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COUR SUPRÊME DU CANADA

 

Référence : R. c. G.T.D., 2018 CSC 7, [2018] 1 R.C.S. 220

Appel entendu: 14 février 2018

Jugement rendu : 14 février 2018

Dossiers : 37756

 

 

Entre :

G.T.D.

Appelant

 

et

 

Sa Majesté la Reine

Intimée

 

 

 

 

Traduction française officielle

 

Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Côté, Brown et Martin

 

Motifs de jugement :

(par. 1 à 6)

Le juge Brown (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Côté et Martin)

 

 

 

 

 


R. c. G.T.D., 2018 CSC 7, [2018] 1 R.C.S. 220

 

 

 

G.T.D.                                                                                                               Appelant

c.

Sa Majesté la Reine                                                                                           Intimée

 

 

 

Répertorié : R. c. G.T.D.

 

 

 

2018 CSC 7

 

 

 

No du greffe : 37756.

 

 

 

2018 : 14 février[*].

 

 

 

Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Côté, Brown et Martin.

 

 

 

en appel de la cour d’appel de l’alberta

 

                    Droit constitutionnel — Charte des droits — Droit à l’assistance d’un avocat — Réparation — Exclusion d’éléments de preuve — Formulation par les policiers de leur mise en garde habituelle après la revendication par l’accusé de son droit à l’assistance d’un avocat — Déclaration incriminante soutirée à l’accusé par l’effet du libellé de la mise en garde — Refus de la juge du procès d’exclure les éléments de preuve recueillis par suite de la déclaration et accusé déclaré coupable d’agression sexuelle — Décision de la Cour d’appel concluant que le droit à l’assistance d’un avocat garanti à l’accusé par la Charte a été violé, mais que les éléments de preuve ne devaient pas être exclus — Mise en garde habituelle contrevenant à l’obligation des policiers de surseoir à l’enquête et au droit à l’assistance d’un avocat — Exclusion des éléments de preuve justifiée en raison de la violation — Tenue d’un nouveau procès ordonnée — Charte canadienne des droits et libertés, art. 10b) , 24(2) .

 

Jurisprudence

                    Arrêts mentionnés : R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353; R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236; R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621.

 

Lois et règlements cités

Charte canadienne des droits et libertés , art. 10 b ) , 24(2) .

 

                    POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (les juges Slatter, Veldhuis et Schutz), 2017 ABCA 274, 40 C.R. (7th) 25, 57 Alta. L.R. (6th) 213, [2017] A.J. No. 879 (QL), 2017 CarswellAlta 1549 (WL Can.), qui a confirmé la déclaration de culpabilité pour agression sexuelle prononcée contre l’accusé. Pourvoi accueilli, le juge en chef Wagner est dissident.

 

                    Ian Runkle, pour l’appelant.

 

                    Jason R. Russell, pour l’intimée.

 

                    Version française du jugement de la Cour rendu oralement par

[1]                              Le juge Brown — G.T.D. a été déclaré coupable d’agression sexuelle à l’endroit d’une ancienne partenaire intime et il fait appel de plein droit sur la base d’une dissidence en Cour d’appel de l’Alberta. La juge dissidente aurait ordonné un nouveau procès au motif que la façon dont le Service de police d’Edmonton a donné sa mise en garde habituelle a violé le droit à l’assistance d’un avocat garanti à G.T.D. par l’al. 10 b )  de la Charte canadienne des droits et libertés , et que la déclaration inculpatoire qu’il a ensuite faite en réponse à la mise en garde devrait être écartée aux termes du par. 24(2)  de la Charte , selon l’analyse énoncée dans l’arrêt R. c. Grant, 2009 CSC 32, [2009] 2 R.C.S. 353. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont reconnu qu’il y avait eu violation du droit de G.T.D. à l’assistance d’un avocat, mais ont rejeté l’appel au motif que la déclaration ne devait pas être exclue.

[2]                              Suivant le droit à l’assistance d’un avocat garanti à une personne détenue par l’al. 10 b )  de la Charte , les policiers sont obligés, « jusqu’à ce que cette personne ait eu une possibilité raisonnable de communiquer avec un avocat, [. . .] de “surseoir” à toute mesure ayant pour objet de lui soutirer des éléments de preuve de nature incriminante »  (R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236, p. 269). Le premier point litigieux en l’espèce consiste à décider si la question [traduction] « Souhaitez-vous dire quelque chose? », posée à la fin de la mise en garde habituelle du Service de police d’Edmonton, alors que G.T.D. avait déjà invoqué son droit à l’assistance d’un avocat, a constitué une violation de cette obligation « de surseoir à l’enquête ». Nous sommes tous d’avis que oui, car elle a donné lieu à une déclaration de la part de G.T.D.

[3]                              L’autre point litigieux consiste à décider si cette violation justifie l’exclusion de la déclaration de G.T.D. en application du par. 24(2)  de la Charte . La Cour, à la majorité, répond par l’affirmative, appuyant pour l’essentiel sa décision sur les motifs de la juge Veldhuis de la Cour d’appel. Comme l’indique cette dernière au par. 83 de ses motifs, la Couronne a eu amplement l’occasion de présenter d’autres éléments de preuve sur les politiques ou la formation au sein du Service de police d’Edmonton, mais elle a décidé de ne pas le faire. Par conséquent, les juges majoritaires accueilleraient l’appel et ordonneraient la tenue d’un nouveau procès.

[4]                              Le juge en chef rejetterait l’appel au motif que la violation ne justifie pas l’exclusion de la déclaration de G.T.D. L’appelant a plaidé que le recours à la question « Souhaitez-vous dire quelque chose? » dans la mise en garde habituelle se traduit par une situation de violations systémiques de la Charte . Bien qu’une telle situation puisse exacerber la gravité de la conduite attentatoire de l’État, le juge en chef est d’avis que, dans la présente affaire, la situation n’a impliqué ni violation de règles bien établies ni négligence dans la détermination de ce que ces règles imposaient. L’obligation « de surseoir à l’enquête » est elle-même bien établie.

[5]                              Compte tenu des circonstances, la réponse à la question de savoir si cette forme de mise en garde respecte ou non la portée de l’obligation « de surseoir à l’enquête » n’était pas, de l’avis du juge en chef, suffisamment claire pour permettre de conclure que l’erreur des policiers, indépendamment de son caractère systémique, était déraisonnable ou dénuée de bonne foi. Selon lui, nous ne sommes pas non plus en présence d’un cas où les policiers ont irrégulièrement choisi « le moyen le moins compliqué lorsque [la Charte  comportait] une zone grise » (R. c. Fearon, 2014 CSC 77, [2014] 3 R.C.S. 621, par. 94).

[6]                              Le juge en chef conclut que le fait que la question avait été accompagnée de renseignements clairs relativement au choix de G.T.D. de parler ou non aux policiers avait atténué à tel point l’incidence de la conduite de l’État sur le droit garanti par la Charte de l’accusé que, au regard de la gravité de la violation et de l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée sur le fond, l’admission de la déclaration ne serait pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

                    Jugement en conséquence.

                    Procureurs de l’appelant : Runkle Law, Edmonton.

                    Procureur de l’intimée : Alberta Justice and Solicitor General, Appeals, Education & Prosecution Policy Branch, Edmonton.



[*]   Un jugement formel a été rendu le 19 février 2018 et révisé le 6 avril 2018 pour modifier la version française des par. 2, 4 et 5. Les modifications ont été incorporées dans le présent jugement.

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