invoqué afin de compléter les règles de calcul du revenu prévu à la Section VI ».

 

     Or, si l’article 54 assure l’assujettissement des avantages découlant de l’octroi d’options d’achat d’actions aux articles 49 et s. de la L.I. et les exclut du champ d’application des articles 36 et 37, il ne constitue pas, en l’absence d’indices législatifs clairs à cet effet, un code si complet et si hermétique que l’application de l’article 422 est exclue.

 

     Je rappelle que l’article 422 est contenu dans le titre VII de la L.I. qui concerne les règles omnibus relatives au calcul du revenu. Il prévoit plus spécifiquement que lorsqu’un contribuable aliène un bien en faveur d’une personne comme en l’espèce par donation, l’aliénation est réputée faite à la juste valeur marchande de ce bien au moment de l’aliénation. [Souligné dans l’original; citation de la version anglaise de la loi omise; notes en bas de page omises.]

 

(2021 QCCA 906, par. 52, 57-58, 62-64 et 69-71 (CanLII))

[3]                              Nous partageons son avis; cela suffit pour rejeter le pourvoi. Les autres moyens proposés par les appelants sont sans mérite.

[4]                              Comme la Cour d’appel, nous concluons que l’intimée avait raison de cotiser M. Des Groseillers, en vertu de l’art. 50 L.I., pour l’avantage reçu. En l’espèce, et sur la base du sous-par. 422c)ii L.I., la valeur de la contrepartie reçue est réputée égale à la juste valeur marchande des options d’achat d’actions au moment du don.

[5]                              L’appel est donc rejeté, avec dépens devant toutes les cours.

                    Pourvoi rejeté avec dépens devant toutes les cours.

                    Procureurs des appelants : Norton Rose Fulbright Canada, Montréal.

                    Procureurs de l’intimée : Larivière Meunier (Revenu Québec), Montréal.

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