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Lebel c. Winzen Land Corp., [1989] 1 R.C.S. 918

 

Madeleine Lebel                Appelante

 

c.

 

Winzen Land Corporation Ltd.  Intimée

 

répertorié:  lebel c. winzen land corp.

 

No du greffe:  19690.

 

1987:  12 mai; 1989:  20 avril.

 

Présents:  Les juges Beetz, Lamer, Wilson, Le Dain* et La Forest.

 

en appel de la cour d'appel du québec

 

    Procédure civile -- Autorisation d'exercer le recours collectif -- Allégation par la requérante que la Loi sur la protection du territoire agricole empêche le vendeur de transférer aux acheteurs la propriété des lots vendus -- Acheteurs désirant l'annulation des contrats et le remboursement des sommes versées -- Les faits allégués dans la requête paraissent‑ils justifier les conclusions recherchées? -- Code de procédure civile, art. 1003 -- Loi sur la protection du territoire agricole, L.Q. 1978, chap. 10.

 

    Les faits de la présente affaire sont presque identiques à ceux de l'affaire  Venne c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), [1989] 1 R.C.S. 000.  L'appelante fait partie d'un groupe de 600 acheteurs qui ont acheté de l'intimée des lots situés dans la région de St‑Hubert en vertu d'un contrat de vente type. Dans sa requête pour autorisation d'intenter un recours collectif présentée en Cour supérieure, l'appelante prétend que la Loi sur la protection du territoire agricole empêche désormais l'intimée de lui transférer la propriété des lots achetés de façon valable et opposable à la Commission de protection du territoire agricole du Québec et elle désire obtenir l'annulation des contrats signés par les membres du groupe ainsi que le remboursement des versements déjà payés à l'intimée. La Cour supérieure rejette la requête de l'appelante parce que les faits allégués ne paraissent pas "justifier les conclusions recherchées" (al. 1003b) C.p.c.) La Cour d'appel confirme le jugement.

 

    Arrêt:  Le pourvoi est accueilli.

 

    Vu l'arrêt Venne, précité, les faits exposés dans la requête pour autorisation d'intenter un recours collectif "paraissent justifier les conclusions recherchées" par cette requête.  Le dossier doit être retourné à la Cour supérieure afin qu'elle puisse déterminer si les critères des al. a), c) et d) de l'art. 1003 C.p.c. sont respectés.

 

Jurisprudence

 

    Arrêt appliqué:  Venne c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), [1989] 1 R.C.S. 000, inf. [1985] C.A. 703, conf. C.S. Mtl., no 500‑05‑009403‑823, le 16 septembre 1982.

 

Lois et règlements cités

 

Code de procédure civile, L.R.Q., chap. C‑25, art. 1003b) [aj. 1978, chap. 8, art. 3].

 

Loi sur la protection du territoire agricole, L.Q. 1978, chap. 10, art. 1.3 [mod. 1982, chap. 40, art. 1].

 

    POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec[1], qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure[2], qui avait rejeté la requête de l'appelante demandant l'autorisation d'exercer un recours collectif.  Pourvoi accueilli.

 

    André Johnson et René Delorme, pour l'appelante.

 

    Robert Dulude, c.r., pour l'intimée.

 

//Le juge Beetz//

 

    Le jugement de la Cour a été rendu par

 

    LE JUGE BEETZ  -- Il s'agit d'une requête pour autorisation d'intenter un recours collectif (art. 1003 C.p.c.) au nom de toutes les personnes qui ont acheté de l'intimée des lots inclus dans une "région agricole désignée" suite à l'adoption de la Loi sur la protection du territoire agricole, L.Q. 1978, chap. 10 (la Loi), et pour lesquels aucun transfert de propriété n'a eu lieu avant la date lors de laquelle la Loi a pris effet.  L'appelante prétend que la Loi empêche l'intimée de lui transférer la propriété des lots achetés de façon valable et opposable à la Commission de protection du territoire agricole du Québec et elle désire obtenir l'annulation des contrats signés par les membres du groupe qu'elle désire représenter ainsi que le remboursement des versements déjà payés à l'intimée.

 

    Les faits de la présente affaire sont presque identiques à ceux de l'affaire Venne c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), [1989] 1 R.C.S. 000, dans laquelle jugement est rendu ce jour.  L'appelante fait partie en effet d'un groupe de 600 acheteurs qui, tout comme M. Venne, ont acheté de l'intimée des lots situés dans la région de la municipalité de St-Hubert en vertu d'un contrat de vente type intitulé "Contract for Deed".  Tout comme M. Venne, l'appelante et les personnes qu'elle désire représenter n'avaient pas encore obtenu le transfert de  propriété pour les lots qu'elles avaient achetés au moment où la Loi a pris effet.  Je me réfère donc à l'énoncé des faits dans cet autre arrêt.

 

    Les conclusions recherchées par M. Venne, qui a maintenant obtenu un transfert, mais un transfert annulable, sont l'antithèse des conclusions recherchées par l'appelante.  Cependant, le juge Vaillancourt a rendu jugement dans l'affaire Venne c. Commission de protection du territoire agricole du Québec, C.S. Mtl., no 500-05-009403-823, le 16 septembre 1982, avant que le juge Provost ne puisse rendre le sien dans la présente affaire.  Le juge Provost s'est senti lié par la décision du juge Vaillancourt qui est d'avis que Winzen Land Corporation Ltd. pouvait transférer la propriété des lots vendus à M. Venne sans enfreindre la Loi.  La requête de l'appelante a donc été rejetée parce que les faits allégués ne paraissent pas justifier les conclusions recherchées (al. 1003b) C.p.c.)  Le juge Provost ne s'est pas penché sur les autres critères énoncés à l'art. 1003 C.p.c.  Par la suite, la Cour d'appel a rejeté le pourvoi de l'appelante en invoquant les motifs de son arrêt dans l'affaire Commission de protection du territoire agricole du Québec c. Venne, [1985] C.A. 703.

 

    À la demande de la Cour, les deux parties ont produit chacune un mémoire supplémentaire relatif à une modification apportée à la Loi le 1er juillet 1982.  Deux mots ont été ajoutés à la définition législative de l'"aliénation" que l'on trouve au par. 1.3o de la Loi:

 

"aliénation": tout acte translatif ou déclaratif de propriété . . . [Je souligne.]

 

    Les deux parties s'accordent à dire, pour des raisons différentes, que la modification de 1982 n'affecte pas le sort du litige.  C'est également mon avis.

 

    Pour les motifs énoncés dans l'affaire Venne c. Québec (Commission de protection du territoire agricole), précitée, je suis d'avis que les faits exposés dans la requête pour autorisation d'intenter un recours collectif "paraissent justifier les conclusions recherchées" par cette requête.  J'accueillerais donc le pourvoi, j'infirmerais l'arrêt de la Cour d'appel et le jugement de la Cour supérieure, et je retournerais le dossier en Cour supérieure afin qu'elle puisse déterminer si les critères des al. a), c) et d) de l'art. 1003 C.p.c. sont respectés; le tout, avec dépens dans toutes les cours.

 

    Pourvoi accueilli avec dépens.

 

    Procureurs de l'appelante:  Stein, Monast, Pratte & Marseille, Québec.

 

    Procureurs de l'intimée:  Poliquin, Coutu, Bernier, Montréal.

 



     * Le juge Le Dain n'a pas pris part au jugement.

     [1] C.A. Mtl., no 500-09-001549-823, le 11 novembre 1985.

     [2] C.S. Mtl., no 500-06-000007-829, le 5 novembre 1982.

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