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Cour suprême du Canada

Preuve—Privilège à l’égard des indicateurs de police—Commission royale sur la confidentialité des dossiers de santé—Communication de dossiers à la police par des médecins et des employés d’hôpitaux sans le consentement du patient—Existe-t-il un privilège qui empêche la divulgation de l’identité des informateurs?—The Public Inquiries Act, 1971, 1971 (Ont.), chap. 49, art. 7(1), 9, 10, 11—The Health Disciplines Act, 1974, 1974 (Ont.), chap. 47, art. 50—The Public Hospitals Act, R.S.O. 1970, chap. 378, art. 36—O. Reg. 577/75, art. 26(21)—R.R.O. 1970—Règlement 729, art. 48(1).

La Commission intimée, dans un exposé de cause adressé à la Cour divisionnaire de l’Ontario, a demandé 1) s’il n’existe en droit aucun privilège qui empêche la divulgation de l’identité de médecins et d’employés d’hôpitaux qui dévoilent des renseignements médicaux à la G.R.C. sans l’autorisation du patient, et 2) si la Commission a eu raison d’exiger que ses témoins fassent ces divulgations. Par suite d’une demande à cet effet, il y a eu élargissement des questions soumises aux cours d’instance inférieure parce qu’on disait que le pourvoi soulevait des questions constitutionnelles. La première

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question formulée est de savoir si la Commission est habilitée à contraindre les agents de la G.R.C. à divulguer la source des informations qu’ils ont obtenues dans l’exercice de leurs fonctions et au cours d’enquêtes relatives à des actes criminels et à la sécurité nationale. La seconde question est de savoir si, lorsqu’il y a manquement à une obligation de respecter le secret qu’impose la loi, il existe une immunité qui empêche la police de divulguer l’identité de ses informateurs.

Arrêt (Le juge en chef Laskin et le juge Dickson sont dissidents): Le pourvoi est accueilli.


Les juges Martland, Ritchie, Estey, Mclntyre et Chouinard: L’immunité contre la divulgation de l’identité des indicateurs de police qui est accordée à l’égard de renseignements fournis à un policier alors qu’il exerce ses fonctions est de portée générale. Cette immunité s’applique sauf lorsque, au procès d’un accusé pour une infraction criminelle, la divulgation de l’identité de l’informateur pourrait aider à démontrer son innocence. Le fondement du principe est encore plus ferme lorsqu’il s’agit du travail policier dans la protection de la sécurité nationale et ce principe se justifie mieux dans le cas de la protection de la sécurité nationale contre la violence et le terrorisme que dans le cas d’une enquête sur le crime.

Le privilège à l’égard des indicateurs de police s’applique même si l’informateur communique des renseignements qu’il ne devrait pas donner. En l’espèce il n’y a pas d’obligation légale de ne pas communiquer de renseignements sur un patient à la police. Le privilège n’étant pas donné à l’informateur, l’inconduite de ce dernier ne le détruit pas. Le privilège appartient à la Couronne qui reçoit des renseignements grâce à une garantie, expresse ou implicite, de confidentialité. Le fait que c’est le tribunal lui-même qui demande les renseignements ne change rien à l’application de la règle, car le privilège ne se trouve nullement diminué par quelque disposition de The Public Inquiries Act, 1971.

Le juge en chef Laskin et le juge Dickson, dissidents: En raison de sa formulation générale, il vaut mieux ne pas tenter de répondre à la première question. La seconde question, cependant, se rapporte aux deux éléments que la Commission royale a soulevés dans l’exposé de cause.

Le privilège à l’égard des indicateurs de police doit être uniquement reconnu dans des poursuites intentées par le ministère public et dans des procédures se rapportant au droit pénal. Il n’est pas nécessaire de reconnaître le privilège dans d’autres types de procédures simplement parce que la police y est impliquée et qu’elle a recueilli des renseignements dans le cours de ses fonc-

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tions policières. Suivant la nature des procédures, les tribunaux doivent avoir le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il doit y avoir divulgation et dans quelle mesure, ce qui comporte qu’on mesure l’intérêt public aux divulgations pertinentes et qu’on détermine s’il y a un intérêt public équivalent qui s’oppose à la divulgation. Sauf le cas des poursuites criminelles et des procédures se rapportant au droit pénal, les cours doivent généralement être résolues dès le début à ne pas permettre à l’une ou l’autre partie de refuser volontairement de fournir des éléments de preuve pertinents et recevables, et toute tentative de ce genre doit être justifiée et particulièrement scrutée.

[Jurisprudence: Marks v. Beyfus (1890), 25 Q.B.D. 494; D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children, [1978] A.C. 171; The Trial of Thomas Hardy for Treason (1794), 24 St. Tr. 199; R. v. Watson (1817), 32 St. Tr. 1; R. v. O’Connor (1846), 4 St. Tr. (N.S.) 935; Attorney-General v. Briant (1846), 15 M. & W. 169, 15 L.J. Ex. 265; Humphrey v. Archibald (1893), 20 O.A.R. 267; Rogers v. Home Secretary, [1973] A.C. 388; Reference re Legislative Privilege (1978), 18 O.R. (2d) 529; 39 C.C.C. (2d) 226.]


POURVOI, élargi par ordonnance rendue à la demande du solliciteur général du Canada, contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario[1], qui a rejeté l’appel formé par le solliciteur général et accueilli celui formé par la Canadian Civil Liberties Association contre un jugement relativement à un exposé de cause qui posait deux questions à la Cour divisionnaire de l’Ontario. Pourvoi accueilli, le juge en chef Laskin et le juge Dickson sont dissidents.

J.A. Scollin, c.r., et Eric A. Bowie, pour l’appelant le solliciteur général du Canada.

R.J. Carter, c.r., pour les intervenants le surintendant D. Heaton et le surintendant principal Michael Spooner.

H.T. Strosberg, pour l’intimée la Commission royale d’enquête.

Marc Rosenberg et Chris Buhr, pour l’intimée la Canadian Civil Liberties Association.

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D.W. Mundell, c.r., et R.M. McLeod, c.r., pour l’intervenant le procureur general de l’Ontario.

Henri Brun, pour l’intervenant le procureur général du Québec.

P.L. Cumming et H. Hazen Strange, c.r., pour l’intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick.

L.F. Lindholm et B.A. Barrington-Foote, pour l’intervenant le procureur général de la Colombie-Britannique.

William Henkel, c.r., pour l’intervenant le procureur général de l’Alberta.

Version française des motifs du juge en chef Laskin et du juge Dickson rendus par

LE JUGE EN CHEF (dissident)—Par le décret en conseil 3566/77 de l’Ontario, modifié par le décret 1129/78, monsieur le juge Horace Krever a été constitué, en vertu de The Public Inquiries Act, 1971, 1971 (Ont.), chap. 49, en commission royale d’enquête sur la confidentialité des dossiers de santé. Son mandat est le suivant:

[TRADUCTION]

1. examiner toutes les lois administrées par le ministre de la Santé (par exemple, The Public Hospitals Act, The Health Disciplines Act, 1974, The Health Insurance Act, 1972, et The Mental Health Act), ainsi que toute autre loi pertinente administrée par d’autres ministres, et tout règlement établi en application de ces lois, pour déterminer si une protection adéquate est accordée aux droits des personnes qui ownt bénéficié ou qui pourront bénéficier de services de santé, pour préserver la confidentialité des renseignements sur elles recueillis en vertu de ces textes législatifs;

2. examiner la légalité des procédés administratifs suivis en vertu des lois précitées;


3. faire enquête, se renseigner et se pencher, sur toute inconduite et sur toutes activités, pratiques ou conduite négligentes ou de quelque autre manière irrégulières de toute personne, société, compagnie ou organisme par rapport aux lois et règlements précités et à leur administration, y compris toute inobservation par eux des lois ou des règlements précités, et toutes activités, pratiques ou autre conduite de ces derniers qui, par coercition, par persuasion ou par quelque autre moyen ont incité à pareille inconduite, négli-

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gence ou autre activité, pratique ou conduite irrégulière, ou qui ont constitué une tentative d’inciter par coercition, par persuasion ou par quelque autre moyen à pareille inconduite, négligence ou autre activité, pratique ou conduite irrégulière ou qui ont constitué une entente à l’une de ces fins; et

4. faire rapport au ministre de la Santé et faire des recommandations quant aux modifications qui s’imposent aux lois et à leurs règlements d’application.

Ce pourvoi, dont nous sommes saisis sur autorisation de cette Cour, est né d’un exposé de cause émanant de la Commission royale, qui a formulé les deux questions suivantes pour la Cour divisionnaire de l’Ontario:

[TRADUCTION]

a) Ai-je eu raison de statuer qu’il n’existe en droit aucun privilège qui joue de façon à empêcher la divulgation à la Commission de l’identité des médecins et des employés d’hôpitaux qui ont dévoilé des renseignements médicaux à des membres de la G.R.C. sans l’autorisation du patient?

b) Ai-je eu raison d’exiger que les témoins répondent aux questions visant à divulguer l’identité des médecins et des employés d’hôpitaux en question?

La Cour divisionnaire, dont la décision unanime a été rendue par le juge Osler, a donné à la première question une réponse en deux parties:

[TRADUCTION]

(i) «Oui» pour ce qui est de l’identité des médecins et des employés d’hôpitaux et des autres personnes soumises au contrôle et à la direction du conseil d’un hôpital, qui ont divulgué des renseignements contenus dans un dossier médical à des membres de la Gendarmerie royale du Canada sans l’autorisation du patient;

(ii) «Non» pour ce qui est des médecins et des membres d’autres professions autonomes ayant des règlements en matière de conduite professionnelle qui, au moment considéré agissait en leur qualité professionnelle de leur propre chef et qui n’étaient pas soumis à la direction ou au contrôle du conseil d’un hôpital¼

A la seconde question elle a répondu que, conformément à la réponse à la première question, il ne pouvait y avoir de réponse absolue et que cela devait dépendre de la catégorie dans laquelle on pouvait placer l’informateur dans chaque cas.

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En Cour d’appel de l’Ontario, les juges formant la majorité (le juge Dubin, à l’opinion duquel a souscrit le juge Wilson) et le juge Brooke, dissident, ont exprimé leur désaccord à différents égards avec le jugement de première instance. Le juge Dubin a répondu aux deux questions par l’affirmative; le juge Brooke y a répondu par la négative.

Les parties ne contestent pas que selon le mandat de la Commission royale, l’identité des personnes qui ont divulgué des renseignements médicaux sur des patients est pertinente à l’enquête. La question litigieuse est plutôt de savoir si, dans les circonstances entourant les divulgations et compte tenu des fonctions policières des personnes à qui on les a faites, en l’occurrence des agents de la Gendarmerie royale du Canada, ces personnes, en tant que témoins à l’enquête, peuvent refuser de dévoiler l’identité de leurs informateurs, bien que ces derniers aient violé, même à la connaissance des témoins policiers, une obligation de confidentialité relativement aux renseignements médicaux sur des patients hospitalisés.

Les pouvoirs de la Commission royale

Les parties reconnaissent que la Commission royale a été validement constituée et que l’enquête, à la fois quant à sa nature et quant à sa portée, est du ressort de la législature et du gouvernement de l’Ontario. Il faut tenir compte de plusieurs dispositions de The Public Inquiries Act, 1971 aux fins de l’espèce. L’article 4 énonce le principe général que les audiences sont ouvertes au public

[TRADUCTION] ¼sauf lorsque la commission qui mène l’enquête est d’avis

a) que des faits touchant la sécurité publique peuvent être dévoilés à l’audience; ou

b) que des faits secrets d’ordre financier ou personnel ou d’autres faits peuvent être dévoilés à l’audience, faits qui sont de telle nature que, compte tenu des circonstances, leur non‑divulgation dans l’intérêt de toute personne intéressée ou dans l’intérêt public prévaut sur le respect du principe que les audiences sont ouvertes au public;

auquel cas le commission peut tenir l’audience sur ces questions à huis clos.

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Les articles 7(1), 9, 10 et 11 de la Loi sont ainsi rédigés:

[TRADUCTION] 7.—(1) Une commission peut par assignation exiger que toutes personnes

a) rendent des témoignages sous serment ou sur affirmation solennelle à une enquête; ou


b) produisent comme preuve à une enquête les documents et les objets que la commission spécifie,

qui sont afférents à l’objet de l’enquête et qui ne sont pas irrecevables en vertu de l’article 11.

¼

9.—(1) Un témoin à une enquête est réputé s’être opposé à répondre à toute question qu’on lui pose pour le motif que sa réponse pourrait tendre à l’incriminer ou pourrait tendre à établir sa responsabilité dans des procédures civiles à l’instance de la Couronne ou de qui que ce soit, et nulle réponse qu’un témoin donne à une enquête ne peut être invoquée et n’est admissible à titre de preuve contre lui dans une instruction ou autre procédure exercée contre lui par la suite, hors le cas de poursuite pour parjure en rendant ce témoignage.

(2) La commission doit aviser un témoin de son droit de s’opposer à répondre à toute question en vertu de l’article 5 de la Loi sur la preuve au Canada.

10. Une commission peut recevoir à une enquête des témoignages non rendus sous serment ou sur affirmation solennelle.

11. Ne peut être reçu comme preuve à une enquête tout ce qui serait irrecevable devant une cour en raison d’un privilège prévu dans le droit de la preuve.

La confidentialité des dossiers de santé

C’est la violation de la confidentialité des dossiers de santé de patients, particulièrement de patients d’hôpitaux, qui est à l’origine de l’enquête. On a reconnu au cours de l’enquête qu’il y avait eu des centaines de cas de divulgation de ce genre de renseignements sans le consentement des patients. Dans les motifs qu’il a rédigés pour la Cour d’appel de l’Ontario, le juge Dubin formule ainsi l’obligation de confidentialité entre les médecins et leurs patients:

[TRADUCTION] Les membres de la profession médicale ont une obligation de confidentialité à l’égard de leurs patients. Ils ont l’obligation de ne pas donner volontairement des renseignements sur l’état de leurs patients ou sur tout service professionnel qu’ils ont rendu, sans le consentement du patient. A défaut de ce

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consentement, les membres de la profession médicale manquent à leur obligation s’ils divulguent pareils renseignements à moins que l’application régulière de la loi ne l’exigent.

Cette obligation est renforcée par les principes législatifs qui ressortent de The Health Disciplines Act, 1974, 1974 (Ont.), chap. 47 et de The Public Hospitals Act, R.S.O. 1970, chap. 378, et précisée par les règlements établis en application des lois respectives, particulièrement O. Reg. 577/75 établi en vertu de la première loi. Selon la définition de l’art. 26 du Règlement, l’expression [TRADUCTION] «inconduite professionnelle» signifie notamment:


[TRADUCTION] 26. ¼

21. donner à toute personne autre que le patient sans le consentement de ce dernier des renseignements sur l’état d’un patient ou sur tout service professionnel rendu pour lui, à moins que la loi ne l’exige;

Le Règlement 729 établi en application de The Public Hospitals Act prévoit dans son par. 48(1) que sous réserve de certaines exceptions, qui sont étrangères à l’espèce, [TRADUCTION] «un conseil [d’hôpital] ne doit permettre à personne de retenir ou d’examiner un dossier médical ou de recevoir des renseignements y figurant». Les motifs de la Cour divisionnaire disent, à juste titre, que l’interdiction (renforcée par une disposition pénale à l’art. 36 de The Public Hospitals Act) ne vise qu’un conseil d’hôpital, mais la Cour dit ensuite que [TRADUCTION] «il serait absurde que les membres individuels du conseil, les employés du conseil ou les employés ou préposés d’un hôpital qui relèvent du conseil puissent impunément et en secret retirer ou examiner un dossier médical ou recevoir des renseignements y figurant, alors qu’il est interdit au conseil lui-même de le faire».

L’exposé de cause

Les circonstances à l’origine de l’exposé de cause sont relatées par le juge Krever, et je les reproduis ci-après:

[TRADUCTION] 2. Le 8 juin 1978, à une audience publique tenue par la Commission, l’avocat de la Commission a cité certains membres de la Gendarmerie royale du Canada («G.R.C.») comme témoins.

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3. Le surintendant Donald Harold Heaton, («Heaton»), et le surintendant principal Michael Spooner, («Spooner»), ont témoigné qu’à leur connaissance, la G.R.C. avait à 368 reprises reçu des renseignements médicaux de médecins et d’employés d’hôpitaux en Ontario sans le consentement préalable du patient.

4. Le caporal Glen Allan Gartshore, («Gartshore») a témoigné qu’en janvier 1976 il s’était adressé à un employé du Régime d’assurance-maladie de l’Ontario («R.A.M.O.») et qu’il avait obtenu sans le consentement du patient, des renseignements médicaux sous forme de codes de diagnostic sousmis par le médecin du patient au R.A.M.O.

5. L’avocat de la Commission a demandé à Heaton et à Spooner de nommer les médecins et les employés d’hôpitaux de qui la G.R.C. avait reçu des renseignements médicaux.

6. L’avocat de la Commission a également demandé à Gartshore de nommer l’employé du R.A.M.O. de qui il avait reçu des renseignements médicaux en janvier 1976.

7. L’avocat du solliciteur général fédéral et de la G.R.C. (al’avocat») s’est opposé à ce qu’ils répondent aux questions visées aux paragraphes 5 et 6.


8. L’avocat est revenu sur son opposition pour la question visée au paragraphe 6 et a ordonné à Spooner de me dévoiler le nom de l’employé du R.A.M.O. qui avait remis des renseignements médicaux à Gartshore en janvier 1976. Spooner l’a alors fait.

9. L’opposition aux questions visées au paragraphe 5 est fondée sur les points suivants:

a) dans les litiges civils aussi bien que criminels, le «privilège à l’égard des indicateurs de police» permet à un policier, dans certaines circonstances, de refuser de divulguer l’identité d’un informateur;

b) les médecins et les employés d’hôpitaux ont fourni des renseignements médicaux à des membres de la G.R.C. sans l’autorisation du patient à condition que leur identité ne soit pas dévoilée;

c) le «privilège à l’égard des indicateurs de police» s’applique à l’identité de ces médecins et employés d’hôpitaux; et

d) ce «privilège à l’égard des indicateurs de police» justifie de décider qu’il n’est pas nécessaire de répondre aux questions en raison des dispositions de l’art. 11 de The Public Inquiries Act, 1971, dont voici le texte:

«Ne peut être reçu comme preuve à une enquête tout ce qui serait irrecevable devant une cour en raison d’un privilège prévu dans le droit de la preuve.»

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10. L’avocat a reconnu que l’identité des médecins et des employés d’hôpitaux en question relève clairement de mon mandat et est pertinente à l’enquête entreprise.

11. L’avocat a apporté des éléments de preuve démontrant que si la G.R.C. doit identifier les médecins et les employés d’hôpitaux de qui elle a obtenu des renseignements médicaux sans l’autorisation du patient, elle éprouvera de la difficulté à en obtenir dans l’avenir.

Le juge Krever fait alors remarquer dans l’exposé de cause qu’après avoir entendu les observations circonstanciées des avocats, il a statué que le privilège à l’égard des indicateurs de police ne s’appliquait pas à son enquête. Il signale que dans aucune affaire citée devant lui à l’appui du privilège, il ne s’agissait d’une affaire [TRADUCTION] «où la source des renseignements, dont l’identité était protégée, était tenue de ne pas révéler les renseignements en question». A son avis, si l’on ne doit pas communiquer les renseignements et même si la communication ne constitue pas une infraction, il n’existe aucun droit de cacher l’identité de la personne qui fournit les renseignements. Partant, il a statué qu’il fallait répondre aux questions objet de l’opposition et donner la source des renseignements. Comme on lui a par la suite demandé un exposé de cause, il a formulé les deux questions déjà citées.

Les jugements de la Cour divisionnaire de l’Ontario et de la Cour d’appel


La réponse de la Cour divisionnaire aux deux questions repose sur le fondement que même s’il n’y a pas de privilège légal qui permet de ne pas divulguer l’identité des informateurs, il en existe un en common law qui protège l’identité des indicateurs de police dans l’intérêt public relatif aux fonctions de la police dans le dépistage du crime. La Cour s’est appuyée sur l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario Reference re Legislative Privilege[2] et a invoqué en particulier les motifs de la majorité rendus par le juge Lacourcière qui, en confirmant le privilège, a fait remarquer que la jurisprudence ne reconnaît qu’une exception,

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savoir lorsque dans un procès criminel la divulgation de l’identité de l’informateur est pertinente à l’innocence de l’accusé. La Cour divisionnaire s’est également fondée sur le jugement du juge Spence dans l’affaire Slavutych c. Baker[3], qui appuie la confidentialité (que l’on avait promise) d’une communication adressée par un professeur au président d’une université au cours de procédures relatives à la permanence d’un autre professeur.

Voici ce que la Cour divisionnaire dit au sujet des deux affaires:

[TRADUCTION] Des affaires comme les deux dernières mentionnées ont étendu la doctrine de la protection de l’informateur à des autorités autres que la Couronne ou les agents de police au sens strict. Nous ne connaissons pas de décisions qui réduisent ou limitent ce privilège depuis longtemps établi en common law à l’égard des indicateurs de police; il suffit que la bonne foi ou le champ légitime des fonctions du policier en question ne soit pas en cause.

Et elle a ajouté:

[TRADUCTION] A notre avis, une fois établi que la communication a été faite à un membre de la G.R.C. dans l’exercice de ses fonctions, le nom de l’informateur bénéficie du privilège, à moins qu’on ne crée une nouvelle exception. Cela demeure tout aussi vrai que la fonction particulière qu’exerce le membre de la G.R.C. soit le dépistage du crime, la prévention du crime, le contre-espionnage ou celle d’agent secret, toutes ces fonctions étant à l’occasion exercées par les membres de la G.R.C. et, l’exposé de cause le présume, chaque communication a été faite à un agent qui exerçait l’une de ces fonctions.


Se penchant alors sur la question de savoir s’il y avait lieu de créer une nouvelle exception, la Cour divisionnaire a observé que [TRADUCTION] «on n’a pas allégué devant nous qu’il y aurait lieu de demander le privilège à l’égard de tout informateur qui, en donnant des renseignements, a clairement violé une loi, pénale ou civile». Il semble cependant que ce soit la position prise devant la Cour d’appel de l’Ontario et c’est aussi la position prise devant cette Cour en l’espèce. La Cour divisionnaire a signalé un cas où l’on a retiré l’opposition à la divulgation à l’égard d’un employé du Régime d’assurance-maladié de l’Ontario à qui il était clairement interdit en vertu du règlement du

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R.A.M.O. de communiquer des renseignements sur un patient sans son consentement.

La Cour divisionnaire a toutefois statué que, dans la loi, il y avait seulement une indication de principes généraux contre la violation de la confidentialité, mais, par contre, que dans le droit de la preuve, il y avait un privilège clairement établi à l’égard des indicateurs de police. La Cour divisionnaire semble s’être éloignée de sa position sur l’«indication dans la loi» vis-à-vis des professions autonomes comme la médecine. Se référant à The Health Disciplines Act et au Règlement 26, précité, qui habilitent le conseil disciplinaire de la profession médicale à décider si une divulgation donnée constitue une inconduite professionnelle, la Cour a conclu qu’elle devait donner à la première question une réponse en deux parties. Voici ce qu’elle a dit:

[TRADUCTION] Pour ce qui est de l’identité des médecins et employés d’hôpitaux et autres personnes soumises au contrôle et à la direction du conseil d’un hôpital, qui divulguent des renseignements contenus dans un dossier médical à des membres de la G.R.C. sans l’autorisation du patient, il n’existe en droit aucune immunité qui ait pour effet d’empêcher la divulgation de leur identité à la commission, et on doit répondre «oui».

Pour ce qui est des médecins et membres d’autres professions autonomes ayant des règlements en matière de conduite professionnelle semblables à ceux que nous avons déjà exposés et qui à ce moment-là agissaient en leur qualité professionnelle de leur propre chef et qui n’étaient pas soumis à la direction ou au contrôle du conseil d’un hôpital, notre opinion est qu’il y a une immunité qui a pour effet d’empêcher la divulgation de leur identité à la Commission, et on doit répondre «non».

Bref, la Cour divisionnaire a conclu que malgré qu’il soit établi, le privilège à l’égard des indicateurs de police ne protège pas l’identité des employés d’un conseil d’hôpital, qu’il s’agisse de médecins ou d’autres personnes, qui divulguent des renseignements sur des patients en violation de la confidentialité de ces renseignements. Toutefois, la Cour a également statué que le privilège à l’égard des indicateurs de police protège contre la divulgation l’identité des médecins qui, agissant en leur qualité professionnelle et de leur propre chef et n’étant pas soumis à la direction d’un conseil d’hôpital, communiquent irrégulièrement des renseignements sur des patients à la G.R.C.


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J’avoue mal comprendre cette distinction ou même son fondement, et, selon mon interprétation de ses motifs, la Cour d’appel a éprouvé la même difficulté. Dans ses motifs de dissidence, le juge Brooke a estimé que la Cour divisionnaire avait créé une nouvelle exception au privilège à l’égard des indicateurs de police et que (pour reprendre ses propres termes) [TRADUCTION] «des éléments de preuve identifiant comme informateurs des médecins et des personnes employés par des hôpitaux publics et des médecins exerçant en clientèle privée sont irrecevables en raison du privilège». Le savant juge dissident a conclu que, selon son interprétation de la jurisprudence, le privilège à l’égard des indicateurs de police appartient à la Couronne ou à l’État et qu’il l’emporte sur l’intérêt privé au maintien du caractère confidentiel du rapport entre médecin et patient. De plus, le juge Brooke a soulevé la question constitutionnelle suivante:

[TRADUCTION] Je doute que la législature provinciale soit compétente pour adopter une loi rendant recevables des éléments de preuve quant à l’identité des personnes qui donnent des renseignements à la police au cours d’une enquête sur le crime ou sur la sécurité nationale, écartant ainsi le privilège de la Couronne à cet égard. Cette loi n’a pas la prétention de faire cela et je n’estime pas que la cour doive essayer de le faire.

Quant aux motifs du juge Dubin, je suis d’accord avec son rejet de la distinction que fait la Cour divisionnaire entre les médecins exerçant en clientèle privée et ceux qui sont soumis à la direction d’un conseil d’hôpital. Il a dit à ce sujet:

[TRADUCTION] La Cour divisionnaire semble avoir été influencée, en faisant la distinction entre médecins exerçant en clientèle privée et ceux qui sont soumis à la direction ou au contrôle d’un conseil d’administration d’hôpital, par la disposition pénale de The Public Hospitals Act. A mon avis, les dispositions de The Public Hospitals Act visaient les personnes qui ne sont pas médecins, car la conduite de tous les médecins relève de The Health Disciplines Act. Toutefois, à supposer que les dispositions de The Public Hospitals Act soient de portée assez large pour s’appliquer aux médecins, la disposition pénale, comme on l’a déjà fait remarquer, ne semble pas s’appliquer à un médecin ou à un employé d’hôpital qui agit de son propre chef. Donc, la disposition pénale de The Public Hospitals Act ne me paraît nullement déterminante. A mon avis, la politique générale destinée à protéger le caractère confidentiel du rapport entre médecin et patient est tout aussi claire-

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ment exprimée dans The Health Disciplines Act que dans The Public Hospitals Act et on ne peut faire de distinction entre elles à cet égard. Il n’y a aucune raison d’établir une distinction entre les médecins qui exercent en clientèle privée et ceux qui sont au service d’un hôpital.


En ce qui concerne la question centrale de l’immunité, le juge Dubin fait remarquer, avec raison, que le simple fait que les renseignements fournis à la G.R.C. l’ont été à titre confidentiel n’exclut pas leur divulgation au cours de procédures judiciaires. Certes, la divulgation à l’occasion d’une enquête en vertu de The Public Inquiries Act, 1971, est dans le champ d’application du principe. Qu’en est-il donc du privilège à l’égard des indicateurs de police? Sur ce point, après avoir cité la jurisprudence et la doctrine s’y rapportant, le juge Dubin a ajouté:

[TRADUCTION] Cependant, dans aucun cas n’a-t-on élargi, que je sache, le privilège accordé à l’égard des indicateurs de police pour englober le cas où l’informateur est à son tour légalement tenu de ne pas divulguer les renseignements à la police, ou à qui que ce soit, et le cas où les renseignements ont été obtenus en violation de cette obligation. Je ne connais pas non plus de cas où le privilège a été élargi de manière à empêcher un tribunal dûment constitué, chargé de faire enquête sur les violations de cette obligation, de remplir son mandat.

A son avis, il est fautif d’aborder l’affaire en cause en se demandant s’il y a lieu d’établir une nouvelle exception au privilège à l’égard des indicateurs de police, comme l’ont fait la Cour divisionnaire et le juge Brooke. Mais, pour reprendre ses propres termes:

[TRADUCTION] ¼il faut d’abord déterminer si, dans les circonstances relatées dans l’exposé de cause, le droit de la preuve reconnaît une immunité qui empêcherait le commissaire d’obtenir les éléments de preuve pertinents et recevables.

A mon avis, il ne peut y avoir d’immunité lorsque l’informateur, en fournissant des renseignements à la police, contrevient à une obligation légale de ne pas divulguer ces renseignements.

Trois autres passages des motifs du juge Dubin soulignent ce point. Premièrement,

[TRADUCTION] ¼dans le cas d’un médecin ou d’un employé d’hôpital, il se dégage des lois précitées et de la common law qu’il ne doit pas y avoir divulgation, à moins que la loi ne l’exige. Dans ces circonstances, à

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mon avis, on ne peut prétendre qu’il faut encourager les corps policiers à obtenir ces renseignements autrement que par l’application régulière de la loi, pas plus que le médecin ou l’employé d’hôpital ne doit être encouragé à fournir ces renseignements lorsqu’il n’est pas tenu de le faire.

Deuxièmement,


[TRADUCTION] ¼lorsque l’informateur contrevient à une obligation, même si cela n’a aucune conséquence pénale, il serait contraire à l’intérêt public de reconnaître le privilège invoqué. Le droit du patient à la protection de sa vie privée serait purement illusoire si on reconnaissait le privilège dans ces circonstances. A mon avis, on sert un plus grand intérêt public en divulguant l’identité de l’informateur dans ces circonstances qu’en la protégeant contre la divulgation.

Avec égards, j’estime qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’encourager les personnes assujetties à une obligation de non-divulgation à dévoiler des renseignements et d’encourager les corps policiers à obtenir ces renseignements dans ces circonstances.

Et, troisièmement,

[TRADUCTION] On ne devrait reconnaître le privilège invoqué en l’espèce que lorsque c’est cela qui sert le mieux l’intérêt public. Dans l’arrêt D. vs. National Society for the Prevention of Cruelty to Children, [[1977] 1 All E.R. 589], lord Hailsham dit à la p. 605:

«Les catégories d’intérêt public ne sont pas figées et doivent s’adapter, qu’on les limite ou qu’on les étende, suivant l’évolution des conditions sociales et de la législation sociale.»

La législation considérée par le commissaire est destinée à protéger le caractère confidentiel des renseignements médicaux sur un patient. Dès lors qu’on en prouve la violation d’une manière que la loi n’autorise pas, quand bien même avec de bonnes intentions, l’identité de l’informateur ne peut faire l’objet d’un privilège.

Je fais remarquer que dans ses motifs le juge Dubin mentionne que les avocats des appelants, du solliciteur général du Canada et de la G.R.C. ont concédé que si l’informateur enfreint la loi, en ce sens qu’il commet un acte à l’égard duquel une peine est prévue, on ne peut invoquer le privilège relativement à l’identité de l’informateur. Devant cette Cour, les avocats disent n’avoir rien concédé de pareil et je suis disposé à procéder sur ce fondement.

[Page 509]

L’élargissement des questions litigieuses en cette Cour

Après que cette Cour eut accordé, le 18 juin 1979, l’autorisation de se pourvoir devant elle et que l’avis de pourvoi eut été déposé le 5 août 1979, le solliciteur général du Canada appelant a demandé une ordonnance formulant deux questions constitutionnelles apparemment soulevées en l’espèce qui élargissaient les questions que les cours d’instance inférieure ont examinées. Par ordonnance datée du 8 août 1979, modifiée par une ordonnance du 10 septembre 1979, le juge Mclntyre a formulé les questions suivantes:

1. La loi dite «Public Inquiries Act, 1971, S.O. 1971, c. 49», et en particulier l’article 7, autorise-t-elle l’intimée, la «Royal Commission of Inquiry into the confidentiality of Health records in Ontario», à contraindre les agents de la Gendarmerie royale du Canada à divulguer la source des informations qu’ils ont obtenues au cours d’enquêtes effectuées dans l’exercice de leurs fonctions en matière d’actes criminels ou de sécurité nationale?

2. Existe-t-il une immunité qui empêche la police de divulguer l’identité de ses informateurs lors d’enquêtes effectuées par elle sur le crime ou la sécurité nationale:


a) si une commission d’enquête a été instituée par le lieutenant-gouverneur en conseil sur une matière qu’on admet être de compétence provinciale et

b) si la pertinence de l’identité des personnes qui ont manqué à l’obligation de respecter le secret qui leur est imposée par The Health Disciplines Act, 1974, S.O. 1974, c. 47 et The Public Hospitals Act, R.S.O. 1970, c. 378 et les règlements adoptés en vertu de ces lois, est admise au cours de cette enquête?

La première question me paraît dépasser le cadre des faits qui fondent l’exposé de cause du juge Krever. A première vue, elle ne se rapporte pas expressément à la divulgation de dossiers de santé ni à l’identité des personnes qui les divulguent. Elle paraît plutôt soulever, de façon générale, le droit d’une commission d’enquête provin-

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ciale (qui se livre, je dois le présumer, à une enquête sur des questions relevant de la compétence provinciale) de contraindre la G.R.C. à dévoiler les sources des renseignements obtenus au cours d’enquêtes sur le crime et sur la sécurité nationale.

Dans l’ordonnance du 8 août 1979, la formulation initiale de la seconde question est la suivante:

2. L’obligation relative au secret imposée par la loi dite «Health Disciplines Act, 1974, c. 47» et ses règlements d’application ou par la loi dite «Public Hospitals Act, R.S.O. 1970, c. 378» et ses règlements d’application peut-elle avoir pour effet de neutraliser la règle de preuve en matière pénale en vertu de laquelle les noms des personnes qui ont divulgué des informations à la police, au cours d’enquêtes policières, ne peuvent être admis en preuve?

J’attire particulièrement l’attention sur les mots de cette question relatifs à «la règle de preuve en matière pénale» qui interdit la divulgation de l’identité des indicateurs de police. L’ordonnance modificative du 10 septembre 1979 élargit la portée de la seconde question par la mention d’une immunité contre la divulgation de l’identité des indicateurs de police sans la restriction initiale aux «matières pénales».


Il convient ici de faire des observations sur la pratique de la Cour lorsque, dans un pourvoi (c’est-à-dire, lorsqu’il y a eu autorisation de se pourvoir, s’il en est besoin, et dépôt de l’avis de pourvoi) un appelant veut poser une ou plusieurs questions constitutionnelles apparemment soulevées par l’espèce. Habituellement le Juge en chef ou un autre juge de la Cour est saisi d’une requête à cette fin, et si le dossier paraît soulever une ou plusieurs questions constitutionnelles, il rend une ordonnance les énonçant sans tenter à ce stade de statuer sur leur bien-fondé et sans décider qu’il faudra nécessairement y répondre. Il est permis d’aider l’avocat qui présente la requête (il s’agit en général d’une requête ex parte) et qui comparaît, pour ce qui est de la formulation des questions qu’il veut poser, et de faire des suggestions à cet effet, mais à part cela, le déroulement de la procédure (à moins qu’elle ne soit tirée par les cheveux ou invraisemblable au point de mériter un refus) est dans les mains du requérant. Il faut se rappeler

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qu’aux termes des Règles de la Cour, on doit donner avis au procureur général du Canada et aux procureurs généraux respectifs des provinces de toute question constitutionnelle, afin qu’ils puissent intervenir s’ils le désirent; des tiers peuvent également demander à intervenir, mais ils ne peuvent le faire que sur autorisation.

Je fais ces observations parce que j’en suis venu à la conclusion que je ne dois pas tenter de répondre à la première question en raison de sa formulation générale. Elle est sous certains aspects semblable à celle dont cette Cour était saisie dans l’affaire Di Iorio c. Le gardien de la prison de Montréal[4], et peut-être aussi à celles dans l’affaire Le procureur général du Québec et Keable c. Le procureur général du Canada[5], mais à la différence de la situation dans les deux affaires précitées, la question 1 n’a pas de contexte. Ce n’est pas le cas de la seconde question qui se rapporte directement aux deux questions que la Commission royale pose dans l’exposé de cause. Je suis donc d’avis que je dois me limiter aux deux questions de l’exposé de cause reprises dans la seconde question posée dans l’ordonnance modifiée du juge Mclntyre.

Il ne faut pas en conclure que j’estime que l’on n’aurait pas dû poser la première question. Les parties, ou du moins l’appelant, ont pu croire que la mention qu’elle fait de la commission royale en question donne à ses termes par ailleurs généraux un contexte suffisant pour qu’elle mérite d’être examinée. Contrairement à la seconde question, cependant, elle ne se limite pas aux dossiers de santé, bien que cela puisse être sous-entendu, comme peut l’être aussi la question de l’identité, soulevée par la seconde question, lorsqu’on fait de la «source des renseignements» un point central dans la première question. Suivant ce point de vue, il y a beaucoup de répétition malgré les différences de formulation et il vaut donc mieux procéder uniquement sur la seconde question, étant donné qu’elle se rapporte aux deux questions de l’exposé de cause.


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Réponses aux questions litigieuses

On reconnaît, et j’en ai déjà fait mention, que le simple fait que des renseignements soient confidentiels n’empêche ordinairement pas leur divulgation en preuve lorsqu’on l’ordonne au cours d’une procédure judiciaire où ils sont pertinents. Un abus de confiance peut, bien sûr, donner lieu à une action pour rupture de contrat ou il peut avoir un aspect délictuel, comme lorsqu’il s’agit de secrets de fabrication, mais rien de tel n’existe ici. L’arrêt récent de cette Cour dans l’affaire Slavutych, précitée, démontre qu’on peut protéger la confidentialité en refusant le recours aux renseignements obtenus en confidence, du moins lorsqu’il y a tentative d’utilisation à l’encontre de la personne qui les fournit. En l’espèce, il ne s’agit pas de renseignements confidentiels comme tels mais plutôt d’une revendication de privilège où, comme c’est le cas de toutes revendications de ce genre, la confidentialité est un élément clé.

L’arrêt Slavutych établit que les catégories de privilège ne sont pas figées. La Chambre des lords a exprimé un avis semblable dans l’arrêt D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children[6] où elle a préféré l’expression «intérêt public» au terme «privilège». Cette Cour, par l’intermédiaire du juge Spence dans l’affaire Slavutych, a exprimé l’avis que le critère en quatre points établi dans Wigmore on Evidence, vol. 8, 1961 (McNaughton Rev.), p. 527, par. 2285, fournit un guide satisfaisant pour la reconnaissance d’une revendication de privilège. Il n’est pas nécessaire, cependant, d’invoquer le critère en l’espèce. On ne peut mettre en doute l’existence d’un privilège à l’égard des indicateurs de police, qui protège de la divulgation l’identité des informateurs dont l’aide est importante pour les enquêtes sur le crime et pour le dépistage du crime. La raison d’être du privilège est suffisamment claire; s’il en était autrement, ces sources d’aide à la police tariraient. Les renseignements que les indicateurs peuvent fournir sont une chose et ils sont, bien entendu, destinés à être utilisés et divulgués. Leur identité est une tout autre chose, à moins qu’ils ne choisissent de la révéler eux-mêmes ou qu’elle ne soit révélée de quelque autre manière.

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La question vitale en l’espèce, toutefois, porte sur les limites du privilège à l’égard des indicateurs de police. Trois questions se posent à ce sujet. Premièrement, que faut-il prouver à l’appui du privilège? Deuxièmement, et cette question est liée à la première, le privilège s’étend-il à des procédures autres que celles en matière pénale ou qui se rapportent au droit pénal? Troisièmement, même s’il dépasse le cadre de ces procédures, peut-on l’invoquer lors même qu’il y a abus de la confiance découlant du rapport médecin-patient ou hôpital-patient (ce qui comprend les employés d’hôpitaux), qui est elle-même renforcée par la législation ou qui repose sur elle? Il s’agit ici de deux rapports distincts mais qui se recoupent; celui entre la police et les médecins ou employés d’hôpitaux qui lui fournissent des renseignements et celui entre ces informateurs et les patients d’hôpitaux dont on a divulgué les dossiers médicaux à la police sans leur permission. Je laisse de côté pour le moment la question de savoir ce qu’il faut prouver à l’appui du privilège à l’égard des indicateurs de police et je passe aux deux autres questions que j’ai déjà formulées.

Le juge Brooke a souligné dans ses motifs que le privilège à l’égard des indicateurs de police appartient à la Couronne ou à l’État. Cela me paraît être une simple reconnaissance du fait que les poursuites sont généralement intentées au nom de la Couronne et que le privilège à l’égard des indicateurs de police est invoqué en son nom. Il ne s’agit pas d’un privilège qui appartient à la police en tant que telle (elle n’est pas la Couronne), mais d’un privilège qu’elle peut invoquer à la demande de la Couronne au nom de laquelle les poursuites sont intentées et menées. En l’espèce, on ne revendique pas le privilège dans l’intérêt public, comme l’art. 41 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, permet de le faire. De plus, cette affaire-ci, vu l’angle sous laquelle on l’examine, n’est en aucune façon régie par l’arrêt de cette Cour Le procureur général du Québec et Keable c. Le procureur général du Canada, précité, où il s’agissait, notamment, d’une tentative de contraindre un ministre de la Couronne du chef du Canada à témoigner et à produire des documents devant une commission d’enquête provinciale et

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d’une tentative de faire enquête sur le fonctionnement interne de la Gendarmerie royale du Canada. Cette Cour a statué que du point de vue constitutionnel, ni ce témoignage ni ce type d’enquête n’était autorisé.


On invoque en l’espèce le privilège à l’égard des indicateurs de police compte tenu de son évolution et de son existence en common law. L’arrêt Marks v. Beyfus[7] est souvent cité à l’appui du privilège. Il s’agissait dans cette affaire d’une action civile pour poursuites injustifiées, le demandeur ayant été acquitté après avoir été accusé de fraude. Le défendeur Beyfus (ce dernier et d’autres auraient comploté pour faire poursuivre le demandeur) avait fait sous serment la dénonciation sur la foi de laquelle le demandeur avait été cité à procès et on a déposé ce document en preuve au procès civil. Le demandeur a cité le Director of Public Prosecutions comme témoin et celui-ci a témoigné avoir intenté la poursuite. Il a également fait mention d’une déclaration écrite qu’on lui avait donnée, mais il a refusé de révéler l’identité de ses informateurs, à moins que le juge de première instance ne le lui ordonne. Ce dernier a refusé de rendre une ordonnance et on a finalement conclu à l’irrecevabilité de l’action du demandeur. La Cour divisionnaire a refusé d’ordonner un nouveau procès et un appel contre cette décision fut rejeté. Deux passages des motifs de la Cour d’appel sont importants. En premier lieu, il y a les propos suivants de lord Esher (à la p. 498):

[TRADUCTION] Quelle est donc la règle quant à la divulgation des noms des informateurs et des renseignements qu’ils donnent dans le cas de poursuites intentées par le ministère public? Dans l’affaire Attorney General v. Briant [24 St. Tr. 199], le baron en chef Pollock, commentant l’affaire Rex v. Hardy [15 M. & W. 169], dit que toutes les parties dans cette affaire ont reconnu que l’identité de l’informateur, dans le cas d’une poursuite intentée par le ministère public, ne doit pas être révélée; et il dit plus loin: «La règle clairement établie et appliquée est celle voulant que dans une poursuite intentée par le ministère public, on ne puisse poser à un témoin des questions susceptibles de révéler l’identité de l’informateur, si celui-ci est un tiers ¼et nous estimons que le principe s’applique au cas où l’on demande au témoin s’il est lui-même l’informateur». Or, cette règle sur les poursuites intentées par le ministère public repose

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sur des motifs qui relèvent de l’intérêt public et s’il s’agit en l’espèce de ce genre de poursuites, elle s’applique; j’estime qu’il s’agit d’une poursuite intentée par le ministère public et que la règle s’applique. Je ne dis pas que cette règle ne peut jamais souffrir d’exception; si au procès d’un accusé le juge est d’avis qu’il est nécessaire ou juste de divulguer le nom de l’informateur pour démontrer l’innocence de l’accusé, il y a alors conflit entre deux intérêts publics et c’est celui selon lequel il ne faut pas condamner un innocent lorsqu’il est possible de prouver son innocence qui doit prévaloir. Mais à cette unique exception près, cette règle d’intérêt public échappe à tout pouvoir discrétionnaire; il s’agit d’un principe de droit et il doit à ce titre être appliqué par le juge au procès qui ne doit pas considérer qu’il a le pouvoir discrétionnaire de dire au témoin s’il doit répondre ou non.

En second lieu, il y a ce passage des motifs du lord juge Bowen [aux pp. 499-500]:


[TRADUCTION] La seule question qui nous reste à trancher est de savoir si le Director of Public Prosecutions avait le droit de refuser de répondre aux questions qui lui ont été posées et si le juge avait le droit de dire que pour des motifs d’intérêt public, on ne doit pas lui demander de divulguer le nom de son informateur. Pour y répondre il faut déterminer s’il s’agit de poursuites intentées par le ministère public; si c’est le cas, alors ni au procès criminel ni au cours de procédures civiles qui en découlent ne doit-on, pour des motifs d’intérêt général, demander au Director of Public Prosecutions de divulguer le nom de son informateur. La seule exception à cette règle serait le cas d’un procès criminel, où le juge s’apercevrait que l’application stricte de la règle pourrait vraisemblablement entraîner un déni de justice; il pourrait l’assouplir en faveur de l’innocence; s’il ne le faisait pas, des personnes innocentes risqueraient d’être déclarées coupables.

¼

Je veux ajouter, que mon opinion se base entièrement sur le fait qu’une poursuite intentée ou continuée par le Director of Public Prosecutions est une poursuite intentée par le ministère public et que la question de savoir si le Director of Public Prosecutions est un fonctionnaire de l’État qui, à ce titre, a le droit de revendiquer l’immunité à l’égard des actes accomplis pour le compte de l’État, ne se pose pas en l’espèce.

(Pour un exemple canadien, voir l’arrêt Humphrey v. Archibald[8].)

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Il se dégage de ces passages que la question du privilège à l’égard des informateurs se pose dans les poursuites intentées par le ministère public. Toutefois, même là il peut être nécessaire de divulguer l’identité d’un informateur si cela peut permettre d’établir l’innocence de l’accusé. L’affaire R. v. Richardson[9] illustre cette exception; et voir aussi R. v. Barton[10]. La raison d’être de ce principe est également claire. Il incombe au ministère public de s’assurer que des innocents ne soient pas déclarés coupables et de veiller à ce que justice soit rendue; il ne doit donc pas essayer de refuser la divulgation, pour des motifs d’immunité ou d’intérêt public, de tout renseignement susceptible d’aider à la défense.


Dans l’arrêt Rogers v. Home Secretary[11], la Chambre des lords s’est notamment trouvée en présence d’une revendication de privilège à l’égard de la divulgation que l’on avait demandée d’une lettre adressée à titre confidentiel à la Gaming Board (ci-après appelée la «Commission») de la Grande-Bretagne qui avait pour fonction de faire enquête sur la réputation des demandeurs de permis de jeu avant de donner son consentement à la délivrance d’un permis. Un agent de police avait écrit la lettre qui visait le demandeur qui, tout comme la société dont il était un administrateur, avait sollicité un permis. Une copie de la lettre, soustraite de façon irrégulière des dossiers de la Commission ou de la police, est parvenue au demandeur. Celui-ci a demandé la divulgation en vue d’une poursuite éventuelle pour diffamation criminelle de l’auteur afin de se blanchir. Lord Reid a assimilé l’affaire et la revendication du droit de refuser la divulgation (dans l’intérêt public, privilège de la Couronne étant considéré comme une expression susceptible d’induire en erreur) au privilège à l’égard des indicateurs de police. Il a fait remarquer qu’une bonne partie des renseignements que la police transmet à la Commission doivent provenir de sources qui, de l’avis de la police, doivent être protégées et que [TRADUCTION] «même si l’on donnait les renseignements sans nommer la source, leur nature même pouvait, s’ils étaient communiqués à l’intéressé, lui donner au moins une très bonne idée de leur provenance». Donc, il a dit (à la p. 401):

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[TRADUCTION] Il est depuis longtemps établi que dans l’intérêt public il faut garder secrète l’identité des indicateurs de police et il en va forcément de même pour les personnes qui fournissent volontairement des renseignements à la commission. En fait, il ressort de la preuve que beaucoup de gens refusent de parler sans l’assurance d’un secret absolu.

La nature particulière de l’affaire Rogers la distingue de la situation en l’espèce, même si l’on présume que dans l’affaire Rogers le refus de divulguer visait la protection des informateurs et ne se limitait pas nécessairement à des poursuites criminelles intentées par l’État. Le passage suivant des motifs de lord Reid aux pp. 401 et 402 indique dans quel contexte on a refusé la divulgation dans l’intérêt public:

[TRADUCTION] Il est possible que certains documents parvenant à la commission puissent être divulgués sans crainte de pareilles conséquences [c.-à-d. la probabilité que la source des renseignements soit directement ou indirectement révélée]. Mais j’estime qu’il est tout à fait impossible que la commission ou la cour en soit certaine. Il me semble donc que pour éviter le danger très sérieux que la commission soit privée de renseignements essentiels à l’accomplissement efficace de sa tâche difficile, il doit y avoir une règle générale selon laquelle elle n’est pas tenue de produire un document qui lui fournit des renseignements sur un requérant.

Nous devons donc choisir entre cette situation et l’intérêt public à ce que le cours de la justice ne soit pas entravé par le refus de fournir des éléments de preuve. Nous devons, je crois, garder à l’esprit que ces documents existent simplement parce que le requérant sollicite un privilège et soumet ainsi ses mœurs et sa réputation à un examen minutieux. Les documents ne servent pas à le priver d’un droit quelconque. La commission est dotée d’un large pouvoir discrétionnaire. Non seulement la commission peut-elle rejeter sa demande en raison de sa mauvaise réputation, même s’il peut prétendre que cette réputation n’est pas méritée; on ne conteste pas, qu’elle puisse aussi prendre en considération toute mauvaise impression qu’il a laissée au cours d’une entrevue avec elle.


Une récente série d’arrêts de la Chambre des lords, dont l’arrêt Rogers, précité, a examiné la question de la divulgation de renseignements donnés à titre confidentiel et de l’identité de l’informateur, mais aucun d’eux ne porte sur le privilège à l’égard des indicateurs de police. L’arrêt

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Alfred Crompton Amusement Machines Ltd. v. Customs and Excise Commissioners (No. 2)[12], qui a précédé l’arrêt Rogers, mérite d’être mentionné puisqu’il affirme que le caractère confidentiel ne peut en soi fonder une revendication de privilège mais qu’il est pertinent pour déterminer si dans l’intérêt public il y a lieu de refuser la divulgation. (Le secret professionnel des avocats était un aspect important de cette affaire, mais ce n’est nullement le cas en l’espèce.) Lord Cross, au nom de la majorité, fait remarquer que lorsqu’on revendique l’immunité contre la divulgation dans l’intérêt public et que des considérations équivalentes militent en faveur de la divulgation, il faut évaluer la situation afin de voir ce qui doit l’emporter. Après avoir affirmé que dans la situation en cause les arguments contre la divulgation de certains renseignements n’étaient pas aussi forts que ceux contre la divulgation du nom d’un informateur (qui avait fourni aux commissaires des douanes et de l’accise des renseignements relatifs au calcul exact de la taxe d’achat que devait payer l’appelante), il a établi le principe suivant (à la p. 434):

[TRADUCTION] Lorsque les considérations favorables et défavorables à la divulgation semblent équivalentes, les tribunaux doivent, selon moi, accueillir une revendication de privilège fondée sur l’intérêt public et s’en remettre au chef du département en question qui fera ce qu’il peut pour tempérer les effets malheureux de la non-divulgation.

Il s’agissait dans l’affaire Crompton d’une revendication du privilège de la Couronne, revendication qui, comme on l’a déjà signalé, n’a pas été faite comme telle en l’espèce.

Après les arrêts Crompton et Rogers est venu l’arrêt D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children, précité, et, plus récemment, l’arrêt Science Research Council v. Nassé[13]. Dans cette dernière affaire il était question de la communication de documents confidentiels, et il suffit de dire que l’arrêt a confirmé le principe établi dans l’arrêt Crompton que le caractère confidentiel ne peut en soi fonder la non-divulgation. On peut également mentionner le regret qu’y exprime lord

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Scarman que l’expression [TRADUCTION] «immunité dans l’intérêt public» soit venue se substituer à [TRADUCTION] «l’expression écartée de «privilège de la Couronne»». Outre l’arrêt Rogers déjà discuté, l’arrêt important ayant une certaine pertinence en l’espèce est D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children.

Il s’agit là aussi d’une affaire de communication de renseignements; une mère réclamait des dommages-intérêts à la Société pour préjudices personnels en invoquant la négligence imputable aux actes d’un inspecteur de la Société qui avait donné suite à une plainte portée par un informateur selon laquelle le bébé en cause subissait des mauvais traitements. L’identité de l’informateur était l’objet principal de la demande de communication de renseignements. La Société, constituée par charte royale, était [TRADUCTION] «une personne autorisée» en vertu de la Children and Young Persons Act 1969, 1969 (R.-U.), c. 54, à introduire des procédures de prise en charge d’enfants et de jeunes personnes qui subissaient des mauvais traitements ou manquaient de soins. Elle sollicitait l’aide du public pour communiquer à ses agents l’identité d’enfants qui pouvaient souffrir de manque de soins ou de mauvais traitements, et promettait dans sa documentation de traiter comme confidentiels le nom de tout informateur et les renseignements fournis à la Société. La Chambre des lords a rejeté l’argument que la non-divulgation dans l’intérêt public se limite aux organes centraux de l’État ou à la fonction publique, et elle a conclu qu’en l’espèce il fallait, tout compte fait, refuser la divulgation de l’identité de l’informateur de la Société.

On a fait une analogie avec le privilège à l’égard des indicateurs de police, et l’avocat du solliciteur général appelant s’est appuyé sur le passage suivant des motifs de lord Diplock (à la p. 218):

[TRADUCTION] L’intérêt public qui d’après la N.S.P.C.C. l’oblige à refuser à la demanderesse et à la cour elle-même la communication de documents susceptibles de dévoiler l’identité de son informateur est analogue à l’intérêt public protégé par le principe de droit bien établi selon lequel l’identité d’indicateurs de police ne peut être divulguée dans une action civile, que ce soit par voie d’enquête préliminaire ou par témoignage au procès: Marks v. Beyfus (1890) 25 Q.B.D. 494.

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La raison d’être de la règle dans son application aux indicateurs de police est évidente. Si leur identité pouvait être divulguée devant une cour de justice, ces sources de renseignements tariraient, ce qui entraverait la police dans l’exercice de ses fonctions de prévention et de dépistage du crime. Il a donc fallu évaluer l’intérêt du public à la préservation de l’anonymat des indicateurs de police par rapport à l’intérêt public au refus de communiquer à un tribunal judiciaire les renseignements susceptibles de l’aider à déterminer les faits se rapportant à un litige qu’il doit trancher. Par l’usage constant des juges, usage qui à l’époque de Marks v. Beyfus, 25 Q.B.D. 494, était déjà consacré comme principe de droit, c’est la non‑divulgation qui l’a emporté, sauf lorsque, au procès d’un accusé pour une infraction criminelle, la divulgation de l’identité de l’informateur pourrait aider à démontrer son innocence. En pareil cas, et en pareil cas seulement, c’est la divulgation qui l’emporte.

Vos Seigneuries, dans l’arrêt Reg. v. Lewes Justices, Ex parte Secretary of State for the Home Department [1973] A.C. 388, [l’arrêt Rogers], cette Chambre n’a pas hésité à faire étendre à des personnes qui avaient donné des renseignements à la Gaming Board aux fins de l’exécution de ses fonctions en vertu de la Gaming Act 1968, une immunité contre la divulgation de leur identité analogue à celle que le droit avait auparavant conférée aux indicateurs de police. Le sens des valeurs de Vos Seigneuries pourrait bien prêter le flanc à la critique si cette Chambre devait considérer le caractère confidentiel des renseignements donnés aux personnes qu’une loi autorise à intenter des procédures pour la protection des enfants négligés ou maltraités comme s’ils méritaient un traitement moins favorable devant une cour de justice que ceux donnés à la Gaming Board afin d’éviter les abus dans le jeu.

Se fondant sur les observations précitées de lord Diplock dans l’arrêt N.S.P.C.C., l’avocat du solliciteur général du Canada prétend que le privilège à l’égard des indicateurs de police s’applique aussi bien dans des procédures civiles que criminelles et, en outre, qu’une enquête publique constitue également une procédure où il y a lieu de reconnaître le privilège. Lord Diplock a déclaré que l’identité des indicateurs de police ne peut être divulguée dans une action civile en s’appuyant sur l’affaire Marks v. Beyfus, qui était une procédure se rapportant au droit pénal. Il est possible qu’il ait voulu assouplir les limites de la non‑divulgation découlant nettement de l’arrêt Marks v. Beyfus. Certes, dans l’affaire N.S.P.C.C, il s’agissait simplement d’exa-

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miner de façon analogique le privilège à l’égard des indicateurs de police et elle a été tranchée suivant un critère du plus grand intérêt, la non-divulgation de l’identité de l’informateur l’emportant.


En l’espèce, selon le point de vue des appelants, point n’est besoin de s’appuyer sur une analogie parce qu’ils invoquent le privilège établi à l’égard des indicateurs de police pour refuser la divulgation de l’identité des informateurs. Une partie à une enquête publique peut‑elle alors invoquer le privilège à l’égard des indicateurs de police en faveur de ses témoins policiers lorsque d’après le dossier, comme le révèle l’exposé de cause, la police s’est livrée à des opérations d’envergure dans le but de découvrir des renseignements médicaux sur des patients, mais sans aucune indication que quelque partie de ces renseignements se rapportait à des poursuites en cours ou imminentes? Il me semble que la situation dans les affaires Rogers et N.S.P.C.C. diffère nettement de celle en l’espèce. Dans ces affaires, des autorités constituées en vertu d’une loi essayaient d’obtenir des renseignements qui devaient leur permettre d’exercer leurs fonctions administratives. En l’espèce, une enquête publique de caractère judiciaire doit étudier certaines questions et faire rapport sur ces questions qui sont directement reliées à l’identité des personnes ayant irrégulièrement divulgué des renseignements sur des patients à la police.

Le privilège à l’égard des indicateurs de police doit, à mon avis, être uniquement reconnu dans des poursuites intentées par le ministère public (qui sont à son origine) et dans des procédures se rapportant au droit pénal. A ces exceptions près, je ne suis pas d’accord pour que l’on fasse une règle absolue de la reconnaissance d’un privilège dans d’autres types de procédures simplement parce que la police y est impliquée et qu’elle a recueilli des renseignements dans le cours ordinaire de ses fonctions policières. Suivant la nature des procédures dans lesquelles on essaie d’obtenir des renseignements et l’identité d’informateurs connus de la police, les tribunaux doivent avoir le pouvoir discrétionnaire de déterminer s’il doit y avoir divulgation et dans quelle mesure. Cela comporterait, comme dans d’autres cas, qu’on mesure l’intérêt

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public à la divulgation de tous les renseignements pertinents, y compris l’identité, qui aideraient à bien trancher les questions soulevées dans les procédures en question, compte tenu de la nature des procédures, et qu’on détermine s’il y a un intérêt public équivalent qui s’oppose à la divulgation dans les procédures dont il s’agit.


Il se dégage du dossier en l’espèce que dans 368 cas on a irrégulièrement obtenu des renseignements médicaux sur des patients. Dans l’unique cas où l’identité a été dévoilée, celui d’un employé du R.A.M.O., les policiers ont témoigné que lorsqu’ils se sont rendu compte que l’employé était tenu de ne pas divulguer de renseignements médicaux sur un patient sans son consentement, ils ont cessé de procéder ainsi. Il ressort également du témoignage des policiers qu’ils savaient parfaitement que, si les circonstances le justifiaient, ils pouvaient obtenir des mandats de perquisition lorsque leurs activités de surveillance reliées au crime et à la sécurité nationale rendaient nécessaire l’obtention de renseignements médicaux sur des patients. Une bonne partie de leur témoignage se rapporte à une opinion erronée qu’une promesse de confidentialité suffit pour mettre leurs informateurs à l’abri de la divulgation de leur identité.

L’avocat du solliciteur général appelant paraît avoir été conscient qu’une revendication sans restriction et générale du privilège à l’égard des indicateurs de police ne saurait être accueillie dans les 368 cas où des renseignements ont été irrégulièrement obtenus. Dans sa plaidoirie devant cette Cour il s’est dit prêt à abandonner la revendication d’un privilège de non‑divulgation dans tous les cas sauf 138 qui, a-t-il allégué, se rapportent à la sécurité. Il ne semble pas que dans l’un quelconque de ces cas on ait envisagé des poursuites dans lesquelles les renseignements médicaux auraient été pertinents.

Selon le témoignage des agents de la G.R.C. à l’appui de la non-divulgation de l’identité de leurs informateurs qui sont des médecins ou des employés d’hôpitaux, ils ont obtenu des renseignements médicaux sur des patients sans leur permission à trois fins. Premièrement, ils avaient besoin des renseignements pour les aider à appliquer la législation fédérale sur les stupéfiants; deuxième-

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ment, ils avaient besoin de renseignements psychiatriques sur certains patients qui pouvaient présenter une menace pour des dignitaires étrangers et d’autres personnes en vue; et, troisièmement, ils avaient besoin des renseignements pour les aider à lutter contre la subversion, l’espionnage et le terrorisme. Il s’agit là d’un témoignage très général, et il paraît probable qu’en raison de sa généralité l’avocat du solliciteur général du Canada a abandonné son opposition à la divulgation de l’identité dans tous les cas sauf les 138 où il y allait censément de la sécurité nationale. L’avocat de la G.R.C., représentée séparément, s’est montré plus intraitable en soutenant l’existence du privilège à l’égard des indicateurs de police comme principe de droit, mais concédant que s’il faut faire une distinction entre le dépistage du crime et la sécurité nationale, c’est à celle-ci que l’on doit accorder la priorité relativement à ce privilège.


Je ne puis retenir l’argument qu’il existe juridiquement, pour ainsi dire, un privilège général à l’égard des indicateurs de police. Je répète que s’il est parvenu au rang de principe de droit, ce n’est que lorsqu’on le revendique dans le cadre de poursuites criminelles ou de procédures se rapportant au droit pénal et, par conséquent, dans des situations précises au cours de ces procédures. Lorsqu’on demande l’immunité contre la divulgation de l’identité d’indicateurs dans d’autres procédures ou relativement à une enquête publique où l’identité est pertinente, comme en l’espèce, la bonne façon d’aborder la question est celle énoncée par lord Hailsham dans l’affaire N.S.P.C.C. (à la p. 223):

[TRADUCTION] Je tiens pour acquis au départ que toute cour de justice doit dès le début être résolue à ne pas, en règle générale, permettre à l’une ou l’autre partie de refuser volontairement de fournir des éléments de preuve pertinents et recevables sur les questions litigieuses. Toute exception à cette règle comporte nécessairement le risque qu’en raison du refus de communiquer des éléments de preuve pertinents, justice ne soit pas faite entre les parties. Toute tentative de refuser de communiquer des éléments de preuve pertinents doit donc être justifiée et doit être particulièrement scrutée.

Je suis d’avis que l’on doit à plus forte raison adopter le même point de vue dans le cas d’une commission royale d’enquête lorsqu’il y a, comme en l’espèce, un intérêt public dominant qui dépasse

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en importance tout cas particulier et qui vise à des recommandations qui pourront servir de fondement à une réforme législative. J’irai même plus loin en l’espèce parce qu’il est évident que l’une des raisons, sinon la raison principale, de la constitution de la Commission royale a été le fait notoire qu’il y avait violation de la confidentialité des dossiers, si ancrée qu’elle soit dans les lois et les règlements. Il me paraît ironique que l’on fasse valoir de la manière systématique employée devant le juge Krever, que, malgré la contravention à la loi que constituent les violations de la confidentialité, l’identité de ceux qui les ont commises soit protégée par ceux qui les ont encouragées simplement parce qu’ils exerçaient des fonctions policières.

L’article 11 de The Public Inquiries Act, 1971, sur lequel les appelants s’appuient, se borne à exiger que la Commission royale et, en dernier ressort, les tribunaux, décident s’il y a un privilège qui peut être invoqué à l’enquête. Il ne suffit pas de dire que parce qu’il existe un privilège reconnu à l’égard des indicateurs de police, il s’applique par le fait même à l’enquête. La raison d’être du privilège dans des poursuites criminelles ou dans des procédures se rapportant au droit pénal, comme des actions pour poursuites injustifiées, ne peut s’appliquer à des situations où il n’existe aucun droit de recourir à un informateur parce que cela entraînerait une violation de la loi.


Il y a deux autres considérations qui, à mon avis, ont une incidence sur le parti à prendre lorsqu’on décide si l’intérêt public à la divulgation de tous les éléments de preuve pertinents doit prévaloir contre la revendication de non-divulgation de l’identité des informateurs, même en supposant qu’une telle revendication soit possible. La première considération est que la police peut demander des mandats de perquisition si elle a un motif valable pour le faire. La seconde est que la Commission royale a le droit, en vertu de l’al. 4a) de The Public Inquiries Act, 1971, de tenir ses audiences à huis clos si elle est d’avis que des questions ayant trait à la sécurité publique risquent d’être dévoilées. Selon mon interprétation de cette disposition, dans les circonstances de l’espèce, elle donne à la Commission royale le droit de décider s’il est question de la

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sécurité publique de sorte qu’il y a lieu de tenir à huis clos les auditions où ces questions se présentent. Cela n’a aucune incidence sur la divulgation, mais il appartiendrait au commissaire de décider comment traiter les divulgations dans le rapport.

Il découle de ce que j’ai dit que la balance penche du côté de la divulgation de l’identité des informateurs dans les 138 cas où l’on a opposé une exception à la divulgation, et je suis donc d’avis de rejeter le pourvoi. Je suis d’avis de répondre à chacune des questions de l’exposé de cause par l’affirmative et de répondre à la seconde question posée dans l’ordonnance modifiée du juge Mclntyre par la négative.

Je n’estime pas qu’il y ait lieu d’adjuger de dépens en l’espèce, et il n’y aura pas d’adjudication de dépens ni à l’égard des parties ni à l’égard des intervenants.

Version française du jugement des juges Martland, Ritchie, Estey, Mclntyre et Chouinard rendu par

LE JUGE MARTLAND—Les circonstances à l’origine de ce pourvoi sont exposées dans les motifs de jugement du Juge en chef et il n’est pas nécessaire de les répéter. La question soulevée est de savoir si les agents de la Gendarmerie royale du Canada peuvent être contraints à divulguer à une commission royale nommée en vertu de The Public Inquiries Act, 1971, 1971 (Ont.), chap. 49, l’identité des personnes de qui, après leur avoir donné une garantie de confidentialité, ils ont obtenu des renseignements alors qu’ils exerçaient leurs fonctions au cours d’une enquête sur le crime ou sur la sécurité nationale.


Le juge Brooke de la Cour d’appel de l’Ontario donne, dans ses motifs dissidents, l’historique suivant du litige:

[TRADUCTION] Les questions dont la Cour divisionnaire a été saisie découlent de ce que des médecins d’exercice privé et des médecins et autres employés d’hôpitaux publics ont donné des renseignements à des membres de la Gendarmerie royale du Canada sans le consentement des patients. On reconnaît, et cela est important, que chaque fois qu’un agent s’est enquis auprès d’un médecin ou d’un employé d’hôpital et qu’il a

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reçu des renseignements d’une de ces personnes, il agissait dans l’exercice de ses fonctions au cours d’une enquête sur le crime ou sur la sécurité nationale.

Par suite de l’assignation de la Commission, le surintendant Heaton et le surintendant principal Spooner ont comparu et témoigné devant elle. Ils ont déclaré qu’à leur connaissance la Gendarmerie royale du Canada avait, sans le consentement préalable du patient, obtenu des renseignements médicaux de médecins et d’autres employés d’hôpital et de médecins d’exercice privé. On ne fait aucune distinction entre les cas où un médecin a pu de sa propre initiative fournir des renseignements à la police et ceux où la police a abordé le médecin parce qu’il était en possession de faits qu’il lui fallait pour accomplir son devoir public. Lorsqu’on leur a demandé de divulguer les noms des informateurs, une exception y a été opposée sur le fondement que la preuve quant à l’identité de personnes qui, en échange d’une garantie expresse ou implicite d’anonymat et de confidentialité, fournissent des renseignements à un policier qui exerce ses fonctions légales, est protégée contre la divulgation devant un tribunal en raison d’une immunité bien établie fondée sur l’intérêt public et qu’elle est par conséquent irrecevable suivant le par. 7(1) et l’art. 11 de The Public Inquiries Act, S.O. 1971, chap. 49. On reconnaît que les noms relèvent du mandat du commissaire et qu’ils sont donc pertinents à l’enquête.

Les agents ont subi un interrogatoire afin de déterminer de façon générale la nature des responsabilités de la gendarmerie en tant qu’organisme national chargé de l’application de la loi et jusqu’à quel point elle doit pouvoir compter sur la collaboration des citoyens canadiens, médecins et employés d’hôpital compris, pour bien exécuter ses fonctions. Ils soulignent l’importance de ces renseignements pour leurs activités présentes et futures en vue de dépister le crime et les criminels et pour protéger les citoyens canadiens. On ne prétend pas que, lorsque la police voulait des renseignements, elle les ait obtenus d’une autre façon qu’en s’adressant directement à la personne en possession des renseignements voulus et il n’y a aucune indication de coercition ou de pression ou de procédés semblables. Selon la preuve il y avait eu en général collaboration basée sur une double garantie: premièrement que les renseignements ne serviraient à d’autre fin que celle pour laquelle on les avait demandés et deuxièmement que l’on ne divulguerait pas l’identité de l’informateur ni la nature des renseignements.

Citant des exemples de circonstances dans lesquelles la police a sollicité les renseignements en cause, l’avocat a fait remarquer qu’en dernière analyse il s’agit de sources de renseignements vitaux pour un travail policier efficace et que s’il n’existait pas d’immunité contre la


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divulgation de l’identité, ces sources tariraient simplement. Je crois que c’est exact. Si l’on éliminait la garantie contre la divulgation d’identité dont presque tout le monde peut actuellement se prévaloir et si, au contraire, l’on disait au médecin que son identité en tant qu’informateur n’est pas protégée par une immunité et peut être divulguée en cour, le risque personnel grave, peut-être le danger, auquel il peut s’exposer lui-même et exposer sa famille deviendra, il est raisonnable de le supposer, un facteur dominant dans sa tentative de former un jugement consciencieux lorsqu’il essaie de décider si son devoir envers son patient doit l’emporter sur, ce qu’il voit comme son devoir envers son prochain (le public), de le protéger contre le crime en communiquant à la police des renseignements qu’il croit importants.

On a en outre fait remarquer qu’il n’y avait aucun autre moyen d’obtenir ces renseignements et qu’aucun tribunal n’a le pouvoir d’ordonner ou d’autoriser leur divulgation. On reconnaît que le par. 48(2)a) du règlement établi sous le régime de The Public Health Act ne s’applique pas.

Voici les dispositions de The Public Inquiries Act, 1971 mentionnées dans le passage précité:

[TRADUCTION] 7.—(1) Une commission peut par assignation exiger que toutes personnes

a) rendent des témoignages sous serment ou sur affirmation solennelle à une enquête;

ou

b) produisent comme preuve à une enquête les documents et les objets que la commission spécifie,

qui sont afférents à l’objet de l’enquête et qui ne sont pas irrecevables en vertu de l’article 11.

¼

11. Ne peut être reçu comme preuve à une enquête tout ce qui serait irrecevable devant une cour en raison d’un privilège prévu dans le droit de la preuve.

Le droit reconnaît depuis fort longtemps l’existence d’un privilège à l’égard des «indicateurs de police». Lord Esher le décrit dans l’arrêt de principe Marks v. Beyfus[14], à la p. 498, comme une règle d’intérêt public qui échappe à tout pouvoir discrétionnaire; [TRADUCTION] «il s’agit d’un principe de droit et il doit à ce titre être appliqué par le juge au procès qui ne doit pas considérer qu’il a le

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pouvoir discrétionnaire de dire au témoin s’il doit répondre ou non.»


De même, lord Diplock dans l’arrêt D. v. National Society for the Prevention of Cruelty to Children, ci-après appelé l’arrêt N.S.P.C.C[15], à la p. 218, mentionne [TRADUCTION] «le principe de droit bien établi selon lequel l’identité d’indicateurs de police ne peut être divulguée dans une action civile, que ce soit par voie d’enquête préliminaire ou par témoignage au procès». Il cite l’arrêt Marks v. Beyfus.

L’existence du principe a été reconnue dès 1794 dans The Trial of Thomas Hardy for Treason[16]. Au cours du procès on a soulevé la question de la divulgation de l’identité d’un informateur. Le juge en chef lord Eyre a dit à la p. 816:

[TRADUCTION] Je crains que parmi les questions qu’il n’est pas permis de poser ne figurent toutes celles tendant à faire connaître la source de la divulgation aux agents de la justice; que, suivant le principe général de la commodité de la justice publique, elle ne doive pas être révélée; que toutes les personnes dans cette situation ne soient protégées contre la divulgation.

À la p. 819 le juge Grose a dit:

[TRADUCTION] En l’espèce, il me semble que nous sommes tous d’accord sur le principe et la question est de savoir qui a raison quant à son application; car nous sommes parfaitement d’accord sur ce principe selon lequel le nom de l’informateur ne doit pas être divulgué: il s’agit là de l’énoncé du principe de droit et c’est ce principe de droit que les avocats des parties reconnaissent et qu’ils ont débattu.

Ce principe de droit a été suivi dans les arrêts R. v. Watson[17], à la p. 101 et R. v. O’Connor[18], à la p. 1050. Dans l’affaire Attorney-General v. Briant[19], le baron en chef Pollock avait à se prononcer sur la question de savoir si l’on peut demander à un témoin s’il est lui-même l’informateur. À la p. 274, le baron en chef Pollock a tranché la question ainsi:

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[TRADUCTION] Il n’y a pas de jurisprudence directe en l’un ou l’autre sens; mais la règle clairement établie et appliquée est celle voulant que dans une poursuite intentée par le ministère public, on ne puisse poser à un témoin des questions susceptibles de révéler l’identité de l’informateur si celui-ci est un tiers. Cette règle est consacrée depuis cinquante ans; et bien que cela puisse paraître dur dans un cas donné, le préjudice individuel doit céder la place à la commodité du public. C’est sur ce fondement que reposent les arrêts Hardy et Watson; et nous estimons que le principe s’applique au cas où l’on demande au témoin s’il est lui-même l’informateur et que, par conséquent, la question ne pouvait être posée et qu’il faut respecter la règle.


La question de la divulgation a été soulevée dans ces affaires au cours de poursuites criminelles intentées par l’État. Dans l’affaire Marks v. Beyfus la cour a été saisie d’une demande civile en dommages-intérêts découlant d’un complot malveillant d’intenter une poursuite criminelle contre le demandeur. Le demandeur a cité comme témoin le Director of Public Prosecutions qui a témoigné qu’on lui avait remis une déclaration écrite. Il a refusé de donner le nom de l’informateur ou de produire la déclaration écrite. Le juge de première instance a refusé de lui ordonner de répondre à la question ou de produire la déclaration. En appel, le demandeur a prétendu qu’il s’agissait d’une poursuite criminelle intentée par un particulier et que la décision était donc erronée. La Cour d’appel a confirmé la décision. Lord Esher a dit aux pp. 498 et 499:

[TRADUCTION] Or, cette règle sur les poursuites criminelles intentées par le ministère public repose sur des motifs qui relèvent de l’intérêt public et s’il s’agit en l’espèce de ce genre de poursuites, elle s’applique; j’estime qu’il s’agit d’une poursuite criminelle intentée par le ministère public et que la règle s’applique. Je ne dis pas que cette règle ne peut jamais souffrir d’exception; si au procès d’un accusé le juge est d’avis qu’il est nécessaire ou juste de divulguer le nom de l’informateur pour démontrer l’innocence de l’accusé, il y a alors conflit entre deux intérêts publics et c’est celui selon lequel il ne faut pas condamner un innocent lorsqu’il est possible de prouver son innocence qui doit prévaloir. Mais à cette unique exception près, cette règle d’intérêt public échappe à tout pouvoir discrétionnaire; il s’agit d’un principe de droit et il doit à ce titre être appliqué par le juge au procès qui ne doit pas considérer qu’il a le pouvoir discrétionnaire de dire au témoin s’il doit répon-

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dre ou non. Le savant juge a donc eu parfaitement raison en l’espèce d’appliquer le principe de droit et de refuser de permettre que le témoin répondre aux questions. Cette décision a eu pour résultat, bien sûr, le rejet de la cause d’action du demandeur, fondée sur la prétendue incitation du Director of Public Prosecutions par les défendeurs, car il n’y avait aucune preuve de pareille incitation.

J’ajouterai que la règle de la non-divulgation de l’identité d’informateurs s’applique, à mon avis, non seulement au procès de l’accusé, mais aussi à une action civile subséquente entre les parties sur le fondement que les poursuites criminelles ont été introduites ou intentées par malveillance.

Dans l’arrêt Humphrey v. Archibald[20], la Cour d’appel de l’Ontario a adopté l’arrêt Marks v. Beyfus. Le juge Burton a fait les observations suivantes aux pp. 269 et 270:


[TRADUCTION] Beaucoup de confusion, je crois, vient de ce que l’on traite le refus comme le privilège du témoin, alors que ce n’est pas le cas; il s’agit plutôt d’une règle adoptée pour des motifs d’intérêt public en raison de l’importance qu’elle revêt pour le public. «Les cours de justice l’observent en application d’un principe de politique générale et par égard pour l’intérêt public.»

Il n’est pas possible dans ce pays pour un particulier d’intenter des poursuites pour des crimes de la nature de ceux reprochés en l’espèce.

Me Phillips, à mon avis, dans son ouvrage (vol. 1, à la p. 133) énonce avec justesse la règle en ces termes: «La découverte de la vérité au cours d’enquêtes nécessaires pour l’administration de la justice criminelle * * peut néanmoins être neutralisée par les graves inconvénients qui découleraient de divulgations préjudiciables à l’intérêt public et il a été estimé, dans des cas particuliers, que le danger que présentent ces divulgations justifie l’exclusion d’éléments de preuve. Il est interdit d’interroger des témoins sur les renseignements qu’ils ont donnés au gouvernement pour faire connaître des contrevenants à la loi. On en doit pas divulguer les noms des personnes par l’intermédiaire desquelles le dépistage se fait.»

Je ne puis trouver qu’une seule exception à cette règle, savoir que, si au procès de l’accusé le juge est d’avis qu’il est nécessaire de divulguer le nom de l’informateur pour démontrer l’innocence de l’accusé, il y a alors conflit entre deux intérêts publics et c’est celui selon lequel il ne faut pas condamner un innocent lorsqu’il est possible de prouver son innocence qui doit prévaloir.

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Mais à cette unique exception près, cette règle d’intérêt public échappe à tout pouvoir discrétionnaire.

Il s’agit d’un principe de droit et il doit à ce titre être appliqué par le juge au procès qui ne doit pas considérer qu’il a le pouvoir discrétionnaire de dire au témoin s’il doit répondre ou non.

Je ne souscris pas à la prétention que l’application de la règle en matière d’indicateurs de police, que l’on dit être un principe de droit, doit se limiter aux poursuites criminelles et aux procédures civiles fondées sur des poursuites criminelles intentées par malveillance. Si elle s’applique dans ce dernier cas, il n’y a aucune raison logique pour laquelle elle ne doit pas également s’appliquer à d’autres procédures civiles. L’intérêt public qui a donné naissance à la règle est le même, peu importe la forme des procédures civiles.

Selon l’interprétation que je leur donne, les propos de lord Esher dans l’arrêt Marks v. Beyfus, lorsqu’il dit qu’il y a lieu d’appliquer la règle dans une action civile fondée sur l’introduction malveillante de poursuites criminelles, ne signifient pas qu’elle serait inapplicable dans d’autres procédures civiles. Sa déclaration se rapporte à la nature de l’affaire dont il était saisi et il n’avait pas besoin d’aller plus loin. A cet égard, je suis d’accord avec la déclaration de lord Diplock dans l’arrêt N.S.P.C.C., à la p. 220:


[TRADUCTION] Vos Seigneuries, la maxime expressio unius, exclusio alterius n’est pas un principe d’interprétation applicable aux jugements. Interpréter un jugement comme s’il avait pour fonction d’établir un code de droit, c’est là une erreur commune qui se commet facilement en raison de l’importance que l’on attache en Angleterre au précédent. Un juge prudent exprime un principe de droit en des termes assez larges pour s’appliquer à la question litigieuse dont il est saisi; que ces termes ne soient pas assez larges pour s’appliquer à une question qui peut être soulevée dans une affaire subséquente ne fait pas de son jugement un précédent qui interdit tout principe de portée plus large.

Cet arrêt de la Chambre des lords établit que la règle selon laquelle l’identité des indicateurs de police ne peut être divulguée s’applique dans des actions civiles. J’ai déjà cité dans ces motifs la déclaration de lord Diplock en ce sens.

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Voici les faits de cette affaire. La N.S.P.C.C. est une société bénévole fondée en 1889 et constituée personne morale par charte royale en 1895. Elle avait pour objets, entre autres, la prévention d’abus publics et privés à l’endroit des enfants et l’application de lois pour leur protection. Pour remplir ses objets, elle demandait au public de l’aider en faisant connaître à ses agents la situation d’enfants qui pouvaient souffrir de manque de soins ou de mauvais traitements. On a fait savoir au public que les noms des informateurs et les renseignements donné à la Société ne seraient pas divulgués.

L’application de lois pour la protection de l’enfance peut prendre deux formes: a) des poursuites criminelles pour les infractions commises contre des enfants, et b) l’introduction de procédures pour la prise en charge devant un tribunal de la jeunesse. Seuls une autorité locale, un constable ou une [TRADUCTION] «personne autorisée» peuvent introduire de telles procédures. La N.S.P.C.C. est une personne autorisée et, en fait, elle était à cette époque-là la seule.

Quelqu’un a dit à la N.S.P.C.C. qu’au cours d’une période de six semaines la demanderesse avait battu et maltraité sa fille âgée de quatorze mois. Sur réception de ce renseignement, la N.S.P.C.C. a envoyé un inspecteur chez la demanderesse pour examiner l’enfant. Le renseignement s’est révélé faux. L’enfant était en bonne santé et l’on en prenait bien soin. Cette visite a beaucoup troublé la demanderesse et le choc a nui à sa santé.


La demanderesse a essayé sans succès de découvrir l’identité de l’informateur. La N.S.P.C.C. a refusé de la dévoiler. La demanderesse a alors intenté une action contre la N.S.P.C.C. alléguant que celle-ci a fait preuve de négligence en ne menant pas une enquête adéquate sur la plainte. Elle a également demandé la communication de tous les documents ayant trait à la plainte et à l’identité du plaignant. La N.S.P.C.C. a demandé une ordonnance interdisant la communication ou l’examen de tout document susceptible de faire connaître l’identité du plaignant.

Le Master a ordonné la communication. Le juge en chambre a infirmé cette décision. Un appel

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formé contre ce jugement en Cour d’appel a été accueilli, le maître des rôles, lord Denning, étant dissident. Un appel à la Chambre des lords a été accueilli dans un arrêt rendu à l’unanimité.

L’opinion de la majorité en Cour d’appel était que l’intérêt public ne protège pas la N.S.P.C.C. parce qu’elle n’est pas un organisme du gouvernement central et parce que les tribunaux ne donnent pas suite à une promesse de confidentialité dans les circonstances. Lord Denning, dans ses motifs de dissidence, a dit qu’il s’agit de peser les intérêts contradictoires. Après examen de la question, il a conclu qu’il ne fallait pas divulguer le nom, manifestant [à la p. 192] ainsi son accord avec le juge en chambre qui avait dit:

[TRADUCTION] «Lorsqu’on considère le devoir que le Parlement impose à la défenderesse et lorsqu’on tient compte du grand intérêt public de veiller à ce que les enfants ne soient pas négligés ou maltraités, à mon avis il ne fait aucun doute que l’intérêt public à la protection des sources de renseignements de la défenderesse prime l’intérêt public de veiller à ce que la mère obtienne les renseignements qu’elle cherche afin d’avoir un redressement devant les tribunaux.»

Quatre des cinq lords juges ont fondé leur conclusion sur un motif différent. Selon eux, il faut donner aux personnes qui fournissent des renseignements sur l’absence de soins à des enfants ou leur mauvais traitement à une autorité locale ou à la N.S.P.C.C. une immunité contre la divulgation de leur identité dans des procédures civiles semblable à celle que l’on accorde aux indicateurs de police, les intérêts publics que sert l’anonymat des deux catégories d’informateurs étant analogues.

Les passages suivants des motifs de lord Diplock, aux pp. 218 et 219, démontrent que la règle sur la non-divulgation de l’identité d’un indicateur de police est consacrée comme principe de droit;


[TRADUCTION] L’intérêt public qui d’après la N.S.P.C.C. l’oblige à refuser à la demanderesse et à la cour elle-même la communication de documents susceptibles de dévoiler l’identité de son informateur est analogue à l’intérêt public protégé par le principe de droit bien établi selon lequel l’identité d’indicateurs de police ne peut être divulguée dans une action civile, que ce soit par voie d’interrogatoire préalable ou par témoignage au procès: Marks v. Beyfus (1890) 25 Q.B.D. 494.

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La raison d’être de la règle dans son application aux indicateurs de police est évidente. Si leur identité pouvait être divulguée devant une cour de justice, ces sources de renseignements tariraient, ce qui entraverait la police dans l’exercice de ses fonctions de prévention et de dépistage du crime. Il a donc fallu évaluer l’intérêt public à la préservation de l’anonymat des indicateurs de police par rapport à l’intérêt public au refus de communiquer à un tribunal judiciaire les renseignements susceptibles de l’aider à déterminer les faits se rapportant à un litige qu’il doit trancher. Par l’usage constant des juges, usage qui à l’époque de Marks v. Beyfus, 25 Q.B.D. 494, était déjà consacré comme principe de droit, c’est la non-divulgation qui l’a emporté, sauf lorsque, au procès d’un accusé pour une infraction criminelle, la divulgation de l’identité de l’informateur pourrait aider à démontrer son innocence. En pareil cas, et en pareil cas seulement, c’est la divulgation qui l’emporte.

¼

Pour ma part, je suis d’avis de confirmer la décision du juge Croom-Johnson et d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel. Je le fais sur le fondement de ce que l’on a appelé au cours des débats la prétention «restreinte» avancée pour le compte de la N.S.P.C.C. Je donnerais à ceux qui fournissent des renseignements sur l’absence de soins à des enfants ou leur mauvais traitement à une autorité locale ou à la N.S.P.C.C. une immunité contre la divulgation de leur identité dans des procédures judiciaires semblable à celle que le droit accorde aux indicateurs de police. Les intérêts publics que sert le maintien de l’anonymat des deux catégories d’informateurs sont analogues; ils ne sont pas moins importants les uns que les autres et, selon moi, ils sont plus importants que dans le cas d’informateurs de la Gaming Board, auxquels cette Chambre a récemment accordé l’immunité contre la divulgation de leur identité.

(L’arrêt auquel lord Diplock fait allusion est Rogers v. Home Secretary[21]. Dans cette affaire Rogers avait introduit des procédures pour diffamation de nature criminelle relativement à une lettre qu’avait écrite le chef de police adjoint à la Gaming Board au sujet d’une demande de permis présentée par Rogers à cette dernière en vertu de la Gaming Act, 1968. Rogers a demandé la production de la lettre et d’autres documents, mais les assignations de témoins pour produire les documents furent annulées.)

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Lord Hailsham of St. Marylebone, dont lord Kilbrandon a partagé l’avis, a dit dans l’arrêt N.S.P.C.C. à la p. 229:


[TRADUCTION] Quand on considère les trois catégories de personnes ayant capacité d’introduire des procédures pour la prise en charge, les parties reconnaissent que les renseignements donnés à la police sont protégés dans la mesure où la société l’exige. Cela se dégage nettement d’une jurisprudence abondante dans le cadre de laquelle s’inscrit l’arrêt Marks v. Beyfus, 25 Q.B.D. 494 (qui applique le principe au Director of Public Prosecutions), et de bon nombre d’arrêts récents de cette Chambre. La règle relative aux indicateurs de police est, à la vérité, beaucoup plus ancienne, elle est en fait si ancienne et si bien établie qu’on ne l’a pas contestée ni n’a pu la contester en l’espèce devant Vos Seigneuries. Une fois reconnu, toutefois, que les renseignements donnés à la police en l’espèce auraient été protégés, il devient alors, à mon avis, manifestement absurde que la même protection ne soit pas accordée aux mêmes renseignements si le même informateur les donne à l’autorité locale (qui est tenue d’y donner suite) ou à la société appelante, à laquelle, selon la preuve incontestée, les informateurs ordinaires ont plus tendance à recourir.

Lord Simon of Glaisdale a dit à la p. 232:

[TRADUCTION] Le droit reconnaît alors que l’intérêt public dans l’administration de la justice n’est qu’un aspect d’un intérêt public plus large, savoir le maintien de l’ordre public. Un autre aspect est un service de police efficace. Mais la police ne peut fonctionner de manière efficace que si elle reçoit continuellement des renseignements sur les crimes projetés ou sur les personnes qui vont les perpétrer. Ces renseignements ne viendront pas si les informateurs n’ont pas l’assurance de la non-divulgation de leur identité: voir les motifs de lord Reid dans l’arrêt Conway v. Rimmer [1968] A.C. 910, 953G-954A. Le droit reconnaît donc dans ce cas une autre catégorie de preuves pertinentes qui ne peut, voire ne doit, être soumise à l’examen judiciaire—il s’agit des sources de renseignements publics: Rex v. Hardy (1794) 24 State Tr. 199, 808; Hennessy v. Wright, 21 Q.B.D. 509, 519; Marks v. Beyfus, 25 Q.B.D. 494.

Ces déclarations reconnaissent clairement l’existence d’un principe de droit, établi pour assurer un service de police efficace, selon lequel il ne faut pas soumettre à l’examen judiciaire les sources de renseignements donnés à la police.

Le juge Lacourcière, qui a prononcé l’avis de la majorité dans l’arrêt Reference re Legislative

[Page 536]

Privilege[22], portant sur le privilège d’un membre de la législature à l’égard des communications qu’on lui fait, a reconnu le privilège à l’égard des indicateurs de police. En traitant du privilège en common law, il a dit à la p. 234:


[TRADUCTION] Dans l’intérêt public on a permis l’extension de ce qui est appelé le privilège de la Couronne afin de protéger l’identité d’indicateurs de police contre la divulgation. La raison d’être de cette extension est de toute évidence l’importance que présente pour le public le dépistage de crimes et la nécessité de préserver l’anonymat des indicateurs de police afin de maintenir les. sources de renseignements. Cette nécessité a de façon générale primé l’intérêt public à une révélation entière des faits pertinents au tribunal saisi du litige. Ce privilège n’est toutefois pas absolu et souffre une exception importante qu’énonce lord Diplock dans l’arrêt D. v. N.S.P.C.C., précité, à la p. 207:

Par l’usage constant des juges, usage qui à l’époque de Marks v. Beyfus, 25 Q.B.D. 494, était déjà consacré comme principe de droit, c’est la non-divulgation qui l’a emporté sauf lorsque, au procès d’un accusé pour une infraction criminelle, la divulgation de l’identité de l’informateur pourrait aider à démontrer son innocence. En pareil cas, et en pareil cas seulement, c’est la divulgation qui l’emporte.

La Chambre des Lords dans l’arrêt D. v. N.S.P.C.C., précité, a élargi la protection contre la divulgation accordée à l’égard des indicateurs de police de façon à protéger l’identité d’un informateur de la National Society for the Prevention of Cruelty to Chidren.

Dans l’arrêt N.S.P.C.C. les quatre lords juges de la Chambre des lords dont j’ai fait mention étaient tous d’avis que si les renseignements donnés à la N.S.P.C.C. l’avaient été à un constable, on n’aurait pu exiger qu’il dévoile l’identité de l’informateur. Il y était question de procédures civiles qui n’avaient aucun rapport avec des poursuites criminelles. À mon avis, l’immunité contre la divulgation qui est accordée à l’égard de renseignements fournis à un policier alors qu’il exerce ses fonctions est de portée générale. Cela a été consacré comme principe de droit, une seule exception étant reconnue, savoir celle dont fait mention lord Diplock dans le passage de ses motifs que cite le juge Lacourcière ci-dessus.

[Page 537]

Le fondement de l’existence de ce principe de droit, qui a évolué dans le domaine des enquêtes criminelles, est encore plus ferme lorsqu’il s’agit du travail policier dans la protection de la sécurité nationale. Dans bon nombre de cas où, en l’espèce, on a tenté d’obtenir de la police les noms de ses informateurs, il était question d’une enquête policière sur la possibilité de violence contre des fonctionnaires de l’État, y compris des chefs d’État. On reconnaît que ces enquêtes sont du ressort de la police. Le principe de droit qui protège contre la divulgation de l’identité des personnes qui fournissent des renseignements dans le cadre d’une enquête policière sur le crime se justifie d’autant plus lorsqu’il s’agit de la protection de la sécurité nationale contre la violence et le terrorisme.

La position du juge Dubin, qui a prononcé les motifs de la majorité en l’espèce, est la suivante:


[TRADUCTION] Cependant, dans aucun cas n’a-t-on élargi, que je sache, le privilège accordé à l’égard des indicateurs de police pour englober le cas où l’informateur est à son tour légalement tenu de ne pas divulguer les renseignements à la police, ou à qui que ce soit, et le cas où les renseignements ont été obtenus en violation de cette obligation. Je ne connais pas non plus de cas où le privilège a été élargi de manière à empêcher un tribunal dûment constitué, chargé de faire enquête sur les violations de cette obligation, de remplir son mandat.

Pour ce qui est des médecins, la prétention qu’ils sont soumis à une obligation légale de ne pas divulguer des renseignements à la police ou à d’autres personnes repose sur un règlement établi par le Council of the College of Physicians and Surgeons (O. Reg. 577/75) en vertu de l’art. 50 de The Health Disciplines Act, 1974, 1974 (Ont.), chap. 47, qui, dans sa définition de l’expression [TRADUCTION] «inconduite professionnelle» à l’art. 26, inclut ce qui suit au par. 21:

[TRADUCTION] 26. ¼

21. donner à toute personne autre que le patient sans le consentement de ce dernier des renseignements sur l’état d’un patient ou sur tout service professionnel rendu pour lui, à moins que la loi ne l’exige;

Quant aux employés d’hôpital, on s’est appuyé sur le Règlement 729, R.R.O. 1970, établi en application de The Public Hospitals Act, R.S.O.

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1970, chap. 378. L’article 48 du Règlement dispose qu’un conseil d’hôpital (sous réserve de certaines exceptions) ne doit permettre à personne de retirer ou d’examiner un dossier d’hôpital ou de recevoir des renseignements y figurant. Cette disposition vise seulement le conseil et non ses employés.

Les dispositions en question n’imposent pas une obligation légale de ne pas communiquer de renseignements sur un patient à la police. Le médecin qui le fait peut se rendre coupable d’inconduite professionnelle. En pareil cas, il peut être passible des procédures disciplinaires que prévoit la Loi. L’employé d’hôpital n’est passible d’aucune peine prévue par un texte législatif.


En résumé donc, la position adoptée par la Cour à la majorité est que le privilège à l’égard des indicateurs de police ne s’applique pas si l’informateur communique des renseignements qu’il ne devrait pas donner. Avec égards, à mon avis, il faut répondre à cela que le privilège en question n’est pas donné à l’informateur et que, par conséquent, son inconduite ne détruit pas le privilège. Le privilège appartient à la Couronne qui reçoit des renseignements grâce à une garantie de confidentialité. L’existence du privilège ne tient pas à la nature de la conduite de l’informateur. Comme le dit lord Simon of Glaisdale dans l’arrêt N.S.P.C.C. à la p. 233, [TRADUCTION] «la règle peut jouer en faveur aussi bien de l’indicateur de police menteur ôû malveillant ou vindicatif ou intéressé ou même dément que de celui qui apporte des renseignements par un sens idéaliste de son devoir civil. L’expérience semble démontrer que malgré la possibilité d’abus de l’immunité contre divulgation qui en résulte, il est dans l’intérêt public de respecter, de façon général, cette immunité».

L’informateur dans l’affaire N.S.P.C.C. était assujetti à une obligation légale de ne pas divulguer des renseignements diffamatoires sur la demanderesse. Compte tenu des faits dévoilés, l’informateur de la N.S.P.C.C. a divulgué des renseignements diffamatoires. Néanmoins, la cour, se fondant sur l’analogie avec le privilège à l’égard des indicateurs de police, n’a pas contraint la N.S.P.C.C. à violer la garantie de confidentialité qu’elle avait donnée à l’informateur. L’intérêt

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public exigeait que, pour atteindre ses objectifs, la N.S.P.C.C. puisse obtenir des renseignements de n’importe quelle source en donnant une garantie de confidentialité.

A mon avis, les dispositions législatives dont j’ai fait mention ne privent pas la Couronne du droit de s’opposer à la divulgation des noms de ses informateurs qui ont reçu une garantie de confidentialité.

En l’espèce, ce n’est pas un accusé ni une partie à des procédures civiles qui demande l’identité des informateurs publics, mais le tribunal lui-même qui a cité les témoins de la police afin d’obtenir cette divulgation; mais, à mon avis, ce fait ne change rien à l’application de la règle. The Public Inquiries Act, 1971 ne confère pas au commissaire des pouvoirs plus étendus que ceux que peut exercer, à la demande d’une partie, un juge qui préside des procédures judiciaires. Le privilège à l’égard des indicateurs de police ne se trouve nullement diminué par quelque disposition de The Public Inquiries Act, 1971. Au contraire, l’art. 11 de la Loi prévoit expressément que rien ne peut être reçu en preuve à une enquête qui serait irrecevable devant une cour en raison d’un privilège prévu dans le droit de la preuve.


Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel. Je suis d’avis de répondre à chacune des questions de l’exposé de cause par la négative et de répondre à la seconde question formulée dans l’ordonnance modifiée du juge Mclntyre par l’affirmative. Il n’y aura pas d’adjudication de dépens.

Pourvoi accueilli, le juge en chef LASKIN et le juge DICKSON sont dissidents.

Procureur des appelants: R. Tassé, Ottawa.

Procureurs des intervenants le surintendant Donald Heaton et le surintendant principal Michael Spooner: Carter & Powell, Toronto.

Procureur de l’intimée la Commission royale d’enquête sur la confidentialité des dossiers de santé en Ontario: Harvey T. Strosberg, Toronto.

[Page 540]

Procureur de l’intimée la Canadian Civil Liberties Association: Mary E. Eberts, Toronto.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Ontario: H. Allan Leal, Toronto.

Procureurs de l’intervenant le procureur général du Québec: Henri Brun, Michel Decary et Karl Delwaide, Sainte-Foy.

Procureurs de l’intervenant le procureur général du Nouveau-Brunswick: H. Hazen Strange et Patricia L. Cumming, Fredericton.

Procureurs de l’intervenant le procureur général de la Colombie-Britannique: Louis F. Lindholm et Brian Barrington-Foote, Victoria.

Procureur de l’intervenant le procureur général de l’Alberta: William Henkel, Edmonton.

 

 



[1] (1979), 98 D.L.R. (3d) 704, 24 D.R. (2d) 545; 47 C.C.C. (2d) 465.

[2] (1978), 18 O.R. (2d) 529.

[3] [1976] 1 R.C.S. 254.

[4] [1978] 1 R.C.S. 152.

[5] [1979] 1 R.C.S. 218.

[6] [1978] A.C. 171.

[7] (1890), 25 Q.B.D. 494.

[8] (1893), 20 O.A.R. 267.

[9] (1863), 3 F. & F. 693, 176 E.R. 318.

[10] [1972] 2 All E.R. 1192.

[11] [1973] A.C. 388.

[12] [1974] A.C. 405.

[13] [1979] 3 All E.R. 673.

[14] (1890) 25 Q.B.D. 494.

[15] [1978] A.C. 171.

[16] (1794), 24 St. Tr. 199.

[17] (1817), 32 St. Tr. 1.

[18] (1846), 4 St. Tr. (N.S.) 935.

[19] (1846), 15 M. & W. 169, 15 L.J. Ex. 265.

[20] (1893), 20 O.A.R. 267.

[21] [1973] A.C. 388.

[22] (1978), 39 C.C.C. (2d) 226.

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