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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : R. c. Awer, 2017 CSC 2, [2017] 1 R.C.S. 83

Appel entendu: 17 janvier 2017

Jugement rendu : 17 janvier 2017

Dossiers : 37021

 

 

Entre :

Nihal Awer

Appelant

 

et

 

Sa Majesté la Reine

Intimée

 

 

 

Traduction française officielle

 

Coram : Les juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Brown et Rowe

Motifs de jugement :

(par. 1 à 8)

Le juge Moldaver (avec l’accord des juges Karakatsanis, Wagner, Brown et Rowe)

 

 

 

 

 


R. c. Awer, 2017 CSC 2, [2017] 1 R.C.S. 83

 

 

 

Nihal Awer                                                                                                        Appelant

c.

Sa Majesté la Reine                                                                                           Intimée

 

Répertorié : R. c. Awer

 

 

 

2017 CSC 2

 

 

 

No du greffe : 37021.

 

 

 

2017 : 17 janvier.

 

 

 

Présents : Les juges Moldaver, Karakatsanis, Wagner, Brown et Rowe.

 

 

 

en appel de la cour d’appel de l’alberta

 

 

                    Droit criminel — Agression sexuelle — Preuve — Preuve d’expert — Analyse génétique —Témoignages des experts en ADN de la Couronne et de la défense soumis de manière injustifiée par le juge du procès à des degrés fondamentalement différents d’examen — Déclaration de culpabilité écartée et nouveau procès ordonné.

 

Jurisprudence

 

                    Distinction d’avec l’arrêt : R. c. Sekhon, 2014 CSC 15, [2014] 1 R.C.S. 272.

 

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (les juges Berger, Watson et Schutz), 2016 ABCA 128, 37 Alta. L.R. (6th) 62, 29 C.R. (7th) 118, [2016] 9 W.W.R. 458, [2016] A.J. No. 457 (QL), 2016 CarswellAlta 827 (WL Can.), qui a confirmé la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle prononcée contre l’accusé. Pourvoi accueilli.

 

                    Nathan J. Whitling et Amy Lind, pour l’appelant.

 

                    Troy Couillard, pour l’intimée.

                    Version française du jugement de la Cour rendu oralement par

[1]                              Le juge Moldaver — Notre Cour est saisie du présent appel de plein droit, qui vise un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta dans lequel celle-ci a conclu, à la majorité, qu’aucune raison ne justifiait d’infirmer la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle prononcée contre l’appelant. Dissident, le juge Berger aurait pour sa part annulé la déclaration de culpabilité de l’appelant et ordonné un nouveau procès.

[2]                              Comme nous concluons qu’il y a lieu d’ordonner la tenue d’un nouveau procès, il n’est pas nécessaire que nous décidions de manière définitive si l’opinion contestée qu’a fournie l’expert en ADN de la Couronne relativement à la source de l’ADN de la plaignante qui a été trouvé sur le pénis de l’appelant était ou non admissible. Si l’on tente de présenter cette preuve lors du nouveau procès, un voir dire pourrait alors être requis afin de déterminer si elle est suffisamment fiable pour justifier sa réception. Il est concevable que cet élément puisse constituer, selon l’expérience de l’expert, une preuve circonstancielle dont pourrait raisonnablement être tirée une inférence relativement à l’origine de l’ADN de la plaignante. Inversement, le voir dire pourrait révéler qu’il s’agit seulement d’une preuve purement conjecturale, ne possédant que peu ou pas de fondement scientifique. Quoi qu’il en soit, je souligne qu’il s’agit d’une preuve qualitativement différente de celle qui était contestée dans R. c. Sekhon, 2014 CSC 15, [2014] 1 R.C.S. 272, où une logique défectueuse, dénuée de toute valeur probante, avait été appliquée pour inférer l’état d’esprit de personnes transportant de grandes quantités de drogues illicites alors qu’elles franchissaient la frontière canado-américaine.

[3]                              En l’espèce, à supposer que l’opinion de l’expert en ADN de la Couronne ait été admissible, l’expert de la défense en la matière l’a contestée, lui reprochant de reposer sur des conjectures et d’être dépourvue de toute assise scientifique. De prime abord, rien ne permettait de dire si cette opinion était de nature conjecturale, scientifique ou à mi-chemin entre les deux — et l’avocat de la défense n’a pas exploré cet aspect en contre-interrogatoire.

[4]                              Malheureusement, bien que ni l’avocat de la Couronne ni celui de la défense n’aient fait état de la preuve contestée dans leurs plaidoiries, la juge de première instance l’a acceptée d’emblée, sans la soumettre à un examen minutieux, et elle l’a invoquée comme élément de preuve important lorsqu’elle a conclu à la culpabilité de l’appelant.

[5]                              En revanche, elle a assujetti à un examen minutieux la déposition de l’expert en ADN de la défense, qui a témoigné que l’opinion contestée reposait sur des conjectures et était dépourvue de toute assise scientifique.

[6]                              À notre avis, le degré fondamentalement différent d’examen auquel ont été soumis les témoignages des deux experts — absence d’examen dans le cas de l’expert de la Couronne et examen minutieux dans le cas de l’expert de la défense — était injustifié, et cette situation a eu pour effet de déplacer le fardeau de la preuve sur les épaules de l’appelant.

[7]                              Dans ces circonstances, nous sommes dans l’obligation d’écarter la déclaration de culpabilité et d’ordonner un nouveau procès.  Tout en concluant ainsi, nous tenons à souligner que la Couronne n’a pas demandé que nous appliquions la disposition réparatrice. À tout événement, vu l’importance qu’a accordée la juge du procès à la preuve contestée en concluant à la culpabilité de l’appelant, il nous est impossible d’affirmer que le verdict aurait nécessairement été le même si elle ne lui avait pas accordé cette importance.

[8]                              En conséquence, nous sommes d’avis d’accueillir l’appel, d’écarter la déclaration de culpabilité et d’ordonner un nouveau procès.

                    Jugement en conséquence.

 

                    Procureurs de l’appelant : Beresh Aloneissi O’Neill Hurley O’Keefe Millsap, Edmonton.

 

                    Procureur de l’intimée : Ministère de la Justice de l’Alberta, Edmonton.

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